Je suis allongée sur mon lit, les yeux fermés. Cela fait maintenant plusieurs heures que j'ai quittée la salle du Professeure. Étant dimanche, nous n'avons eu cours que dans la matinée. Je suis seule dans la chambre. Arina avait décidé d'aller faire quémander de nouveaux vêtements auprès du Service d'approvisionnement de l'île avec ses amies et camarades de classe. Elle m'avait proposée de les accompagner, mais naturellement, j'ai poliment décliné l'offre. J'ai préféré me reposer et me réfléchir toute seule. Et puis l'idée d'arpenter toutes les vitrines des magasins et voir Arina et ses autres amies s'extasier sur tel ou tel vêtement ne m'avait pas vraiment enchantée.
Un bip ! sonore retentit dans le calme impérial de la chambre.
C'est mon téléphone.
Je le prends et l'allume. Sur l'écran d'accueil s'affiche un nouveau message. Je l'ouvre et souris rien qu'au nom du destinataire : ce n'est autre que Jaden.
Tu ne m'avais pas dit que tu étais une star à la chanson et au piano ! Cachottière, va !
De : Muza
À : Jaden
Je ne suis pas une star XD
Je ne fais que jouer et chanter au piano comme tout le monde
De : Jaden
À : Muza
Tu rigoles ?!
Tu as un talent fou !! Et une voix d'ange ! Pas étonnant que mon cœur avide d'amour m'ait porté jusqu'à toi x)
De : Muza
À : Jaden
Lol ! Dis plutôt que ce sont mes amis qui t'ont indiqué le chemin à prendre
De : Jaden
À : Muza
Un bon magicien ne révèle jamais ses secrets ^^
Je rigole et suis sur le point de lui répondre, quand des petits coups frappés à ma porte m'interrompent.
Je me redresse et fronce les sourcils.
Ce ne peut pas être Arina qui est se retour, ai-je pensé, je la connais ! Elle passerait des heures devant un miroir à trouver LA bonne tenue !....
Je descends de mon lit et marche jusque vers la porte.
Et puis, de toute façon, si c'est réellement Arina, elle aurait déjà ouvert la porte puisqu'elle en a la clé....
La personne continue de frapper à ma porte.
Qui cela peut-il bien être ?.....
Ne voulant plus faire de mystères, je mets ma main sur la poignée de la porte et l'abaisse. La porte s'ouvre sur une jeune fille assez grande au teint noir. Elle porte un jean noir troué aux genoux et un tee-shirt bleu.
Cherry....
- Cherry ?! Qu'est-ce que tu fais là ?
Elle me fait un coucou de la main.
- Bah, je suis venue te voir.
Je fronce les sourcils.
- Pourquoi ?
Elle hausse les épaules.
- Bah déjà pour te demander si tu allais mieux que ce midi et.... Pour.... Te parler aussi.
Je cligne des yeux.
- Tu voudrais me parler ?
Elle hoche vigoureusement la tête.
- Bah, déjà pour répondre à ta première question, je vais mieux. Merci de m'avoir laissé tranquille pour que je puisse me calmer.
Cherry secoue la tête.
- Il n'y a pas de problème ! Tu l'avais très clairement fait comprendre.
Je souris.
- Ce qui me peine un peu, c'est la manière dont je me suis comportée et la manière dont je vous ai parlé. Je n'aurais pas dû agir comme ça. Désolée.
Cherry sourit à son tour.
- Ne t'en fais pas : c'est déjà pardonné ! Ça arrive à tout le monde de pousser un coup de gueule de temps en temps.
- Ouais, sauf, qu'à toi ça arrive tous les jours. ai-je dit sur le ton de la plaisanterie.
Cherry sourit à ma vanne et fais mine de réfléchir.
- Mouais pas faux. J'ai une grande gueule en même temps ! rigole-t-elle.
Je rigole à mon tour. Ça fait du bien de pouvoir plaisanter avec légèreté en compagnie de mon amie Cherry.
- Par contre, me dit-elle, celui qui est vraiment peiné, c'est Antonio.
- Ah oui ?
Elle acquiesce.
- Disons, qu'il n'a pas trop apprécié que tu l'accuses de choses qu'il n'a pas dites.
J'acquiesce à mon tour, comprenant parfaitement le sentiment d'Antonio.
- Il a raison d'être en colère. Moi non plus, je n'aurai pas aimé qu'on m'accuse comme je l'ai fait.
Cherry acquiesce.
- D'autant plus, que ça lui a fait de la peine que tu sois énervé contre lui.
Je secoue la tête.
Je suis vraiment ignoble comme amie !.....
- J'irai m'excuser. Promis.
Cherry rigole.
- Dis donc, on dirait que tu passes ton temps à aller t'excuser auprès des gens.
Je souris.
- Ouais t'as vu ça ! À croire que c'en est devenu mon passe-temps favori ! me suis-je exclamée.
Cherry rigole de plus belle. Je la regarde : à chaque fois qu'elle rigole, la tête de Cherry part en arrière dans un grand éclat de rire. Ses paupières se plissent et une fossette se creuse dans sa joue de droite. Mon amie Cherry respire la joie, la vivacité et la bonne humeur. C'est ce qui me plaît beaucoup chez elle.
- Et sinon tu voulais me parler ? lui ai-je demandé.
Cherry acquiesce.
- Oui. C'est ça.
- Tu veux entrer ? lui ai-je demandé une nouvelle fois en lui indiquant ma chambre.
Elle secoue la tête.
- J'aimerais que l'on discute mais pas ici. Ça te dérange si on va dehors ?
Je secoue à mon tour la tête.
- Pas du tout. Juste le temps de prendre mon téléphone et je suis à toi.
Quelques minutes plus tard, après que nous ayons descendus les escaliers et longé le jardin, nous nous sommes arrêtées dans un petit coin tranquille, pas très loin du jardin justement. Cherry m'indique un banc. Je m'y assois et elle en fait de même.
- Alors ? De quoi voulais-tu me parler ? lui ai-je demandé.
- Attends. Déjà, je voudrais te demander pourquoi tu as réagis comme ça ce midi.
Je soupire.
- Je sais qu'Antonio ne voulait pas être méchant mais la manière dont t'en es prise à lui... C'est..... Pourquoi ?
Je soupire à nouveau.
- Je sais. Et crois-moi : moi aussi je m'en veux. Je n'aurai pas dû lui parler comme ça. Je n'aurai pas dû vous parler comme ça.
- Même quand Mia était partie te chercher, elle est revenue... On dirait qu'elle avait vu un fantôme !
Je sens les larmes me monter aux yeux. Je sais que Cherry ne veut pas être méchante en me disant tout cela, mais n'empêche, ça m'a fait mal. Ça m'a fait mal parce qu'elle dit la vérité : j'avais été odieuse avec eux. Et plus encore avec Antonio et Mia que j'ai injustement repoussée alors qu'elle n'avait souhaité que m'aider.Et comme Cherry le dit si bien : elle a une grande gueule. Et cette grande gueule ne lui sert pas à juste répliquer face à des invectives qu'on lui balance à la figure, non. Celui lui sert aussi à être franche, à être honnête avec elle et avec les autres personnes autour d'elle.
Ce sont de grandes qualités et je la respecte pour ça et lui en suis infiniment reconnaissante de les posséder, ces deux belles qualités. Cherry me regarde avec des yeux perçants. Elle attend manifestement, une meilleure réponse que cela. Seulement, je n'arrive pas à lui en fournir une. Alors pour toute réponse, je secoue la tête.
- Je suis désolée. Vraiment.
Cherry hoche la tête.
- Je sais que toi, ai-je repris, tu vas croire que ce sont des paroles en l'air, mais c'est vrai : je suis sincèrement désolée.
Elle sourit mais je continue :
- Tu sais tout à l'heure quand tu plaisantais en disant que je passais mon temps à m'excuser auprès de tout le monde, eh bien : tu n'avais pas totalement tort ! C'est vrai : on dirait que je passe mon temps à blesser et à aller m'excuser auprès des gens que j'aime !
Mes yeux se mettent à me picoter tant les larmes sont proches.
Je me mords intérieurement les joues. Que va donc penser Cherry ?
Je la connais assez bien pour savoir qu'elle déteste le baratinage. Pensera-t-elle que le discours que je viens de lui sortir en est un ? Cherry m'attrape par les épaules et me serre dans ses bras.
Si je m'étais attendue à ça !.....
- Tu sais, reprend-elle après avoir desserré notre éteinte, je te croyais déjà. Tu es quelqu'un de sincère et de sensible Muza. Tu es capable de rire aux blagues pourries de Xander, de faire rire Mia, de rivaliser avec Chris dans n'importe quel domaine, de discuter agréablement avec Antonio et de m'empêcher de hurler : tu es une amie fantastique ! Tu es polyvalente. Tu arrives à te mettre à la hauteur de la personne avec laquelle tu es. Tu y arrives sans pour autant être hautaine ou vaniteuse et, c'est ça que j'adore chez toi !
Je souris. C'est un sourire de joie et de reconnaissance infime.
- Merci. ai-je chuchoté.
Cherry balaie mon remerciement de la main.
- Tu n'as pas à me remercier, va !
J'essuie les quelques gouttes d'eau salée qui ont menacé de rouler sur mes joues il y a quelques instants.
- Je rêve ou tu étais sur le point de pleurer ?
Je souris.
- Je suis un peu à fleur de peau en ce moment.
- Je vois ça ! rajoute-t-elle. Tu dois être encore plus sensible que je le croyais.
J'éclate de rire et elle se joint à moi elle aussi. Quelques minutes plus tard, je lui demande :
- De quoi voulais-tu me parler ? Parce que, j'te rappelle qu'on ne parlait pas de moi au début.
- Ah oui ! C'est vrai !
Cherry se penche. Elle pose ses coudes sur ses cuisses et triture ses doigts. Elle a l'air sérieuse et.... Nerveuse comme ça.
- Cherry. Est-ce que ça va ? me suis-je inquiétée.
Elle lève la tête vers moi.
- Ouais, ouais. En fait, dit-elle en se redressant enfin, si je suis venue te voir, c'est pour.... Pour te parler.... De moi.
- De toi ? ai-je répété, incrédule.
Elle acquiesce.
- En fait, reprend-elle en baissant le regard vers ses doigts qu'elle continue de triturer, je pense.... Enfin ! J'ai recouvré une bonne partie de ma mémoire.
- Une bonne partie ?
Elle hoche la tête.
- Pour ne pas dire, la totalité.
J'ouvre grand la bouche et explose de joie.
- Mais enfin Cherry ! Mais c'est génial ! Je suis trop contente pour toi !
Elle sourit.
- Ouais merci.
- Les autres sont au courant ? me suis-je enquise.
- Les autres ? Ah, tu veux parler de Chris, Antonio, Mia et Xander ? Oui, ils sont au courant. Vous n'êtes que les seuls à l'être aussi j'aimerais que ça reste entre nous.
J'acquiesce.
- T'inquiète. Ça restera entre nous.
Nous nous taisons et restons plusieurs minutes ainsi, comme ça, dans le silence.
- Mais comment....
- Oui ?
- Mais comment as-tu su que tu avais retrouvé la totalité de ta mémoire ?
Cherry hausse les épaules.
- En fait, j'ai eu le sentiment en moi d'être complète. Que toutes les pièces du puzzle avaient chacune trouvé leur place. Je me sentais bien, légère et remplie. Je n'étais plus vide en fait.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas exactement.
- Comment ça ?
Elle sourit face à ma perplexité.
- Tu comprendras quand ça t'arrivera.
J'acquiesce. Elle prend une grande inspiration puis se lance :
- J'ai habité dans une petite bourgade pas très loin de la ville de Phoenix, dans l'Arizona.
Je hoche la tête et elle poursuit son récit :
- Du plus loin que je m'en souvienne, j'ai toujours habité là-bas. J'avais une grande famille. Un père, une mère et six frères et sœurs.
- Six frères et sœurs ?! me suis-je exclamée. Eh bah dis donc ! Ça devait être chouette d'avoir une aussi grande famille ! Même si ça devait en faire du travail à ta mère !
- Tu m'étonnes ! renchérit-t-elle. Elle ne faisait que passer son temps à nous crier dessus ! « Jackson ne touche pas à ça ! », «Parker viens ici ! », « Déborah vas faire tes devoirs ! », « Bacary rentre à la maison », «Serena va aider ta sœur ! » etc.
Je ris à l'imitation de mon amie.
- Tu te souviens de tous les prénoms de tes frères et sœurs ?
Elle acquiesce.
- Oui ! Je suis née juste après Bacary mon grand frère et qui, accessoirement était aussi l'aîné. Après moi, il y a eu Samuel, Serena, Parker, Déborah et Jackson, le benjamin de la famille.
- Waouh ! ai-je soufflé. C'est vraiment une famille nombreuse : vous deviez tous bien vous entendre !
Cherry éclate de rire.
- Nous ?! Bien nous entendre ?! Haha, la bonne blague !
- Comment ça ? ai-je demandé en me mettant à rire moi aussi.
- N'y compte pas trop : chez nous c'était la guerre ! On se battait et on se disputait pour un rien ! Même pour un vulgaire cheveu sur un peigne nous nous mettions à nous disputer ! Ça rendait ma mère folle, d'ailleurs.
J'acquiesce. Je connais totalement ce genre de situation. J'avais vécu exactement la même chose avec Noah.
Avec Noah.....
Un petit pincement au cœur apparaît. Penser à lui, à toute la famille, me fait souffrir. Néanmoins, je n'ai pas le temps de m'appesantir sur mes sentiments que déjà, Cherry reprend son récit :
- Mais, disons, que c'était notre manière à nous se nous exprimer et de nous dire "je t'aime". On était deux fois plus crédibles en hurlant qu'en faisant un discours.
Je souris et lui demande :
- Ils te manquent ?
Elle acquiesce, les lèvres pincées et les larmes aux yeux. Parler de sa famille doit faire remonter des tas de souvenirs et de sentiments qu'elle avait jusque-là oubliés.
- Ouais il me manque tous. Surtout mon grand frère et ma mère en fait. C'était les deux seules personnes sur lesquelles je pouvais réellement compter.
- Et ton père ?
Elle fait un petit rire méprisant.
- Mon père. crache-t-elle. Mon père n'a réellement été que pendant les dix premières années de ma vie. Après ça, il a disparu : on ne l'a plus jamais revu.
- Tu.... Tu veux dire....
- Oui ! finit-elle à ma place. Mon père, "en problème d'argent" a pris toutes les économies que nous gardions pour lui tout seul et il s'est carapaté avec, nous laissant dans la misère la plus totale !
J'écarquille les yeux, effrayée mais aussi effarée par tant de méchanceté et de mesquinerie. Comment un père de famille avait-il pu voler toute l'argent de la famille et filer avec ? En laissant sa propre famille dans l'impasse ?
Je pose une main compatissante sur l'épaule de mon amie.
- Je suis désolée.
Cherry pose sa main au-dessus de la mienne.
- Merci.
- Et alors ? Que s'est-il passé ensuite ?
Cherry inspire et continue :
- Mon « idiot » de père étant parti avec toutes les économies, c'est Bacary qui a dû le remplacer en tant qu '« homme de la maison ».
- Ça n'a pas dû être facile. ai-je déclaré.
- Tu n'imagines pas ! s'exclame-t-elle. Adopter ce rôle à seulement quatorze ans ! Quatorze piges, merde ! Mon père nous a laissés tous seuls. Tous. Surtout Bacary et ma mère. Lui a dû grandir d'un coup et ma mère a dû revendre une bonne partie des meubles pour pouvoir subvenir à nos besoins et payer le loyer. Elle se cassait le dos tous les jours au travail et pourtant, elle, elle revenait chaque jour pour nous. Elle ne nous a jamais abandonnés pas comme mon lâche de putain de géniteur !
Cherry bouillonne de rage. Et ça se comprend : abandonner sa femme et tout lui laisser à la charge surtout sept enfants ! Sept enfants ! Ce n'est pas rien quand même !
- Je me souviens même qu'une fois, il nous avait enlevé la télé, dit-elle en rigolant, et que Déborah avait pété un câble parce qu'elle ne pouvait plus regarder Vampire Diaries, je cite « sa série qui déchire ».
Je rigole à mon tour.
- Bacary l'a sèchement remise à sa place.
Elle soupire.
- Ma pauvre mère et mon pauvre frère. J'étais trop petite pour agir avant et maintenant que je suis assez grande pour le faire c'est trop tard.
Sa voix se brise. Je serre son épaule à l'aide de ma main restée posée dessus, dans un geste qui se veut, réconfortant.
- Ne t'en fais pas, Cherry. Tu auras vécu une belle vie auprès de ta famille, ne l'oublies pas. Il y aura eu quand même des bons moments.
- Ouais si par « bons moments » tu entends voir à peine ma mère et devoir m'occuper de mes cinq frères et sœurs cadets et voir mon grand frère se détruire jour après jour, alors oui : il y aura eu des bons moments.
Je fronce les sourcils pour clairement lui montrer que son sarcasme n'a rien à faire ici.
- Désolée. marmonne-t-elle.
- Que veux-tu dire par "regarder mon grand frère se détruire jour après jour" ?
Elle se tourne vers moi et me regarde dans les yeux.
- Je ne sais pas si je dois te le dire.
- Mais enfin, Cherry. Nous sommes amies. Et les amies se disent tout.
C'est moi qui dis ça, mais c'est moi la première à ne pas le respecter.....
Je secoue la tête pour me chasser ces pensées de la tête.
- Oui, mais, reprend-elle, chez nous, on était soudés et c'était très clair : tu ne balances personne et surtout pas un membre de ta famille. Sinon...
- Sinon quoi ?
Elle me lance un petit coup d'œil.
- J'avais suffisamment peur pour n'avoir jamais imaginé la suite au "sinon".
Je secoue la tête.
- Je comprends mais, Cherry. Qu'on le veuille ou non, on est à Destiny High, et puis, ai-je continué en déglutissant, on est morts. D'une certaine manière, on ne risque plus rien alors, tu peux me parler sans crainte de représailles.
Cherry me regarde sans pour autant parler.
- D'accord. cède-t-elle. Mais promets-moi une chose....
- De ne pas le répéter aux autres ? C'est promis juré.
- Non. rigole-t-elle. Pas ça, je savais que tu ne le répéterais pas. Mais promets-moi... Promets-moi de ne pas me juger.
J'acquiesce.
- Ok.
Elle hoche la tête puis se lance :
- Mon grand frère. La personne que j'aimais plus que tout. Et que je craignais plus que tout d'ailleurs, a pris les rênes de la maison à seulement quatorze ans. À cet âge-là, on est suffisamment grand pour pouvoir prendre des décisions, mais pas assez pour diriger une famille entière. Et pourtant, c'est ce qu'il a fait. Dès le départ de mon père. Il a du grandir d'un coup et très vite et ça l'a profondément marqué.
Je hoche la tête et l'incite à poursuivre son histoire.
- Quand maman n'était pas là, c'était lui qui dirigeait la maison. Bien sûr, nous on croyait que parce que c'était un enfant qui était à la tête de notre famille, qu'il allait nous laisser faire tout ce qu'on voulait, mais non au contraire : Bacary était stricte et il agissait comme un vrai tyran. Si on avait le malheur de protester un de ses ordres, on recevait un coup de poêle sur la tête.
- Un coup de poêle, sérieux ?!
Cherry acquiesce et rigole.
- Je peux te confirmer que ça fait très mal.
Puis, elle redevient sérieuse :
- Mon père n'étant pas là pour nous éduquer, c'est Bacary qui a dû s'y coller et la pauvre, il ne savait pas comment faire ! Alors, il a utilisé les seuls moyens d'éducation qu'il jugeait bon : la peur et la violence.
- C'est horrible de faire ça !
- Je t'avais demandé de ne pas me juger ! s'énerve Cherry.
- Non, je veux dire : c'est horrible ce qu'as fait ton père ! En partant, il laisse un gars ado qui, à cet âge-là, a terriblement besoin d'une présence paternelle pour se construire et apprendre à s'éduquer auprès de lui.
Cherry acquiesce.
- Tu as parfaitement raison. En temps normal, un père est là pour ses enfants et surtout pour son aîné. Car c'est lui le leader de la fratrie : c'est lui qui doit tracer le sillon dans lequel tout le monde est censé marcher, mais pas Bacary. Le pauvre, mon frère a dû se faire et apprendre tout, tout seul. Il ne pouvait pas non plus compter sur ma pauvre mère qui avait déjà assez de problèmes et qui était sans cesse en train de nous demander si nous mangions à notre faim, si nous ne manquions de rien etc....
Je siffle.
- Waouh ! Vous étiez vraiment empathique avec votre mère.
Cherry acquiesce.
- Elle avait déjà assez de problèmes, ce n'était pas la peine se lui en rajouter avec les nôtres.
- C'est ce que pensait Bacary, n'est-ce-pas ?
- C'est ce que nous pensions tous. me contredit-elle. Quand nous avions des problèmes, nous essayions de les régler par nous-mêmes et seulement après on se demandait mutuellement de l'aide. C'est pour ça que nous étions extrêmement soudés. Cependant, il ne fallait pas se voiler la face.....
Je fronce les sourcils.
- Que veux-tu dire ?
- Même si ma mère travaillait d'arrache-pied 24h/24, ça ne suffisait pas toujours. Quelques fois nous manquions de vêtements, de fournitures scolaires. Nous manquions d'argent et tout ce que nous faisions à l'époque, nous avons dû y mettre un terme : Bacaray faisait du football américain, moi du basket, Serena du chant, Déborah de la gym et Samuel comptait se mettre au foot avec Bacary, mais le pauvre n'a jamais pu.
- Je suis désolée.
Je gratifie Cherry d'un regard compatissant et elle poursuit :
- Ça nous a profondément marqués mais nous ne disions rien. Nous ne voulions pas nous montrer égoïstes. Et malgré le fait, que nous ayons arrêté tous les sports, l'argent ne suffisait toujours pas alors, c'est Bacary qui a pris les choses en main. Il a alors pris une décision qui a, à jamais changé son avenir et le nôtre.
- Quel genre de décision ?
Cherry triture ses doigts et frotte ses mains l'une contre l'autre, nerveuse.
- Il.... Il a pris la décision de.... Il.... Il dealait.
J'écarquille les yeux de stupeur.
- Dealait ?! Tu veux dire que ton frère était....
- Un dealer oui, c'est ça. Mon frère était une saloperie de dealer.
Je souffle.
- Waouh ! C'est.... C'est.... Waouh ! Je n'ai pas de mots c'est..... Affreux tout bonnement !
- Je t'ai demandé de ne pas me juger. me répète-t-elle.
- Je ne te juge pas du tout ! me suis-je exclamée. Mais, la situation devait vraiment être désespérée pour que ton frère prenne cette décision.
Elle acquiesce.
- Elle l'était. Déborah et Serena nous racontait qu'à l'école, tout le monde se moquait d'elles parce qu'elles avaient toujours les mêmes fringues.
J'acquiesce.
Ça doit vraiment être horrible de vivre comme ça. Sous les jugements et les moqueries des autres qui jugent et se moquent sans connaître. C'est vraiment injuste !.......
- Mais, reprend-elle, avec les transactions que menaient Bacary, elles pouvaient s'acheter les fringues qu'elles voulaient. On pouvait avoir enfin tout ce qu'on voulait : des vêtements, des jeux, des livres et même que Daniella a pu se remettre au chant et ma mère a même pu se payer quelques jours de congé ! Tu te rends compte ?
- Oui. Ça devait être génial.
- Ça l'était. Or, tout ce bonheur artificiel avait un prix et c'est Bacary qui le payait.
Cherry marque une courte pause, puis poursuit :
- Tout ceci n'était que de l'argent sale. C'était dans l'argent sale que nous baignions tous. Un jour, nous n'avions rien et puis le jour suivant, pouf ! Comme par magie, l'argent nous tombait dessus. C'est cette soudaine abondance qui m'a mise la puce à l'oreille. Un jour, j'ai suivi Bacary et j'ai vu ce qu'il trafiquait. Naturellement, il m'a chopée mais il m'a fait jurer de garder le secret.
J'acquiesce. Il est vrai que Cherry est très perspicace comme personne.
- Et ta mère ? Elle le savait ?
Elle soupire.
- Si elle en savait quelque chose, elle ne disait rien en tout cas. Elle était trop bien contente de pouvoir enfin se reposer.
- Ça se comprend.
- Ouais. Petit à petit, reprend-elle, on a appris à mieux vivre. Mais, moi, quand je voyais ce que faisait mon frère, ça m'effrayait, me dégoûtait et me fascinait à la fois.
- Dans quoi il... Trafiquait ton frère ?
Cherry hausse les épaules.
- De l'argent principalement et puis, aussi... De. La. Drogue.
J'ouvre grand les yeux.
- J'en avais retrouvé dans ses affaires. Ajoute-t-elle.
- Ne me dis pas que t'y as touché !
Elle secoue la tête en rigolant.
- Non t'inquiètes.
- Et Bacary ? Est-ce que...
Cherry me regarde, les sourcils froncés.
- Mon frère dealait, certes, mais il ne consommait pas. La dernière chose qu'il voudrait c'est qu'il soit défoncé et que maman et tous les autres l'apprennent !
- Désolée : je ne voulais pas t'énerver.
Elle se détend.
- Non. Je sais que tu ne pensais pas à mal en me posant la question.
- Et alors ? Toi ? Qu'as-tu fait ?
Cherry lève ses beaux yeux bruns vers moi, dans un regard triste. Soudain, je fronce les sourcils, en ayant peur de comprendre.
- Ne me dis pas que....
- J'ai trempé dans ces salles affaires ? Dommage pour toi, mais c'est le cas.
J'étouffe un cri et m'exclame :
- Cherry !
- Quoi ? Tu m'avais promis que tu ne me jugerais pas !
- Je sais bien, mais là.... dis-je à court d'arguments. Mais, c'est..... ! Il y avait déjà ton frère pourquoi t'es-tu y mise aussi ?!
Cherry serre les poings et les pose sur son jean.
- Tu crois que je ne le savais pas, peut-être ? Que j'aurai dû sagement rester à ma place et faire semblant, faire comme si de rien n'était alors que mon frère se détruisait petit à petit avec « son paradis » comme il l'appelait ?
- Ce n'était pas le paradis.
- Je sais ! s'exclame mon amie avec des larmes de rage qui perlent à ses paupières. Si tu le voyais, Muza ! Il était.... Tellement fier ! Il était fier de ce qu'il était devenu ! Une saloperie de dealer ! Il s'en foutait des études qu'il avait bâclées ! Il avait arrêté l'école, Muz. Arrêté l'école, merde ! Il était très bon élève en plus ! Et il a aussi négligé le football. Il était bien parti pourtant ! S'il avait continué, il aurait obtenu une bourse d'étude et il aurait pu intégrer une grande université de foot ! Mais non ! Mon idiot de frère a préféré tout arrêter pour devenir trafiquant et construire son petit business avec « son paradis ». Et moi, en voyant tout ça, la facilité avec laquelle il obtenait cet argent sale, je me disais : « Waouh ! Cherry, ça doit vraiment être « le paradis » puisque l'argent te tombe du ciel sans que tu n'aies rien demandé ! Et puis tu peux même arrêter l'école aussi ». Quel gamin désespéré ça ne tenterait pas ?
Je lui presse l'épaule et Cherry essuie ses larmes d'un geste rageur.
- Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?
- J'ai rencontré une fille Kelly, elle s'appelait. Elle traînait dans ses affaires et c'est elle qui m'a initiée. Et tu sais, à qui elle me fait penser ?
Je hausse un sourcil.
- Non à qui ?
- À Arina.
Je cligne des yeux, pas sûre d'avoir bien entendu.
- À qui tu dis ?
Cherry lève les yeux au ciel.
- À Arina. Ne fais pas comme si tu ne m'avais pas entendue.
Je fronce les sourcils.
- Tu la détestes donc tant que Ça?
- Je ne la déteste pas. Enfin, si un peu, mais je ne la sens pas, c'est différent.
- En quoi c'est différent ?! me suis-je énervée. Tu me racontes toute ton histoire pour finalement me parler de ton animosité avec Arina ?
- Mais attends ! C'est normal : je n'ai pas fini : tu vas comprendre.
Kelly était belle. Très belle même. Elle avait tous les hommes à ses pieds. Elle était gentille et attentionnée, mais ça ce n'était que la surface de l'immense océan tumultueux qu'elle était. En trafic, elle était sans pitié. Elle n'hésitait pas à écraser les autres pour se hisser en haut du podium. Elle était méchante, cruelle, rusée, maligne, machiavélique, hypocrite et fausse. Tout comme Arina.
- N'importe quoi ! me suis-je exclamée. Tu abuses là.
Mon amie secoue la tête.
- Attends, je n'ai pas fini. Kelly avait été mon mentor. C'était elle qui me formait. Elle m'avait appris beaucoup de choses et j'étais à mon tour devenue un dealer. Je gagnais de l'argent. Beaucoup d'argent mais c'était de l'argent sale et jusqu'à aujourd'hui j'en fais encore des cauchemars. dit-elle en frissonnant.
- Tu ne t'es jamais fait attrapée par ton frère ou par ta mère ?
Elle secoue la tête.
- Non. J'étais très discrète. C'était l'une des règles de base que m'avait apprise Kelly.
Je hoche la tête.
- Tu avais l'air de tout de même, beaucoup l'apprécier « cette » Kelly.
Cherry rigole.
- Ouais ! Ça, c'était avant que je découvre sa véritable nature. Je l'ai payé de ma vie d'ailleurs.
Je fronce les sourcils.
- Comment ça ?
Cherry soupire.
- En fait, Kelly et moi étions les deux meilleurs dealers. Je la respectais et je m'entendais bien avec elle. Mais, une fois, alors que nous faisions une transaction avec un client compliqué, j'ai eu une idée qui a marché d'ailleurs, mais devine qui a récolté tous les césars ? Kelly bien sûr ! Elle s'est approprié la victoire et toute la gloire. Elle a très vite oublié que cette affaire avait été, avant tout un travail d'équipe et puis elle a volé mon idée en allant raconter a tout le monde que c'était elle, qui avait eu cette idée alors que c'était moi !
- Ce n'est pas très sympa. ai-je remarqué.
- Ah ! Je ne te le fais pas dire ! Elle a osé voler mon idée en prétextant que c'était la sienne et elle n'a même pas cité mon prénom une seule fois ! Mais je ne pouvais rien dire : c'était mon amie. Enfin ! C'est ce que je croyais.
- Que s'est-il passé ensuite ?
- J'étais devenue très bonne en trafic. Tellement bonne que je commençais à gêner et à faire de l'ombre à Kelly. Ça l'agaçait mais moi je prenais tout ça à la rigolade : je croyais que ce n'était que de la rivalité. Je ne pensais pas qu'elle irait aussi loin.....
- Comment ça ? lui ai-je demandé.
- Attends. me dit-elle. Au fil du temps aussi, j'ai commencé à me lasser de tout ça : du trafic et de l'argent. Mes notes dégringolaient et je bâclais mes études et tout ça pourquoi ? Pour de l'argent facile ? Non, je ne voulais pas finir comme mon frère et puis tout le monde allait bien. Mon frère faisait vivre à lui tout seul toute la maisonnée. On l'avait déjà perdu lui : ma mère n'avait pas besoin de perdre un second enfant. Et pas sa première fille qui-plus-est.
J'acquiesce comprenant tout à fait le dilemme de Cherry.
- Je voulais finir mes études, partir de Phoenix, travailler et aider Bacary et ma mère en leur rendant un peu tout ce qu'ils m'ont donné. Ils se sont sacrifiés pour nous : je leur devais bien ça. C'est pour ça que j'avais pris la décision de partir, d'arrêter tout ça. Seulement.....
- Seulement quoi ?
Elle hausse les épaules.
- Seulement, rien ne s'est passé comme prévu : ils ne voulaient pas me laisser partir !
- Sérieux ?!
- Ouais ! Je leur ai juré de me taire, de garder le secret, mais rien : ils ne voulaient rien entendre ! Mais, la personne qui m'a sortie de cette impasse, c'est Kelly.
- Kelly ? me suis-je étonnée. Mais elle te détestait, non ? Elle aurait dû être heureuse de ton départ.
- Ouais normalement. Mais je te rappelle que Kelly était très rusée, maligne et hypocrite. Elle arrivait toujours à ses fins. Elle avait réussi à embobiner tout le monde, moi la première.
J'acquiesce.
- Je comprends.
- Je te jure Muza : si tu l'avais vu ! Elle a tellement été gentille avec moi. Je croyais avoir retrouvé mon amie. Je l'ai fait confiance, je lui ai confié des choses et elle ? Elle s'est juste foutue de ma gueule. Et ce, depuis le début ! Je n'étais qu'un vulgaire pion sur son échiquier ! s'énerve-t-elle.
- Que lui as-tu dit ? lui ai-je demandé.
- Des trucs. dit-elle en haussant les épaules. Des secrets. Mais aussi ma plus grande peur.
- Ta plus grande peur ?
Elle acquiesce.
- Ça va peut-être te paraître stupide, mais j'ai peur.... De l'eau. Ce n'est pas une phobie mais j'en ai peur quand même.
Je lui presse l'épaule.
- Ça n'a rien de stupide. l'ai-je rassurée.
Elle me sourit.
- Elle s'est servie de ma plus grande peur pour me tuer. dit-elle les yeux dans le vague.
- Que s'est-il passé ?
Cherry ne me répond pas tout de suite. Elle fixe un point au loin. Alors que je m'apprête à lui reposer la question, elle ouvre finalement la bouche et déclare :
- Elle m'a assuré que je pouvais tout arrêter mais à condition que j'accomplisse une dernière mission. Et naturellement, j'ai accepté. Alors qu'on s'échappait, des hommes se sont mis à notre poursuite. Elle, elle a réussi à s'échapper mais pas moi. Je l'ai appelée à l'aide, elle me voyait en mauvaise posture, mais elle a préféré s'en aller et me laisser seule. Mais avant de partir, j'ai vu un éclair de joie, de victoire et de satisfaction dans ses yeux. Elle m'avait trahi. Je savais que l'une des règles lors d'une transaction, était de ne pas s'éterniser et que si un collègue était pris, mieux valait privilégier la fuite. Mais j'aurai quand même aimé qu'elle tente, qu'elle essaye de me sauver. Parce que moi, je sais que je n'aurai pas hésité une seconde.
- Ensuite ?
Elle prend une grande inspiration :
- Ensuite mes ravisseurs, m'ont ligoté et m'ont transporté à l'arrière d'un un camion. Mais étrangement, ils n'ont pas cherché à me poser des questions. Et bizarrement, j'étais calme. Parce que j'avais encore l'aveuglante conviction que Kelly allait venir me sauver. Que si elle était partie, c'était parce qu'elle était allée chercher des renforts.
Ils m'ont conduit jusqu'à un grand pont et ils m'ont positionnée juste derrière la rambarde. En d'autres termes, si je chutais rien ne me retiendrait.
- Oh Mon Dieu !
- J'avais hyper peur. reprend-elle. L'eau était juste en dessous de moi et je suais à grosses gouttes. J'essayais de me dégager mais les liens des cordes étaient trop serrés. Il faisait nuit et le pont était désert. Cependant, je voyais une silhouette qui se dirigeait vers nous. Et tu ne devineras jamais qui c'était.
- Kelly. ai-je déclaré dans un souffle, sentant la colère grimper en moi.
Elle acquiesce.
- Tu n'imagine pas d'abord ma joie, puis ma colère et ma rage quand j'ai compris que c'était elle qui avait tout manigancée, tout orchestrée. Je bouillonnais de rage, j'avais envie de lui arracher sa tête et effacer son sourire horrible ! D'ailleurs, Arina a le même sourire qu'elle.
- Cherry ! Tu t'éloignes de ton récit là.
Elle ignore ma remarque et poursuit :
- Elle était contente. Heureuse que moi stupide comme je suis, sois tombée dans son piège. Je.... Je n'ai même pas eu le temps de dire au revoir à ma famille que j'ai senti qu'on me poussait. Et je suis tombée.
Sa voix se brise.
- Je suis morte comme ça. Jetée d'un pont de plus de dix mètres de haut. me dit-elle en souriant.
Seulement.... C'est un sourire à travers un torrent de larmes.
J'étouffe un cri.
- Mon Dieu ! Mais.... Mais c'est horrible ! Et.... Ils.... Ils n'ont pas détaché tes liens avant... Avant que... ?
Elle fait non de la tête et je la prends aussitôt dans mes bras.
Cherry est morte comme ça ?! D'une chute d'un pont de plus de dix mètres de haut ! À cette hauteur, l'eau est semblable à la pierre.
Cette Kelly est horrible et inhumaine ! Elle a été heureuse d'assister à une telle exécution !......
Cherry se détache de moi et dit :
- Voilà. À présent tu connais mon histoire. J'espère que tu te méfieras d'Arina à présent.
Je fronce les sourcils.
- Cherry.
- Quoi ? Kelly et Arina sont pratiquement la même personne. En te dressant la description de Kelly, c'est comme si je parlais dArina sous un nouveau prénom.
Je secoue la tête.
- T'es vraiment incroyable : tu me parles de ton passé pour ensuite dériver vers Arina. Qu'est-ce qui me dit que tu ne me mens d'ailleurs ? Que toute cette histoire n'est pas un mensonge ?
Cherry fronce les sourcils.
- Non, je ne mens pas. Tu crois sincèrement que j'ai l'imagination nécessaire pour inventer une histoire pareille ?
Pour toute réponse, je me contente de hausser les épaules.
- Mais alors ! Pourquoi ramènes-tu le sujet à Arina ?
- Pourquoi crois-tu que je la déteste ? C'est parce que je reconnais Kelly en elle et que c'est cette fille qui m'as tuée !
- Ce n'est pas elle qui t'as jetée du pont en tout cas.
- Mais c'est normal ! ironise-t-elle. C'est parce que Mademoiselle Kelly déteste se salir les mains : tout comme Arina.
- C'est faux ! Elle n'est pas comme ça !
- Ah oui ? Et qu'est-ce que tu en sais ?
- Je la connais bien voilà pourquoi.
Cherry fait un petit rire.
- Moi aussi je croyais bien connaître Kelly. Et regarde le résultat : elle m'a jetée d'un pont !
Je croise les bras.
- Tu sais ce que je crois ?
Elle hausse un sourcil.
- Je crois que tu es tellement frustrée d'avoir pu te laisser berner par Kelly que tu rejettes toute ta colère et ta frustration sur la seule personne que tu ne supportes pas. En l'occurrence là, c'est Arina.
- C'est logique puisqu'elle me fait penser à elle. Je suis tout de même capable de faire preuve de discernement.
- « Discernement ». Joli mot venant de la part de la personne incapable de différencier le bien et le mal du trafic en sachant très bien que son frère y trempait jusqu'au cou.
Je regrette mes paroles aussitôt qu'elles ont franchi mes lèvres. Je me tourne vers Cherry. Un éclair de douleur frappe ses yeux.
Mais qu'est-ce qui m'as pris ?!......
- Cherry... Je...
Elle balaie ma réponse de la main.
- T'as raison.
- Quoi ?
- J'ai dit : t'as raison. Si ça se trouve, j'en veux toujours à Kelly et que je rejette peut-être toute ma colère sur Arina, mais, le truc Muz, c'est que... J'ai peur.
- Tu as peur ?
Elle hoche vigoureusement la tête.
- Oui. J'ai peur. Toujours. J'ai toujours peur de Kelly. Cette fille... Cette fille m'a tuée.
J'acquiesce.
- Et Arina lui ressemble tellement, tant physiquement que psychologiquement d'ailleurs, que ça continue de me faire peur. Mais je n'ai plus peur pour moi.
Elle s'arrête, inspire et déclare :
- C'est pour toi que j'ai peur, Muza.
- Pour moi ?! me suis-je étonnée.
Elle acquiesce.
- Ne le prends pas mal, Muza mais tu es tellement naïve et tellement gentille que tu es une proie facile pour les vautours comme Arina.
- C'est gentil de t'inquiéter pour moi, mais je suis parfaitement capable de me défendre seule.
Cherry secoue la tête.
- Je ne cherche pas à t'imposer un choix, Muz. Mais sérieusement, réfléchis bien. Méfie-toi. Ne te confies pas trop à Arina et surveille ce que tu lui dis sous risque qu'elle s'en serve contre toi : ces filles sont très rusées.
- En fait, tu me demandes carrément de ne plus être son amie. ai-je constaté.
Elle secoue la tête.
- Non. Je te demande juste de faire bien attention. C'est tout.
Un silence se pose entre nous.
- En fait, ce que je regrette dans toute cette histoire, c'est de ne pas avoir dit au revoir à ma famille. Et puis, j'en veux aussi à Bacary.
- Ne juge pas ton frère. Tu sais, il n'avait pas trop le choix : il l'a fait pour vous rendre heureux. Votre bonheur passait au-dessus du sien. Il s'est sacrifié pour vous.
- Je sais. Mais n'empêche je lui en veux quand même. Mais surtout à moi.
- Il n'avait pas le choix. ai-je répété.
Cherry fait un petit rire.
- Tu te trompes. On a toujours le choix. J'avais le choix avant d'entrer dans ces sales affaires. Et je l'ai payé de ma vie. Toi aussi tu as maintenant le choix, Muza avec Arina. Fais bien attention et prends la meilleure option.
- Tu veux dire, par « meilleure option », te choisir toi. ai-je raillé.
Elle secoue la tête.
- Non, tu n'y es pas du tout. Je te dis juste de faire bien attention et de faire le bon choix. Pas celui qui me rendras heureuse, mais celui qui te rendras heureuse.
Je continue de faire la tête, mais acquiesce.
- J'y réfléchirais.
Cherry soupire.
- Ça m'a fait du bien de parler avec toi Muza.
- Oui à moi aussi ça m'a fait du bien. J'ai appris à mieux la connaître.
- Et merci de ne pas m'avoir jugée.
Je suis sur le point de lui répondre quand mon téléphone émet un petit bip ! Je le sors de ma poche et regarde l'écran d'accueil. Un nouveau message.
Rien qu'à voir le destinataire, j'esquisse un sourire.
- Qui c'est ? demande Cherry en regardant par-dessus mon épaule. Ouuuuuh ! Jaaaden. Dis donc tu as l'air de bien l'aimer, dis-moi.
Je rougis sur-le-champ et réplique :
- Quoi ? N'importe quoi !
Cherry sourit.
- Mais oui, bien sûr.
- D'ailleurs, pourquoi l'avez-vous dit où je me trouvais ?
Elle hausse les épaules.
- Il voulait te voir. Tu sais qu'il nous a carrément agressé pour savoir où tu étais ? plaisante-t-elle.
Je rigole et nous passons le reste de notre après-midi à papoter, rigoler et plaisanter ensemble.
Plus tard, dans la soirée alors que je suis allongée dans mon lit et qu'Arina qui est rentrée depuis quelques heures et elle aussi allongée dans son lit, profondément endormie après son après-midi de folie qu'elle a passé à faire les boutiques et dont elle m'a raconté tout jusqu'au moindre détail, en me sommant gentiment de l'accompagner la prochaine fois, je me mets à penser aux mises en gardes de Cherry. Si elle m'a dit tout cela, c'est parce je compte à ses yeux et qu'elle veut me protéger. Oui mais je ne peux pas mettre fin à mon amitié avec Arina avec, pour seuls motifs des soupçons et des mises en garde.
Mais alors ! Que dois-je faire ? En qui dois-je croire ?
Dois-je me fier à mon amie Cherry, à son intuition et à son expérience ?
Ou devais-je me fier à mon instinct et faire confiance en mon amitié avec Arina ?
Même si la discussion avec Cherry m'a aidé à ouvrir les yeux, elle me laisse pantelante et plus indécise que jamais.
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Commentaire de l'auteure :
Salut salut tout le monde !
Ouh là que c'était long mais j'y suis arrivée x'D
Voici un nouveau chapitre de Destiny !
Alors ? Vos avis ?
Cherry ?
Son passé ?
Son histoire ?
Sa famille ?
Sa mort (atroce, je trouve 😭😭😭)
Kelly ?
Que lui auriez-vous fait ? (perso je l'aurai butée sans ménagement 😡😡)
Son étrange ressemblance avec Arina ?
Les mises en garde de Cherry ?
Le trouble et les interrogations de Muza ?
Vous l'aurez remarqué, ce chapitre est essentiellement centré sur Cherry.
Donnez-moi vos avis et dîtes-moi si vous avez bien aimé !
N'hésitez pas à voter et à commenter si ça vous a plu !
Bonne lecture à toutes et à tous.
Bisous, bisous tout le monde.
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