Chapitre 28 :
Alors que Jean et Mathéo venaient de sortir de la pièce, Nathan regarda du coin de l'œil son élève. Il ne pouvait penser qu'au fait que maintenant ils devaient rester ensemble. Ça semblait déjà impossible avant parce qu'il y avait leur rapport prof/élève, leur différence d'âge, leurs caractères opposés, et d'autres choses encore. L'idée qu'il lui était interdit de le toucher avant leur éveil le rassurait, mais l'obligation de partager sa vie avec lui, sans pouvoir justement le toucher le paniquait un peu. Ça le paniquait parce qu'il n'était pas sûr d'y arriver et s'il n'y parvenait pas, ils risquaient de mourir, tous les deux. Ce n'était pas quelque chose qu'il avait envie de tester maintenant.
« Qu'est-ce que tu en penses ? »
Nathan sursauta en entendant la voix de William mais sa réponse sortit sans même qu'il n'eut besoin de réfléchir.
« Je vais fumer ces fils de putes ! »
Il ferma les yeux alors que le garçon les écarquillait. Est-ce qu'il avait déjà parlé de la sorte devant lui ? Il n'en était pas persuadé, mais William semblait étonné de ce langage. De toutes façons c'était ce qu'il pensait, il n'avait pas besoin de se cacher pour ça. Il allait leur faire bouffer leur parties intimes à ces connards qui avaient osé s'en prendre à son Alpha.
Il avait encore du mal à accepter de voir le gamin ainsi, mais il ne pouvait pas nier ce côté possessif qu'il ressentait. Il ne savait pas encore vraiment jusqu'à quel stade ce sentiment avait progressé en lui, mais il était là, bien présent. Encore plus que l'instinct de possession qu'il éprouvait, c'était l'envie de le protéger qui gonflait en lui. Il aurait pu se voiler la face et se dire qu'il en serait de même pour chacun de ses élève mais il n'était pas aussi hypocrite que ça, surtout pas envers lui-même.
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
Ils n'avaient pas parlé pendant quelques minutes, un silence étrange s'installant entre les deux. Nathan avait utilisé tout ce temps pour scruter le garçon, de façon assez intense il devait bien avouer, mais il était hors de question qu'il dise au gamin ce à quoi il pensait. Plusieurs choses étaient en effet passées dans son esprit, les chasseurs, son entraînement, les créatures légendaires, le sang qui soigne.
Il avait pensé au fait qu'il pourrait peut-être guérir ou tout du moins atténuer les vilaines blessures qu'avait William un peu partout sur son corps, celles causées par ces fumiers de chasseurs. Rapidement cependant il avait réalisé que le laisser le mordre n'était pas compatible avec l'optique de garder une certaine distance. Ça semblait trop intime, bien qu'il ne l'ai pas vu ainsi avec le vampire. Tout était différent avec son élève.
Ça l'embêtait de le voir souffrir de la sorte tout en sachant qu'il pouvait l'aider, mais il ne voulait pas non plus les précipiter dans un problème encore plus difficile à gérer. Il se souvenait encore très distinctement la douleur qu'il avait ressentit avec William dans ses bras, la langue dans sa bouche alors qu'ils s'embrassaient de façon incontrôlable à cause des loups.
Il avait bien compris maintenant que le loup n'était autre que lui-même, mais il était plus facile pour le moment de le voir comme une entité à part entière qui le poussait contre sa propre volonté vers William. C'était difficile de faire la part des choses parce qu'il était irrémédiablement attiré par le gosse, mais l'approcher signifiait se mettre en danger.
Le loup voulait s'unir à son compagnon Alpha, mais il ne faisait rien pour s'éveiller, se montrer, et Nathan ne comprenait pas trop quoi faire pour changer les choses. Il essayait de réfléchir en loup, puisque c'était ce qu'il était, mais il n'avait jamais fait ça. Et puis il avait été élevé par des humains, il ne pouvait penser que comme eux.
Nathan se leva rapidement de son fauteuil, lâchant un « rien » à l'attention de William et il sortit de la pièce. Il avait besoin d'un café bien fort. Il ne pouvait rien faire pour le moment, ni contre ce qu'il ressentait vis-à-vis du gamin, ni contre les chasseurs, parce qu'il n'était pas stupide au point de penser les affronter dans son état, en simple humain. Il savait qu'il n'avait aucune chance. Alors il ne lui restait qu'à s'entraîner jusqu'à ce que son subconscient ne laisse ressurgir ce qu'il avait refoulé tout au fond de lui. Son Loup.
Il n'attendit même pas que son café ait fini de couler dans la cafetière qu'il sortit rapidement de la maison, William sur les talons. Son élève avait facilement détecté le changement de comportement chez son professeur et il voulait savoir ce qu'il comptait faire d'un pas si déterminé.
« Où tu vas ? »
Nathan n'avait pas répondu à ses deux premières questions mais l'angoisse et le stress qu'il ressentait maintenant dans la voix du garçon le fit stopper net. Il se sentit coupable et il se mordit la lèvre en fronçant les yeux. Il n'aimait pas ça.
« Je vais juste voir ton père. Jean à dit que je devais m'entraîner non ? »
William respira de nouveau et il put se calmer un peu. Il avait eu peur que l'adulte fasse une connerie. Il ne savait pas vraiment laquelle, mais c'était ce qu'il avait pensé.
« Je dois rester près de toi tu te rappelles ? »
Nathan grimaça parce que oui, il s'en rappelait malheureusement. Il avait vaguement espéré pouvoir se soustraire à ça, mais ça semblait impossible. Surtout à cause de la peur qui envahissait les yeux du garçon. William ne voulait pas se retrouver seul. Plus encore, il ne se sentait en sécurité avec personne d'autre que son professeur alors même qu'il avait conscience qu'il ne pouvait pour l'instant pas le protéger.
Nathan ne répondit rien, le laissant juste le suivre jusque devant sa propre maison. Il frappa à la porte même s'il savait que William aurait pu juste rentrer comme ça. C'était chez lui après tout. Stéphane ouvrit et les regarda étrangement l'espace d'un instant. Il ne s'attendait pas à les voir, mais surtout il trouvait étrange comme William restait tranquillement, presque soumis, derrière l'homme. Il n'eut cependant pas le temps d'y penser davantage que Nathan lui parlait d'un ton impatient.
« Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment vous faites ? »
« De...De quoi ? »
Stéphane se sentait bizarre parce que même si c'était une question, toute l'apparence de Nathan suintait l'Alpha. Le professeur n'en avait même pas conscience lui-même, de toute évidence, mais c'était déjà presque là.
« Comment me transformer, comment devenir un alpha. »
« Tu l'es déjà. »
Stéphane se retourna alors que c'était sa femme qui parlait dans son dos. Il se décala pour la laisser s'approcher mais elle invita plutôt les deux autres à rentrer dans la maison. Elle serra son fils dans ses bras un long moment. Elle savait qu'il n'était pas loin d'elle, la maison juste à côté, mais elle le sentait si lointain maintenant. Elle en profitait tant qu'elle le pouvait encore parce qu'elle n'était pas sûr qu'une fois l'Alpha réveillé elle en aurait encore l'occasion ni le droit.
Personne ne savait vraiment comment il fallait se comporter avec les Alpha parce que personne n'en avait jamais côtoyé. Les derniers avaient disparu plus de six cents ans auparavant et ils avaient tous vécu plus ou moins tranquillement depuis. Dire qu'elle s'inquiétait pour son unique enfant serait un doux euphémisme.
Stéphane invita Nathan à le suivre dans le salon et il lui servit un verre d'alcool fort, parce qu'il ne doutait pas qu'ils en avaient besoin tous les deux et ils laissèrent Aline amener William dans la cuisine pour le dorloter un peu. Nathan pouvait d'où il était sentir le chocolat qui chauffait dans la pièce voisine et entendre les murmures que la femme fredonnait à son fils.
Son ouïe était de plus en plus sensible, comme son odorat d'ailleurs, il pouvait le sentir, mais il lui fallait plus que ça et plus vite. Il devait maîtriser tout ce qu'il ignorait. William ne pouvait pas aller plus vite que le processus normal, mais Nathan pouvait accélérer les choses puisqu'il était déjà un alpha. Il était le seul à pouvoir agir alors il allait le faire. Quelque chose en lui le brûlait, une rage indomptable qui le poussait à vouloir protéger William. Il devait juste accepter tout ce que cela impliquait. Il écoutait attentivement ce que Stéphane pouvait lui raconter mais il ne retint qu'une seule chose.
« La transformation est douloureuse ? »
« Oui, à chaque fois. Plus ou moins. »
« C'est à dire ? » Nathan devait savoir pour s'y préparer psychologiquement.
« Plus les pouvoirs son grand, plus le loup est imposant. J'imagine que pour un alpha c'est encore pire. »
« Super. »
Il n'avait rien d'autre à ajouter. Ça ne l'enchantait pas, mais ça aurait été pareil pour tout le monde il le savait. Il devait quand même faire face.
« Il va falloir aller dans un endroit tranquille et plus grand. »
« Pourquoi plus grand ? »
Il pouvait comprendre pourquoi plus tranquille, si c'était si douloureux qu'il se l'imaginait à présent, il allait sûrement grogner. Il espérait juste ne pas se mettre à pleurer comme une fillette parce que ce n'était pas dans ses habitudes. Il ne saisissait pas pourquoi plus grand cependant. Il n'allait tout de même pas être plus grand que la taille d'une pièce ?
« Lorsque tu essayeras de te transformer, tu te débattras, je ne veux pas faire ça dans un endroit où tu risquerais de tout détruire. »
Se débattre ? Carrément ? Nathan souffla bruyamment. Il ne ferait pas marche arrière mais il ne pouvait pas ignorer le regard compatissant de son élève qui venait de rentrer dans la pièce avec sa mère. Il essaya de se donner un peu plus de contenance en se disant que ce qu'il allait expérimenter d'ici peu, William y passerait aussi.
« Ok, on commence quand ? »
Ce n'était pas que Nathan était pressé, mais plus vite il y arriverait, plus vite il pourrait reprendre une vie normale sans avoir peur de son ombre. Il se sentait encore nauséeux à cause du sang du vampire, mais ça passait plus vite qu'il ne l'avait imaginé alors il était partant pour commencer maintenant. Stéphane le regarda sérieusement avant de poser les yeux sur son fils. Il ne savait pas s'il devait formuler ce à quoi il pensait, mais c'était de toute façon trop marqué sur son visage pour que les autres ne remarque rien.
Nathan regarda à son tour William en se pinçant les lèvres ; il n'avait pas d'autres solutions.
« Je dois pouvoir nous protéger, vous le savez aussi bien que moi. »
« Mais une fois que tu seras totalement éveillé... » Stéphane ne pouvait même pas finir sa phrase.
« Il ne se passera rien tant que lui ne le sera pas si j'ai bien compris. Il reste plus qu'à prier pour que ce ne soit pas pour tout de suite. »
Qu ece soit dans un avenir proche ou lointain, Stéphane n'aimait pas l'idée que son unique fils soit lié à un autre homme, tout Alpha soit-il et il s'imaginait mal laisser William fricoter avec un loup plus vieux que lui. Il comprenait cependant qu'il n'avait pas son mot à dire. Il pouvait aider son voisin à contrôler sa mutation, mais est-ce qu'il pouvait retarder celle de son fils ?
À suivre...