III.
Deux mois avaient passé depuis l'attaque de Goshi et de ses sbires. Genzou était resté en convalescence durant deux semaines très éprouvantes pour Sakura et Emiko qui avaient dû essuyer sa mauvaise humeur constante. Malgré les soins prodigués par la Kunoíchi, la guérison avait été lente. Les coups que le vieil homme avait reçus avaient éprouvé son organisme et son corps fatigué. Et si Sakura avait soigné presque instantanément ses côtes cassées, c'était surtout de repos dont il avait eu besoin. Elle avait éprouvé les plus grandes difficultés à le garder alité plus de deux jours et avait fini par jeter l'éponge en lui autorisant quelques balades mais lui avait formellement interdit de s'approcher de la cuisine, provoquant ainsi des explosions de colère. Emiko avait pris sa place derrière les fourneaux tandis que Sakura s'occupait de l'entretien des chambres. Finalement, elle n'avait réussi à tenir Genzou éloigné que deux petites semaines qui avaient pourtant semblées à tous interminables. Sakura participait encore aux tâches quotidiennes et soulageait un peu les deux aubergistes. Elle veillait également à la bonne santé de chacun et faisait avaler chaque jour au vieil homme un bol de mixture qui apaisait ses douleurs et lui prodiguait un regain d'énergie. La jeune Kunoíchi avait des journées bien remplies à l'auberge entre ses tâches quotidiennes, ses recherches, le temps qu'elle consacrait à Takumi ou au maître Asaki quand celui-ci daignait la rencontrer, ses entraînements et les nombreuses attaques qu'ils essuyaient régulièrement.
La dérouillée que Sakura avait donnée à Goshi ne lui avait visiblement pas servi de leçon. En effet, une semaine plus tard, une dizaine de mercenaires débarquait à l'auberge avec pour cible la jeune femme. Goshi les avait grassement payés pour sa capture. Sakura n'avait eu aucun mal à s'en débarrasser, se contentant de leur infliger des blessures superficielles dans le but de les dissuader. Mais cela ne fonctionnait pas vraiment. Goshi n'avait pas digéré son humiliation et avait fait de la jeune femme son ennemie n°1. Dès lors, les attaques n'avaient plus cessé. Goshi avait mis sa tête à prix et les bandits ne cessaient d'affluer. La Kunoíchi éprouvait peu de difficultés à les repousser mais la situation devenait délicate pour la famille. Elle les mettait davantage en danger qu'ils ne l'étaient avant son arrivée. La notoriété de la Gardienne Sara devenait de plus en plus grande en ville et attirait des ennemis de plus en plus puissants. Cela avait commencé par de simples brigands, puis des mercenaires, et à présent des Shinobi déserteurs commençaient à s'en mêler. Ils étaient tous de niveau Genín ou Chuunín, mais le danger grandissait. Affronter Sakura était devenu une sorte de challenge. Elle qui avait promis de faire profil bas, faisait désormais bien piètre figure.
« Sara regarde ! Celle-ci a poussé ! s'émerveillait Takumi en courant à travers le potager.
- Oui, tu t'en es bien occupé Takumi, répondit-elle dans un sourire. Avec celle-ci, tu vas pouvoir préparer le remède de ton grand-père.
- Plus besoin d'aller en chercher dans la forêt !
- Allez viens, les autres ont aussi besoin d'être chouchoutées. »
Sakura regarda le petit garçon courir chercher son arrosoir avec tendresse. Elle avait planté des herbes médicinales dans le potager et Takumi s'était découvert une passion pour les plantes. Il ne cessait de la questionner sur telle ou telle variété, lui demandant son nom, ses vertus, la façon de la cultiver ou de la préparer. Depuis que Sakura lui prodiguait ses soins quotidiennement, il la suivait comme son ombre, avide de connaissances. A plusieurs reprises elle l'avait emmené avec elle dans les bois pour y cueillir les plantes médicinales dont elle avait besoin et depuis, Takumi la suppliait de l'emmener à chaque fois. Ces balades lui faisaient faire de l'exercice et renforçaient son corps frêle. Le petit garçon n'était pas encore guéri mais sa santé s'améliorait de jour en jour. Avec l'aide des connaissances de Tsunade et du maître Asaki, Sakura avait pu améliorer son processus de guérison. D'ici quelques semaines, Takumi serait complètement guéri. Sakura s'était terriblement attachée et avait trouvé en lui un élève passionné. Elle s'efforçait de lui transmettre au mieux ses connaissances des plantes médicinales et lui faisait faire un peu d'exercice chaque jour sous différentes formes pour renforcer sa condition physique.
Sakura s'essuya le front du dos de la main. Le soleil était passé de l'autre côté de la vallée et pourtant il faisait encore une chaleur suffocante. Le mois de juillet était bien entamé et avec lui venaient les grosses chaleurs de l'été. Si elle lui protégeait le crâne, sa perruque brune lui tenait affreusement chaud. Sakura avait rapidement décidé qu'il valait mieux pour elle qu'elle dissimule la couleur de ses cheveux. Elle n'avait pu cependant se résoudre à les teindre. C'était à la suite de quelques mésaventures avec certains clients de l'auberge qu'elle avait pris la décision de porter une perruque. Ses cheveux roses étaient reconnaissables, mais surtout, ils mettaient bien trop en valeur ses yeux ainsi que l'ensemble de son visage. Elle avait dû repousser de nombreuses avances et avait été forcée d'utiliser ses poings à plusieurs reprises pour se défendre. Des voyageurs parfois peu recommandables faisaient étape à l'auberge. Sa courte chevelure noire la rendait moins digne d'intérêt et on l'oubliait par conséquent plus facilement. Peu des mercenaires qui s'en étaient pris à elle avaient vu la véritable couleur de ses cheveux. De cette façon, Sara n'avait aucun lien notoire avec Haruno Sakura. Des Kunoíchi aux cheveux roses, ça ne courait pas les rues. Par chance, son sceau frontal s'était estompé avec le temps. Il représentait lui aussi la marque distinctive de Tsunade et il valait mieux qu'on ne fasse pas le rapprochement.
Cependant, Sakura avait expérimenté quelque chose de nouveau. En temps normal ce sceau frontal ponctionnait quotidiennement une petite quantité de chakra. Mais il lui faudrait trois années entières pour le remplir. C'était trop long. Grâce à ses particularités, la jeune femme parvenait à faire circuler davantage d'énergie dans ce sceau pour le remplir. Elle y consacrait des heures entières en y faisant converger de grandes quantités de chakra conservant cependant une marge de sécurité dans le cas où de nouveaux ennemis se présentaient.
Takumi accourait avec son arrosoir lorsqu'elle sentit les vibrations et entendit le faible tintement. Sakura avait installé tout un dispositif de repérage autour de la clairière dans un rayon de deux cent mètres. Si qui que ce soit pénétrait dans ce périmètre, elle en serait aussitôt alertée. Elle avait installé tout un réseau de fils de taille infime, recouverts d'une indétectable couche de chakra dans les branches des arbres. Si ceux-ci venaient à être effleurés, les vibrations se répercuteraient dans l'ensemble du périmètre et Sakura ne pourrait pas les manquer. Parfois il ne s'agissait que d'animaux mais il lui suffisait de se concentrer pour en avoir le cœur net. Elle fronça les sourcils. « Déjà ? »
« Takumi, appela-t-elle en rejoignant le garçon en deux enjambées et lui prenant l'arrosoir des mains. Il va falloir que tu rentres. »
Il la dévisagea pendant un instant.
« Ils sont revenus, c'est ça ?
- Oui », répondit-elle en lui souriant.
Elle le prit dans ses bras et courut jusqu'à l'auberge à l'autre bout de la clairière, cinquante mètres plus loin. Emiko était dehors en train de ramasser le linge. Elle n'eut pas besoin d'explications en voyant Sakura arriver à toute vitesse.
« Je reviens vite ! dit-elle en déposant Takumi. Restez à l'intérieur. »
Sans un mot de plus, elle s'élança à nouveau en direction du potager et de la remise où elle s'était installée. Elle s'empara rapidement de son katana et attacha ses Kunaí à la cuisse. Elle ne quittait jamais ses bandes d'invocation à l'intérieur de ses poignets sous une couche de bandages. Sans plus attendre, elle s'enfonça dans la forêt. Elle avait déjà perdu suffisamment de temps. Ils ne tarderaient pas à atteindre la clairière. Elle devait les intercepter et les éloigner le plus possible.
Contrairement à tous les autres jusqu'à présent, ceux-ci se montraient prudents. Ils n'avaient pas emprunté le sentier mais coupaient à travers bois. Des Shinobi, cela ne faisait aucun doute. Ils utilisaient les arbres pour se déplacer plus rapidement. Sakura se concentra. Ils étaient trois. Tous avec un important flux de chakra. Elle aurait tout intérêt à prendre ceux-là au sérieux. Elle les intercepta à moins de cinquante mètres de la clairière en s'arrêtant sur une large branche, face à eux, leur barrant la route. Les trois individus s'arrêtèrent net, Kunaí à la main. Deux d'entre eux semblaient à peine plus âgés qu'elle. Quant au troisième, elle lui estimait un âge similaire à celui de Kakashi. Celui-ci semblait être le leader à la façon dont les deux autres l'entouraient, sur le qui-vive. Sur le front de chacun d'entre eux, un bandeau arborant le symbole du village caché de la Brume, barré. « Des déserteurs ».
« Vous n'irez pas plus loin tant que vous ne m'aurez pas fait part de vos intentions, clama Sakura.
- Goshi attend ta visite avec impatience, répondit le plus vieux, un sourire cruel sur les lèvres. Suis-nous sans faire d'histoires et il se montrera peut-être clément.
- Ça tombe bien, je comptais faire un peu d'exercice. Mais je dois dire que c'est bien plus intéressant avec des cibles humaines ! »
Elle avait à peine achevé sa phrase qu'elle leur envoyait un Kunaí explosif, signalant le début des hostilités. Elle ne leur laissa pas le temps de répliquer et les contourna habilement pour s'enfoncer dans le cœur de la forêt. S'ils voulaient l'affronter, ce serait là où elle l'avait décidé. Lorsqu'elle y parvenait, Sakura attirait ses adversaires dans cette zone de combat truffée de pièges installés par ses soins.
Elle n'eut guère de mal à mettre les deux plus jeunes hors d'état de nuire. Ils étaient bien entraînés mais n'étaient pas assez puissants pour la vaincre. En revanche, le plus âgé était d'un tout autre niveau. Il s'était contenté d'observer pendant que ses deux compagnons se mesuraient à la jeune femme, analysant la situation et tentant de déceler la moindre faille. Il avait évité tous les pièges avec une agilité déconcertante. Sakura savait par avance que ce combat serait très différent des autres. Le Shinobi n'avait pas bougé le petit doigt quand elle avait blessé son premier élève puis assommé le second.
A peine avait-elle jeté à terre son second adversaire grâce à sa force brute qu'il fondit sur elle. Sakura para le coup de justesse à l'aide de son Kunaí. Son ennemi la menaçait d'une longue épée particulièrement fine. Le Kunaí de la jeune femme se fendit avant d'éclater en morceaux. Elle ne dût la vie qu'à ses réflexes. La lame lui infligea cependant une petite estafilade le long de l'avant-bras.
Sakura recula d'un bond et alla se percher sur une épaisse branche d'arbre, en hauteur. Elle allait entreprendre de soigner son bras blessé quand le Shinobi fondit à nouveau sur elle, ne le lui en laissant pas le temps. Il donna un coup d'épée qu'elle évita sans peine. La branche sur laquelle elle était perchée tomba à terre, coupée net. En voyant le sourire sur le visage de son ennemi, Sakura comprit qu'il avait atteint son but. Il cherchait à la déstabiliser. Sa lame semblait être entrée dans le bois comme dans du beurre. Elle ne donnait pas cher de sa peau s'il parvenait à l'atteindre. La jeune femme comprit que sa force brute et son Taíjutsu ne suffiraient pas à vaincre cet adversaire. Cette fois-ci, elle devait penser en Kunoíchi et se battre comme tel. Elle ne pouvait se permettre le moindre contact direct avec son adversaire.
Elle avait à peine eut le temps d'établir son analyse qu'il l'assaillait de nouveau. Au lieu de parer cette fois-ci, elle esquiva l'attaque et lui assena un bon coup de pied retourné avant de mettre à nouveau de la distance entre eux. Elle dégaina deux nouveaux Kunaí et les lui lança habilement tandis qu'il bondissait vers elle. Cette diversion lui permit de s'éloigner encore.
« Tu comptes jouer au chat et à la souris encore longtemps, fillette ? s'écria-t-il avec un sourire cruel.
- Ce n'était que l'échauffement », répliqua-t-elle en détachant les bandages noués à ses poignets, dévoilant ainsi les sceaux d'invocation.
Sans plus attendre, elle fondit sur lui, passant enfin à l'offensive. Le Shinobi éclata d'un rire victorieux. Sakura apposa la main droite sur le sceau de son poignet gauche, faisant apparaître un Kunaí qu'elle lui lança. Il para sans difficulté mais elle réitéra son geste encore et encore lançant les projectiles de ses deux mains avec une dextérité et une vitesse peu communes. Elle accélérait la cadence mais cela ne déstabilisait en rien son adversaire qui ne se séparait pas de son sourire. Il semblait beaucoup s'amuser. Elle ne parvenait pas plus à s'approcher de lui que lui d'elle. En effet, malgré les projectiles qui fusaient vers lui, dès qu'elle se rapprochait, il la manquait de peu et Sakura ne devait la vie sauve qu'à ses réflexes. Les techniques qu'elle utilisa ne lui furent pas d'un grand secours. Ses clones ne dupèrent pas non plus son ennemi et lui permirent au contraire de lui infliger une longue estafilade sur l'épaule. Sakura était peut-être douée pour malaxer du chakra mais elle se battait mieux avec ses poings qu'avec les éléments. Ne pouvant entrer en contact direct avec son adversaire, elle en était considérablement handicapée.
Le souffle court, elle retourna se percher en hauteur, hors d'atteinte. Ses bras étaient déjà couverts de petites coupures et le Byakugô qui lui ponctionnait en permanence une petite quantité d'énergie pour se remplir, rendait son utilisation du chakra plus ardue. Son ennemi cessa de s'agiter lui aussi et demeura en bas, semblant l'attendre, comme s'il ne s'agissait que d'un jeu. Ce combat ressemblait beaucoup trop à celui qu'elle avait mené contre Kabuto. Cette sensation la dérangeait et lui donnait une impression de déjà-vu. Kabuto non plus, elle n'avait pu l'affronter directement sans récolter de nombreuses blessures internes. Même si ses techniques étaient bien plus redoutables, l'acolyte d'Orochimaru n'était pas aussi rapide que cet épéiste. Le seul moyen de le vaincre serait de retourner ses armes contre lui. Elle regrettait de ne pas avoir pris le temps de tremper ses lames dans du poison paralysant. Son ennemi venait du village de la brume, réputé pour avoir formé les Sept Epéistes légendaires. Il s'inspirait beaucoup de leur style de combat même si son épée n'abritait aucun chakra et était simplement une lame particulièrement affûtée. Sakura ne le vaincrait pas tant qu'elle n'accepterait pas l'idée d'être blessée. Ce combat ne s'achèverait que par la mort de son ennemi ou la capture de la jeune femme.
Décidée, elle retira sa longue tunique sombre, dévoilant une tenue plus appropriée au combat. Elle portait sa fine cotte de mailles qu'elle n'avait pas pris la peine de dissimuler sous un tissu en raison de la chaleur étouffante. La Larme de l'Amazone était dissimulée dessous. Elle portait encore son short noir de combat dont elle ne se séparait jamais. Libérée de sa tunique encombrante, elle se déplacerait plus aisément. Elle se libéra également de sa perruque brune avant de dégainer son katana.
« Enfin tu montres ton vrai visage, exulta son adversaire. Il était temps.
- Tu sembles bien pressé de mourir. »
Pour toute réponse il éclata de rire.
« Descends donc de là ! » s'écria-t-il en lançant son épée qui alla trancher la branche sur laquelle elle se tenait avant de lui revenir dans la main.
Sakura avait anticipé son geste et bondit à terre avant que la branche ne soit sectionnée. Sans plus attendre, elle fondit sur son adversaire qui récupéra sa lame au moment où elle le frappait. Il para son coup en éclatant de rire une fois de plus.
« Tu à l'air de bien t'amuser.
- Tu n'imagines pas à quel point ! Allez, montre-moi ta puissance ! » s'exclama-t-il en rompant le contact de leurs deux lames et lui entaillant profondément la cuisse.
Sakura ne put retenir un cri de surprise et bondit en arrière. Si son katana résistait à l'épée sans éclater en morceaux, son ennemi demeurait un épéiste très habile. Sans doute bien plus qu'elle. Alors qu'il partait dans de grands éclats de rire, elle en profita pour soigner rapidement sa blessure à la cuisse plutôt profonde. La plaie n'était pas complètement refermée mais les soins prodigués lui permettraient de retrouver sa dextérité sans trop souffrir. Sa blessure à l'épaule et celle de soin avant-bras attendraient.
« Voilà donc ton véritable pouvoir, déclara son ennemi redevenu sérieux. Tu as le don de guérison.
- Et tellement plus encore, répliqua-t-elle en lui adressant un sourire satisfait.
- Soit. A l'avenir je ne te laisserai plus l'occasion de te soigner », dit-il en fondant sur elle.
Sakura fronça les sourcils. Son visage était devenu fermé et résolu. Elle se campa sur ses pieds, prête à encaisser ses coups. Jouer au chat et à la souris ne servait à rien. Il était temps d'agir pour de bon. Lorsqu'elle para son coup, reculant de quelques pas sous la force du choc mais ne cédant pas, quelque chose avait changé dans son apparence. Son adversaire lâcha un hoquet de stupeur. Des langues de feu parcouraient le corps de la jeune femme s'incrustant dans sa peau et prenant une teinte dorée. Sakura avait libéré le sceau maudit. Elle sentait la puissance déferler en elle. Désormais, elle maîtrisait davantage ce sombre pouvoir. Il n'avait plus la même influence néfaste qu'il avait autrefois sur elle. Sasuke l'avait bien formée. A la simple pensée de ce nom, une colère sourde doublée d'une profonde douleur l'assaillit. Tant qu'elle demeurait concentrée, la noirceur des ténèbres et leur violence ne l'assaillaient pas mais à présent, elle ne demandait qu'à y céder. Elle tint bon malgré tout. Même si elle le maîtrisait pleinement, le sceau maudit avait inévitablement des effets. Son regard s'était obscurci. Sakura se sentait euphorique, terriblement puissante mais résistait à la soif de sang, à l'envie de faire souffrir.
« Sceau maudit », murmura l'épéiste en rompant le contact pour bondir en arrière.
Pour la première fois, c'était lui qui la fuyait.
« Exact », répondit-elle dans un murmure sombre, un étrange éclat étincelant dans ses yeux.
Sakura détestait cette sensation qui l'assaillait chaque fois qu'elle avait recours au sceau maudit. Pour cette raison, elle y faisait appel le moins possible. L'idée que cette puissance lui vienne d'un monstre tel qu'Orochimaru la révulsait. Mais elle parvenait à l'accepter en se disant qu'elle s'était approprié ce sceau à sa manière. Sur elle, il réagissait différemment grâce à l'influence de la Larme de l'Amazone et au fait qu'il ne lui avait pas été apposé directement par Orochimaru. En fait, ce qui la révulsait le plus, c'était d'aimer cette sensation.
« Tu es donc l'une de ses créatures abjectes ! cracha-t-il.
- Désolée de te décevoir. Orochimaru ne m'a jamais apposé son sceau. Il ne s'est intéressé à moi que le jour où il a découvert que je le possédais... Le jour de sa mort », termina-t-elle dans un sourire cruel.
Sakura haïssait cette partie d'elle-même, si sûre d'elle, emplie de vantardise, qui faisait surface lorsqu'elle utilisait le sceau maudit.
Son adversaire fronça les sourcils.
« Qui es-tu ? Quel est ton véritable nom ?
- Tu le sauras... Si tu parviens à me vaincre. »
Cette réponse sembla lui plaire car il lui adressa un sourire carnassier.
« Les choses commencent enfin à devenir intéressantes. Je me souviendrai de toi, fillette. »
Il fondit sur elle. Sakura leva son katana, prête à le recevoir. Le choc des deux lames entrant en contact ne l'ébranla pas cette fois-ci. La Kunoíchi riposta aussitôt mais son ennemi para son coup. Ils entamèrent alors une joute semblable à une danse, chacun rivalisant d'agilité, de dextérité et de rapidité. Pour la première fois, elle parvint à le blesser en lui effleurant le bras mais ce n'était qu'une blessure sans gravité. De son côté, l'épéiste ne parvint plus à l'effleurer ne serait-ce que d'un millimètre. Leur joute dura longtemps. Plus le temps passait et plus Sakura sentait que le sceau maudit resserrait son emprise sur elle. Sa puissance gagnait du terrain et se nourrissait de plus en plus de son chakra. Elle avait appris à lui résister de longs moments mais cela demandait une intense concentration. Or, elle ne pouvait pas combattre et se concentrer aussi intensément en même temps. Bientôt, elle aurait épuisé sa réserve de chakra si elle le laissait faire.
Alors qu'elle tentait de repousser les ténèbres, elle baissa sa garde une fraction de seconde. Ce fut suffisant pour son adversaire qui la blessa à la hanche et lui infligea une profonde estafilade le long du bras gauche. Sa blessure à la hanche était peu profonde grâce à sa cotte de maille mais celle au bras lui infligea une intense douleur. Dans un cri de rage, elle rompit le contact et bondit en arrière. La solution lui apparut alors aussi limpide que de l'eau de source. Contre toute attente, la douleur dans son bras lui avait permis de retrouver les idées claires. Sakura savait comment vaincre son ennemi, même si, encore une fois, cela impliquait de ne pas respecter les recommandations de Tsunade.
Elle recouvrit sa main droite de chakra pour soigner son bras blessé. Son ennemi fondit alors sur elle.
« Je ne te laisserai pas te soigner ! » rugit-il.
« J'y compte bien » pensa-t-elle, prête à agir. Elle se redressa, brandissant son katana de sa main droite. Son bras blessé était plaqué contre sa hanche. Elle savait que sa garde n'était pas parfaite et qu'il tenterait de la blesser au côté droit. Etant donné qu'elle ne tenait son katana que d'une seule main, il la désarma sans peine. Au moment où il lui assenait un coup au côté droit, elle vit sa faille et, d'une geste rapide et précis, lui planta un Kunaí en pleine poitrine. Il écarquilla les yeux de stupeur et hoqueta de douleur. Lentement, il baissa les yeux sur le bras blessé de Sakura qui tenait la lame enfoncée dans sa poitrine d'une main ferme. Sa main à lui tenait son épée, fichée profondément dans la hanche de la jeune femme. Sakura n'avait pas bronché. Une lueur d'incompréhension animait son regard.
« Mon nom est Haruno Sakura, murmura-t-elle, élève de Tsunade, l'Hokage de Konoha. »
Il écarquilla les yeux de stupeur, lâcha sa prise sur l'épée toujours fichée dans le flanc de la Kunoíchi et s'affaissa sur lui-même, tombant à la renverse. Il haleta pendant quelques instants avant de rendre son dernier souffle.
Sakura se détendit immédiatement et le sceau maudit commença à se rétracter. Retenant son souffle, elle retira la lame fichée dans sa hanche d'un geste sec mais ne put retenir un gémissement de douleur. La souffrance lui provoqua des sueurs froides. Epuisée, elle tomba à genoux, son bras gauche pendant mollement le long de son flanc. Son dernier mouvement lui avait beaucoup demandé.
« Quand allez-vous vous décider à vous montrer ? » demanda-t-elle dans un soupire, les traits tirés par l'épuisement.
Elle n'avait pas élevé la voix mais elle était certaine qu'il l'avait entendue. Et à juste titre. Maître Asaki apparut à quelques pas d'elle.
« Tu as donc encore eu recours à cette chose, dit-il d'un ton acerbe.
- Le sceau maudit fait partie de moi, répliqua-t-elle en posant sa main droite recouverte de chakra sur sa hanche. Si vous ne vouliez pas que je m'en serve, il fallait intervenir et venir me prêter main forte.
- Tu t'en sortais très bien toute seule.
- Auriez-vous attendu qu'il me blesse mortellement pour intervenir ? demanda-t-elle avec humeur.
- Attention jeune fille, surveille ton langage. Je ne suis pas cette vieille folle de Tsunade. Elle est beaucoup trop gentille avec ses élèves. Elle tolère beaucoup trop de choses. Et c'est pour cette raison que tu as été si imprudente. Un ninja médical ne se laisse jamais blesser volontairement, même pour vaincre un ennemi.
- Ce n'est pas la première fois qu'une lame me transperce. Je sais ce que ça fait. Je n'ai pas agi sans réfléchir. Regardez par vous-même. »
Elle retira sa main de sa hanche blessée sur laquelle une fine coupure apparaissait encore. Le vieil homme ne montra pas sa surprise mais Sakura devina qu'il était impressionné ou du moins qu'elle était parvenue à attiser sa curiosité.
« Je savais ce qu'il allait faire. J'ai concentré un important flux de chakra guérisseur dans ma hanche pour atténuer la douleur et les dégâts.
- Intéressant..., dit-il tandis qu'elle reprenait ses soins. Malgré tout, je maintiens que tu as été imprudente. Les pouvoirs héréditaires sont faits pour être utilisés.
- Tsunade n'est pas de cet avis.
- Elle ferait bien de revoir ses priorités !
- Nous ne sommes plus en temps de guerre.
- La guerre est partout, Sakura. Et en temps de guerre, il faut accepter les sacrifices. Tu es peut-être un ninja médical et tu te dois de te protéger. Mais le pouvoir des Amazones est plus puissant et moins néfaste que le sceau maudit.
- Il est aussi très convoité. Un tel pouvoir entre des mains...
- Ne me prends pas pour un idiot. Tu sais comme moi que le médaillon ne peut être utilisé que par le sang des Amazones. Tu es la seule à pouvoir t'en servir et tu es suffisamment grande pour te défendre seule.
- Je ne suis pas partie à votre recherche pour débattre de l'usage qu'il faut faire des pouvoirs héréditaires mais pour comprendre comment soigner ceux qui en possèdent.
- Oui, oui, dit-il avec impatience. Le Sharingan, je sais.
- Il n'y a pas que le Sharingan qui...
- Encore une fois, cesse de me prendre pour un vieil homme sénile ! Je sais que tu veux soulager Hatake Kakashi des souffrances que lui cause l'usage du Mangekyou Sharingan.
- Comment savez-vous...
- Je suis peut-être loin de Konoha, mais je sais écouter. Tu as fait des recherches, n'est-ce pas ? Tu as compris que les symptômes dont il souffre sont mauvais signe. Cela illustre une trop grande utilisation du Sharingan. Ce pouvoir a ses faiblesses. Et, comme tout pouvoir il faut l'utiliser avec parcimonie. Je sais bien sûr que tu n'es pas partie à ma recherche uniquement pour cette raison mais aussi pour améliorer ta connaissance de tous les pouvoirs héréditaires, y compris du tien.
- Si vous avez compris tout cela, pouvez-vous m'expliquer en quoi l'enseignement que vous me dispensez est utile pour les pouvoirs héréditaires ? demanda-t-elle en perdant patience.
- Tu ne comprends pas pour le moment. Mais un jour, tu saisiras le lien. Takumi est presque guéri grâce aux progrès que tu as faits. Je ne pense donc pas que mon enseignement ne t'ai pas servi », déclara-t-il d'un ton sec.
Sakura serra les dents pour ne pas répliquer et se concentra sur ses blessures. Sa hanche était presque guérie, elle garderait une douleur lancinante pendant plusieurs jours. Elle était à présent en train de ressouder les muscles de sa cuisse sévèrement sectionnés. Maître Asaki avait raison, elle le savait. Mais elle était trop bornée pour l'avouer.
Le vieil homme étouffa un rire moqueur. Elle ignorait comment il s'y prenait mais il se débrouillait toujours pour saisir le fil de sa pensée.
« Je dois rentrer. Prévenir Emiko que tout va bien.
- Non, tu ne peux pas, dit Asaki d'un ton ferme qui la surprit. D'autres viendront.
- Ça, je m'en doute.
- Ils sont déjà en route. »
Elle fronça les sourcils.
« Comment savez-vous... C'est vrai, il suffit de savoir écouter, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel.
- Sois prudente Sakura, ils seront plus puissants encore. L'ennemi que tu viens de vaincre était fort. C'était ton premier véritable adversaire. Ils seront de plus en plus puissants. Il serait plus sûr pour toi de disparaître quelques temps.
- Et abandonner mes amis ! explosa-t-elle. Il n'en est pas question ! Ce qui arrive est de ma faute. Pas de la leur ! »
Face à son sourire moqueur, elle comprit qu'il s'était encore une fois moqué d'elle. Asaki avait entendu ce qu'il voulait entendre et cela lui convenait.
« Bien. Puisque tu es prête à assumer, prépare-toi. Ils seront là demain à l'aube. Et cesse de gaspiller ton énergie ! Les muscles sont ressoudés, la blessure se refermera naturellement. N'aies recours qu'aux soins d'urgence. L'essentiel est que tu puisses te mouvoir sans être ralentie. Il est temps que tu apprennes de tes erreurs. Le temps soignera tes blessures superficielles.
- J'imagine que vous ne pourriez pas les soigner pour moi ? demanda-t-elle dans un soupire.
- Certainement pas ! C'est ta négligence qui t'a valu ces blessures. On vous couve trop à Konoha !
- Vous n'avez qu'à y retourner pour mettre de l'ordre dans tout cela, répliqua-t-elle avec insolence en se relevant dans une grimace de souffrance.
- Dépêche-toi de filer jeune fille. Tu perds du temps, la nuit ne va pas tarder à tomber. »
A l'encontre des ordres d'Asaki, Sakura était retournée à l'auberge. Emiko avait manqué de défaillir en voyant ses membres couverts de sang. Sakura n'avait pas encore pris le temps de soigner son bras gauche, sérieusement blessé qui pendait inerte le long de son corps. Ses multiples petites blessures teintaient sa tunique d'un rouge écarlate. Quand Emiko avait insisté pour bander ses blessures Sakura l'avait écartée sans ménagement.
« Nous n'avons pas le temps pour ça, Emiko. D'autres arrivent. »
La jolie brune avait pâli davantage encore.
« Je suis venue chercher mon matériel. Je vais sécuriser le périmètre et installer d'autres pièges. Que personne ne quitte l'enceinte de la clairière.
- Je ne peux pas te laisser y retourner dans cet état ! Sara ... »
Sakura lui adressa un sourire qui se voulait rassurant.
« Crois-moi j'ai connu pire. Je prendrai le temps de me soigner je te le promets. »
Sans lui laisser le temps de répliquer, elle hâta le pas en direction de la remise. Elle soigna sommairement son bras afin de retrouver sa mobilité. Si elle devait combattre à nouveau, elle en aurait besoin. Malheureusement, elle n'avait commencé à emmagasiner du chakra dans son sceau frontal que depuis deux mois. Et même si elle employait une méthode inédite pour remplir le sceau plus rapidement, elle était loin du résultat que donnaient les trois années habituellement nécessaires pour pouvoir faire usage du Byakugô. Lorsqu'elle le pourrait, le Byakugô lui permettrait de se soigner instantanément sans le moindre effort. Il lui conférerait également une force phénoménale inégalable. Mais en attendant, elle se contenta de bander ses plus sérieuses blessures après les avoir recouvertes d'onguent. Elle avala une pilule du combattant visant à lui redonner des forces et retira sa tunique souillée. Elle laissa de côté sa tenue de voyage pour revêtir sa tenue de combat qu'elle n'avait pas portée depuis plusieurs mois. Sa cotte de maille était endommagée aussi la remplaça-t-elle. Elle s'équipa de ses armes, réajusta les sceaux d'invocation sur ses poignets, sangla son katana dans son dos après l'avoir nettoyé, fit l'inventaire de sa sacoche médicale, trempa quelques Kunaí dans du poison tranquillisant et se couvrit de son manteau blanc hérité de la dernière Amazone. Il la protégerait de l'humidité de la nuit et l'aiderait à reconstituer ses forces. Elle se coiffa tout de même de sa perruque brune. Si elle pouvait éviter d'être démasquée et d'impliquer Konoha cela l'arrangeait.
La nuit commençait à tomber lorsqu'elle quitta la remise. Emiko la guettait depuis le pas de la porte de l'auberge mais n'osa rien lui dire quand Sakura passa devant elle d'un pas décidé pour s'enfoncer dans la forêt. Elle réactiva les pièges qu'elle avait utilisés plus tôt dans la journée face à ses adversaires. Le corps de l'épéiste avait disparu de même que les deux élèves qu'elle avait mis hors d'état de nuire. Asaki avait dû se charger du corps tandis que les deux jeunes Shinobi avaient dû prendre la fuite en reprenant connaissance. Sakura ne sentait plus leur présence. Elle s'en voulait d'avoir ôté la vie à cet homme mais elle n'avait pas eu d'autre choix. Il n'aurait jamais accepté de se soumettre. Il était bien trop dangereux pour rester dans la nature. Et c'était un criminel. Elle ne doutait pas que son nom figurait dans le Bingo Book des Anbu.
Sakura fit le tour des environs, vérifia les pièges qu'elle y avait installés et en ajouta de nouveaux. Celui qui passerait entre les mailles de son filet devrait être particulièrement habile. Shikamaru était particulièrement doué dans ce domaine et lui avait beaucoup appris. Bien qu'elle n'ait pas son intelligence pour anticiper de nombreux coups d'avance, elle s'était garanti une certaine sécurité. Lorsqu'elle eut terminé, la lune était haute dans le ciel. Elle patrouilla la nuit durant, tous les sens aux aguets, s'arrêtant de temps à autres sur une branche surélevée pour se concentrer et récupérer des forces. Ses blessures la faisaient souffrir mais elle les ignora. Elle n'avait pas mené de mission périlleuse depuis trop longtemps. Elle tolérait moins la douleur que quelques mois auparavant. Elle s'entraînait pourtant toujours durement et récoltait de nombreuses écorchures mais sa vie était devenue trop paisible. Bien sûr, il y avait les attaques mais ce n'était pas la même chose qu'une véritable mission. Pour la première fois depuis de nombreux mois, elle se sentait vivante. Plus vivante que jamais. Elle aimait l'adrénaline ressentie avant un combat. Toute la préparation qu'une filature demandait. Tout cela lui manquait. Elle apprenait beaucoup auprès de maître Asaki. Et la petite famille auprès de qui elle vivait lui enseignait des choses simples de la vie qu'elle n'avait jamais vraiment connues. Elle appréciait la tranquillité des lieux mais Konoha lui manquait. Naruto lui manquait. Et Ino, Lee, Kakashi, Tsunade, Saí. Même ce grincheux de Shikamaru lui manquait. Sa vie d'avant dans son ensemble lui manquait.
Sakura prit une grande inspiration, chassant ces pensées qui la distrayaient. Elle s'était arrêtée depuis presque une heure sur cette branche qui surplombait la vallée. Il était temps de se remettre en mouvement. L'aube pointerait le bout de son nez dans quelques heures. Elle devait redoubler de vigilance. Ses ennemis ne devaient en aucun cas atteindre la clairière. Sakura se devait de protéger ses amis.
Le soleil était levé depuis longtemps maintenant. Et toujours aucune trace de ses adversaires. Asaki avait-il pu se tromper ? Sakura commençait à douter. Le vieil ermite ne s'était pourtant jamais trompé. Et si ses ennemis avaient franchi ses barrières ? S'ils avaient évité ses pièges ? Une terreur sourde s'empara d'elle. Sakura sauta sur l'arbre le plus proche et se précipita en direction de l'auberge, sautant de branche en branche, n'écoutant pas les protestations de son corps, ni le sang qui commençait à tâcher ses bandages. Les minutes lui paraissaient interminables. Sakura imaginait déjà le pire scénario et se préparait à découvrir une scène sanglante.
Bien qu'elle mourut d'envie de continuer, Sakura s'arrêta en bordure de la forêt. Elle sonda les environs et observa chaque détail en quête d'une trace éventuelle de lutte ou de sang. Rien. Elle perçut soudain du mouvement et se concentra, tous les sens aux aguets. La porte de l'auberge s'ouvrit et Emiko en sortit, une panière remplie de linge sous le bras. Le cœur de Sakura s'emballa. Sans plus attendre, elle bondit de sa branche et se dirigea vers l'aubergiste à toute vitesse. Emiko ne la vit que lorsqu'elle se trouva devant elle et en laissa tomber sa panière de surprise.
« Sara ! s'exclama-t-elle avec soulagement. Je suis si soulagée !
- Moi aussi.
- Tu les as vaincus ?
- Emiko, ils ne sont jamais venus. J'ai pensé qu'ils avaient pu franchir mes défenses et arriver jusqu'à vous. Tu n'as rien remarqué d'anormal ?
- Non, tout va bien. »
Sakura fronça les sourcils. Quelque chose clochait.
« Tu es inquiète », devina Emiko.
Sakura hocha la tête. Elle allait ajouter quelque chose lorsqu'elle le sentit. Asaki sortit lentement du couvert des bois. Il n'avait visiblement eu aucun mal à passer ses défenses. Mais cela n'était pas surprenant venant de lui.
« Maître Asaki », murmura respectueusement Emiko en inclinant la tête lorsqu'il les eut rejointes.
Sakura était stupéfaite. Le vieil ermite ne se montrait jamais sans raison. Emiko ne l'avait vu qu'en de très rares occasions.
« Que se passe-t-il ? demanda Sakura. Ils ont été retardés ?
- En effet. Il est inutile de les attendre désormais, Sakura. Ils ne viendront plus.
- Tu leur as flanqué la peur de leur vie », s'exclama Emiko ravie.
Mais Sakura ne l'écouta pas. Elle avait compris le sous-entendu du vieil homme.
« Qui ?
- Je l'ignore, répondit-il d'un air grave. J'ai trouvé leurs cadavres à deux heures d'ici.
- Comment... ? »
La question mourut sur les lèvres de Sakura. Elle savait par avance que le vieil homme ne lui dirait pas pourquoi il s'était autant éloigné et surtout pourquoi il avait recherché ces ennemis. Car cela ne faisait aucun doute, s'il les avait trouvés c'était bien parce qu'il les avait cherchés. Emiko avait pâli à l'évocation des cadavres.
« Vous êtes certain qu'il s'agissait bien d'eux ? demanda Sakura.
- Cela ne fait aucun doute. Ils avaient ceci sur eux, annonça-t-il en lui montrant une affiche sur laquelle apparaissait le visage de Goshi et la somme offerte pour quiconque lui apporterait la Gardienne Sara vivante. »
Sakura blêmit en voyant le document. Par chance il n'y avait pas de portrait d'elle mais la somme offerte était exorbitante.
« Ils semblaient tous les trois particulièrement puissants, poursuivit Asaki. Des Jounín armés jusqu'aux dents et très vigilants. Ils ne laissaient aucune trace derrière eux. Mais ceux qui leur sont tombés dessus, l'étaient bien davantage. La forêt était complètement retournée, les arbres sectionnés net ou arrachés. Leurs adversaires étaient au moins trois. Je dirai même qu'ils étaient quatre mais le quatrième n'a pas l'air d'avoir participé au combat donc je n'en suis pas certain. Quoiqu'il en soit, ces Shinobi-là t'ont rendu un sacré service. Je ne pense pas non plus qu'ils en aient après toi.
- C'est rassurant, répondit Sakura sarcastique. Qu'avez-vous fait des corps ?
- J'ai fait en sorte que Goshi les trouve. Si je découvre quoique ce soit d'autre je t'en avertirai. J'ai désactivé les pièges qui empêchaient l'accès à l'auberge par la route principale. En attendant, va te reposer, Sakura. »
La jeune femme avait à peine hoché la tête qu'il disparut dans un « plop » sonore.
« Eh bien, fit Emiko d'une voix blanche en se passant nerveusement la main sur le visage.
- Désolée de t'avoir mêlée à tout ça, Emiko. Ce n'est pas très plaisant d'entendre ce genre de conversation.
- Je n'en ai pas l'habitude.
- Crois-moi, il vaut mieux que ces hommes soient morts plutôt que vifs.
- Je le sais, répondit-elle en frissonnant. Je suis désolée que nous t'ayons causé tous ces problèmes. Tu prends beaucoup trop de risques pour nous. Si je ne t'avais pas demandé de rester, tu ne nous aurais pas défendus face à Goshi et...
- La mort est mon lot quotidien depuis ma plus tendre enfance, la coupa gentiment Sakura. J'ai perdu des amis au combat, j'ai aussi privé des ennemis de leurs amis. C'est comme ça. Je n'aime pas ôter la vie. Mais quand je n'ai pas d'autre choix...
- Oh, je ne t'accuse pas ! s'empressa de dire Emiko. Tu nous as sauvé la vie plus d'une fois au cours des derniers mois. Tu as sauvé la vie de mon fils, tu soulages grandement mon père. Tu nous es d'une aide essentielle à l'auberge. Je ne t'en serai jamais assez reconnaissante. Je sais ce que tu es. Cela ne me pose aucun problème, tu sais. Tu es quelqu'un de bien. J'aurais voulu te ressembler. Etre aussi forte que toi.
- Tu es forte, Emiko. A ta façon. Tu protèges ta famille en prenant soin d'elle. Tu gères cette auberge d'une main de fer et je ne t'ai jamais entendue te plaindre de quoique ce soit. Ta force est différente de la mienne. Elle réside dans ton amour pour ta famille.
- La tienne aussi réside dans l'amour, Sara. Je ne sais pas ce que tu as vécu là-bas, avant d'arriver jusqu'à nous, mais j'ai tout de suite vu la tristesse au fond de tes yeux. Tu as guéri Takumi. Mais lui aussi semble te guérir, d'une certaine façon. »
Sakura hocha la tête, troublée.
« Je ne te demande pas de me raconter ce qu'il t'est arrivé mais, je voulais que tu saches que tu es la bienvenue ici. Aussi longtemps que tu le voudras. Tu fais partie de la famille à présent.
- Merci Emiko, répondit-elle dans un souffle. Vous comptez beaucoup pour moi aussi.
- Va te reposer. Tu as passé la nuit dehors. Tu as besoin de sommeil même si tu es une super guerrière », termina-t-elle en souriant.
Sakura hocha la tête. Elle se baissa pour l'aider à ramasser le linge éparpillé par terre.
« Non, non, non. Je m'en occupe. Toi tu files te reposer. Je t'apporterai un bon repas. »
*
« Morts tous les trois !
- Oui ! Tu aurais vu la tête de Goshi quand il a appris la nouvelle. J'ai cru qu'il allait exploser tellement il était rouge de colère. »
Les trois hommes rirent doucement. Si quelqu'un les entendait rire de Goshi dans son dos, ils ne donnaient pas cher de leur peau.
Quelqu'un semblait particulièrement intéressé par leur conversation. Assis à une table voisine, un jeune homme aux cheveux de jais et au regard tout aussi sombre écoutait la conversation avec intérêt tout en sirotant son verre. Ses trois compagnons dont une jeune femme, semblaient en faire de même.
« Après l'épéiste, ces trois-là. On dirait que la Gardienne Sara commence à devenir sérieuse.
- Oui, tu les aurais vus revenir, les deux gamins qui étaient avec le type à l'épée. Ils sont revenus la queue entre les jambes. Je les ai vus sortir du Q.G. de Goshi et partir sans demander leur reste.
- Le type à l'épée est mort d'un Kunaí en plein cœur à ce qu'il paraît. On le disait particulièrement habile et elle a eu raison de lui.
- Et les trois autres... A ce qu'il paraît ce n'était pas très beau à voir non plus. Ils étaient déchiquetés. Couverts de sang. »
Le jeune homme aux cheveux sombres fronça les sourcils.
« Sasuke, tu crois que...
- Tais-toi Karin », la coupa-t-il afin de ne pas perdre une miette de la conversation.
Ainsi donc, les trois Shinobi qu'ils avaient vaincus la veille avaient été enrôlés par un type nommé Goshi dans le but de s'en prendre à une certaine Sara. Ces types plein d'arrogance leur avaient barré la route, bien trop sûrs d'eux. Ils pensaient s'amuser un peu pour se mettre en jambes avant d'aller affronter leur véritable ennemi. Mal leur en avait pris. Uchiha Sasuke n'avait pas chômé depuis son départ de Konoha. Il s'était composé une équipe aux membres tous plus singuliers les uns que les autres. Si Karin, la jolie rousse à lunettes avait un véritable don de guérisseuse, Suigetsu, l'homme-poisson était un fou de la découpe surtout depuis qu'il avait récupéré l'épée de Zabuza sur la tombe de ce dernier. Mais le géant Juugo était le plus dangereux et le plus imprévisible des trois. Doux comme un agneau, il pouvait cependant s'avérer le plus sanguinaire des meurtriers si l'envie lui en prenait. C'était d'ailleurs ce qu'il s'était passé avec ces trois types. L'un d'eux avait osé manquer de respect à Sasuke. Juugo était sorti de ses gonds. Suigetsu s'était mêlé à la partie avec la plus grande joie. Et Sasuke avait freiné leurs ardeurs en mettant à terre les trois ennemis d'un simple Chidori. Les choses en seraient restées là si ces types ne s'étaient pas relevés. Et Juugo ne s'était calmé qu'une fois que leurs cœurs eurent cessé de battre. Quand il avait repris ses esprits, Sasuke avait été forcé d'utiliser le Sharingan pour calmer sa crise de nerfs due au poids de la culpabilité.
« C'est qui cette Sara », demanda Suigetsu en se tournant vers les trois hommes qui sursautèrent.
Sasuke pinça les lèvres, agacé. Suigetsu ne pouvait s'empêcher de poser des questions, et ce, même quand la discrétion était de mise.
« Tu viens d'où toi ? T'en as jamais entendu parler ? s'esclaffa l'un deux.
- Je ne suis pas d'ici. Alors, c'est qui ?
- Suigetsu, fit Karin d'une voix sifflante, lui intimant le silence.
- Elle est jolie ? »
Les trois hommes s'esclaffèrent.
De son côté, Juugo semblait perdu dans ses pensées. Son visage s'était assombri à la mention des trois hommes qu'il avait massacrés.
« Ben, en fait, on ne l'a jamais vraiment vue, répondit le deuxième homme en se grattant le menton.
- Les sbires de Goshi l'ont vue, intervint le troisième. A ce qu'il paraît, elle n'est pas plus âgée que mon fils. C'est encore une gamine.
- Une gamine qui met une dérouillée à tous les sbires de Goshi, reprit le premier. Elle doit être faite comme un homme, s'esclaffa-t-il.
- Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire, corrigea le troisième.
- Intéressant, fit Suigetsu. Et pourquoi ce type, Goshi, en aurait-il après elle ? Elle a repoussé ses avances ? » plaisanta-t-il.
Les trois hommes éclatèrent de rire. Puis le troisième reprit sérieusement.
« Goshi dirige plus ou moins cette ville. Tous ceux qui ne se plient pas à lui ou à sa milice sont passés à tabac. Même le chef du village en a peur. Goshi prend ce qu'il veut quand il veut. D'après ce que j'ai entendu dire, poursuivit-il en baissant la voix, il serait allé prélever une nouvelle taxe à l'auberge du vieux Genzou, à l'Est de la ville. Le pauvre homme avait juste de quoi nourrir sa famille et faire tourner son affaire. Il a refusé de payer ce que Goshi lui réclamait, donc il s'en est pris à sa famille. Mais cette fille, Sara, s'est interposée. C'était la première fois qu'on donnait une leçon à Goshi et je peux te dire qu'il n'a pas apprécié. Cette fille protège le vieux Genzou et sa famille depuis plusieurs mois. Goshi offre une belle récompense pour sa capture et fait venir des types de plus en plus puissants pour l'affronter. Même de puissants Shinobi ne sont pas parvenus à la vaincre.
- Et pourquoi Goshi la veut-il vivante si elle est si dangereuse que ça ?
- Tu ne devines pas ? demanda le deuxième homme avec un grand sourire. Goshi n'est pas content. Il veut lui faire payer son humiliation en la soumettant. Et selon ses sbires, elle est particulièrement jolie. Goshi aime les jolies choses.
- Oui, il essaie de compenser, s'esclaffa le premier. Il va probablement l'ajouter à son harem. S'il arrive à la dompter. »
Suigetsu allait ajouter quelque chose mais Sasuke se leva au même moment pour quitter la taverne. Juugo l'imita aussitôt et Karin le rejoignit au pas de course. Suigetsu fut le dernier à sortir.
« Allez, Sasuke, tu me prives d'une conversation passionnante, protesta Suigetsu en faisant la moue. Et dire que ces gens pensent que c'est cette fille qui a tué ces types. On peut dire qu'on lui a sauvé la mise sur ce coup-là.
- Hn. Renseignez-vous discrètement pour savoir où se trouve cette auberge. »
Karin le regarda stupéfaite.
« Tu es en manque d'argent Sasuke ? demanda Suigetsu avec un grand sourire. Je croyais que la famille Uchiha était immensément riche. Surtout depuis que tu en as hérité de la totalité.
- La récompense ne m'intéresse pas. Cette fille est une Kunoíchi. Je veux en savoir plus.
- Je dois avouer que c'est une belle façon de tuer le temps, approuva Suigetsu. Vu que nous ne savons pas où se terre Itachi. Mais je te préviens Sasuke, si elle est jolie, elle est pour moi. Je l'ai vue le premier.
- Arrête de raconter n'importe quoi, imbécile ! tonna Karin.
- Dispersion », ordonna Sasuke.