13. Suspicions (1/2)

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Après avoir enfilé des habits secs, nous nous réunissons dans la cabine du capitaine pour discuter à l'écart des oreilles indiscrètes. Je suis rassuré de retrouver Guy debout, indemne. Geiléis en profite pour inspecter sa cicatrice.

— Vous avez de la chance que l'eau des faés ait fait du bon travail. La plaie ne s'est pas rouverte. Mais vous devez absolument laisser votre bras se reposer. Je veux que vous promettiez de ne rien porter de lourd, de ne pas faire de mouvements brusques, bref de rester tranquille... dans la mesure du possible.

Elle ne le quitte pas des yeux, en attente d'une réponse de sa part. Le Français se dégage d'un geste un peu abrupt et renfile son pourpoint.

— Oui, oui, c'est bon, j'ai compris ! bougonne-t-il.

La jeune femme nous prend à témoin.

— Et je compte sur vous pour l'aider à tenir cette promesse !

Nous acquiesçons en élèves disciplinés devant son regard sévère. Geiléis se relève et lisse sa robe avec une moue satisfaite.

Une humeur aussi sombre et tumultueuse que l'orage passé plombe les esprits. Mes pensées se focalisent sur nos ennemis, sûrement toujours sur nos traces. João tourne en rond dans la minuscule cabine. La tête penchée, il vrille l'extrémité de sa moustache tout en réfléchissant.

— Nous avons gagné un répit, mais je ne comprends pas comment nos poursuivants ont pu fondre sur nous si vite. Lorsque nous avons quitté Douvres, le chébec était encore amarré au quai. Pourquoi s'est-il lancé à nos trousses ?

— Le capitaine a sûrement bavardé un peu trop dans les tavernes hier soir, suggère Fabrizio avec un grondement réprobateur. Il a empoché une belle somme et tu as dit toi-même qu'il avait quelques pintes de bière derrière lui quand vous avez négocié.

João s'arrête net et secoue la tête.

— C'est possible, mais cela n'a pas de sens ! Si nos ennemis ne se sont mis à notre recherche que ce matin, ils n'avaient aucune raison de prêter attention aux vantardises d'un capitaine marchand la veille. S'ils nous recherchaient déjà hier soir, pourquoi ne nous attendaient-ils pas de pied ferme à l'aube sur les quais ?

Je suis frappé par la justesse de raisonnement du Portugais. Il révèle un mystère auquel je n'avais pas songé.

— Effectivement, vu qu'il n'y avait pas de comité d'accueil sur le ponton, l'équipage du chébec n'a dû être alerté qu'après notre départ, soit par un messager, soit par fra' Torque lui-même, s'il est en vie, conclut Guy en joignant les mains sous son nez aquilin.

— Donc l'Écume de Mer quitte le port, reprend João, sourcils froncés sur une intense réflexion, et disons que le chevalier débouche sur le quai à cet instant. Comment diable sait-il que nous sommes dans le bateau qui s'éloigne vers la haute mer !

Il frappe du poing dans sa main pour souligner son irritation et nous dévisage l'un après l'autre. Nous échangeons des regards perplexes, intrigués par cette énigme.

— Il n'y a qu'une seule réponse logique à cette question, termine Guy d'une voix blanche. Fra' Torque ou le cardinal disposent d'un moyen de nous pister.

— Et rien ne les empêche sans doute de nous repérer à nouveau, conclut João d'un ton qui sombre dans les abysses. Nous devons trouver ce qui les dirige vers nous au plus vite ! ... Ou qui !

Il coule un regard suspicieux en direction de la gardienne, en retrait de la conversation. Mon sang ne fait qu'un tour ; je m'insurge.

— Comment... comment oses-tu soupçonner Geiléis ? Elle nous a au contraire permis de leur échapper !

Le crépuscule des VeilleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant