Kivilis - Le Cycle du Vortex...

By Marga_Peann

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Si vous avez toujours rêvé de vivre une épopée intergalactique, de voler de planète en planète en évitant ray... More

Chapitre 1 - 1
Chapitre 1 - 2
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 30
Chapitre 29
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Chapitre 51
Chapitre 52
Chapitre 53
Chapitre 54
Chapitre 55
Chapitre 56
Chapitre 57
Chapitre 58
Chapitre 59
Chapitre 60
Chapitre 61
Chapitre 62
Chapitre 63
Chapitre 64
Chapitre 65
Chapitre 66
Chapitre 67
Chapitre 68
Chapitre 69
Epilogue
Annexe 1 - Team E 17
Annexe 2 - Les Libertans
Annexe 3 - Claire

Chapitre 5

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By Marga_Peann

Une nouvelle nuit dans sa cellule, chambre, ou quoi que ce soit d'autres. De longues heures passées à se morfondre, à pleurer encore, et à s'interroger sur cet homme et sur ce qu'il attendait d'elle.

Un soldat – impossible de savoir si c'était le même ou non - lui porta, sans un mot, un nouveau repas, avec des aliments au goût tout aussi étrange que la première fois. Elle essaya de manger, mais n'y parvint pas. La boule qu'elle avait dans l'estomac depuis qu'elle avait compris qu'elle ne pourrait pas rentrer chez elle l'empêchait d'avaler plus que quelques bouchées.

Entre ces murs aveugles, impossible de deviner si le jour arrivait. Sur la montre qu'elle avait toujours au poignet, elle voyait lentement les heures passer, mais elle ne savait même pas combien de temps durait une journée, ici. Depuis la « traversée », il s'était écoulé quarante-huit heures. Ou seulement trente-six ? Elle ne savait déjà plus. Sous ce plafond éternellement lumineux, elle avait l'impression que sa vie d'avant était déjà loin, très loin.

Au cours de cette nuit interminable, elle se retrouva plusieurs fois à pleurer, à hoqueter de façon incontrôlable, alors que l'énormité de la situation la submergeait. Ses parents lui manquaient déjà tant ! Ils devaient être tellement inquiets ! Etait-il possible, vraiment possible, qu'elle ne les revit plus jamais ?! La pression lui semblait alors si forte, qu'elle avait l'impression qu'elle allait éclater. Elle ne savait pas si elle souhaitait, ou craignait, que quelqu'un ne vienne voir ce qui se passait, mais la porte resta obstinément close. Et chaque crise de larmes la laissait plus fatiguée que la précédente.

Puis ce fut le matin. Elle avait fini par s'endormir, épuisée, et le soldat la réveilla en lui apportant ce qui était probablement le petit déjeuner : une bouillie au goût différent, une espèce de tisane et des biscuits caoutchouteux. Là encore, elle ne put avaler plus d'une bouchée. Un peu plus tard, le soldat revint et lui fit signe de le suivre.

Elle se sentait sale et poisseuse. Elle n'avait pas changé de vêtements depuis deux jours, peut-être même trois, et elle rêvait désespérément d'une bonne douche et d'un coup de peigne. Mais elle n'osa rien demander.

Le soldat la guida à travers une nouvelle partie du bâtiment gigantesque, sans un mot. Depuis qu'elle avait accepté la proposition de Seigé Leftarm, elle n'avait plus qu'un seul soldat comme escorte, et il gardait son arme au côté. Une marque de confiance ?

Ils craignaient quoi, au juste, avant ? Que je m'enfuie ? Vers où, de toute façon ?

Ils arrivèrent bientôt dans un immense hangar, où se trouvait une navette à la forme allongée, couleur bronze, hérissée de tubulures et à peu près de la taille d'un jet privé, sur Terre, mais en beaucoup plus massif.

Des hommes et des femmes, en uniforme vert et noir, montaient la garde, tandis que d'autres vérifiaient des circuits derrière des panneaux ouverts sous la coque. L'air était curieusement piquant. Il y avait du bruit, de l'agitation, des sifflements de vapeur, tant de choses à voir qu'elle ne savait plus où regarder, oubliant temporairement son abattement pour ne garder que la stupéfaction.

Le soldat la conduisit directement vers une grande rampe qui se noyait dans les entrailles du vaisseau. Drapé dans sa cape, l'énigmatique Seigé se trouvait déjà là, parlant dans le couloir avec un homme vêtu lui aussi de vert et noir. Celui qu'il fallait bien appeler son nouvel employeur tourna la tête en sa direction et fit un bref signe à son escorte. Ce dernier la guida alors, par un escalier étroit, jusqu'à une section de la navette, à l'étage supérieur, qui ne ressemblait en rien à ce qu'elle aurait imaginé.

Elle s'était attendue aux lignes épurées, au design fonctionnel qu'on pouvait trouver dans un avion, un jet privé, ou encore dans les images aseptisées des vaisseaux spatiaux de science-fiction qu'elle connaissait. Mais si l'idée générale restait la même – de part et d'autre d'une large allée centrale, plusieurs sièges capitonnés étaient disposés en face à face, entre deux longues baies ovales qui donnaient sur l'activité fourmillante du hangar – le style en était totalement différent.

Ici, la couleur bronze dominait. Les sièges recouverts de velours vert étaient si profonds qu'ils en paraissaient noirs. Les murs et le plafond incurvés, rehaussés de moulures et de gravures, donnaient davantage l'impression de se retrouver dans le Nautilus que sur l'Enterprise.

Le soldat lui indiqua un fauteuil, lui fit signe de s'asseoir et lui boucla aussitôt son harnais. S'étant assuré qu'elle était bien attachée, il tourna les talons et disparut avant qu'elle n'ait eu le réflexe de le remercier.

L'appareil bourdonna, presque imperceptiblement. Par la baie, elle vit les techniciens et les soldats s'écarter. Ils allaient décoller ! L'excitation la prit alors, la peur et le désespoir passant soudain au second plan. Elle, qui n'avait pris l'avion qu'une seule fois dans sa vie, avait-elle vraiment embarqué dans une véritable navette spatiale ?

Elle se pencha vers la fenêtre autant que le permettaient la profondeur de son siège et le harnais qui la sanglait, résolue à ne pas manquer le moindre détail.

C'est alors qu'un bruit de pas retentit derrière elle. Seigé Leftarm remonta l'allée entre les sièges, et s'arrêta à sa hauteur. A regret, elle détacha son regard du hublot pour lever la tête vers son « employeur ».

Moi, employée par quelqu'un ? Ça fait trop bizarre, ça, sérieux... !

— Nous nous rendons à Bhénak, mon domaine privé, sur le Continent Oriental, annonça-t-il. C'est là que vous serez formée.

Ni un bonjour, ni même un sourire. Elle décida de ne pas le prendre pour elle : elle commençait à comprendre que c'était sa façon d'être. Alors qu'il détournait le regard, sans rien ajouter de plus, et poursuivait vers l'avant de l'appareil, elle rassembla tout son courage et lança :

— Excusez-moi, mais de quel type de formation s'agit-il, exactement ? Que devrais-je faire ?

Il s'arrêta et se retourna.

— Considérez cela comme faisant partie des services spéciaux.

Elle écarquilla les yeux, incrédule. Elle n'était pas vraiment sûre de ce qu'il entendait par là, mais si c'était bien ce à quoi elle pensait, elle entrevoyait déjà un problème de taille. Devait-elle le lui cacher ? Non, puisqu'il lisait dans les pensées... et puis de toute façon, il l'apprendrait très vite, alors autant commencer tout de suite aussi honnêtement que possible !

— Vous savez, hésita-t-elle, je ne suis pas très douée, côté... enfin, je ne suis pas très sportive.

Je suis même une quiche en sport, je déteste ça !

Il la fixa sans répondre, et elle sentit le rouge lui monter aux joues. C'était extrêmement déstabilisant de se dire que non seulement il lisait probablement ses pensées, mais en plus, de ne pas pouvoir savoir jusqu' il les avait lues ! Entendait-il vraiment tout ?

Le silence s'éternisa, et elle baissa la tête et fixa ses genoux, confuse. Le bourdonnement s'intensifia, et du coin de l'œil, elle vit le paysage à l'extérieur changer.

Mince, j'ai raté le décollage !

Il la prit alors au dépourvu en répondant :

— J'apprécie votre franchise.

Elle releva les yeux vers lui, rassurée. Mais il ajouta d'une voix froide :

— Sachez que j'exige toujours, et la vérité, et l'excellence. Vous vous rendrez d'ailleurs compte toute seule qu'il est parfaitement vain d'essayer de me mentir.

Tu m'étonnes, s'il lit dans les pensées, c'est évident ! J'ai une tête à mentir ? Enfin... j'enjolive parfois légèrement les faits, mais c'est pas pareil, non... ?

Elle rougit. Avait-il entendu ça aussi ? Il fallait vraiment qu'elle fasse attention à ce qu'elle pensait en sa présence !

Il la fixa alors un long moment. De manière incompréhensible, elle, qui n'avait jusqu'à présent jamais pu soutenir le regard d'un adulte, prit sur elle de ne pas baisser la tête. Ces yeux insondables lui paraissaient toujours aussi déstabilisants, mais il lui semblait qu'elle devait le faire. Au diable sa timidité habituelle ! Jamais quelque chose ne lui avait paru plus difficile... mais elle réussit à tenir bon. Sans savoir pourquoi, cela lui paraissait important.

— Bien, conclut-il, avec une lueur de satisfaction pensive. Nous nous comprenons.

Sur ce, il se détourna enfin, et disparut à l'avant de l'appareil. S'efforçant de chasser le malaise qui l'avait envahie, se demandant si elle avait bien fait de tenir bon, et se demandant pourquoi elle l'avait fait, la jeune fille fixa le paysage qui défilait désormais à une vitesse folle loin en dessous d'eux. L'excitation avait disparu.

*

La navette s'était posée.

A la grande déception – mais aussi, quelque part, au soulagement - de Claire, ce premier vol, qui avait pourtant duré presque deux heures, ne l'avait pas emmenée dans l'espace. Elle avait juste vu défiler sans fin, loin en dessous d'elle, un paysage urbanisé, qui avait fini par être remplacé par une mer, ou un océan, d'un bleu bien plus foncé que ce dont elle avait le souvenir sur Terre. Puis de nouveau les terres, avec ses immeubles qui se succédaient à l'infini...

Contrairement à ses craintes, il y avait un peu de verdure là en bas, même si elle ne vit pas trace de champs ou de prairies. Mais des parcs, petits et grands, et même ce qui ressemblait à de grands bois jalonnaient encore la mégalopole - ainsi que des rivières, soigneusement canalisées. Les immeubles, énormes, immenses, étaient omniprésents, mais elle n'avait pas vu les sombres canyons de verre et de métal, totalement déshumanisés, auxquels elle s'attendait. La plupart des édifices étaient massifs, mais non dénués d'une certaine grâce, même depuis les hauteurs stratosphériques d'où elle les contemplait. Des arches, des jardins suspendus, des ponts et des rampes reliaient les différents quartiers et si tout paraissait construit et domestiqué, sous le soleil matinal le paysage paraissait plutôt agréable à regarder.

La circulation était intense. Des files de navettes et de vaisseaux parcouraient le ciel en tous sens et à tous les niveaux. Elle n'avait aucune idée de leur vitesse, mais elle avait tout de même l'impression que tout le monde se déplaçait bien plus vite que tout ce qu'elle avait jamais vu sur Terre. Et pourtant, l'intérieur de la navette était silencieux, hormis un léger bourdonnement, et nulle secousse ou turbulence n'était venue lui rappeler qu'elle se trouvait en plein ciel.

Puis le vaisseau avait amorcé sa descente vers le sol. Une descente extrêmement rapide, sans que la décélération ne soit pourtant perceptible ni que ses oreilles se bouchent – ce qui était bien plus agréable que l'expérience dont elle avait le souvenir sur Terre. La navette s'était posée, de manière tout aussi agile, sur une vaste esplanade creusée presque au sommet d'une grande colline solitaire, dressée au milieu d'une vaste plaine.

Son nouvel employeur remonta depuis l'avant de l'appareil, son ample cape balayant lourdement l'air autour de lui. Abandonnant l'examen du paysage, elle tritura soudain son harnais, les mains moites, tandis que l'homme remontait l'allée centrale d'un pas lent. Il marqua un temps d'arrêt à sa hauteur.

Bon sang, comment ça s'ouvre, ce truc ?

Elle se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux, alors qu'elle continuait fébrilement à presser le mécanisme exotique de toutes parts. Du coin de l'œil, elle voyait les plis amples de l'épaisse cape vert foncé de son protecteur, immobiles. Elle n'osa pas lever la tête, tentant désespérément de se sortir seule de ce mauvais pas.

Quelques secondes, qui lui parurent une éternité. Une main passa devant elle, saisit la ceinture et, d'un geste, la déboucla. Sans un mot, Seigé Leftarm se redressa et continua son chemin.

Se sentant parfaitement idiote, elle se leva et le suivit.

Parfait. Complètement ridicule dès le premier jour. Une assistante, moi ? Tu parles ! D'ici ce soir, je vais plutôt me retrouver à nettoyer les toilettes !

Ils passèrent devant une rangée de soldats au garde-à-vous et descendirent la rampe, posant le pied sur l'esplanade. Devant le spectacle qui se dévoilait devant elle, elle resta bouche bée.

Sans le moindre nuage, le ciel de ce début de matinée était d'un bleu aveuglant, presque blanc. Il était strié de longues lignes s'entrecroisant très haut sur l'horizon, le trafic intense des navettes qu'ils venaient de quitter.

Mais, bien que le soleil fût déjà haut dans le ciel, il était masqué par un bâtiment immense, de l'autre côté de l'esplanade monumentale, qui occupait toute la largeur de la colline. Semblable à une antique forteresse – mais une forteresse démesurée, surtout pour des yeux plus habitués aux immeubles modestes d'une ville de province qu'aux gratte-ciels – la construction de pierre brune étendait son ombre jusqu'à la navette, pourtant posée à bonne distance.

Ses deux tours massives et trapues s'élançaient très haut vers le ciel. Entre elles, un édifice tout aussi énorme, haut de près de soixante étages, peut-être plus. La partie basse de la formidable construction, constituée de pierre brute, n'avait aucune fenêtre, contrairement à la partie supérieure, constellée de centaines, peut-être de milliers, de baies reflétant le bleu trop pâle du ciel.

Derrière eux, la rampe se releva alors dans un chuintement aigu. Claire se retourna pour regarder la navette qui, presque immédiatement, décolla dans un grondement sourd, laissant traîner une odeur âcre qui la saisit à la gorge. Machinalement, elle la suivit du regard alors qu'elle s'élevait et disparaissait de l'autre côté de la colline. Cela ne dura que quelques secondes et pourtant, quand elle détourna la tête, elle s'aperçut que Seigé Leftarm ne l'avait pas attendue. Il était parti d'un bon pas en direction de l'édifice, la distançant déjà. Maudissant son inattention, elle se hâta de le rejoindre, frissonnant dans la fraîcheur matinale.

Décidément, je les fais toutes ! Allez, ma vieille, là, il va vraiment falloir se reprendre, et vite !

Au bout de plusieurs minutes de marche, alors qu'ils sentaient la masse écrasante du bâtiment au-dessus d'eux peser de plus en plus sur leurs épaules, ils atteignirent une porte immense, à double battant, richement sculptée et ornementée. C'était la seule entrée visible, sur toute la façade de la forteresse, et ses montants incrustés de dorures et de formes tarabiscotées formaient un étonnant contraste avec la façade brute qui les entourait.

La porte, comme le reste, était démesurée - une dizaine de mètres de hauteur, peut-être – mais paraissait malgré tout minuscule, à l'aune du reste de l'édifice. Elle était en bois, ce qui surprit Claire : depuis son arrivée ici, elle était entourée de pierre ou de ce plastique étrange, qui ressemblait à du métal sans en être vraiment, et elle avait commencé à se dire qu'elle ne verrait plus jamais de ce matériau si commun chez elle et qui, sur une planète entièrement urbanisée, était probablement extrêmement rare. En un sens, c'était donc rassurant de voir que la nature, ou l'un de ses éléments, n'avait pas totalement disparu...

Alors qu'ils approchaient, les hauts battants sculptés pivotèrent lentement vers l'intérieur, s'ouvrant sur l'obscurité. Cette fois, elle prit bien garde à ne pas laisser son ébahissement l'arrêter, et suivit son guide, qui s'enfonça sans hésiter dans le gouffre frais et obscur.

Malgré ses bonnes résolutions, en franchissant le seuil, la jeune fille resta une nouvelle fois bouche bée. Monumentale, la salle à l'intérieur était plus vaste, plus haute et plus sombre qu'une cathédrale. L'écho de leurs pas se répercutait sur les larges voûtes, entre les innombrables arches qui couraient d'une rangée de colonnes à une autre. Les immenses vitraux qui couronnaient les murs représentaient des scènes mystérieuses, aux personnages vivement colorés. Pourtant, Claire n'avait pas vu d'ouvertures à l'extérieur de la forteresse : comment faisait donc la lumière pour arriver ainsi de tous côtés ?

Des projecteurs, sûrement. En tout cas, ça en jette carrément ! Je me demande à quoi un endroit pareil peut bien servir...

Bien qu'elle se hâtât derrière la haute silhouette de son employeur, elle ne pouvait s'empêcher d'admirer, fascinée, le jeu de lumières qui traversait les vitraux. Les taches multicolores ainsi projetées sur le sol rendaient encore plus opaques les zones d'ombres, percées de motifs lumineux qui s'entrecroisaient à même le sol. Sous leurs pieds couraient de vastes arabesques, formant d'énormes et mystérieux dessins, noirs, blancs et or. L'air, frais, était chargé d'une odeur indéfinissable, sèche et ancienne.

Devant elle, Seigé Leftarm marchait d'un bon pas, sa cape volant lourdement autour de lui. Alors que les portes derrière eux se refermaient avec un claquement lugubre, la lueur du dehors disparut, ne leur laissant pour les guider que le chatoiement des vitraux et les motifs étincelants sinuant au sol.

Contre le mur du fond, entre deux colonnes encore plus colossales que les autres, se dressait un large escalier de pierre. Après un palier, il se divisait en deux autres escaliers tout aussi imposants qui montaient de part et d'autre du mur, pour rejoindre deux portes monumentales. Au pied des marches, deux silhouettes les attendaient respectueusement.

A leur approche, l'homme et la femme, tous deux d'allure stricte et sévère, le visage impassible, s'inclinèrent sans bruit, en si parfaite synchronisation que cela en paraissait mécanique. Sans leur jeter un regard, Seigé Leftarm passa devant eux et commença à gravir les marches.

Claire risqua un coup d'œil timide sur le couple, se sentant, une fois de plus, totalement déplacée : elle ne savait pas si elle devait les ignorer ou les saluer – et dans ce dernier cas, comment elle devait s'y prendre. Heureusement, ils lui épargnèrent cette peine en restant tous les deux inclinés à son passage, sans relever la tête.

Elle suivit son employeur, se sentant vaguement malpolie. Arrivé sur le premier palier, ce dernier partit sur l'escalier de droite. Alors qu'elle allait lui emboîter le pas, une voix féminine toussota :

Jayn Monestier... ?

Elle se retourna. Les deux employés avaient gravi les marches sans bruit derrière eux, et la femme, s'inclinant légèrement, lui montrait l'escalier de gauche.

Encore ce jayn. Mais cette fois, dans la bouche de la femme, il ne semblait pas avoir cette intonation méprisante qu'elle avait sentie les autres fois.

— Veuillez me suivre, s'il vous plait...

Indécise, la jeune fille chercha une indication quelconque du côté de Seigé Leftarm, mais celui-ci continua son chemin comme s'il n'avait rien entendu. L'autre employé en profita pour les dépasser, emboitant sans mot dire le pas à son patron. Cependant, en passant à côté d'elle, il lui fit un petit signe de tête... signe de tête qui pouvait aussi bien être un encouragement à suivre la femme qu'à lui emboiter le pas, à lui.

Claire sentit alors la colère l'envahir. A quoi jouait donc celui qui s'était pourtant instauré son « protecteur », aussi bien que son employeur ? Il ne pouvait pas ne pas avoir entendu... !

Non mais, sérieux, une petite indication, ce serait trop demander ? Pour qui il se prend, à la fin ?

Après un dernier coup d'œil à la haute silhouette qui s'éloignait, elle décida de suivre la femme. S'il avait voulu qu'elle l'accompagne, il serait sans doute intervenu...

Et s'il ne sait pas où je suis passée, tant pis pour lui ! Il finira bien par me retrouver !

Comme consciente de son dilemme, la femme lui souriait d'un air engageant. Serrant les lèvres, Claire lui emboîta le pas, et elles s'engagèrent sur l'escalier de gauche.

Au sommet, une haute porte de bois sculpté les attendait. Elle tourna silencieusement sur ses gonds à leur approche, révélant un couloir moderne et bien éclairé. Après l'immense salle sombre et moyenâgeuse qu'ils venaient de traverser, le contraste était saisissant, et Claire plissa les yeux, éblouie, alors qu'elles passaient sous le linteau monumental.

La porte se referma sans bruit derrière elles. Son nouveau guide s'anima alors, comme si le fait de quitter le hall grandiose – ou la présence de Seigé Leftarm - faisaient soudain tomber un masque.



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