Je sortis plus tôt de la maison que d'habitude ce matin pour pouvoir éviter mon père. Il était endormi sur le canapé quand j'étais sorti et il y resterait probablement la plupart de la journée avant qu'il ne se réveillât et qu'il recommençât à boire. Je savais que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il n'éclatât et que toute sa colère se canalisât en une seule raclée.
Je marchai très lentement en direction de l'école aujourd'hui parce qu'il était assez tôt et je remarquai que la maison des Martinez était sur la route que j'empruntais. La voiture de Dominic était toujours garée dans l'allée donc je savais qu'ils n'étaient pas encore partis, à moins qu'ils n'avaient décidé de marcher. Je continuai ma marche, ne voulant surtout pas le croiser.
Lorsque j'arrivai enfin à l'école, il n'y avait pas beaucoup de gens là-bas, mais il y en avait quelques-uns. Il restait un moment avant les cours donc je m'appuyai, mal à l'aise, contre mon casier et finis mes devoirs de maths que je n'avais pas faits hier soir. Les couloirs devinrent plus bruyants tandis que les minutes défilaient puis il devint silencieux. Je levai le regard pour voir ce qui se passait. En face de moi, il y avait Dominic, José et Andrés. Ils parlaient à un garçon qui semblait avoir deux ans de moins que moi. Je ne savais pas ce qu'il avait fait de mal, mais je savais qu'il était la cible de Dominic aujourd'hui. Il ouvrit le même casier dans lequel il m'avait enfermé lors de mon premier jour ici. J'avais mémorisé les chiffres qu'il avait utilisés ; 20-8-3. Je n'avais aucune idée d'à qui appartenait le casier ou pourquoi le code de Dom était comme ça.
- Entre, ordonna Dominic au garçon en pointant le casier.
Le garçon fit ce qu'on lui disait de faire sans hésiter. Dominic claqua la porte, rit avec ses potes puis le couloir redevint normal, tout le monde fit ce qu'ils faisaient d'habitude avant les cours. Je me sentais désolé pour le gamin parce que je savais ce que c'était. C'était sombre et étroit et s'il était comme moi, il serait probablement en train de paniquer, pensant que personne ne le laisserait sortir.
Je savais que je m'attirerais des problèmes à cause de ce que j'allais faire ensuite, mais je le fis quand même. J'allai vers le casier et après avoir essayé la combinaison trois fois, cela marcha enfin et je l'ouvris.
- Sors de là, dis-je au gamin.
Il avait l'air effrayé mais il s'en alla rapidement. Lorsque je me retournai, Dominic se tenait là, les bras croisés.
- Tu demandes à avoir des problèmes, n'est-ce pas ? demanda-t-il d'un ton agacé, mais ses yeux étaient remplis d'amusement.
- Quelqu'un devait défendre le petit gars, répondis-je doucement.
J'essayais de ne pas avoir un sale comportement. Il avait dit que nous étions quittes, mais je venais probablement de ruiner ça.
- Suis-moi, exigea-t-il et il s'en alla.
Ses amis ne le suivirent pas, et personne d'autre non plus, pour voir ce qu'il allait me faire. J'envisageai de ne pas le suivre, mais si je ne le faisais pas, ce serait probablement pire. Je pouvais aussi bien terminer ça rapidement. Donc, je le suivis dans quelques couloirs jusqu'à ce que nous franchîmes un vestiaire et que nous trouvâmes une piscine à l'intérieur de l'école.
- Pourquoi tu fais ça ?
La voix de Dominic faisait écho dans la grande piscine déserte. Je le suivis jusqu'à ce qu'il se retournât pour me faire face. Nous nous tenions au bord de la piscine. Qu'allait-t-il faire ? Me noyer ?
- Faire quoi ? questionnai-je.
- Me tenir tête. Tu sais que tu vas me mettre à dos, alors pourquoi tu fais ça ? m'interrogea-t-il.
Je soupirai et haussai les épaules. Je regardai la pièce vide, anxieux, espérant qu'un enseignant entre.
- Est-ce que tu vas te venger ou bien ? demandai-je, devenant impatient.
Je voulais juste que ça se terminât.
- Ça? Oh, ce n'est pas une vengeance. Mes vengeances sont toujours des humiliations en public. Ça, c'est parce que je ne t'aime pas, répondit-il.
Il passa vers moi, mais il s'arrêta et me poussa dans la piscine. Lorsque j'atterris dans l'eau glaciale, j'eus l'impression que l'air avait quitté instantanément mes poumons. Putain de Jésus-Christ, ça les tuerait de chauffer un peu la piscine ? Je refis surface et me remontai sur le bord, lançant un regard noir à Dominic tandis qu'il flânait de façon décontractée en sortant de la pièce. Putain d'abruti.
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Je fus assez intelligent pour sauter le déjeuner ce jour-là. Dominic allait me faire une crasse et j'étais assez satisfait de savoir que si je n'allais pas manger, alors peu importe ce qu'il avait prévu de me faire, ça tomberait à l'eau. Je me promenai un petit moment jusqu'à ce que je me retrouvasse devant la salle de musique. Personne n'était là donc j'entrai et regardai à l'intérieur. J'aimerais savoir jouer d'un instrument pour avoir une chance de réussir ce cours. Je me dirigeai vers le piano et j'appuyai sur quelques touches, j'avais l'impression d'être un gamin de trois ans qui appuyait au hasard sur les touches. Je soupirai, abandonnant facilement. Je regardai encore autour de moi et vis un ordinateur portable sur une table dans le coin de la pièce. Nous étions censés l'utiliser pour enregistrer nos chansons. J'eus la soudaine tentation d'enregistrer ma voix, juste pour voir à quoi ça ressemblait.
J'allumai l'ordinateur, le configurai et je pensai à une chanson. La seule qui me vint en tête était "Iris" des Goo Goo Dolls. C'était l'une de mes préférées. Après avoir regardé rapidement dans la salle pour m'assurer qu'il n'y avait personne ici, je commençai à chanter sans aucun instrument de support. Ma voix commençait à trembler au début, mais je devenais de plus ne plus confiant. Je finis la première strophe et j'étais sur le point de chanter le refrain lorsque le son d'une guitare acoustique m'arrêta en chemin. Je me retournai et vis Dominic marcher vers moi, grattant l'air sur la guitare.
- Continue de chanter, ordonna-t-il.
- Non, répondis-je rapidement.
Mon visage brûlait de gêne après avoir été surpris.
- Fais-le, commanda-t-il.
Il recommença le refrain et je restai silencieux, mais il continuait de répéter encore et encore le refrain jusqu'à ce que j'abandonnasse enfin et que je chantasse le refrain. Il me regardait comme s'il était impressionné par mon chant et je devais l'admettre, cela me fit me sentir bien. Cependant, nous ne nous arrêtâmes pas après le refrain. Il continua et nous finîmes par jouer la chanson entière. Au moment où nous finîmes, je fixai nerveusement le sol. Mes yeux sautèrent lorsque j'entendis des applaudissements dans la pièce. Mme Ascot se tenait seule à la porte, le sourire rayonnant.
- Cooper, Dom, c'était magnifique, dit-elle.
Je ne pensais pas qu'il me fût possible de rougir encore plus que maintenant. Je n'avais jamais chanté devant personne avant, sauf devant ma mère.
- Très bien, changement de plans. Cooper et Dom, vous allez faire votre devoir ensemble. Dom à la guitare acoustique et Cooper au chant, annonça-t-elle.
- Quoi? Non ! dîmes Dominic et moi en même temps.
- Vous ferez ça. Vous fonctionnez tellement bien ensemble et j'ai hâte de voir quelle chanson originale vous allez produire tous les deux." déclara-t-elle et elle se dirigea vers son bureau, coupant court la discussion.
Dominic et moi, nous nous regardâmes , plein de rancœur. Super, génial.
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Étonnamment, le jeudi se déroula sans incident. Je n'avais pas croisé Dominic ou même Brad. Je commençais à penser que Dominic avait oublié la vengeance et qu'il s'en fichait. Quoi qu'il en soit, le vendredi, j'étais assez stupide pour penser que ce serait bon d'aller à la cafétéria durant le déjeuner. J'allais le louper, comme je l'avais fait mercredi et jeudi, mais j'étais tellement affamé que j'avais décidé d'y aller. En plus, la cafétéria servait des lasagnes, mon plat préféré. J'attendis dans la file, regardant autour de moi de temps en temps parce que j'étais parano. Dominic était assis avec ses amis et Brad aussi donc ils ne pouvaient pas m'embêter, pas encore. Je pris la nourriture et allai trouver une table abandonnée près du fond quand quelqu'un me rentra dedans, c'était prévu, et je renversai mon plateau sur mon pull. Toute la cafétéria me regarda et rit. Je me figeai sur place et regardai le gamin qui m'avait fait ça, c'était le même gamin que Dominic avait mis dans le casier l'autre jour. Il semblait compatissant, mais il ne me dit rien et s'enfuit. C'était à ce moment-là que je savais que Dominic était derrière tout ça. Je le regardai. Il avait un regard content de lui sur le visage.
Je commençai à m'éloigner des rires et des railleries lorsque personne d'autre que Brad parla.
- Tapette ! lança-t-il plus fort que les rires.
Il continua de le dire encore et encore jusqu'à ce que le reste de la cafétéria me chantât le mot "Tapette" encore et encore.
Ce n'était pas l'insulte qui m'atteignait, c'était le fait que des centaines de personnes qui ne me connaissaient même pas se moquaient de moi. Ils ne me connaissaient même pas, putain ! Aucun d'entre eux, sauf Isaac, n'avait pris la peine de me parler. Ils ne faisaient que prendre le train en marche et pensaient que ça allait de me faire ressentir ça. Je me sentais humilié. J'étais misérable. Cela ne devrait pas m'embêter. J'aurais dû être fort, mais je ne l'étais pas. Je courus sur les quelques mètres qui me séparaient de la sortie de la cafétéria et allai dans les toilettes les plus près et heureusement, elles étaient vides. Je claquai la porte avec colère et j'enlevai mon pull. Je le rinçai rapidement sous l'eau avant de le remettre. J'allai dans l'une des cabines et fermai la porte à clé, donnant un coup-de-poing dedans au passage. Tombant au sol, les larmes coulèrent sur mes joues tandis que je laissais sortir toute l'angoisse d'être un exclu. Pourquoi ? Pourquoi putain ?! Pourquoi je ne pouvais pas passer inaperçu comme je l'avais désespérément voulu ? J'étais tellement bouleversé que les gens dans cette école fussent aussi horribles. J'étais surtout en colère après Dom pour avoir été le plus gros connard de tous les temps.
Je n'étais pas assis depuis très longtemps. Eh bien, j'étais là depuis assez longtemps pour avoir manqué le déjeuner et la moitié du cours de musique. J'avais l'intention de rentrer chez moi, mais je ne pouvais pas me résoudre à me lever et à partir jusqu'à ce que j'entendisse quelqu'un entrer.
- Cooper, t'es là ?
La voix sans cœur de ce bâtard venait de l'extérieur de la porte de la cabine. Ma colère eut raison de moi et je me levai, ouvrant la porte et lui lançai un regard noir.
- Enfin, putain. Mme Ascot m'a envoyé pour une mission de recherche, dit-il de façon décontractée.
Cela me rendit encore plus fâché.
- Est-ce que t'as une idée de ce que tu fais aux gens ?!" criai-je.
- Euh, ouaip, répondit-il, un peu confus, comme s'il s'en fichait.
- Alors ça fait de toi une putain d'horrible personne. Tu tourmentes simplement les gens sans en avoir rien à foutre d'à quel point ça les détruit ! hurlai-je.
Je ne lui donnai pas la chance de répondre parce que je passai devant lui, sortis des toilettes et de l'école. Je rentrai à la maison, n'en ayant rien à foutre si j'avais des problèmes pour avoir loupé mes derniers cours. J'aurais probablement l'air d'un idiot complet là-bas, avec mes yeux rouges et mes joues teintées de larmes.
Lorsque j'arrivai à la maison, je ne m'étais pas encore calmé. C'était tellement différent de moi. Je n'avais jamais été fâché jusque-là. D'habitude, je repoussais simplement ça et continuais ma vie pathétique, mais aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui s'était terminé sur une semaine où un tas de petites choses s'étaient accumulées, ce qui faisait que j'avais l'impression d'être une pauvre merde. Lorsque j'entrai comme une furie dans la maison, mon père était là, prêt à me saluer.
- Qu'est-ce que tu fous là, putain ? Tu devrais être en cours, m'agressa-t-il.
- Ouais et toi, tu devrais avoir un putain de boulot mais ce n'est pas le cas, hurlai-je et je passai devant lui pour aller dans ma chambre.
Il me suivit jusqu'ici en une seconde et je le regardai avec de grands yeux.
- J-je suis désolé. Je ne le pensais pas, m'excusai-je.
Pourquoi est-ce que j'avais une grande gueule ? Pourquoi je continuai d'empirer ma situation ?
- Oh, tu le pensais, Cooper. J'ai essayé d'y aller doucement avec toi parce que je savais que c'était ta première semaine d'école, mais tu dois apprendre à me respecter, bouillonna-t-il.
Le respecter?! Comment je pouvais respecter cette être dégoûtant ? Cependant, je ne lui dis pas ça, cela empirerait encore plus les choses. Au lieu de ça, je le laissai me pousser sur le sol. Je criai au premier contact de son pied dans mes côtes.
- Arrête! S'il te plaît, arrête ! criai-je mais c'était vain. Je n'étais pas capable de l'arrêter, donc je me roulai en boule et endurai ça.
Neuf... dix... onze... douze. Il m'avait donné douze coups de pied, jusqu'à ce qu'il s'ennuyât et qu'il sortît de la pièce. Avant que la douleur n'eût la chance de s'installer, je m'emparai de mon lit et m'allongeai là, m'apitoyant sur moi-même.
C'est ce que j'avais fait la majeure partie du week-end. J'étais juste allongé là, ne voulant penser à rien. Chaque fois qu'une pensée essayait d'entrer dans mon esprit, je la repoussais et fermais les yeux, espérant qu'un trou noir s'ouvrît dans ma chambre et m'emmenât.