Plus fort que ça, tome 2

By eliodestrez

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« Cinq choses que tu peux voir. Le sol qui se dérobe sous mes pieds, les bavures d'encre causées par mes larm... More

❝ ❞
𝑚𝑜𝑡 𝑑𝑒 𝑙'𝑎𝑢𝑡𝑒𝑢𝑟
Chapitre 1 › Le bruit de ma peine
Chapitre 2 › Motus et bouche cousue
Chapitre 3 › Un si beau déguisement
Chapitre 4 › Échec et Match
Chapitre 5 › Taste a new smile
Chapitre 6 › L'apprentissage de l'amitié
Chapitre 7 › Les sonneries du passé
Chapitre 8 › La pluie fait naître l'arc-en-ciel
Chapitre 9 › Le coût du bonheur
Chapitre 10 › Cliché Wattpad
Chapitre 11 › Quand je suis avec toi
Chapitre 12 › Les fantômes que tu m'as laissés
Chapitre 14 › Les dernières saveurs
Chapitre 15 › Un dernier au revoir
Chapitre 16 › Va droit au but !
Chapitre 17 › Pluie du cœur
Chapitre 18 › Cœur balançoire
Chapitre 19 › Ce que tu ne me feras jamais

Chapitre 13 › Putain d'karma

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By eliodestrez

L'ultime sonnerie du vendredi retentit. Je n'ai pas vu les trois dernières heures passer. Pour cause, c'est mon cours préféré ; celui où je peux sortir mes pinceaux et m'éclater sur un sujet. Aujourd'hui, nous devions emprunter la chaussure d'un camarade et la reproduire sur papier A3. Gabriel et moi avons évidemment fait l'échange. Il s'est retrouvé avec ma converse noire droite sur sa table tandis que j'ai opté pour l'une de ses Nike Air Force One blanche. Elles sont abîmées par l'usure, la peinture s'est effritée à certains endroits et ses semelles ont quelque peu jauni.

Nous nous levons tous dans le désordre, rangeons nos travaux et faisons la queue pour pouvoir nous laver les mains. Bien sûr, chacun récupère son soulier manquant avant de quitter la salle.

Je place la basket de mon ami devant mes yeux et m'étonne :
— Tu chausses du combien ? J'ai l'impression qu'elle est gigantesque.
— Du quarante-trois.
— Impossible ! C'est ma taille.
Je m'assieds afin de la déposer à côté de mon autre chaussure pour comparer les deux.
— C'est parce que t'es pas habitué aux grosses semelles, souligne Gabriel, amusé par mon comportement.
— Tu as sûrement raison.

Je finis par lui rendre son bien, pouffant à mon étrange curiosité. Il lui suffit de l'enfiler pour être prêt, alors que je m'attarde à faire mes lacets. Mon téléphone et celui du sportif se mettent à vibrer à l'unisson, mais il est le premier à regarder ses notifications.

— Maxence propose qu'on s'retrouve tous quelque part.

Je vérifie mes messages pendant que nous quittons l'établissement. Je constate que la plupart des membres du groupe du chalet ont aussi terminé les cours et sont aptes à faire acte de présence.

— Je ne peux pas. Roxanne et Solène m'attendent au salon de thé, dis-je.
— Celui où j'vous ai rejoint l'autre fois ?
— Mmh.
— Ça t'dérange si j'propose qu'on aille tous là-bas ?

Je hausse les épaules afin de montrer mon indifférence. Le grand brun s'empresse alors de taper un message dans la discussion de groupe et leur soumet l'idée. Mes deux amies répondent sans attendre qu'elles sont partantes pour ce plan. Nous décidons de prendre la route en direction de l'arrêt de bus qui nous mènera à destination.

Petit à petit, chacun confirme sa présence, à l'exception de Camille, qui ne fait toujours que lire les messages sans y répondre.

Ça m'angoisse.

Assis dans le bus, partageant mes écouteurs avec Gabriel, je le questionne :

— Est-ce que tu as eu des nouvelles de Camille ?
Il retire l'oreillette et son regard dévie de l'écran de son téléphone pour me scruter.
— Pourquoi tu m'demandes ça ?
— Je ne sais pas..., hésité-je. Il doit se sentir exclu, maintenant.

Ses sourcils font un bond. Le fait qu'il reporte son attention vers son portable en froissant les traits du visage me fait penser que je l'ai contrarié.

— J'm'en branle complètement, peste-t-il d'une voix morne.
— Tu ne crois pas que ta réaction est un peu trop sévère ?

Gabriel se met à m'ignorer. Un soupir m'échappe alors que je glisse mon dos dans le fond du siège, capitulant. Il se passe quelques minutes avant qu'il décide enfin à m'apporter une réponse :

— C'est lui qui m'a balancé à mon père.

Mon faciès se crispe d'incompréhension. Je ne m'attendais pas à un tel retournement de situation. Je bats des cils, comme si les mots de cette douloureuse révélation avaient menacé de me frapper.

— Oh...

Il me faut une seconde pour mettre de l'ordre dans ma tête quant au déroulement de ces derniers événements.

— Comment est-ce que tu as découvert que c'était lui ?
— J'trouvais ça bizarre qu'il l'ait appris aussi vite. Du coup, j'ai attendu qu'il se casse à son voyage d'affaires et j'ai fouillé son ordi. Son mot de passe était trop facile à trouver, ricane-t-il.

Son visage se tourne vers le mien. Il affiche un sourire arrogant, tout en continuant son histoire.

— Camille, c'est pas la truite la plus oxygénée du ruisseau, si tu vois c'que j'veux dire. Il est tellement con qu'il a même pas pris la peine de changer d'email pour envoyer la capture d'écran de ma story à mon paternel.

Mes yeux s'arrondissent de surprise. J'étais à des années-lumière de me douter que le blondinet serait capable d'une telle cruauté. L'a-t-il fait dans un sentiment de désespoir parce qu'il souffre de sa rupture avec Gabriel ? Ou est-ce simplement de la méchanceté, voire de la jalousie ?

— Enfin bref. Il avait ajouté un p'tit mot. Un truc du genre « Regardez ce que votre fils ne vous dit pas ». Quel enfoiré, hein ?
— Je suis désolé, j'étais loin d'imaginer qu'il puisse agir ainsi.
Je reste bouche bée, incapable de trouver les mots justes pour m'exprimer, tant la surprise est grande.
— Ouais, il est fourbe.
— Tu crois qu'il a fait ça parce qu'il est triste à cause de votre rupture ?
— J'en sais rien et j'en ai rien à foutre. Un coming out, ça n'se vole pas.
Je lève un sourcil et ajoute mon grain de sel, parlant à demi-mot :
— Tu m'as un peu volé le mien, l'an dernier.
Il roule des yeux.
— Tu savais même pas qu't'étais gay à c'moment-là.
Je me redresse aussitôt, offensé par son excuse.
— Je ne suis pas gay ! affirmé-je.

Sa manière de me dévisager lentement, comme s'il n'était pas convaincu que je dise la vérité, m'agace.

— OK. Alors t'es bi ?
— Non !
— Pan ?
Je réponds sans délai.
— Non plus. Arrête !
— OK. Donc, j't'ai volé ton coming out de quoi ? De ton hétérosexualité ?

Je soupire et croise les bras contre mon torse. Je décide de l'ignorer en regardant les paysages défiler par la grande vitre du véhicule. Je rumine et insulte Gabriel dans ma tête avec tous les noms d'oiseaux possibles et inimaginables.

— T'as raison, finit-il par avouer. J'ai agi comme un connard.
Je hausse les épaules, fâché.
— J'mérite ce qui m'arrive.

Une moue se forme sur mes lèvres. Mon empathie prend le dessus et me force à porter mon attention vers mon ami. Son crâne est calé contre l'appuie-tête. Il mâche un chewing-gum, le regard fixant un point au loin.

— Ne dis pas ça, murmuré-je.
Il m'adresse un bref coup d'œil avant de sourire.
— Putain d'karma.

Lorsque nous descendons de l'autocar, Maxence nous attend à l'arrêt de bus. Je ne l'ai pas revu depuis à peu près un mois. C'était lors de notre dernière soirée tous ensemble. Nous nous étions retrouvés chez Nicolas et nous avions fêté l'obtention de son permis de conduire. L'Université nous a dispersés dans des écoles différentes. Maxence est dans les sciences humaines et sociales, Jade en école de mode, Solène et Roxanne ont choisi les lettres et l'histoire, Nicolas l'économie et la gestion et Camille est parti en STAPS. Il n'y a que Gabriel et moi qui sommes restés ensemble. Et pourtant, c'était loin d'être ce que nous imaginions.

Alors, quand on se retrouve, c'est toujours un moment riche en émotions. Maxence lève les yeux de son téléphone et, grand sourire aux lèvres, accorde une accolade à son coéquipier de football. J'ai droit au même sort. Je me raidis chaque fois qu'il me salue de la sorte, n'étant pas vraiment habitué par ce type d'approche. Nous nous mettons en route vers le café et Maxence prend la parole d'une voix enjouée :

— Alors, comment ça va, les mecs ? T'as pris un sacré coup, Gab !

Il plisse les paupières et grimace comme s'il pouvait ressentir la douleur de l'hématome qui occupe le côté du visage de Gabriel.

— Ouais, c'pas joli à voir.
— Tu vas encore plus attirer les filles avec ça !
Gabriel roule des yeux tandis que je fronce les sourcils. Agacé par sa remarque, je le rectifie :
— Les filles ne sont pas des clichés cinématographiques, Maxence.
— J'risque pas d'm'intéresser aux meufs non plus, ricane Gabriel.
— Désolé, s'excuse notre ami. J'suis trop bête !
Maxence saisit les épaules du grand brun et s'exclame :
— Félicitation pour ton coming out, mec ! Mais je te préviens, tu mates pas mon cul dans les vestiaires, hein ?

Gabriel le repousse gentiment en le traitant d'abruti. Mes lèvres se pincent. Je me retiens de ne pas m'énerver contre notre ami, maladroit dans ses remarques. Néanmoins, têtu comme je le suis, je ne peux m'empêcher de commenter :

— Le fait que tu aies pu être accepté en sciences humaines et sociales reste un mystère pour moi.

Gabriel et moi rions en nous moquant sans animosité. Maxence se contente de me faire une grimace, amusé par nos propos. C'est quelqu'un de très léger, avec qui nous pouvons discuter d'absolument tout, même s'il n'est pas très informé sur certains sujets.

Depuis la fameuse soirée où j'ai littéralement exposé mon anxiété à mes camarades, tous, sans exception, sont au courant que je suis enclin à des crises d'angoisse. Bien évidemment, je ne suis pas rentré dans les détails auprès de ceux avec qui mon niveau d'intimité est faible. Tout ce qu'ils savent, c'est que je suis quelqu'un qui a vécu un traumatisme durant ma relation avec Clémence et que l'absence de Vincent reste difficile. Après ce qu'il s'était passé sous leurs yeux, je ne pouvais plus mentir ni même trouver une excuse qui serait cohérente.

Beaucoup d'entre eux ont été touchés par cette révélation. Nicolas, avec qui je ne suis pourtant pas spécialement proche, s'en est énormément voulu de ne pas avoir remarqué que j'avais besoin d'aide. Jade, quant à elle, s'est excusée au moins mille fois d'avoir empiré la situation. Maxence et Camille, eux, sont restés silencieux sur le sujet.

Le bar est plein d'étudiants ayant terminé leur semaine. Nous sommes les derniers arrivés, ce qui facilite l'aperçu de la grande table qu'occupent nos amis. Chacun se salue, certains se prennent dans les bras et, tout de suite, la pièce devient très bruyante. Je m'installe entre mes deux meilleures amies qui m'ont, comme toujours, déjà commandé ma boisson – chocolat chaud chantilly, avec une paille.

— Comment tu vas ? me demande Solène, ses longs cheveux noirs détachés lui recouvrant les épaules.
— J'ai pris une grande décision.
Roxanne se penche aussitôt vers nous et s'incruste dans la conversation :
— Ah ? Et tu n'allais pas me mettre dans la confidence ?
— Je savais que tu écoutais d'une oreille, la taquiné-je.
— Allez ! Dis-nous, maintenant.

Solène sautille d'impatience sur le banc et tapote mon avant-bras du bout de ses doigts. Je retiens un sourire, tant que j'en ai des crampes aux joues.

— OK. J'ai décidé d'aller de l'avant et d'essayer d'être heureux.

Mes deux amies émettent un petit cri de joie en levant leurs bras avant de les placer autour de moi pour m'enlacer. Je me retrouve comprimé entre les deux, riant de leur réaction.

— On est super fières de toi ! dit la première.
— On sera là pour t'aider à atteindre le bonheur, ajoute la deuxième.
— Eh ! Moi aussi, j'ai besoin d'un câlin !

Jade se glisse soudainement vers nous et, à son tour, elle étreint Roxanne et étale ses bras jusqu'à rejoindre les miens.

J'ai encore manqué une occasion de me taire.

— Ça suffit ! Vous allez finir par m'étouffer, me plains-je.

Elles me relâchent aussitôt. Je passe une main dans mes boucles que je ramène en arrière afin de me dégager le visage. Nicolas, qui est d'un naturel très calme, ne peut pas s'empêcher d'être curieux :

— Qu'est-ce qu'on célèbre au juste ?

J'ouvre la bouche dans le but de répliquer qu'il ne s'agit de rien d'important quand Roxanne me devance et avoue :

— Le nouvel objectif d'Allan !
— Qui est ? continue le jeune homme.
Mon amie et moi répondons en même temps :
— Rien.
— De tourner la page sur vous savez qui.

Je lui adresse un coup de pied sous la table pour lui faire – encore – remarquer qu'elle devrait se taire.

— Voldemort ? demande Maxence.

Nous avons tous un faux geste de recul. Nos bouches s'ouvrent en grand et notre effroi quant aux mots de notre ami est exagéré. Il s'arrête net de boire et nous dévisage, l'air indécis sur sa maladresse.

— Bah quoi ?
— Tu as osé dire le nom de celui dont on tait le nom ! lance Jade avec répulsion.

Nous éclatons de rire à l'exception de notre victime qui rechigne à propos de notre blague. Un peu plus au loin, en face de moi, Gabriel ne me lâche pas du regard. Un rictus glisse au coin de sa bouche et le grand brun me fait un clin d'œil qui me fait aussitôt détourner les yeux.

Les minutes passent et les boissons se vident. J'observe ma bande d'amis s'amuser et je les écoute raconter les anecdotes de leurs nouvelles vies au sein de leurs études respectives. Je ne participe que très peu aux discussions, sauf quand mon compagnon d'art explique les sujets que nous étudions. Durant un instant, mon regard se perd dans le vide et ma conscience divague vers des questions que je me pose régulièrement lorsque je suis en compagnie du groupe.

Si Vincent n'était pas parti, est-ce qu'on serait toujours ensemble ? Serait-il heureux de tous nous voir réunis dans une bonne entente ?

— Allaaaan, m'interpelle Solène en me secouant à peine d'une main sur mon épaule.
Je me redresse aussitôt et cligne fermement des yeux afin de reprendre mes esprits.
— Quoi ? Désolé, je suis un peu fatigué.
— On se demandait si tu venais toujours voir les garçons jouer demain après-midi ?

Je ne comprends pas tout de suite, tournant mon visage vers les joueurs de football avant de me souvenir de ma décision prise à la soirée, samedi dernier.

— Oh, oui. Je l'ai dit, alors, je serais là.
— Super ! On peut y aller tous les quatre, s'exclame Roxanne.
Je lève un sourcil.
— Tous les quatre ?
— Je voudrais venir, informe Jade. Si t'es d'accord.
— Bien sûr ! Cela va de soi.

Ma réponse est presque coupée par l'alarme de mon téléphone qui se met à sonner dans ma poche. Je sors rapidement celui-ci d'une manière maladroite et l'éteins aussitôt avant de prévenir :

— Il faut que j'y aille.
— Oh non ! Tu nous abandonnes déjà, se plaint la blonde à mes côtés.

Je me lève tout en récupérant mon sac entre mes jambes. Une fois ce dernier sur mon dos, j'adresse un sourire poli avant de saluer la troupe d'un geste de main qu'ils me rendent chaleureusement. La voix rauque de Gabriel hausse le ton afin que je puisse la discerner parmi les multiples bavardages de nos camarades.

— Tu vas où ?
Elle m'arrête dans ma lancée vers la sortie et m'oblige à me retourner.
— Je rentre. J'ai un truc à faire.

Je lui mens en le regardant droit dans les yeux. Et cela, même si je perçois très clairement dans sa manière de m'observer qu'il sait que je viens d'inventer ce mensonge. J'ai du mal à avaler ma salive, j'aimerais pouvoir tourner les talons et m'enfuir pour rejoindre l'extérieur. Pourtant, je reste planté là, dans l'attente de son verdict quant à mon imposture.

— OK. À demain.

Sa voix est égale à sa réponse : froide et distante.
Celle-là, je ne l'ai pas loupée.

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