Fanfiction Leiftan - Lying Trust

38ème Souvenir

- ... Tu es sûr de la véracité de ces informations ?

Ashkore releva la tête vers Leiftan, toujours silencieux.

Il tenait encore la dernière missive entre ses mains, la tête basse, sans doute pour cacher au mieux son expression. De toute façon, dans la pénombre, il ne pouvait pas distinguer clairement les traits de son visage : il ne pouvait que deviner, spéculer, supposer, que son allié était bien plus affecté par la dernière nouvelle que ce qu'il voulait bien en laisser paraître.
Lui qui, depuis toujours, n'avait jamais exprimé la moindre émotion sincère, si calculateur, si réfléchi, si froid, un Daemon bon sang, était devenu étonnamment faillible, bien trop rapidement, et pour la pire raison qui soit... Ca le répugnait presque.
Bien malgré lui, il devait reconnaître que Leiftan était presque devenu une sorte de modèle pour lui, de part sa cruauté maitrisée, son esprit manipulateur, sa force dévastatrice et, bien sûr, parce qu'il lui offrait de réaliser ce dont il rêvait depuis qu'il avait réussi à gagner quelques années d'existence supplémentaires.

Et, sans trop savoir pourquoi, le souvenir de leur première rencontre lui revint immédiatement en mémoire.

En un instant, il fut propulsé plusieurs années en arrière...

C'était il y a plus de cinq ans.

A cette époque-là, Ashkore était encore un pion insignifiant entre les mains de la Garde Obsidienne.

Un élément perturbateur, tumultueux, teigneux, intrépide, bref : un boulet. Une vraie tête brûlée. Il savait tout des rumeurs, il savait les reproches qui se faisaient dans son dos, il savait que Yonuki s'inquiétait à son sujet lorsqu'il le surprenait en train d'espionner les dissections menées par l'Absynthe par pur plaisir, il savait qu'on se plaignait de ses farces grotesques et parfois douloureuses, il savait, mais il s'en foutait complètement, parce qu'il était entouré, et surtout protégé par...
- ... Lance !

Ashkore se retourna en entendant Elryk, accroupi juste à côté de lui, crier d'une voix étranglée le nom de son chef :
- Qu'est-ce que vous fichez encore, tous les deux ?

Le chef de l'Obsidienne, un grand soldat à la peau basanée et aux courts cheveux blancs s'avança vers eux, un tendre sourire aux lèvres : immédiatement, Ashkore rangea précipitamment au fond de son sac la lame qu'il avait "emprunté" à la forge plus tôt dans la matinée, un magnifique poignard orné de pierres rouges qui lui avait fait de l'oeil et qu'il avait piqué allègrement - sans demander la permission bien sûr - tandis qu'Elryk s'appliquait à détourner l'attention du nouveau venu :
- Mais rien, roh ! T'arrêtes jamais de voir le mal partout ?
Lance pencha la tête sur le côté, pas dupe, mais souriant toujours :
- Ashkore, rends-moi le poignard.
... Putain...
- T'abuses, Lance. J'ai même pas eu le temps de l'essayer.
- Et... sur quoi tu comptais "l'essayer", au juste? Sur cette pauvre bête ? répliqua le chef de l'Obsidienne en esquissant un léger mouvement de la tête en direction du corko qu'Elryk tentait tant bien que mal de dissimuler.
- Ca va, c'est qu'un corko... marmonna l'intéressé en relâchant la bestiole, qui gesticulait trop entre ses doigts.

Lance soupira longuement avant de s'avancer vers eux, les mains sur les hanches.
Ca sent le sermon...

Ashkore leva discrètement les yeux au ciel, fatigué d'avance par le discours moralisateur qu'allait lui tenir son supérieur et dont il avait l'habitude : lui et son frère Valkyon étaient vraiment des plaies, d'un calme transparent, qui les rendaient l'un comme l'autre aussi ennuyeux qu'un cours d'histoire avec Keroshane.

Mais... Malgré cela, il devait reconnaître bien apprécier Lance.

Parce que quand il se foutait dans un merdier pas possible - ce qui arrivait souvent - il était le seul à prendre sa défense, là où tous les autres lui tombaient dessus avec véhémence, profitant du moindre prétexte pour l'accuser de tous les torts.
C'était si facile de lui coller l'étiquette du détraqué...
- Ashkore, Elryk... Vous allez bientôt avoir dix-huit ans. Vous ne croyez pas qu'il serait temps de laisser tomber ce genre d'activités? commença-t-il, un doux sourire aux lèvres.
Il s'énerve jamais... C'est pas marrant.
- L'un d'entre vous est bien placé pour me succéder en tant que chef de l'Obsidienne, et il serait grand temps que vous vous rendiez compte, l'un comme l'autre, des responsabilités que cela implique.
- Ca m'intéresse pas, le coupa Ashkore esquissant un mouvement pour lui tourner le dos, que Lance interrompit en posant une main sur son épaule avant de poursuivre :
- ... J'ai bien l'impression, d'après ce que j'entends dire dans les couloirs et d'après ce que je viens de voir à l'instant, que vous n'attribuez pas suffisamment de valeur à la vie sous toutes ses formes.
- Tu parles des pimpels... ? Parce que promis, j'avais pas du tout prévu qu'ils se fassent bouffer par mon globulosaurus ! se défendit Elryk en levant ses mains au ciel.
- Mais ferme là, El', marmonna Ashkore en lui flanquant un coup de coude, furieux face au manque de tact de son ami.
Ce dernier tourna ses effrayantes pupilles bleu ciel dans sa direction :
- T'as un problème, Ash ? Tu veux que je refasse le tour du QG à poil en chantant avec ton visage ?
- Tu m'avais eu par surprise ce jour là, je dormais enfoiré !! s'énerva l'intéressé en sentant le rouge lui monter aux joues.