Zuma n'était pas partie très loin, juste après sa nouvelle dispute avec sa mère et la gifle qu'elle venait de lui donner, il s'était enfui à travers les rues d'Adventureville et s'était réfugié au bord du canal qui traversait la ville, ce même canal dans lequel il avait sauvé une petite famille d'humains, coincé dans leur voiture, alors que cette dernière avait chuté dans l'eau et s'était retrouvé entrainé par les courants, lors de la tempête provoqué par les nombreuses bêtises du maire Hellinger, l'été dernier (voir le film Pat Patrouille de 2021).
Assis au bord du canal, Zuma pleurait comme jamais il n'avait pleuré depuis longtemps, ses pattes avant tremblaient de rage et de chagrin, comme s'il s'apprêtait à faire une crise d'épilepsie. De rage, il frappa dans une pierre qui trainait et l'envoya plonger dans le canal, avant de s'saccager un parterre de fleurs, qui n'avait rien demandé, mais il était tellement triste et tellement en colère, qu'il ne faisait même plus attention à ce qu'il faisait.
-J'TE DETESTE ! SALE MEGERE, JE TE HAIS !!!! Hurla-t-il en se déchainant sur les plantes. TU ME POURRIES LA VIE DEPUIS QUE JE SUIS PETIT, SALETE !!!
Zuma cessa de saccager le parterre, mais en voyant ce qu'il avait fait à ces pauvres plantes, il se sentit soudain coupable et recommença à pleurer, avant de s'écrouler à terre, tout en plongeant son visage inondé de larmes dans ses pattes avant. Il pleura, pleura et pleura, tout en articulant des supplications, à destination de... son défunt père :
-Papa... j'ai besoin de toi... si tu savais... à quel point tu... tu me manques !
Le chiot sauveteur en mer pleurait tellement, qu'il n'entendit même pas les bruits de pas précipité qui se dirigeait vers lui, Ryder arriva près de lui en courant, les yeux rivés sur l'écran de son téléphone portable, dont il s'était servi pour localiser son chiot, afin de le retrouver. Lorsqu'il vit le parterre de fleurs saccagé, de la terre et des bouts de plantes partout autour du chiot sauveteur en mer, le garçon ralentit sa course et s'approcha de lui doucement.
-Zuma ! L'appela-t-il sur un drôle de ton, partagé entre choc et pitié.
Le petit Labrador redressa la tête, ses larmes dégoulinant toujours en cascades le long de ses joues et lorsqu'il vit comment Ryder le regardait, il crut qu'il allait le disputer à cause du parterre de fleurs.
-Je... je suis désolé... Ryder ! S'excusa-t-il entres plusieurs sanglots. Je... j'ai... j'ai perdu le contrôle de... de moi-même... pardon, pardon, pardon !
Chagriné de le voir ainsi, Ryder se rapprocha de lui et s'agenouilla pour se mettre à sa hauteur, avant de le prendre dans ses bras.
-Oh Zuma, je m'en fiche de ces fleurs, je venais juste voir comment tu allais, c'est tout !
D'abord surpris par cette étreinte, Zuma passa ses pattes avant dans le dos du chef de la Pat Patrouille et enfouit son visage dans le creux de son cou, avant de se remettre à pleurer. Ryder le garda ainsi de longues minutes dans ses bras, il lui caressait le dos d'une main, tout en le maintenant contre lui de l'autre et dans le silence le plus total, il laissa son petit Labrador Chocolat vider son sac, il le laissa pleurer contre son épaule, jusqu'à ce qu'il n'ait plus de larmes à verser. Ce fut à ce moment-là que le garçon reprit la parole, néanmoins tout en conservant Zuma contre son cœur :
-C'est moi qui te demande pardon Zuma, j'aurai dû m'opposer à ce que ta mère vienne avec nous à Adventureville, je n'aurais jamais imaginé qu'elle puisse être comme ça avec toi !
Le chiot renifla et tenta de retrouver une respiration normal, avant de répondre, toujours blotti contre son maitre :
-Elle... elle ne changera jamais... je crois... qu'au fond elle... elle ne m'aime pas !
Ryder ne trouva rien à répondre à ça, attristé, il continuait ses caresses réconfortantes dans le dos de son chiot.
-Je... je ne suis pas... le fils qu'elle... aurait aimé avoir ! Poursuivit Zuma. Et... j'en ai assez de... de jouer les chiots parfait... juste pour lui plaire... ! Je... je n'ai... rien en commun... avec elle et... et c'est pas prêt de... changer !
Le garçon décolla Zuma de lui et le regarda droit dans les yeux.
-Et bien arrête dans ce cas !
Etonné, le chiot sauveteur en mer lui adressa un regard interloqué.
-Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu veux dire ?
-Ce que je veux dire, c'est que si tu en assez de porter un masque, d'être un autre chien que ce que tu es réellement au fond de ton cœur, arrête !
Zuma fronça les sourcils, il ne comprenait toujours pas ou son maitre voulait en venir.
-Sois toi-même Zuma, arrête d'essayer d'être quelqu'un d'autre juste pour plaire à ta mère !
Le chiot ne répondit rien suite à l'affirmation de Ryder, ce n'était pas faux, mais étant donné que sa mère ne l'aimait pas pour ce qu'il était vraiment au fond, comment allait-il faire pour rester lui-même en sa présence, sans craindre qu'elle ne s'en prenne de nouveau à lui ?
-Zuma, est-ce que tu te souviens du jour où je t'ai adopté ?
Le petit Labrador ne répondit pas tout de suite, il se remémora le jour ou il avait fait la connaissance de Ryder pour la première fois de sa vie...
C'était un jour d'été fort chaud à la Grande-Vallée, la plupart des habitants de la ville se trouvaient sur la plage, en train de profiter de la fraicheur de la mer, histoire de se rafraichir un peu. A cette époque-là, Zuma était très jeune, il n'avait même pas un an et il profitait de cette journée, pour passer du temps avec son père. Père et fils se trouvaient à l'ombre d'un gros rocher, en train de pêcher du poisson comme à leur habitude, le tout en sirotant des boissons fraiches et en écoutant de la musique sur un poste radio.
-Papa, ça ne mord toujours pas ! Tu crois que les poissons ont trop chaud aussi ?
Ulysse se mit à rire, tout en buvant une gorgée de Coca-Cola à la paille.
-Sois patient Zuma, ça ne fait même pas une heure que nous sommes là, les poissons ne vont pas mordre à l'hameçon tout de suite !
Le chiot soupira et se laissa tomber en arrière dans le sable.
-Mais j'en peux plus d'attendre, c'est trooooooooop long ! J'veux que ça morde maintenant, moi !
En guise de réponse, Ulysse fit preuve de philosophie et répondit à son enfant :
-Cher fils, tu apprendras que dans la vie, on n'obtient pas systématiquement tout ce que l'on désire tout de suite ! Tout vient à point à qui c'est attendre !
Zuma se remit à soupirer et préféra lâcher sa canne, pour se mettre à observer les gens se baigner un peu plus loin. Beaucoup de famille avec leurs enfants profitaient de l'eau, tandis que d'autres se trouvaient sur la plage, en train de bronzer, faire des châteaux de sable ou jouer à des jeux de plage. En soit, rien d'intéressant aujourd'hui, c'était plutôt monotone, mais c'était toujours mieux que de rester à la maison, avec Moana qui ne parlait que de prières et de respect du bon Dieu tout le temps.
A force de scruter la surface de la mer, dans la baie de la Grande-Vallée, Zuma aperçut soudain quelque chose de plutôt inquiétant, un aileron pointue qui dépassait de l'eau et qui avançait rapidement vers les gens présent dans l'eau : un requin !
-Papa ! Appela aussitôt le chiot avec panique.
-Quoi ? Répondit Ulysse sans comprendre.
Sans répondre, le vieux Labrador vit son fils pointer la surface de la mer de la patte et lorsqu'il vit le danger, il bondit de l'endroit ou il était installé et fila en direction des gens, un peu plus loin de leur position.
-SORTEZ TOUS DE L'EAU ! Hurla aussitôt Ulysse. REQUIN !!!
Lorsque les gens eurent assimilé ce que le Labrador-Chocolat adulte venait de crier et lorsqu'ils virent le requin foncer vers eux, tous ceux qui se trouvaient dans l'eau s'affolèrent et nagèrent à toute vitesse vers la plage, les parents embarquèrent leurs enfants et prirent la fuite à une vitesse hallucinante, malheureusement un groupe de quatre personnes étaient restés dans l'eau et étaient trop loin pour regagner la plage juste à temps. Le requin sembla les avoir vu, il changea de direction et se mit à nager vers eux.
-Oh non ! Paniqua Zuma.
Ulysse était déjà parti au triple galop vers la plage, pour prêter main forte aux gens et ne semblait pas avoir vu ce groupe de personnes en danger. Si personne n'intervenait pour les sauver, ils allaient se faire attaquer ! Alors, prenant son courage à deux pattes, Zuma alla fouiller dans le sac de pêche de son père et en sortit avec un énorme couteau bien aiguisé à la gueule et il fonça ensuite vers une barque en bois appartenant au maitre de son père, ce dernier étant muni d'un petit moteur à main. Il le mit en route en tirant sur la corde du démarreur et le lança à fond sur l'eau, pour venir le plus vite possible au secours de ces quatre humains en danger, tout ça sous le regard d'un jeune garçon présent sur la plage, qui ne ratait pas une miette du spectacle.
-TENEZ BON, JE VAIS VOUS AIDER ! Hurla Zuma aux gens. EVITEZ DE TROP BOUGER, LES REQUINS SONT SENSIBLES AUX MOUVEMENTS BRUSQUES !!!
Ulysse, sur la plage, écarquilla les yeux d'effroi en voyant son fils dans cette barque, foncer à toute allure en direction de la zone ou se trouvait le requin.
-ZUMA, QU'EST-CE QUE TU FAIS ?!!!! Hurla-t-il de peur pour son enfant.
Mais le chiot n'écoutait pas, il stoppa le moteur pour laisser la barque glisser gentiment jusqu'aux gens et il leur tendit la patte, pour les faire monter à bord. Le requin leur fonçant toujours dessus à toute allure et aux vues de la taille de son aileron, Zuma – qui s'y connaissait pas mal en anatomie des animaux marins – comprit avec effroi qu'il s'agissait d'un grand requin blanc, les plus gros et les plus mortels requins de tous les océans.
-Oh la vache ! Jura-t-il de peur.
Il s'en retourna vers les gens (des parents avec leurs deux enfants) et leur fit signe de se dépêcher de monter à bord de la barque.
-Allez plus vite, grouillez-vous ! Dit-il.
-Nos enfants d'abord ! S'exclama la mère.
Zuma se saisit en premier d'une petite fille, qui devait avoir 8 ans, suivi d'un petit garçon beaucoup plus jeune, la mère de famille monta ensuite après ses enfants, mais au moment ou le père voulut grimper dans la barque... le requin avait disparu, son aileron n'était plus du tout visible et le chiot craignit le pire.
-Ou est-il ? Demanda l'homme, complétement tétanisé.
Zuma n'eut même pas le temps de lui répondre, le père de famille se fit soudainement attraper violemment la jambe et entrainé sous l'eau par le requin.
-NON !!! Hurla la femme avec chagrin et terreur.
Le petit Labrador ne réfléchit même pas, alors que du sang commençait à remonter à la surface de l'eau, il prit le gros couteau de son père et sauta tête la première dans l'eau, avant de nager vers le grand requin blanc, qui continuait d'entrainer sa proie sous l'eau.
L'homme se débattait du mieux qu'il le pouvait, mais l'animal ne voulait pas le lâcher. Zuma nagea aussi vite qu'il le put et arrivé à la hauteur du requin, il le frappa en plein visage avec le couteau d'Ulysse et parvint à lui égratigner l'œil gauche et une partie du nez et de la gueule, formant ainsi une grande blessure ensanglanté sur toute une partie de sa tête. Sous le choc et la douleur, l'animal lâcha la jambe de l'homme et Zuma en profita pour l'attraper et le remonter à la surface, au milieu d'une grande quantité de sang, mélangé à de l'eau de mer.
-Aidez-moi à le monter dans la barque ! Commanda le petit Labrador à la femme.
Cette dernière obéit et tendit les mains pour se saisir de son mari, qui avait tout le bas de sa jambe ensanglanté et écorché à vif. Une fois à bord, Zuma allongea l'homme dans le fond de la barque et se saisit d'un bout de tissu propre qui trainait, avant de le tendre à la femme :
-Tenez ! Maintenait ça appuyé sur la blessure de votre mari, il ne va pas perdre sa jambe je pense, mais il perd beaucoup de sang, il faut l'emmener d'urgence à l'hôpital !
Au même moment, le grand requin blanc remonta à la surface, la tête complète pleine de sang, il affubla Zuma d'un regard envenimé de rage pure et poussa un drôle de cri roque, comme s'il cherchait à dire au petit Labrador qu'il allait lui faire payer ce qu'il venait de lui faire.
-C'est ça, on se reverra toi et moi, compte là-dessus ! Répondit le chiot au requin. Et maintenant dégage, sale bête !!!
L'animal replongea dans les profondeurs de l'eau, tandis que le père de famille pleurait et hurlait de douleur dans le fond de la barque, mais déjà Zuma remit le moteur en route et fonça vers la plage à toute vitesse. Arrivé sur la plage, le chiot commanda à des gens suffisamment costaud de venir l'aider à sortir le pauvre homme de la barque et à appeler les urgences, toujours sous le regard de son père et du garçon, qui se tenait toujours un peu plus loin.
Une fois l'homme blessé embarqué par les pompiers avec sa petite famille, qui avait remercié chaleureusement le petit Labrador, Ulysse se précipita vers Zuma et le prit dans ses pattes, visiblement très soulagé qu'il n'ait rien de grave.
-Oh mon fils tu m'as fait peur ! Ta mère m'aurait tué si ce requin t'avait dévoré tout cru !
-J'vais bien papa, t'inquiètes ! Répondit le petit chiot. Je... je voulais juste aider ces gens !
-Et tu as bien fait ! Retentit soudain une voix, un peu plus loin.
Zuma et Ulysse se retournèrent et aperçurent un garçon en compagnie d'un petit Berger-Allemand, qui ne devait pas avoir plus de deux ans grand maximum, s'avancer vers eux, un large sourire aux lèvres...
-Tu te souviens de ce que je t'ai dit ce jour-là, après t'avoir regardé sauver cette famille de Tiaki ? Demanda Ryder.
Tiaki était le nom que Zuma avait choisi de donner à ce grand requin blanc, ce mot signifiait « cicatrice » en Maorie, le langage des polynésiens et des gens vivants sur les îles du Pacifique. Après son admission au sein de la Pat Patrouille, le chiot sauveteur en mer avait recroisé la route de ce requin à plusieurs reprises et à chaque fois, l'animal cherchait à attaquer le petit Labrador, comme s'il réclamait vengeance pour la grande cicatrice que Zuma lui avait faite, lors de leur première rencontre, ce jour-là.
-Tu m'as dit que... que j'avais fait preuve de beaucoup de courage et que... j'avais l'âme d'un héros !
-Exactement ! Approuva le garçon. Parce que c'est ça que tu es Zuma : un héros, comme tous les autres chiots de cette équipe ! Et si ta mère n'est pas capable de le voir et de l'accepter, alors laisse-là tomber et poursuis ta vie comme toi tu l'entends ! D'accord ? Cesse de te prendre la tête parce que tu ne l'as satisfait pas, tu ne vis pas pour ta mère !
Le petit Labrador approuva les ordres de Ryder d'un simple hochement de tête, avant d'essuyer ses larmes d'un revers de patte, pour se remettre à sourire. Il se sentait bien mieux et retourna dans les bras du garçon pour un dernier câlin, cette fois-ci avec le sourire.
-Merci Ryder !
-De rien ! Répondit le garçon en le serrant contre lui. Et si on rentrait se préparer pour la fête de Kendra, maintenant ?
De nouveau heureux, Zuma suivit le garçon en direction de la Tour de Contrôle d'Adventureville.