Fanfiction Leiftan - Lying Trust

36ème Souvenir

Ce n'était pourtant pas la première fois que Leiftan faisait l'amour à une femme.

Quand sa famille avait été injustement trucidée, il y a bientôt plus de quatre siècles maintenant, il s'était longtemps retrouvé seul, des années, puis des décennies, survivant uniquement grâce à sa nature d'Aengel.

Il était déjà mort plus d'une fois : de froid, de faim, de solitude...
Mais le pire restait l'omniprésent sentiment de culpabilité.

Dans les moments les plus difficiles, la souffrance était telle qu'il en perdait parfois connaissance : mais, sans exception, il revenait encore et toujours à la vie, la même douleur vrillée au creux de son ventre et de sa poitrine, condamné à cette tragique existence par sa propre immortalité.

Comme Sisyphe poussant sa roue, Leiftan aurait pû errer encore quelques siècles de plus ainsi, à se laisser mourir, si une autre motivation ne lui avait pas fait changer de voie : la vengeance.

Retrouver la trace de ceux qui avaient détruit sa vie n'avait pas été une mince affaire, et il avait dû se salir les mains plus d'une fois pour obtenir des informations sur les coupables. Mais même après ça, il était encore loin du compte : gagner sa place dans une société où l'on ne tolérait ni les anomalies, ni les orphelins, était d'une indéniable complexité... Il avait pourtant su se montrer plus robuste, plus impitoyable, plus froid que tous les autres et, lorsqu'il atteignit ses quinze ans, il comprit qu'il pouvait se servir du sexe comme d'une arme.

Les amantes s'étaient enchainées au même rythme que les meurtres et les trahisons et, au fur et à mesure, il avait grimpé le long de la pyramide sociale, par le sang et par les larmes, disparaissant et réapparaissant quand bon lui semblait, jusqu'à ce que tous les jetons se mettent en place, jusqu'à ce qu'il parvienne à se créer une identité de toutes pièces, et jusqu'à ce qu'il rencontre Ashkore, le chaînon manquant qui lui permettrait d'intégrer la Garde d'Eel.

Oui, il n'avait pas hésité à faire usage des femmes pour atteindre le sommet, ces frêles et pathétiques créatures qui se laissaient séduire par quelques mièvres paroles de sa part et qui, une fois devenues dépendantes de ses caresses, lui obéissaient par la suite au doigt et à l'oeil jusqu'à ce qu'il s'en débarrasse. Entre ses mains, elles n'étaient rien d'autres que de simples outils, parmi les tant d'autres qu'il avait à sa disposition.

Alors pourquoi est-ce différent... ?

Il se posa une énième fois la question, tout en continuant à se perdre dans la contemplation d'Adelayd, paisiblement assoupie dans son lit.

Il faut dire qu'il ne l'avait pas vraiment ménagée sur la plage, et lui-même avait dû faire preuve d'une étonnante maîtrise de soi pour ne pas se soumettre aux pulsions de son corps, qui n'avait eu de cesse d'exiger de lui qu'il en finisse au plus vite... Sans oublier la cruelle torture que lui avait infligé son sang d'Aengel, en l'obligeant à enfouir profondément ses deux bras dans le sable pendant l'acte pour se retenir de trop la toucher alors qu'il en crevait d'envie, de peur de lui faire du mal.

Il aurait été incapable de dire combien de temps ils étaient restés ainsi, enlacés sur la plage, si l'aube n'avait pas menacée de les révéler au grand jour, et il avait alors fait le choix discutable de porter la jeune fille à moitié endormie jusque dans sa chambre, profitant du départ des invités et du groggisme général pour s'infiltrer dans le corridor des Gardes sans être vu par quiconque.

Il savait qu'il aurait été plus raisonnable de la ramener dans ses quartiers, mais il en avait été incapable.

Même endormie, il voulait qu'elle reste près de lui le plus longtemps possible, et lui-même n'avait pas pu fermer l'oeil, fasciné par l'expression paisible de la jeune fille, et par le rythme régulier de sa poitrine se soulevant quand elle dormait.