Je t'attendrai.

By DeuxKartoffeln

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Seconde Guerre Mondiale. Un souffle d'amour dans un océan de haine. More

Prologue.
I.
II.
III.
IV.
V.
VI.
VII.
IX.
X.
XI.
XII.
XIII.
XIV.
XV.
XVI.
XVII.
XVIII.
XIX.
XX.
XXI.
XXII.
XXIII.
XXIV.
XXV.
XXVI.
XXVII.
XXVIII.
XXIX.
XXX.
XXXI.
XXXII.
XXXIII.
XXXIV.
XXXV.
XXXVI.
Epilogue.

VIII.

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By DeuxKartoffeln

- Je...écoute je suis très amoureux de Tom. Nous avons une liaison depuis bientôt deux ans. Ça n'a rien de sale, ou de purement sexuel. Je suis juste...Juste amoureux. Amoureux de Tom. D'un homme.

La bouche de Rachel s'ouvrit en grand. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Prise d'une panique certainement justifiée, en un sens, elle s'éloigna encore de deux pas, se retrouvant coincée, presque contre le mur. Bill, voyant qu'elle prenait peur et reculait, s'était levé, tentant de l'approcher.

- Rachel...Je..., tenta-t-il, en tendant une petite main fébrile vers le bras de la jeune femme.

- Non, Bill. Non. Reste où tu es. Ne me touche pas.

Ce cri résonnait dans les oreilles du jeune homme, alors qu'il restait immobile, le bras encore en avant, témoin du geste qu'il avait laissé en suspens. Rachel respirait fort. Elle avait peur. Jamais Bill n'aurait pensé qu'elle puisse réagir de cette façon. Bien sûr, il savait que c'était interdit, et qu'il risquait gros. Mais il avait pensé qu'elle accepterait, au moins un peu.

La jeune juive se sentait perdue, mais aussi trahie. Depuis le début, son ami lui cachait ce qui semblait pour lui être un détail, alors que pour elle, cela paraissait être tout le contraire. Cette nouvelle était quelque chose de gros, qui les impliquait tous les deux, à présent. Et si Bill risquait sa vie depuis deux ans, Rachel la risquait d'autant plus, maintenant que le nouveau gouvernement était en place, et que Paris était assiégée par les allemands. Elle savait la haine qu'avaient Hitler et ses hommes pour les juifs comme elle. Elle savait également qu'une personne homosexuelle avait très peu de chances de survivre dans la France annexée dans laquelle ils vivaient.

Elle prit le temps d'observer son ami, immobile, imperturbable, avec les larmes qui menaçaient de couler de ses joues. Bill paraissait fatigué par la vie, épuisé par toute la misère dans laquelle il baignait. Les cernes sur son visage étaient le résultat d'un trop brutal passage à l'heure de Berlin, à peine quelques heures après l'entrée des troupes allemandes dans Paris. Son corps, plus longiligne et fin encore que lorsqu'elle l'avait connu, faisait presque peur. On voyait la guerre dans ses jambes frêles et minces, et au travers de ses côtes qui ressortaient clairement de son ventre. Bill avait les crocs, mais plus rien à se mettre sous la dent. Ce qu'il gagnait en étant fleuriste lui suffisait à peine pour une miche de pain, et maintenant qu'ils étaient rationnés, il n'avait pas droit à plus que ça. Le plus flagrant restait sans doute ses yeux : débordants d'un amour qui en briserait plus d'un. Le jeune homme puait l'amour et la tristesse, l'attente d'un être dans le doute de la mort.

- Rachel...Parle-moi..., le brun suppliait, comprenant qu'il était entrain de perdre son seul et unique pilier.

La jeune fille soupira, et, contournant Bill, alla s'asseoir sur le lit, encore toute tremblante, fébrile. Que devait-elle répondre à ça ? Elle fixa à nouveau le jeune homme, cette fois avec un regard aussi vide que celui d'un mort.

- Je ne comprends pas Bill. J'veux dire, pourquoi ne me l'as tu pas dit plus tôt ?

- J'avais peur. Et j'ai toujours peur d'ailleurs. Tom m'avait fait promettre de ne jamais rien dire à personne, peu importe la situation dans laquelle je me retrouve...Et je...Je lui ai promis que...Qu'ils pourraient bien me battre jusqu'à la mort s'ils le veulent...Que je ne dirais jamais r...rien...

Le brun s'expliquait, secoué par des sanglots plus violents les uns que les autres, alors qu'il se rendait compte, au fur et à mesure, qu'il venait de trahir sa propre parole.

- Pourquoi tu m'en as parlé alors ? Si tu avais promis de ne rien dire ?

- C'est trop dur...Je ne peux plus...Si tu savais comme il me manque, Rachel, si seulement tu pouvais sentir, là, comme mon coeur me fait mal lorsqu'il bat...C'est trop dur d'attendre passivement comme ça, sans avoir de nouvelles, ou bien trop rarement...Je ne supporte plus de rester seul dans cette misère, je me tue moi-même, à attendre des lettres, des nouvelles qui ne viennent plus. Si ça se trouve, il est blessé, si ça se trouve il...Si seulement tu pouvais comprendre à quel point je l'aime, à quel point mon coeur tout entier se déchire, alors qu'on s'éloigne un peu plus de la dernière fois qu'on s'est vus....Dix mois...Presque un an que je ne l'ai plus vu...Je...Je ne sais même plus à quoi il ressemble réellement...Tout ce que j'ai dans la tête, ce sont de vulgaires souvenirs piétinés par la guerre, Rachel. Sans lui je suis si incomplet je...Rachel, je n'ai pas de vie sinon Tom...

Le discours du jeune homme s'était transformé en une immense crise de larmes, alors qu'il s'était naturellement réfugié dans les bras de son amie, qui lui avait ouvert ses bras, remettant mentalement la discussion à plus tard. Elle qui ne connaissait pas le manque d'amour, avait bien du mal à comprendre, effectivement. Mais elle voyait le brun écorché, profondément entaillé par cet amour qui le rendais si vivant, et si mort en même temps.

- Sans lui je ne tiendrai pas...Rachel, tu es tout ce qu'il me reste, je t'en supplie ne me laisse pas...Je...Je suis entrain de l'oublier, je...Je ne veux pas...Il...m'échappe...

- Oh Bill...

La peur de la jeune juive paraissait s'être envolée, alors qu'elle passait amicalement une main dans le dos du brun meurtri, pour le rassurer, quelque part. Elle éprouvait à cet instant une réelle compassion pour son ami, qui paraissait abattu par cet immense obus qu'est l'amour. Le pire restait sûrement la distance, ainsi que les doutes qui l'accompagnaient. Après tout, Bill se posait les bonnes questions. Tom était-il seulement vivant ? Nul ne le savait, ici.

- Tu sais, nous sommes en danger maintenant. Je suis juive, et tu aimes les hommes.

- Tout ça fait de nous de bons petits prisonniers., déclara Bill, presque sur le ton de la rigolade.

- Je ne ris qu'à moitié Bill. C'est dangereux, ce que vous faites. Ce sont vos gestes, vos actions qui sont dangereuses. Moi, c'est ce que je suis qui est dangereux. Mais tu sais, au final, je pense qu'on n'a plus grand-chose à perdre, tous les deux. De toute manière, on finira dans la tombe, comme les autres. Alors pourquoi se cantonner à la petite vie simple et tranquille que nous n'avons pas ?

-...Tu...Alors nous restons amis ?, demanda le jeune fleuriste, soudain plein d'espoir.

- Oui. Mais je veux que tu me promettes quelque chose, promesse que tu devras tenir.

- Je t'écoute.

- En aucun cas tu ne dois révéler ma religion aux allemands et à ceux qui te demandent où je vis. Maintenant qu'ils sont en France, ils vont continuer le massacre qu'ils ont commencé chez eux. Là-bas, ils enferment, et je suis sûre qu'ils finiront par tuer les juifs par centaines de milliers, et à cela s'ajoutent les handicapés, les vieillards, et les homosexuels. Il faut que tu comprennes que nous sommes vraiment en danger de mort, dès que l'on passe près d'un uniforme nazi. Alors tu ne dis rien. Jamais. Je te promets de ne jamais rien dire non plus pour votre liaison, à toi et Tom.

Rachel chuchotait, de peur de se faire entendre par l'allemand caché à chaque coin de rue de Paris, des plus nobles aux plus délabrés. La peur était partout, et chacun faisait les choses en conséquence, et en connaissance de cause.

- C'est promis.

Le brun répondit à la jeune femme d'un ton très sincère, qui se voulait vrai. Les deux amis savaient parfaitement qu'ils s'embarquaient dans une lutte où la vie serait un couteau à double tranchants. Brûle et ouvre, trace et tue.

[...]

Juillet 1941.

Le coeur de Tom battait vite et fort, alors qu'il était allongé à même le sol dans la boue, formée par la pluie qui n'avait de cesse de tomber depuis quelques jours et quelques nuits. Le fusil pointé vers l'avant, le doigt du blond tremblait sur la gâchette, son nerf hésitant à déclencher son geste alors que son cerveau avait déjà ordonné de tirer. Là, juste en face de lui, un soldat d'une nationalité inconnue. Il était peut-être là comme Tom, forcé de se battre pour une nation qui n'était plus la sienne. Le soleil brûlait au dessus de la tête des soldats immobiles, tous en ligne dans la même position que le jeune homme. Bientôt il fêterait ses 22 ans. Il priait de tout son coeur pour ne pas avoir à les fêter là, entre deux mottes de terre, alors que l'espoir de voir son souhait se réaliser s'atténuait toujours plus. Un mouvement bref se fit entrevoir au niveau des troupes ennemies : le soldat que Tom observait depuis quelques minutes avait légèrement bougé. Surpris par ce mouvement soudain, et sans vraiment réfléchir plus, le blond appuya sur la gâchette. L'homme à quelques mètres de là eut un étrange spasme, et lâcha son fusil de lui-même, alors que du sang s'écoulait de sa poitrine, visible à bonne distance.

Tom mit quelques secondes à réaliser, puis il prépara son fusil pour le coup suivant. Même tuer ne lui faisait plus rien. La guerre l'avait rendu totalement insensible. La guerre l'avait rendu si insensible que ça en aurait presque fait peur. Un maigre coup de sifflet retentit dans l'air, paraissant presque sourd aux oreilles des soldats, bien trop habitués au lourd bruit désagréable des obus qui explosent, des fusils qui tirent.

Tom transpirait sous ce soleil ardent d'Afrique du Nord où on l'avait envoyé, et la sueur qui coulait de ses tempes allait s'échouer au niveau de la comissure de ses lèvres, créant un picotement et une douleur chez le jeune homme, car des plaies s'étaient formées, tout au long des combats. Ces blessures infimes ne changeaient pas grand chose à la vie du blond ; il avait déjà tellement vu, tellement souffert que les minuscules plaies sur son visage ne lui faisaient même plus mal.

Sa blessure à l'épaule avait finalement cicatrisé, quoique mal et difficilement. Elle était malmenée, emmenée partout et l'avait fait souffrir alors qu'il se devait de garder la tête haute lorsqu'il se battait.

Après l'entrée des troupes nazies en France, Tom avait été transféré vers un autre front. Plus loin encore qu'il ne l'était déjà. Bill lui manquait tant. Pourtant, c'était pour leur bien commun qu'il avait écrit sa dernière lettre, restée, comme il l'avait demandé, sans réponse de la part du brun. L'Afrique restait avant tout un pays dangereux car le climat qui y régnait demeurait inconnu, et les français avaient du mal à s'y habituer. Tom se sentait ici en territoire ennemi, alors que techniquement, le lieu où il se trouvait était français. Le blond était loin du régiment dans lequel il avait commencé les combats, loin des hommes avec lesquels il s'était battu, avec lesquels il avait échangé. Il se retrouvait maintenant seul dans un bataillon dont il ne connaissait même pas le nom du général. Il continuait d'avoir peur pour lui-même, peur pour sa vie. Mais la chose pour laquelle il avait plus peur encore, c'était la vie de Bill. Ils étaient tellement en danger.

[...]

Les combats avaient une nouvelle fois cessé, pour quelques minutes, quelques heures tout au plus. Les soldats en profitaient pour se reposer, ou comme chaque fois, faire semblant. Tom était accroupi avec les autres, mais un peu en retrait. Il ne les connaissait pas. Il n'avait aucun compte à leur rendre.

- Hé toi !

Une voix avait crié dans le vide, à l autre bout de la tranchée, incitant machinalement le jeune homme à se retourner, pour en connaître l'origine. Il vit alors avec surprise ce soldat aux dents pourries avec qui il parlait quelques fois, alors qu'ils se battaient encore sur le continent européen.

- L'amoureux ! C'est-y bien toi ? Je n'y crois pas. Toi ici ?!

Le vieillard s'approcha de Tom clopin clopant, lui offrant une généreuse tape sur l'épaule à laquelle il grimaça : bien que cicatrisée, sa blessure le faisait encore souffrir.

- Alors, qu'est-ce que tu fais là ? T'as pas une p'tite parisienne à aimer ?, ricana-t-il, comme s'il avait bu une ou deux bières de trop - bien que la bière et l'alcool en général se fassent rare.

Tom fit mine de rire à cette remarque, l'image de sa "petite parisienne" lui revenant mentalement. Il lui tardait tant de revoir enfin son brun. Il expliqua brièvement à son aîné ce pourquoi il se trouvait en troisième ligne d'un front africain, avant de lui retourner la question. Le vieux répondit lui aussi sans trop de détails que les raisons de sa présence étaient les mêmes que celles de Tom. Puis il y eut un silence, semblable à ceux des morts, entre deux tombes.

- Elle te manque, ta petiote, hein ?, demanda l'homme, brisant ce silence grégorien.

- Terriblement.

Le vieux hésita un instant, ouvrir la bouche pour parler puis se ravisa, la refermant par la suite. Au lieu de cela, il laissa Tom muré dans son silence, et entreprit de se rouler une cigarette, à l'aide du même genre de papier jauni que le blond utilisait pour écrire ses lettres, auparavant. Il l'observa faire, mettre une herbe étrange dont il ne connaissait point le nom à l'intérieur.

- T'as trouvé ça où ? , demanda soudain le plus jeune, curieux.

- Un gars de dernière ligne. Là-bas, ils ont beaucoup plus. On est logés à la même enseigne, mais les infirmières les droguent pour qu'ils se sentent un peu moins mal. Méthode africaine, apparemment.

Tom n'avait jamais touché à ce genre de trucs, jugeant que la simple cigarette le tuait déjà bien assez. Il regardait le vieux se l'allumer grâce à une allumette qui par miracle n'était pas mouillée, et tirer dessus lentement, recrachant la fumée par après.

- Tu veux essayer, p'tiot ?, lui lança-t-il d'un coup.

- Oh. Non, merci.

- Allez, rien qu'une. C'est pas celle là qui te tuera, va. Puis tu verras, après tu te sentiras bien mieux. Ta parisienne te manquera peut-être un peu moins. Du moins, t'auras moins mal en y pensant.

Tom réfléchit quelques instants, et se plia presque de douleur en s'étirant, les courbatures le rongeant. Alors il n'hésita plus : il attrape la roulée de la main tendue du vieillard aux dents pourries, et la porta à ses lèvres, comme son vis-à-vis l'avait fait. Il inspira un grand coup et se sentit partir pour une destination inconnue, perdu dans les premiers effets de cette drogue libératrice.

[...]

Le soleil semblait avoir disparu, et le ciel devenait peu à peu gris et sombre, comme en ces mauvais jours d'orage. Bientôt, la pluie ravageait la tranchée, et les hommes s'entassaient tant bien que mal à l'abris. L'eau tombant du ciel coulait aussi vite que l'eau sortant d'un pommeau de douche, rappelant à chaque soldat la sensation d'une de ces douches froides et désagréables. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas plu, ici. Cela se distinguait sans peine grâce au sol sec et craquelé, qui enfin reprenait des forces, et buvait l'eau à pleines gorgées.

Un tir d'obus avait résonné au loin, et pourtant, chacun savait qu'il était tout près. Tous les soldats étaient en ligne dans la tranchée, immobiles, attendant les ordres de leur général. Celui-ci, assez peu conscient et interessé par le danger qui menaçait ses troupes, ordonna l'offensive. Alors Tom et le reste du bataillon s'élancèrent vers le front ennemi. Ils ne savaient même plus contre qui ils se battaient. Leur seul but était de tuer. Tuer pour survivre. Les pieds lourds du blond foulaient le sol, alors qu'il faisait tout son possible pour réussir à mettre un pied devant l'autre sans trébucher, tout en tirant aisément de son fusil chargé. Chaque balle qui partait le déchirait un peu plus de l'intérieur, alors qu'il pensait au massacre auquel il participait directement, ce genre de boucherie qu'on ne souhaite pas voir le long d'une vie.

Soudain, on ordonna le repli. Seulement, Tom se retrouva nez-à-nez avec un soldat du front ennemi, là, à quelques mètres de lui. Il semblait viser. Allait-il le tuer, là, comme ça, s'en prendre à un homme en position de faiblesse ? Tout ne se passa qu'en une simple fraction de secondes : leurs regards se croisèrent, affaiblis, brillants d'inquiétude, et Tom crut voir le fusil de l'autre s'abaisser un peu, alors qu'il partait en arrière, à la suite des autres. Il courait plus vite encore qu'il n'avait jamais couru, tentant à tout prix de sauver sa peau, son coeur battant à tout rompre, excité par la peur; durant les quelques secondes de répit que lui offrait gracieusement l'ennemi, sans trop comprendre pourquoi. Ça y est, il allait gagner la tranchée, où il serait en sécurité. Au loin, un dernier tir retentit. Au même moment, avec à peine quelques millisecondes d'écart, une balle propulsée à plusieurs centaines de kilomètres alla se loger violemment dans le mollet du blond, s'enfonçant plus profond encore. Le jeune homme poussa un horrible cri de douleur, à en déchirer le monde, alors qu'il avait aperçu par coups d'oeil le sang gicler de sa peau blanche. L'impact de la balle le fit perdre pied, et il bascula, inconscient, s'écrasant lourdement au fond de la tranchée, où des camarades l'attendaient.

[...]

1er Juillet 1942.

"Mon Tom, mon Amour,

Tout d'abord, j'aimerais que tu lises cette lettre jusqu'au bout, si elle te parvient. Je sais bien que je t'avais promis (je me l'étais promis aussi) de ne plus t'écrire, pour ne pas mettre notre relation plus en danger qu'elle ne l'est déjà. Mais tu sais, c'est très dur. Trop dur, Tom. Cela fait maintenant bien plus d'un an que je t'ai écrit pour la dernière fois, plus d'un an que je t'ai lu. Presque deux ans que je n'ai plus aucunes nouvelles de toi, mon amour.

Je t'avais, certes, promis de rester fort, de continuer à vivre comme avant. Mais sans toi rien n'est pareil. Je ne sais même pas si tu peux réussir à comprendre ce qui me traverse l'esprit à toute heure du jour et de la nuit. Tu me rends fou Tom, complètement fou. Pardonne-moi ce langage peu soutenu, mais je peine à aligner les mots correctement, tant ton absence me consume. J'ai toujours été ivre de tes paroles, de tes mains sur mon corps. Je rêve que tu puisses à nouveau être là, pour me retirer mon fin peignoir, et caresser mes courbes encore et encore jusqu'à-ce que j'en gémisse de plaisir. Tom, en cette lettre, qui sera peut-être la seule, la dernière avant – je l'espère – ton retour, j'ose. J'ose te parler de ce que je ressens, du manque qui se fait sentir. Bientôt quatre ans qu'on ne s'est plus vu, ni touchés. Oh Tom, si seulement tu pouvais être là, et soulager ce plaisir que je garde enfoui en moi, rien que pour toi.

Mon Amour, parfois je cherche tes mains sur ma chute de rein, ton corps contre le mien, tes cheveux dans mes yeux, et tes fesses rebondies entre mes mains, alors que l'on se donne l'un à l'autre. Je cherche aussi ton visage, recouvert de cette fine pellicule de sueur qui t'est si propre, et ton sourire, ce sourire si fin que tu affiches après l'amour. Je cherche toutes ces choses, et la désillusion en est d'autant plus douloureuse lorsque je m'aperçois que tous mes souhaits ne sont rien d'autre que du vent. Je t'aime tant.

Tu ne veux pas que je te parle de Paris, pourtant, les choses ont tellement changé qu'il me serait presque impossible, impensable de ne pas te raconter quelques brèves nouvelles. Nous sommes en zone occupée, les nazis sont à chaque coin de rue, et l'on se sent en permanence épiés, traqués. Pétain est au pouvoir, tu sais, et il collabore avec Hitler. Il livre les juifs, les handicapés, les homosexuels, et tout le reste. Tout ceux qui ne sont pas dignes de vivre. J'ai aussi entendu qu'il existait des camps, comme Auschwitz, en Pologne.

Tom j'ai si peur. Plus les jours passent, et moins j'ai l'impression de me sentir vivant. Tu es mon tout, et sans toi, j'ai sans cesse le sentiment de vivre reclu et enfermé dans une vieille maison sans fenêtres. J'étouffe. Ton absence m'étouffe. L'amour que je te porte m'étouffe. Mais Tom je t'aime tellement. Si j'avais pu te le dire en plusieurs langues je l'aurais fait.

Comme à chaque fois, comme chaque jour, je m'inquiète de te savoir vivant. Tu me demandes de vivre heureux, de refaire ma vie, dans le cas où tu ne reviendrais pas. Pourquoi ne devrais-tu pas revenir Tom ? Tu vas mourir. Comme tout le monde sur cette Terre. Mais toi, ce sera différent. Tu vas mourir, et je pleurerais ta mort jusqu'à la fin de mes propres jours. Je ne veux pas que tu meures. C'est impensable Tom. J'ai maintenant 22 ans, et je compte chaque jour passé sans toi.

Tout cela me fait tellement de mal Tom. T'aimer est difficle, mais t'attendre avec la peur de ne jamais te voir revenir l'est encore plus. Je souffre de ce manque, tu me fais tant de mal, mais aussi tellement de bien. Il me tarde de pouvoir à nouveau t'embrasser comme nous le faisions lorsque nous étions encore jeunes et insouciants du danger qui pesait sur nous. Souviens-toi comme nous avions l'esprit fougueux.

Mes mots s'entremêlent mon Amour, et cette lettre n'a plus de fil rouge. Je crois bien que je ferais mieux de m'arrêter là. Jure-moi que tu es vivant, Tom. La distance m'est insupportable, et mon coeur se consume de jour en jour.

Oh mon Amour, crois-tu que je deviens fou ?

Je t'aime, malgré la distance, le doute, et cet amour qui nous brûle.

En espérant que cette lettre te parviendras, peu importe où tu es.

Je t'aime encore une fois,

Bill"

Le brun, tâchant sa lettre de ses larmes, cacheta l'enveloppe et alla la porter à la boîte postale la plus proche. Mais savait-il seulement que ce courrier les mènerait à leur perte ?

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