Le crépuscule des Veilleurs

By Lynkha3

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1534. La Renaissance, début d'une ère. La science prend son envol, l'art italien fascine l'Europe, un parfum... More

Prologue
1. La foire de Canterbury (1/3)
1. La foire de Canterbury (2/3)
1. La foire de Canterbury (3/3)
2. Guerres de religion (1/3)
2. Guerres de religion (2/3)
2. Guerres de religion (3/3)
3. Leçons de comédie (1/3)
3. Leçons de comédie (2/3)
3. Leçons de comédie (3/3)
4. Une antique coupe en bois (1/3)
4. Une antique coupe en bois (2/3)
4. Une antique coupe en bois (3/3)
5. Hieronymus (1/2)
5. Hieronymus (2/2)
6. Du fond des siècles (1/2)
6. Du fond des siècles (2/2)
7. Emportés par les flots (1/2)
7. Emportés par les flots (2/2)
8. Le poids des conséquences (1/2)
8. Le poids des conséquences (2/2)
9. De l'Autre Côté (1/2)
9. De l'Autre Côté (2/2)
10. Les choix des spriggans (1/2)
10. Les choix des spriggans (2/2)
11. Trois fleurs de lys (1/2)
11. Trois fleurs de lys (2/2)
12. Tempête (1/3)
12. Tempête (2/3)
12. Tempête (3/3)
13. Suspicions (2/2)
14. Unis pour une quête (1/3)
14. Unis pour une quête (2/3)
14. Unis pour une quête (3/3)
15. Nobles lignées (1/3)
15. Nobles lignées (2/3)
15. Nobles lignées (3/3)
16. Histoires anciennes (1/2)
16. Histoires anciennes (2/2)
17. Visite parisienne (1/2)
17. Visite parisienne (2/2)
18. La prévenance d'une sœur (1/3)
18. La prévenance d'une sœur (2/3)
18. La prévenance d'une sœur (3/3)
19. Un être cher, sacrifié ? (1/3)
19. Un être cher, sacrifié ? (2/3)
19. Un être cher, sacrifié ? (3/3)
20. Le chasseur (1/2)
20. Le chasseur (2/2)
21. Un mort en sursis (1/2)
21. Un mort en sursis (2/2)
22. Les sept reliques (1/4)
22. Les sept reliques (2/4)
22. Les sept reliques (3/4)
22. Les sept reliques (4/4)
23. La cruelle loi du choix (1/3)
23. La cruelle loi du choix (2/3)
23. La cruelle loi du choix (3/3)
24. Une simple croix d'argent (1/3)
24. Une simple croix d'argent (2/3)
24. Une simple croix d'argent (3/3)
25. Le souffle de Dieu (1/3)
25. Le souffle de Dieu (2/3)
25. Le souffle de Dieu (3/3)
26. Le cavalier pâle (1/2)
26. Le cavalier pâle (2/2)
27. Les filets du passé (1/3)
27. Les filets du passé (2/3)
27. Les filets du passé (3/3)
28. Un secret, révélé ? (1/3)
28. Un secret, révélé ? (2/3)
28. Un secret, révélé ? (3/3)
29. Le revers de la médaille (1/3)
29. Le revers de la médaille (2/3)
29. Le revers de la médaille (3/3)
30. Un funeste cadeau (1/3)
30. Un funeste cadeau (2/3)
30. Un funeste cadeau (3/3)
31. Des voix dans le noir (1/3)
31. Des voix dans le noir (2/3)
31. Des voix dans le noir (3/3)
32. Double jeu (1/2)
32. Double jeu (2/2)
33. Jeux de masques (1/2)
33. Jeux de masques (2/2)
34. Le prix du sang (1/3)
34. Le prix du sang (2/3)
34. Le prix du sang (3/3)
35. Plan de bataille (1/4)
35. Plan de bataille (2/4)
35. Plan de bataille (3/4)
35. Plan de bataille (4/4)
36. Mensonges et trahisons (1/2)
36. Mensonges et trahisons (2/2)
37. Le Nouvel Éveil (1/4)
37. Le Nouvel Éveil (2/4)
37. Le Nouvel Éveil (3/4)
37. Le Nouvel Éveil (4/4)
38. Le crépuscule des Veilleurs (1/3)
38. Le crépuscule des Veilleurs (2/3)
38. Le crépuscule des Veilleurs (3/3)
39. L'or du roi (1/3)
39. L'or du roi (2/3)
39. L'or du roi (3/3)
40. L'honneur est sauf (1/3)
40. L'honneur est sauf (2/3)
40. L'honneur est sauf (3/3)
Épilogue
Postface
Personnages
La Dolce Vita
Ressources
Concours/critiques

13. Suspicions (1/2)

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By Lynkha3

Après avoir enfilé des habits secs, nous nous réunissons dans la cabine du capitaine pour discuter à l'écart des oreilles indiscrètes. Je suis rassuré de retrouver Guy debout, indemne. Geiléis en profite pour inspecter sa cicatrice.

— Vous avez de la chance que l'eau des faés ait fait du bon travail. La plaie ne s'est pas rouverte. Mais vous devez absolument laisser votre bras se reposer. Je veux que vous promettiez de ne rien porter de lourd, de ne pas faire de mouvements brusques, bref de rester tranquille... dans la mesure du possible.

Elle ne le quitte pas des yeux, en attente d'une réponse de sa part. Le Français se dégage d'un geste un peu abrupt et renfile son pourpoint.

— Oui, oui, c'est bon, j'ai compris ! bougonne-t-il.

La jeune femme nous prend à témoin.

— Et je compte sur vous pour l'aider à tenir cette promesse !

Nous acquiesçons en élèves disciplinés devant son regard sévère. Geiléis se relève et lisse sa robe avec une moue satisfaite.

Une humeur aussi sombre et tumultueuse que l'orage passé plombe les esprits. Mes pensées se focalisent sur nos ennemis, sûrement toujours sur nos traces. João tourne en rond dans la minuscule cabine. La tête penchée, il vrille l'extrémité de sa moustache tout en réfléchissant.

— Nous avons gagné un répit, mais je ne comprends pas comment nos poursuivants ont pu fondre sur nous si vite. Lorsque nous avons quitté Douvres, le chébec était encore amarré au quai. Pourquoi s'est-il lancé à nos trousses ?

— Le capitaine a sûrement bavardé un peu trop dans les tavernes hier soir, suggère Fabrizio avec un grondement réprobateur. Il a empoché une belle somme et tu as dit toi-même qu'il avait quelques pintes de bière derrière lui quand vous avez négocié.

João s'arrête net et secoue la tête.

— C'est possible, mais cela n'a pas de sens ! Si nos ennemis ne se sont mis à notre recherche que ce matin, ils n'avaient aucune raison de prêter attention aux vantardises d'un capitaine marchand la veille. S'ils nous recherchaient déjà hier soir, pourquoi ne nous attendaient-ils pas de pied ferme à l'aube sur les quais ?

Je suis frappé par la justesse de raisonnement du Portugais. Il révèle un mystère auquel je n'avais pas songé.

— Effectivement, vu qu'il n'y avait pas de comité d'accueil sur le ponton, l'équipage du chébec n'a dû être alerté qu'après notre départ, soit par un messager, soit par fra' Torque lui-même, s'il est en vie, conclut Guy en joignant les mains sous son nez aquilin.

— Donc l'Écume de Mer quitte le port, reprend João, sourcils froncés sur une intense réflexion, et disons que le chevalier débouche sur le quai à cet instant. Comment diable sait-il que nous sommes dans le bateau qui s'éloigne vers la haute mer !

Il frappe du poing dans sa main pour souligner son irritation et nous dévisage l'un après l'autre. Nous échangeons des regards perplexes, intrigués par cette énigme.

— Il n'y a qu'une seule réponse logique à cette question, termine Guy d'une voix blanche. Fra' Torque ou le cardinal disposent d'un moyen de nous pister.

— Et rien ne les empêche sans doute de nous repérer à nouveau, conclut João d'un ton qui sombre dans les abysses. Nous devons trouver ce qui les dirige vers nous au plus vite ! ... Ou qui !

Il coule un regard suspicieux en direction de la gardienne, en retrait de la conversation. Mon sang ne fait qu'un tour ; je m'insurge.

— Comment... comment oses-tu soupçonner Geiléis ? Elle nous a au contraire permis de leur échapper !

Le visage de João se referme et je ne parviens pas à deviner ce qu'il pense réellement. Il ne peut être sérieux dans ses accusations ! Comment envisage-t-il un seul instant que la gardienne, ou qui que ce soit d'autre parmi nous, puisse nous trahir ?

Geiléis pose une main apaisante sur mon épaule tandis que mes compagnons me dévisagent avec des degrés divers d'embarras. Je prends conscience de mes poings crispés de fureur et les relâche sur une profonde expiration.

— Je n'accuse personne, glisse João entre ses dents sans me quitter du regard.

Sur ces entrefaites, il se dirige vers la porte, sort d'un pas décidé et fonce droit vers nos chariots. Nous nous précipitons à sa suite.

— Que comptes-tu faire ? hèle Fabrizio.

Le Portugais grimpe dans la roulotte de tête et lui répond sans même se retourner :

— Fouiller nos affaires ! Nos ennemis savaient où nous logions. À n'importe quel moment, ils ont pu se faufiler dans nos carrioles, y laisser un piège, une sorte d'appeau. Plusieurs sont des Veilleurs, n'oublions pas ! Nous n'avons pas de temps à perdre. Si quelque chose attire fra' Torque sur nous, nous devons le savoir au plus vite.

— Je vais t'aider !

Guy avance d'un pas décidé et pénètre dans le chariot que je partage avec Heinrich. Saisi d'une brusque inquiétude, je réfléchis aux affaires contenues dans mon coffre. Mon médaillon pend en sécurité à mon cou ; ma rapière est restée dans la cabine du capitaine. Je laisse échapper un discret soupir de soulagement. Normalement, rien d'autre dans mes possessions n'est susceptible de me lier à ma famille.

Fabrizio glisse des coups d'œil nerveux vers le tapis vierge de la mer en se tordant les mains, puis se dirige vers la dernière carriole.

— Autant nous y mettre à plusieurs, bougonne-t-il.

J'échange un regard intrigué avec Heinrich. Il hausse les épaules devant ma question muette.

— Je ne saurais pas ce qu'il faut chercher.

— Moi non plus, soupiré-je.

Je m'assieds sur le pont, à l'écoute du concert de chaises tirées, de paillasses soulevées et de coffres grinçants.

Un juron étouffé s'élève au bout d'une bonne demi-heure de ce manège.

— Ventrebleu ! Je crois que j'ai trouvé !

Je reconnais les accents assurés de la voix de Guy.

Il ressort du chariot avec, à la main, un fin mouchoir de soie brodé. Alertés par son appel, João et Fabrizio le rejoignent aussitôt. Je m'approche à mon tour.

— Regardez cela ! Regardez... en profondeur.

Suivant ses conseils, je m'Éveille et observe les fils de la Toile autour de la fragile pièce de tissu. Au premier abord, je ne décèle rien de spécial. La trame paraît lisse et régulière, comme partout ailleurs. Puis je passe délicatement mes doigts au-dessus du mouchoir et, soudain, j'entrevois un éclat brillant. En me concentrant, je parviens à isoler un fil plus épais et plus lumineux que les autres qui jaillit des mailles du tissu. Au lieu de se perdre parmi les motifs lointains, il poursuit sa route vers le nord par-dessus la mer. Mes yeux le suivent jusqu'à l'horizon où il disparaît.

— Mazette ! s'exclame Heinrich à côté de moi. Ça ressemble à une longe gigantesque !

— Et très certainement, à l'autre bout de ce fil, se trouve une personne de notre connaissance ! complète Guy d'un ton sentencieux. Nos ennemis ont perdu notre trace quand nous avons franchi le Voile, ce qui nous a permis de leur échapper, mais ils n'ont eu aucun mal à nous retrouver dès notre sortie sur les hauteurs de Douvres.

— D'où provient ce mouchoir ? interroge João d'un ton sec.

Comme personne ne fait mine de répondre, Guy avance du bout des lèvres :

— Je l'ai déniché au milieu des habits de scène de Heinrich.

Le regard d'aigle de João fond immédiatement sur le jeune Allemand.

— Que faisait-il dans tes affaires ? questionne-t-il d'un ton suspicieux.

— Quoi ? s'insurge Heinrich, outré. Mais je n'ai jamais vu ce chiffon de ma vie !

Notre compagnon secoue la tête, véritablement écarlate d'une colère à peine contenue ; ses boucles s'envolent sous la véhémence de ses dénégations. Je ne l'avais jamais vu fâché à ce point. D'habitude, il ne se départit jamais de sa bonne humeur et vogue sur les événements avec le sourire. L'accusation implicite le blesse bien plus profondément que je n'aurais pu m'y attendre.

Guy paraît s'en rendre compte, car il intervient aussitôt d'un ton conciliant.

— Tout le monde peut commettre des erreurs. Es-tu bien certain de n'avoir pas accepté récemment un cadeau d'une jolie fille ?

— Puisque je vous dis que je ne sais pas comment ce mouchoir est arrivé là ! Vous ne me croyez pas ? crache-t-il.

Sur le pont, quelques marins se retournent et nous jettent des regards intrigués. L'indignation furibonde du jeune Allemand me paraît trop naturelle pour être feinte, même si je sais que nous sommes tous de bons acteurs.

— Je pense qu'il dit la vérité, interviens-je. Cet objet a pu être glissé dans ses affaires à son insu.

Les yeux de João se rétrécissent, Fabrizio verdit, Heinrich prend une profonde inspiration et me lance un regard reconnaissant. Guy joue avec le mouchoir en plissant le front.

— Penses-tu que l'un d'entre nous... ?

— Non, non ! réponds-je tout en réfléchissant. Je crois tout simplement que ce sont nos ennemis eux-mêmes qui l'ont déposé là.

Je passe une main dans mes cheveux hirsutes encore trempés.

— João, tu as dit que nos affaires avaient été fouillées durant notre spectacle. Rien de plus facile que de glisser ce morceau de tissu dans un de nos sacs pendant que nous étions occupés sur scène.

— Et après être rentrés au campement, continue Heinrich d'une voix déjà plus calme, Guillaume et moi sommes repartis presque immédiatement pour l'abbaye. Je n'ai pas eu le temps de mettre le nez dans mes affaires.

João lisse la pointe de sa moustache avec une petite moue, puis acquiesce du menton.

— Cela se tient. Je dois dire que je préfère de loin cette explication.

— Et moi donc ! renchérit Guy.

— Permettez que je vous débarrasse, Monseigneur ? ajoute le Portugais, sarcastique.

Sans attendre la réponse du Français, il se saisit du mouchoir et se dirige vers le bastingage d'un pas résolu. D'un geste vif, il lance le carré de soie à la mer. Celui-ci flotte un instant, tel un fragile esquif, avant de s'enfoncer sous les flots.

— Que ce maudit Torque aille donc nous chercher au fond des eaux !

*  *  *

La tempête nous a largement déportés et nous rejoignons les côtes de France bien plus au nord que prévu. L'Écume de Mer longe le littoral, croise au large de Calais. Nous nous abritons au mouillage pour passer la nuit et offrir un peu de repos à l'équipage, avant de reprendre notre route au matin, pour arriver en vue de Dieppe le 7 mai, un peu avant sexte.

Le temps chagrin tapisse le ciel de gris et un fin crachin pénétrant tombe depuis l'aube, mais la mer reste généreusement calme. Nous sommes accueillis par le piaillement des mouettes attirées par la proximité du port. En bordure de la plage de sable, une longue muraille protège les habitations à la fois d'une flotte ennemie et des puissants rouleaux des tempêtes. À son extrémité, une importante rivière se jette dans la baie. Le havre, niché au creux d'un large coude, profite de cet abri naturel contre les vagues de l'océan.

Le capitaine Rocheclair guide l'Écume de Mer dans l'embouchure et croise au pied de la haute tour de guet. Au détour de la boucle, nous découvrons les quais et leur collection de navires aussi divers que variés. J'identifie plusieurs caraques amarrées aux rangées de pontons, prêtes à recevoir leur cargaison. En retrait des docks, deux immenses caravelles dressent leurs fiers trois mâts vers le ciel. Plus loin, une dizaine de galères de guerre, lourdement armées, s'alignent comme de bons petits soldats. Et bien sûr, le port abrite de multiples voiliers, simples embarcations de pêcheurs.

Sur les indications d'un officier de la capitainerie, Rocheclair amarre son navire le long d'un emplacement disponible. Les marins ferlent les voiles, déploient la coupée. Pendant que le capitaine s'acquitte des formalités du port, nous détachons nos chariots et menons nos mules hors de la cale. Les pauvres bêtes nous braient aux oreilles, aussi nerveuses qu'effrayées. Les aider à descendre sur le quai sans encombre n'est pas une partie de plaisir et je manque de me faire arracher un doigt en tirant sur la bride de Bella.

Tout le monde retrouve la terre ferme avec soulagement. Même João, armé de son expérience maritime, semble avoir trouvé notre traversée éprouvante. Nous prenons congé de l'équipage et de son capitaine avant de nous enfoncer le long de la grande rue commerçante de Dieppe, bordée de pimpantes maisons à colombage. La joyeuse animation rend notre progression délicate et nous contraint à marcher à côté des carrioles en tenant les mules par la bride.

Geiléis nous emboîte le pas tranquillement, sans chercher à se cacher, et Fabrizio prend bien soin de l'ignorer.

*  *  *

Nous quittons la ville en début d'après-midi, après quelques achats de provisions et compléments de garde-robe. Mieux vaut ne pas nous attarder à Dieppe, nos ennemis pourraient bien débarquer sur nos talons. Une question se pose désormais : vers où diriger nos pas ?

— Rejoignons Paris, propose Guy de son habituel ton autoritaire. Nous serons plus anonymes au milieu d'une grande ville.

Malheureusement, Fabrizio ne l'entend pas de cette oreille et la suggestion du Français le pique dans son orgueil.

— La décision me revient ! Je suis encore le chef de cette troupe, il me semble !

Son regard noir passe sur chacun de nous comme pour nous défier de le contredire.

— Et si Monseigneur désire se rendre à Paris, ajoute-t-il en dardant un œil furibond au Français, il est libre de partir quand il le souhaite !

Guy se raidit sous l'affront, serre les dents et s'apprête à rétorquer vertement. João intervient à cet instant.

— Que proposes-tu, Fabrizio ?

L'Italien se lance dans les cent pas tout en ponctuant ses paroles de larges gestes.

— Nous devons nous tenir éloignés des grandes routes ! Ils vont deviner que nous avons accosté en France. Dieppe est un port d'importance. Ils nous chercheront par ici ou bien à Calais ! Il faut que nous passions par des petits villages. Nous ferons moins recette avec nos spectacles, mais nous serons plus difficiles à trouver !

— Cela me paraît sage, en effet, acquiesce João.

— En ce cas, ajouté-je, mieux vaut contourner les villes de Rouen et Amiens. En partant vers le sud-est, nous éviterons les plus gros bourgs.

— Mais nous ne pouvons pas fuir éternellement, remarque Guy en revenant à la charge. Nous devons agir ou nous serons pris tôt ou tard. Je connais à Paris des savants qui pourraient nous en apprendre plus sur la relique de Hieronymus ou le grimoire.

— Je n'ai pas envie d'en apprendre plus sur ces maudits objets ! s'exclame Fabrizio en le foudroyant du regard. Si cela ne tenait qu'à moi, nous nous en débarrasserions au plus vite !

— Par un heureux hasard, intervient João d'une voix basse et posée qui contraste avec les vociférations de notre chef, j'ai cru comprendre que le roi François pourrait s'en porter acquéreur.

Ses petits yeux scrutateurs se posent sur Guy et il taquine la pointe de sa moustache avec un sourire en coin. Le Français ne prête même pas attention à son manège. Son regard saturé d'une fureur froide fond sur moi tel un fauve sur sa proie. Épinglé sur place, je secoue la tête dans une dénégation muette, retenant mon souffle. Guy me dévisage un court instant, les lèvres pincées, puis son attention se reporte vers ses deux interlocuteurs.

— Il est vrai que les personnes dont je parlais à l'instant sont proches de Sa Majesté, reprend-il d'un ton piqué au vif. Il pourrait y avoir une solide récompense pour avoir rapporté de tels trésors.

L'intérêt de l'Italien s'éveille à ces mots. La perspective d'une rétribution sonnante et trébuchante, combinée au soulagement de se débarrasser des objets convoités par nos ennemis, sont des arguments qui font mouche. De mon côté, un sentiment d'inachèvement s'attarde entre deux pensées, sous la déception de remettre le grimoire entre des mains plus expertes.

Fabrizio conclut la discussion avec un reste de réticence.

— Entendu ! Nous irons à Paris. Mais... ajoute-t-il, doigt levé. Nous prenons des chemins détournés et évitons les grandes bourgades. Une fois dans la capitale, Guy prend contact avec les savants qu'il connaît et négocie le prix qu'ils sont prêts à offrir.

Les deux autres compères acquiescent d'un signe de tête. Fabrizio se dirige d'un pas décidé vers son chariot.

— Alors, en route ! Pas la peine de nous attarder plus longtemps !

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