Sally n'avait jamais vécu ce genre de réveil. Le genre à donner des crampes à l'estomac et à se sentir aussi mal physiquement que moralement. Le genre de réveil détestable et douloureux.
Elle avait ouvert les yeux dans une chambre silencieuse. Elizabeth était rentrée tard dans la nuit et dormait toujours à poings fermés. Seule sa respiration lente troublait le calme ambiant.
Sally resta un moment à fixer le plafond. Pourquoi est-ce que tout se passait de travers depuis qu'elle était à l'université ? Elle repensa au garçon et l'image de sa bouche sur celle de Maddie s'imposa à son esprit. Elle tenta de la balayer aussitôt.
Pourquoi fallait-il aussi que cette fille se retrouve dans tout ce qu'elle vivait à Felice ? Elle se refusait à penser à toutes ces histoires de karma, de destin, de providence ou encore d'énergie cosmique car elle n'y croyait pas.
Sally finit par se lever, à contre-cœur. L'équipe des Lions avait un entraînement, Sally n'en avait ni la force ni l'envie, mais elle n'était pas du genre à se morfondre dans le fond de son lit. Elle n'avait pas envisager une seule seconde la possibilité de ne pas y aller, Sally ne manquerait un entraînement pour rien au monde. Et cela lui permettrait de focaliser ses pensées sur quelque chose de positif.
Elle prit sa douche puis se prépara silencieusement dans la chambre. Ce n'était pas tant pour respecter le sommeil de sa colocataire que pour ne pas risquer de la réveiller et de supporter ses jacasseries dès le matin. Sally saturait. Vraiment.
Elle quitta Provincia Hall et traversa le campus qui ne s'était clairement pas encore remis des festivités de la veille. Les vestiges de la soirée gisaient partout : les décorations en papier volaient au gré du vent qui soufflait, des gobelets en plastiques traînaient sur le trottoir en ciment. Des étudiants étaient déjà en action, s'organisant par groupes pour nettoyer les espaces extérieurs.
Quand Sally atteignit le gymnase, la plupart de ses coéquipières étaient déjà là. Enthousiastes, elles parlaient toutes de la fête de la veille en se préparant dans les vestiaires.
— Mon dieu, Mary était tellement bourrée, c'était trop drôle ! se moqua Ashley en donnant un coup d'épaule à la concernée qui fronça le visage.
— Dis donc, toi, t'étais pas mal arrachée non plus !
Jasmine vint les prendre toutes les deux par les épaules et braqua le regard sur une autre de leur coéquipière.
— Je crois que personne n'a fait mieux que notre chère Carly !
Carly éclata de rire en enfilant ses chaussures.
— Je plaide coupable. Je ne sais même plus qui j'ai embrassé !
— Alors, je te fais la liste si tu veux... Bennett, Devon...
— Stop ! la coupa Carly en plaquant ses mains sur ses oreilles. Je ne veux pas savoir.
Éclat de rire général.
— La soirée était mémorable. Je crois que toute l'équipe s'en souviendra longtemps, s'exclama Delia en balayant l'espace du regard.
Toutes opinèrent. Sauf Sally qui se changeait silencieusement.
— Alors madame la sorcière, on ne vous a pas beaucoup vu hier soir, lui lança une des Lions.
Sally fit mine de ne rien entendre. Elle n'avait aucune envie de parler de cette soirée qu'elle avait finalement passé dans le fond de son lit.
— Hé capitaine ! l'apostropha Kristen, Tout va bien ?
Sally releva la tête et acquiesça.
— Mal de crâne, finit-elle par lâcher.
— Dommage que tu aies disparu, certains mecs ont fini la nuit en dansant torses nus sur des tables !
— Club de strip-tease, bonjour ! s'écria une voix, faisant pouffer l'ensemble des filles.
— Génial, marmonna Sally entre ses dents.
— Bon, après toutes ces émotions et la nuit courte, j'espère que vous avez quand même toutes la forme ? demanda Meredith.
Les filles s'empressèrent de confirmer avant de finir de se préparer. Elles quittèrent ensuite les vestiaires, direction le terrain.
Sarah et Alison se dirigèrent droit sur Sally, la mine soucieuse.
— Tu n'as pas répondu à nos textos.
— Je me suis couchée tôt, je n'étais pas bien, expliqua calmement Sally.
Elle n'avait pas pour habitude de se justifier mais elle savait très bien que c'était le meilleur moyen pour avoir la paix. Et si elle était honnête avec elle-même, elle devait reconnaître qu'elle commençait à sérieusement apprécier ces deux filles.
— Est-ce que tu vas mieux ? s'enquit Alison en posant une main sur l'épaule de Sally.
Sally lui sourit.
— Ça ira.
Sur ces mots, Alison et Sarah comprirent qu'il ne servait à rien d'insister et le trio rejoignit le reste de l'équipe.
L'entraînement se passa comme à l'accoutumée mais Sally était fatiguée. Malgré tous ses efforts, elle n'arrivait pas à réellement se concentrer. Ses pensées divaguaient rapidement et elle devait se faire violence pour se recentrer sur le moment présent.
Elle se sentait faible, ses muscles lui paraissaient peser une tonne. Le manque de sommeil et son estomac vide dû au petit-déjeuner sauté le matin-même la rendaient fragile, incapable de déployer autant d'énergie que d'ordinaire.
Meredith le remarqua et vint lui demander si tout allait bien.
— Tout va très bien, lui rétorqua sèchement Sally.
La fierté l'empêchait de reconnaître qu'elle n'était franchement pas performante. Et aux yeux de Sally, ce n'était pas le jour pour que Meredith joue de sa supériorité.
— Si tu le dis, lui répondit Meredith sur le même ton.
Elle tourna aussitôt les talons, fatiguée de l'attitude de sa co-équipière. Meredith voulait bien essayer d'être sympa mais il ne fallait pas abuser.
Les deux co-capitaines s'ignorèrent et poursuivirent l'entraînement.
Tandis que les Lions enchaînaient les figures, Sally exécutait les mouvements par automatisme, sans mentaliser ce qu'elle était en train de faire.
Alors qu'elle était juchée en haut de la pyramide et qu'elle n'était pas encore stabilisée, un sentiment de malaise la saisit et elle sentit ses forces la quitter.
Son champ de vision se rétrécit tandis que ses membres semblaient ne plus lui répondre et ses jambes devenir aussi molles que du coton. Des points noirs envahirent son champ de vision jusqu'à l'obscurcir totalement. Ses oreilles bourdonnaient et sifflaient.
Sally vacilla et le vide s'ouvrit devant elle. Elle tomba en avant et chuta de plusieurs mètres de haut. Chute qu'elle eut l'impression de vivre au ralenti avant de sentir son corps tomber lourdement sur le sol.
Les mouvements s'accélérèrent autour d'elle quand, écrasée par la douleur, elle perdit connaissance et sombra dans le noir.