Kivilis - Le Cycle du Vortex...

By Marga_Peann

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Si vous avez toujours rêvé de vivre une épopée intergalactique, alors cette histoire est faite pour vous ! Su... More

Chapitre 1 - 1
Chapitre 1 - 2
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 30
Chapitre 29
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Chapitre 59
Chapitre 60
Chapitre 61
Chapitre 62
Chapitre 63
Chapitre 64
Chapitre 65
Chapitre 66
Chapitre 67
Chapitre 68
Chapitre 69
Epilogue
Annexe 1 - Team E 17
Annexe 2 - Les Libertans
Annexe 3 - Claire

Chapitre 9

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By Marga_Peann

Une nouvelle fois, on vint la chercher. Une nouvelle fois, l'OLS chargé de la guider dans la forteresse tentaculaire ne dit pas un mot. Claire commençait à s'y habituer... et de toute façon, de quoi aurait-ils parlé ?

La nuit était tombée, mais la soirée débutait à peine. Elle avait passé la journée à travailler dans sa chambre, apprenant à maîtriser son terminal holographique, et elle avait l'impression qu'une éternité s'était passée depuis sa course et ses aventures du matin.

A son grand embarras, quand elle était arrivée dans la salle commune du B14, en suivant l'OLS qui l'avait ramenée du chemin de ronde, Elanore Matoovhu l'attendait. La digne matrone n'avait pourtant pas eu un mot sur sa mésaventure, se contentant de l'accompagner dans sa chambre et de lui expliquer rapidement comment utiliser son terminal. Mais bien qu'elle soit ensuite repartie tout aussi vite, happée par les tâches mystérieuses d'une Coordinatrice, elle était revenue à l'heure du repas et avait insisté pour que Claire mange avec elle.

Sans lui demander son avis, elle avait commandé un certain nombre de plats sur les différents distributeurs de nourriture et les avait alignés sur une table libre, puis elle s'était assise en face d'elle et l'avait encouragée à goûter à chacun. Claire avait reconnu le pain caoutchouteux qu'elle avait déjà mangé, ainsi que des cubes orangés qui avaient une saveur sucrée proche du petit pois, que la Coordinatrice avait appelés golfiches.

Sous l'œil inflexible d'Elanore Matoovhu, elle s'était forcée à goûter à tout, même à une bouillie pâteuse et salée du nom de ghaudes. Pendant ce temps, la Coordinatrice lui présentait plus en détail les diverses règles, règlements, consignes et conventions qui régissaient la vie à Bhénak. Claire avait écouté sans mot dire, se demandant si elle arriverait à tout retenir, et ce qui se passerait si elle transgressait sans le vouloir l'une de ces fameuses règles.

Certaines lui parurent absurdes. Par exemple il était interdit d'utiliser les distributeurs à certaines heures, de prendre plus d'une douche – d'eau rationnée – par jour, ou encore, de se rendre sur l'Esplanade sans autorisation. La Salle d'Apparat, cette immense salle par laquelle elle était passée en arrivant, était tout aussi interdite. Les Jardins Intérieurs étaient interdits à certaines heures à certaines catégories de personnel, de même que certains turbolifts et translifts.

Une fois le repas terminé, Matoovhu lui avait indiqué le broyeur à aliments ainsi que le puit à ustensiles, puis son chronomètre avait sonné et, après un rapide coup d'œil à son poignet, elle était repartie en lui recommandant de l'appeler si elle avait le moindre problème. Claire avait acquiescé timidement, se rendant compte ensuite, un peu tard, qu'elle n'avait aucune idée de la manière de la joindre si jamais elle en avait besoin...

Je ne sais même pas comment enlever le mien, de chronomètre... mais je ne vais pas la déranger pour ça, quand même ! Elle a l'air d'avoir un travail super important, ici, elle a autre chose à faire que jouer les nounous... !

Pourtant, malgré sa position, elle était là, à sa disposition. Qu'avait dit Seigé Leftarm, déjà ? Qu'elle pouvait compter sur sa discrétion ?

C'est peut-être pour cela, alors, qu'il est venu lui-même ce matin pour m'accompagner sur le chemin de ronde, il souhaitait que le moins de personnes possible n'aient affaire à moi ?

Je crois que c'est réussi...

Et pourtant, même si cela devait provoquer le déplaisir de son employeur, elle n'était pas si mécontente, au fond, de sa mésaventure du coté du « Hangar Dix-Sept ». Ce Pieric avait été si gentil avec elle ! Elle espérait qu'elle aurait l'occasion de le revoir, simplement parce qu'il lui avait montré qu'on pouvait se préoccuper d'elle ici, juste par gentillesse.

En attendant, il faut absolument que j'apprenne à me débrouiller un peu seule... je me suis assez fait remarquer pour l'instant !

Le plus urgent : apprendre l'alphabet, les chiffres et les lettres utilisés ici. Malgré les commentaires de Seigé Leftarm sur les « pré-techs » et sur le fait qu'elle pouvait entièrement s'en remettre à Elanore Matoovhu, elle n'avait pas osé avouer à la Coordinatrice qu'elle ignorait quelque chose d'aussi basique...

Bonne élève, elle n'avait jamais pensé, jusqu'aujourd'hui, à la honte qu'on pouvait éprouver lorsqu'on n'était pas capable de déchiffrer le plus simple des écriteaux - sans parler de lire l'heure. N'ayant jamais voyagé dans des pays qui n'utilisaient pas l'alphabet latin, c'était un choc pour elle que de ne même pas être capable de lire la moindre inscription – sans même parler de la comprendre.

Heureusement, les ordinateurs, ou ce qui en tenait lieu, ici, fonctionnaient aussi bien en mode vocal qu'avec des instructions écrites. Elle n'eut donc qu'à poser ses questions à voix haute - se sentant un peu stupide, au début - pour que le programme approprié soit lancé. Cela ne ressemblait pas vraiment à ce qu'elle connaissait, mais elle s'habitua vite à interagir avec la voix, qui n'avait rien de synthétique et, surtout, ne répondait ni avec surprise, ni avec mépris, à ses questions les plus idiotes...

Elle avait déjà utilisé des assistants vocaux sur son téléphone, sur Terre, mais ici, la conversation était menée de façon bien plus naturelle. Il n'y avait pas besoin de réfléchir à la formulation de sa question, car l'ordinateur comprenait assez rapidement où elle voulait en venir.

Et lui, au moins, il ne me juge pas. Enfin j'espère !

Après cette journée, elle commençait déjà à se débrouiller avec les symboles les plus courants de l'alphabet le plus courant, dit « Standard ». Mais c'était loin d'être facile, car il était constitué de trente-sept « lettres », sans compter les chiffres. N'ayant aucune référence avec ses lettres latines, elle avait dû créer ses propres tables de correspondance, assez approximatives,, d'autant plus qu'ici, il n'y avait pas de papier à disposition pour écrire.

Alors qu'elle grommelait à ce sujet, l'ordinateur lui avait alors indiqué qu'un bayni était à sa disposition sur son bureau si elle souhaitait prendre des notes. Elle avait observé l'espace devant elle, perplexe, avant que l'ordinateur ne projette l'image d'un cylindre argenté d'une quinzaine de centimètres de long et d'environ un centimètre de diamètre. Elle avait alors reconnu l'objet, posé dans un coin, et s'en était saisie avec scepticisme. Comment cela allait-il lui permettre de prendre des notes ? Si c'était un stylo, où était le papier ?

Sous ses doigts, le cylindre s'était soudain animé, et une série d'icônes s'était illuminée le long du tube. Patiemment, l'ordinateur lui avait indiqué sur laquelle appuyer, et une rainure, jusque-là invisible, s'était élargie sur toute la longueur de l'objet. Avec un léger clic, un écran rétractable, souple, transparent et extrêmement fin, s'était alors révélé. Elle l'avait déroulé, prudemment, jusqu'à ce qu'il fasse une vingtaine de centimètres. Sur une nouvelle indication de l'ordinateur, une pression sur l'icône avait subitement rigidifié l'écran, qui s'était alors opacifié et couvert de nouveaux symboles. Elle avait alors enfin reconnu la tablette, parfois transparente, parfois non, qu'elle avait déjà vue à maintes reprises ici, y compris entre les mains de son employeur.

La partie tubulaire et rigide du bayni contenait également, découvrit-elle, un stylet et un minuscule projecteur holographique – même si elle ne voyait pas bien encore à quoi ce dernier allait pouvoir lui servir.

D'une pression, elle pouvait refermer l'objet, qui n'était alors pas plus encombrant qu'un stylo. Constitué d'un curieux matériau brillant, argenté, ni métallique ni plastique, il était parsemé de symboles qui n'apparaissaient que lorsqu'on le tenait en mains, symboles et icônes qui ne semblaient pas faire partie des lettres de l'alphabet qu'elle tentait d'apprendre. Pourtant, ils paraissaient tout autant utilisés : elle réalisa qu'elle en avait déjà vus certains à des endroits aussi divers que les ascenseurs, la navette qui l'avait amenée ici, ou encore sur les distributeurs de nourriture...

Elle n'avait jamais compris, jusqu'à en être si brutalement privée, à quel point les icônes, autant que les chiffres et les lettres, représentaient des idées et des fonctionnalités, dans cet univers comme dans l'autre, et à quel point ces symboles étaient utiles pour comprendre et interagir avec le monde dans lequel on vivait.

Et pourtant, ils étaient si terriblement importants ! Par exemple, sur Terre, ce zéro et ce un imbriqués, qui permettaient de mettre en marche ou arrêter n'importe quel appareil... un symbole basique, qu'on ne remarquait même plus... et pourtant, ô combien utile quand on en était brutalement privé !

Avant de réussir à prendre des notes, il lui fallut donc apprendre le fonctionnement du bayni : comment l'ouvrir à la taille désirée, le rigidifier, l'opacifier ou non, selon le besoin, et ensuite obtenir la fonctionnalité souhaitée... Ici, elle voulait simplement dessiner des lettres, celles connues, et celles à apprendre, et trouver le bon programme lui prit déjà un certain temps.

Évidemment, le côté « enroulable » mis à part, le bayni ressemblait un peu aux tablettes qu'elle connaissait déjà sur Terre, mais la logique derrière était totalement différente – il n'y avait pas d'icônes d'applications, par exemple - et le fait que tout soit dans un alphabet parfaitement inconnu n'aidait pas à la tâche !

Mais elle avait fini par s'en sortir, heureusement aidée par l'assistance empressée, à la fois vocale et holographique, du terminal de sa chambre. Une fois les fonctionnalités basiques maîtrisées, elle avait pu se mettre vraiment au travail, et tenter de faire coïncider les lettres et les sons.

Expérience étrange... elle comprenait tous les mots qu'elle utilisait, ou presque – seuls ceux qui exprimaient des concepts pour elle inconnus lui restaient mystérieux -, sans souvenir de les avoir jamais appris. Elle savait d'instinct comment former ses phrases, mais elle n'avait aucune idée de la manière de les écrire. Réelle frustration pour quelqu'un qui avait toujours excellé en grammaire aussi bien qu'en orthographe ! Mais heureusement, dotée d'une bonne mémoire, il ne lui fallut que quelques heures pour commencer à acquérir des automatismes, et parvenir à déchiffrer les mots les plus simples sans avoir à se référer sans cesse à ses notes.

C'est un peu comme un code secret. Mais c'est un peu lourd, quand même.

La journée avait donc été très studieuse, très intense, et Claire n'avait pas été fâchée de l'arrivée de l'OLS, en fin d'après-midi, pour abandonner un moment ses études.

Même si ça signife passer à la partie de la « formation » qui me fait le plus flipper, ça, c'est clair !

La femme du Service Médical lui avait recommandé de ne pas faire d'efforts jusqu'au lendemain, mais Claire ne pensait pas que son nouvel employeur la dispenserait de son entraînement pour autant.

Après tout, je me sens beaucoup mieux. J'ai mangé, je me suis reposée, enfin, physiquement au moins. Ça ira bien !

Elle suivait l'OLS à travers le labyrinthe des couloirs et des ascenseurs de Bhénak, beaucoup moins fréquentés ici que dans le Secteur B. Ses toutes nouvelles connaissances lui permirent de reconnaître la lettre associée au « A », répétée à de nombreuses reprises sur les murs. Dans cette partie du bâtiment, les lignes qui parcouraient le sol des couloirs étaient à dominante verte, avec parfois une touche de violet ou de gris, contrairement au Secteur B, à dominante grise et rose, ou à l'endroit où elle avait rencontré Pieric, traversé de lignes orange, jaunes et bleu marine. Elle se promit de rechercher la signification de ces couleurs mystérieuses sur son terminal le plus tôt possible : cela semblait trop consciencieux pour n'être que de la simple décoration, d'autant plus que le même code couleur se retrouvait aussi dans l'immense Complexe Armora, là bas, de l'autre côté de la planète...

Enfin, immense, c'était ce que je pensais, avant d'arriver ici...

Le soldat s'arrêta bientôt devant une porte en tous points semblable aux autres. Il posa son poignet sur la plaque murale, puis recula. La porte coulissa. Elle entra, s'attendant à ce qu'il la suive, mais, avec un chuintement étouffé, la porte se referma derrière elle sans qu'il ne l'accompagne.

Elle était seule.

Elle se trouvait sur un étroit palier, ceint d'une balustrade, qui surplombait ce qui ressemblait à un gymnase. A sa gauche, un escalier descendait vers la pièce d'entraînement proprement dite, tandis que sur sa droite une plateforme donnait accès à tout un système de cordes, de filets et de barres de métal, qui cascadaient jusqu'au sol, un étage plus bas. En face, sur toute la hauteur de la pièce, de larges baies vitrées dévoilaient un fantastique panorama sur la mégalopole brillamment illuminée.

A en juger par ce qu'elle en voyait, elle devait se trouver dans les étages supérieurs de Bhénak, quasiment au sommet.

A l'odeur, de toute façon, j'aurais reconnu un gymnase. A croire que cette puanteur est universelle !

Elle s'approcha de la balustrade. Des cordes, des barres, des arceaux et une multitude de structures en tous genres étaient rangés dans un coin de l'espace dégagé en contrebas. Au centre, un vaste cercle recouvert d'une matière qui semblait souple et élastique voisinait avec des échelles et des caisses remplies de matériel. Des cibles étaient alignées sur le mur le plus proche, et d'autres objets moins reconnaissables étaient rangés sur des étagères, entre plusieurs portes, toutes fermées.

Au centre de ce cercle, droit et immobile, Seigé Leftarm l'attendait.

Elle déglutit, à la fois surprise et effrayée. Ne lui avait-il pas dit que ce serait l'un de ses instructeurs qui se chargerait de son entraînement physique ?

Pourquoi il a changé d'avis ? A cause de ce matin ?

Il tournait le dos à l'entrée, et elle se demanda s'il l'avait entendue arriver. Mais avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, la voix glaciale qu'elle commençait à bien connaître s'éleva :

— Approchez.

Comme toujours en la présence de cet homme énigmatique et imposant, elle sentit son estomac se nouer. Et comme elle ne se sentait pas particulièrement fière d'elle avec ce qui était arrivé du coté du Hangar Dix-Sept, elle s'attendait un peu à tout de sa part.

Elle ne savait pas encore qu'avec lui, il fallait s'attendre à bien plus.

Et « tout » se passa très rapidement. Alors qu'elle arrivait timidement en bas de l'escalier, il se retourna, presque nonchalamment, et pointa une arme droit sur elle. Claire n'eut pas besoin qu'on lui fasse un dessin pour comprendre, et en cette fraction de seconde terrifiante, elle pensa :

Tu savais que tu ne pouvais pas faire confiance à ce type ! Et comme une imbécile, tu l'as quand même suivi ! Tu le savais !

Elle voulut courir, se baisser, n'importe quoi, mais le choc était trop grand et elle fixa le canon de l'arme, tétanisée. Comme au ralenti, elle le vit presser la détente, et elle n'eut que le temps de lever les mains devant elle, en une tentative dérisoire pour se protéger, avant qu'un rayon de lumière verte ne l'atteigne en pleine poitrine.

Il paraît qu'on voit défiler sa vie avant de mourir. Pour elle, ce fut juste une pensée incongrue qui la traversa en ce moment critique :

Ainsi, ici, ils utilisent vraiment des rayons lasers, comme dans les films... C'est marrant, j'aurais parié qu'ils étaient rouges... !

Une fraction de seconde plus tard, le choc la propulsait contre le mur, tandis qu'une douleur effroyable lui broyait la poitrine. Elle sentit un millier de picotements parcourir tout son corps et elle glissa le long de la paroi, le souffle coupé.

Ce ne fut que lorsqu'elle vit son assassin abaisser son arme, comme au ralenti, puis se diriger vers elle, qu'elle réalisa avec stupeur qu'elle n'était pas morte.

Il lui fallut encore plusieurs secondes pour se rendre compte qu'elle ne sentait plus du tout son corps, et qu'elle était incapable d'esquisser le moindre mouvement, de parler, ou même simplement de cligner des yeux. Affalée contre le mur, bouche ouverte, joue contre terre, les yeux exorbités, elle vit les bottes impeccablement cirées se rapprocher, puis s'arrêter devant elle.

Qu'est-ce qu'il m'a fait ???

— Il faudra vraiment travailler les réflexes, reprocha-t-il, tout en s'accroupissant à sa hauteur. Vous n'avez même pas essayé d'éviter le tir.

Si elle avait pu parler, elle en serait, sans aucun doute, restée sans voix. Essayait-il de faire de l'humour ? Cet homme était fou, elle l'avait senti, elle aurait dû refuser son offre quand elle le pouvait encore ! Lui tirer dessus pour voir si elle était capable de l'éviter ! Que s'imaginait-il ? Mais elle n'arrivait toujours pas à comprendre comment elle pouvait être encore en vie.

Il se pencha alors vers elle, posant son arme. Comme si son corps avait appartenu à quelqu'un d'autre, elle ne sentit pas ses mains lorsqu'il la saisit et la redressa en position assise, calée contre le mur, toujours incapable d'esquisser un mouvement.

Toujours accroupi à sa hauteur, sa cape étalée en une flaque sombre autour de lui, il reprit alors son arme et l'examina un instant, comme s'il la voyait pour la première fois. Puis, d'un ton détaché, il la lui présenta :

— Voici ce que nous appelons un pistolaser à puissance variable. Un modèle standard, très répandu ici. Vous allez apprendre à vous en servir, avec rapidité et précision. Mais vous devrez également savoir comment il fonctionne, afin d'être capable de parer à toute éventualité.

Incapable de répondre, elle sentait maintenant, petit à petit, la colère et l'indignation l'envahir. A quoi jouait-il ? Il lui tirait dessus, puis lui faisait une conférence sur l'art et la manière d'utiliser une arme ?

Il y a vraiment quelque chose de pas clair chez ces gens ! Et chez lui, en particulier ! Il est complètement malade !

Il se redressa soudain, et au regard qu'il lui lança, elle se souvint, un peu tard, qu'il lisait ses pensées. Mais il dit simplement :

— Vous avez été touchée par un rayon paralysant de faible puissance, qui a dépolarisé vos fibres nerveuses – je ne sais pas si vous êtes capable de comprendre cette notion. Quoiqu'il en soit, vous pouvez encore respirer, et votre cœur bat encore, car une si petite charge ne peut annihiler de tels réflexes. Si elle avait été un peu plus forte, vous auriez également perdu conscience. Et bien entendu, une décharge plus importante vous aurait tuée, car même le cœur se serait arrêté.

Il disait cela avec l'indifférence étudiée d'un conférencier.

— Votre corps combat en ce moment même la dépolarisation, continua-t-il. D'ici quelques minutes, il l'aura surmontée. Malheureusement – et il eut un petit sourire froid – ce ne sera pas très agréable.

Il observa encore un moment l'arme, puis lui désigna une touche encastrée dans la crosse.

— C'est ici qu'on augmente la puissance. L'avantage du paralysant, c'est qu'il suffit de toucher n'importe quelle partie du corps pour immobiliser son adversaire, car la charge se diffuse dans tout le corps. Mais on l'utilise rarement à pleine puissance, pour tuer. Car cela décharge totalement un pack d'énergie standard.

Il manipula une autre commande et un petit cylindre lui tomba dans la main. Il le fit glisser dans sa ceinture, en mit un autre à la place, tourna un bouton, et reprit :

— La plupart des gens évitent donc de gaspiller ainsi leur énergie, et préfèrent compter sur leur adresse avec le bon vieux rayon laser.

Vif comme l'éclair, il se releva alors et tira. Un rayon de feu, rouge cette fois, vint percuter l'un des projecteurs qui éclairaient la pièce. Dans une pluie d'étincelles, ce dernier vola en éclat. Il se retourna vers elle, dans la pièce soudain plus sombre.

Elle était toujours incapable d'esquisser le moindre geste, furieuse et choquée, mais elle se rendait aussi compte qu'elle l'avait rarement entendu aligner tant de mots à la suite, et que, pire, ce qu'il disait la fascinait.

— Ce n'est pas par souci d'économie que vous utiliserez votre arme en mode laser et non en paralysant, conclut-il. Le paralysant n'est qu'un gadget pour les mauvais tireurs, qui peut vous être fatal : si vous ratez votre coup, vous vous retrouverez désarmée.

Sa voix claqua, soudain glaciale :

— Ce sont des choses que je ne répèterai plus.

Quelques secondes plus tard, Claire commença à ressentir des picotements de plus en plus insistants le long de ses membres. Et soudain, une douleur effroyable la submergea. Comme si on venait de la jeter dans un bain d'huile bouillante. Tout fut si rapide cependant qu'en aurait-elle eu la possibilité, elle n'aurait pas eu le temps de crier. Elle sombra avec reconnaissance dans les ténèbres. Après tout, ce n'était que la troisième fois en quatre jours...

Ce fut la souffrance qui la réveilla et qui lui rappela instantanément ce qui s'était passé. Une chose était sûre, elle le sentait, désormais, son corps ! Elle avait mal jusque dans des endroits où elle ignorait qu'il était possible d'avoir des courbatures, et une violente nausée l'assaillit, lui laissant échapper un gémissement. Mais au moins, cela lui confirmait qu'elle était à nouveau maîtresse d'elle-même...

Elle s'aperçut alors que quelqu'un la tenait. Elle ouvrit les yeux avec difficulté, et la lumière, bien que faible, lui donna la migraine. Elle cligna des yeux. Etait-ce possible ? C'était bien le Seigé qui était penché sur elle, un bras passé autour de ses épaules pour la soutenir. Et il arborait une expression étrange, bien différente du masque impassible qu'il affichait habituellement.

Mais elle n'avait pas encore bien repris ses esprits. Tout ce qu'il lui restait, c'était sa colère, son indignation. Elle se dégagea brusquement et se releva, titubante. Elle se retourna, et de nouveau le Seigé avait repris son visage de pierre. Et elle oublia.

— Vous êtes complètement cinglé ! lança-t-elle, rouge de fureur, alors qu'il se relevait lui aussi.

C'était peut-être risqué, mais elle était trop choquée pour retenir ses paroles :

— Vous n'aviez pas besoin de me tirer dessus comme ça ! J'aurais pu me tuer !

Si elle s'était brisé la nuque en tombant ? S'il avait mal réglé son arme... Elle n'osait y penser ! Bon sang, il lui avait sciemment tiré dessus !

Soudain, elle fut de nouveau incapable de bouger. Mais de manière bien différente de la paralysie précédente. Comme si quelqu'un d'invisible la maintenait. Elle lutta pour se dégager, en vain. En face d'elle, les traits fermés, il la regardait se débattre, les bras croisés, sans la moindre émotion. Quand elle cessa de se démener – ce qui arriva rapidement, car elle était trop courbatue et trop épuisée pour pouvoir résister longtemps – il la fixa droit dans les yeux.

— Exceptionnellement, Jayn Monestier, énonça-t-il d'un ton qui aurait gelé l'Enfer lui-même, j'oublierai ce que vous venez de dire. Mais sachez que je n'admettrai pas d'autres écarts. Je vais donc mettre les choses au point une bonne fois pour toutes : si jamais un jour, exceptionnellement, j'ai besoin de votre avis, je vous le dirai.

— Ensuite, vous apprendrez que rien de tel qu'être brûlé pour savoir se servir du feu avec discernement.

— Sachez que des milliers de gens seraient capables de tuer pour obtenir la formation que je vais vous dispenser. Je mettrai donc votre insolence sur le compte de votre ignorance.

— J'espère que je me suis bien fait comprendre.

La pression se relâcha soudain, et Claire tomba à terre, à bout de forces, tremblant de tous ses membres. Quand elle osa enfin relever la tête, la salle était vide.

*

Lorsqu'elle se réveilla, tôt le lendemain matin, après une très mauvaise nuit parsemée de réveils et d'impression de tomber dans un puits sans fond, elle se sentait toujours aussi nauséeuse et courbatue. Cela n'avait rien d'étonnant, après tout : jusqu'à la veille, elle avait rarement demandé autant à ses muscles... Et les effets du paralysant se faisaient probablement encore sentir... sans compter qu'elle avait perdu conscience déjà trois fois depuis son arrivée ici, et que ça ne lui avait probablement pas fait du bien !

Allons, n'essaie pas de te trouver des excuses pour couper au footing ce matin. Ça m'étonnerait qu'il t'en dispense parce que tu te sens un peu moulue...

Au souvenir de la veille, elle frissonna. Elle ne faisait pas confiance à cet homme... mais elle n'avait pas tellement le choix. Et elle devait bien avouer que son employeur l'intriguait comme personne ne l'avait encore jamais fait, en même temps qu'il la terrifiait, là encore, comme personne ne l'avait encore jamais terrifiée.

Il était autoritaire, oui, tout-puissant, manifestement, et sans doute complètement mégalo. Mais après tout, peut-être était-ce un comportement normal ici... Ce n'était pas parce que cette planète semblait – en partie ! - peuplée d'humains comme elle qu'ils devaient réagir de la manière qu'elle connaissait. Elle était totalement ignorante des théories de l'évolution, mais il était déjà suffisamment incroyable que des humains existassent sur d'autres planètes sans demander, en plus, qu'ils agissent en tous points comme ceux de la Terre...

Et il y avait ces fameux pouvoirs ! Seigé Leftarm possédait-il vraiment des pouvoirs mentaux, dans la plus pure tradition des mythes et des films qu'elle adorait – mais qui n'avaient toujours été que des histoires, que personne de sensé ne pouvait croire – ou n'était-ce que l'expression d'une technologie tellement évoluée qu'elle lui paraissait, à elle, la petite « pré-tech », magique ?

En attendant, il allait falloir qu'elle se lève, et qu'elle affronte une nouvelle journée dans cet univers tellement étranger, tellement empli de questions. Avec effort, elle quitta son lit, tremblant de tous ses membres. Elle se dirigea vers la salle d'eau, parcourue d'un nouveau frisson. Bon sang... elle aurait tout donné pour rester couchée !

Mais déclarer forfait dès le deuxième jour... alors qu'elle n'était déjà pas allée au bout la veille... ça, jamais !

Elle s'évanouirait peut-être de nouveau sur la piste, mais elle irait quand même ! Mais pourquoi donc le sol semblait tanguer sous ses pas ?

La lumière s'alluma lorsqu'elle franchit le seuil du minuscule cabinet de toilette, et elle eut un mouvement de recul, se protégeant les yeux. Elle n'avait pas remarqué auparavant que l'éclairage était si vif... ! Regardant son reflet dans le miroir, elle cilla. Elle avait vraiment une tête à faire peur, même sans le pansement qui lui couvrait une partie de la joue.

Elle frissonna de nouveau... et se figea. Elle saisit son poignet, chercha son pouls... oui, c'était bien ce qu'elle craignait ! C'était rapide... bien trop rapide pour quelqu'un qui venait de se lever ! Cela ne pouvait signifier qu'une chose : elle avait de la fièvre.

Non, pas ça ! Il ne faut pas que je tombe malade ! Pas maintenant ! Il va me prendre pour une incapable, et il me renverra !

Elle parvint à faire une toilette sommaire et à s'habiller, bien que le plus infime changement de position lui fasse tourner la tête. Peut-être que de l'aspirine lui ferait du bien... mais comment en trouver sur cette fichue planète ?! Si elle croisait Elanore Matoovhu, elle lui demanderait.

Oui, c'est ça. Trouver Matoovhu.

Qu'est-ce que j'ai attrapé ? La grippe ?

Elle sortit dans le couloir. Serait-elle seulement capable de trouver la Coordinatrice ? Le couloir était si long... Et elle avait la tête si lourde ! Elle se retint à un mur pour ne pas tomber. Il fallait à tout prix qu'elle trouve de quoi se soigner. Coûte que...

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