— Maître Renneslayer, puis-je vous parler en privé ?
Renneslayer se tourna vers lui et s'adressa aux avocats avec qui il parlait.
— Je vous prie de m'excuser messieurs mais je dois m'entretenir avec cet homme. Que voulais-tu me dire, Livius ?
Livius attendit un moment que les avocats quittent la pièce.
— Je venais simplement vous demander un Accès, il y a une nouvelle affaire dont je dois m'occuper personnellement pour que mes travaux puissent aboutir.
— Quels travaux ? Je ne suis pas au courant...
— Je suis en cours d'expérimentation d'un potentiel nouveau catalyseur universel, c'est étonnant, il me semblait vous avoir envoyé un rapport sur ce projet.
— Bien, je regarderai ça, tu as toujours mon autorisation de toutes façons, je te considère comme mon fils après tout je te fais confiance. Je t'accorderai donc un Accès. Dit-il en souriant d'un coin.
Livius le remercia et se retira.
Renneslayer démontrait de l'affection pour Livius, pour lui, c'était un homme qui avait beaucoup de potentiel, c'est pour ça qu'il l'avait aidé à se reconstruire et l'avait pris sous son aile quand il en avait eu le plus besoin. Mais voilà qu'il commençait à éprouver de la méfiance envers Livius, il avait remarqué que celui-ci commençait de plus en plus à lui cacher les expériences qu'il faisait et que pour parvenir à ses fins, il utilisait des stratagèmes toujours plus malsains les uns que les autres.
Livius Skeward était un homme d'une trentaine d'années aux cheveux bruns et aux yeux ténébreux, il était toujours habillé en costume et ne souriait jamais, il avait sur toute la moitié de son visage des cicatrices qui le rendaient effrayant, peut-être avait-il pu être bel homme dans son passé mais désormais il n'était plus que l'ombre de lui-même.
Depuis quelques temps, il avait pour objectif de trouver le Dr. Will Miles mais qui du jour au lendemain semblait avoir disparu des radars. Son objectif était en fait de récupérer le livre spécial qui était en sa possession et dont il avait connaissance. Un jour, des espions sont venus lui rapporter avoir réussi à le retrouver, ceux-ci continuèrent donc de surveiller ses faits et gestes sur ordre de Livius.
Par conséquent, Will commença à se sentir observé, un homme l'avait suivi dans la rue, une fois en revenant chez lui, il avait été surpris de voir sa porte ouverte, des objets semblaient avoir bougé dans leur maison et son fils lui avait rapporté qu'une femme lui avait posé des questions un peu trop personnelles. Il décida de prendre des précautions.
— Quin, il faut que je te parle.
— Oui papa ?
— Je commence à croire de plus en plus qu'on est espionnés, on est même probablement sur écoute mais peu importe.
— Tu crois ? Mais pourquoi on nous espionnerait ? Parce que je suis fiché ? Murmura Quincy par peur d'être écouté.
— Non réfléchis, si c'était pour ce que tu dis, ils t'auraient déjà arrêté depuis longtemps. C'est pour une autre raison.
— Mais alors pourquoi ?
— Le livre...
— Le livre ? Mais je croyais que personne ne connaissait son existence !
— Il y a quelqu'un... Vois-tu, j'avais laissé un double de ce livre qui y ressemblait à la vue de tous, avec une tranche nacrée et des textes scientifiques à la noix dedans, et devine quoi ; il a disparu.
Quincy sentit ses poils se hérisser en entendant cela.
— Quoi ?! Mais qui ça peut bien être ?
— Je sais qui c'est, je savais bien qu'à un moment ou à un autre il chercherait à me retrouver...
— Mais qu'est-ce que tu vas faire ? Demanda Quincy
— Rien.
— Comment ça rien ? C'est pas risqué ?
— Si, notre vie est en danger. Mais je ne vais strictement rien faire. Dit Will en haussant la voix de manière à ce qu'on l'entende.
Il se saisit d'une feuille et d'un crayon et commença à écrire en tout petit quelque chose.
"Lis dans ta tête.
Désormais pour parler du livre, nous utiliserons le code « la ruche ».
Je veux que tu saches où je l'ai caché au cas où, la ruche est dans le tronc du pommier du jardin. La ruche regroupe un ensemble de données très utiles mais surtout des coordonnées que j'ai pris soin de coder, elles doivent guider jusqu'à un lieu particulier que tu auras le plaisir de découvrir. Je sais ce que tu es en train de te dire, tu penses que tu ne vas pas réussir à les déchiffrer mais rassure-toi, depuis tes 8 ans sans que tu te rendes compte je t'ai entraîné pour ça et aujourd'hui tu en as 15. Tu devrais être le seul à pouvoir tout comprendre. Comme tu le sais, moi je ne peux pas m'y rendre, tous les ports ont ma photo placardée sur leur comptoir dans le but de m'empêcher de prendre la mer et de m'y rendre. Mais toi ils n'ont pas ta photo, autrement dit au moment voulu tu finiras ce que nous avions commencé."
Au fur et à mesure que Will écrivait, Quincy se sentait submergé de questions ; quelle était la nature de ce lieu ? Pourquoi devrait-il être le seul à le trouver ? Quand devrait-il entreprendre ce voyage ? Pourquoi serait-il le seul à pouvoir déchiffrer ces coordonnées ? Après avoir fini d'écrire, Will regarda son fils en souriant puis se saisit d'une allumette et mit le feu au papier pour ne laisser aucune trace. Il reprit la parole :
— Si jamais il devait m'arriver quelque chose, sache que tu es ce qu'il y a de plus précieux pour moi, je sais que tous les parents peuvent dire ça mais... Moi je peux dire que tu es la réalisation la plus aboutie et la plus prometteuse que je n'ai jamais pu concevoir.
— Oh non arrête papa, il ne t'arrivera rien ! Dit-il d'une voix frêle.
Dans les semaines qui suivirent, tout sembla s'être calmé, Quincy avait presque oublié la peur qu'il avait ressentie à l'idée que son père disparaisse. Tout semblait être rentré dans l'ordre, peut-être les espions avaient-ils été découragés de n'avoir rien trouvé ? Et peut-être avaient-ils laissé tomber l'idée ? C'est ce dont essayait de se convaincre le jeune homme. Jour après jour, il continuait d'apprendre ce que son père mettait à sa disposition, l'histoire, la géographie, la chimie, la physique, les maths, la biologie, la technologie, la médecine, les langues ainsi que les arts martiaux. Quincy acquérait ainsi sans s'en rendre compte un savoir bien au-delà de ce que connaissaient les professeurs des nouvelles écoles, et une culture générale bien supérieure à la moyenne des gens des siècles de l'époque contemporaine réputée Âge d'or du savoir.
Après une journée bien remplie, Quincy avait pour habitude de sortir de chez lui, il aimait bien grimper sur le toit en tôle de là où il vivait pour admirer le coucher de soleil et les voiles des bateaux qui disparaissaient au loin sous les froufrous de l'horizon. La nuit tombée, s'il n'était pas occupé à étudier la constellation, il aimait se promener dans les rues presque désertes de Esmeraldas. Il y avait encore quelques maisons habitées. Les bars et magasins de premières nécessités pouvaient encore se différencier grâce à quelques néons faiblement allumés ou de vieilles lampes qui grésillaient à chaque fois qu'un insecte s'en approchait. Esmeraldas était une de ces villes autrefois animées qui avaient laissé place à un lieu à la limite de la désolation.
— Un verre s'il vous plaît. Dit Quincy en s'asseyant au comptoir d'un de ces bars morts.
Une jeune femme se retourna en l'entendant, elle était en train d'astiquer quelques verres.
— Hm, t'as de quoi payer au moins gamin ? Dit-elle d'un air rebuté.
— Cinq crédits.
Après l'avoir servi et encaissé, elle commença à le dévisager.
— T'es pas d'ici toi hein.
Avant qu'il n'eut de répondre, un homme sortit de derrière elle.
— Hanna ! Arrête de perdre du temps et travaille espèce de feignasse ! Dit-il désagréablement.
— C'est bon Miguel ! J'étais juste en train de m'occuper du client !
— Tu me parles pas comme ça ! Sinon je vais te calmer.
Il lui saisit le poignet et la plaqua contre le mur.
— Aïe arrête tu me fais mal !!
Quincy attentif à la scène, prit discrètement le poivre à sa portée et le dispersa sur le comptoir devant lui.
— Monsieur, pourquoi vous énervez-vous contre elle ? Elle ne s'est arrêtée qu'un instant pour me servir. Dit Quincy.
— Qu'est-ce qu'il a le blanc-bec ?! Cria l'homme.
— Y'a... Que j'aime pas les grosses brutes sans cervelle. Rétorqua-t-il avec insolence, montrant ainsi son deuxième visage.