Plus fort que ça, tome 2

Par eliodestrez

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« Cinq choses que tu peux voir. Le sol qui se dérobe sous mes pieds, les bavures d'encre causées par mes larm... Plus

❝ ❞
𝑚𝑜𝑡 𝑑𝑒 𝑙'𝑎𝑢𝑡𝑒𝑢𝑟
Chapitre 1 › Le bruit de ma peine
Chapitre 2 › Motus et bouche cousue
Chapitre 3 › Un si beau déguisement
Chapitre 4 › Échec et Match
Chapitre 5 › Taste a new smile
Chapitre 6 › L'apprentissage de l'amitié
Chapitre 7 › Les sonneries du passé
Chapitre 9 › Le coût du bonheur
Chapitre 10 › Cliché Wattpad
Chapitre 11 › Quand je suis avec toi
Chapitre 12 › Les fantômes que tu m'as laissés
Chapitre 13 › Putain d'karma
Chapitre 14 › Les dernières saveurs
Chapitre 15 › Un dernier au revoir
Chapitre 16 › Va droit au but !
Chapitre 17 › Pluie du cœur
Chapitre 18 › Cœur balançoire
Chapitre 19 › Ce que tu ne me feras jamais

Chapitre 8 › La pluie fait naître l'arc-en-ciel

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Par eliodestrez

    Je reste tétanisé par ce qu'il vient de se produire. Les talons de ma mère claquent contre le bois des marches de l'escalier qu'elle monte plus vite que d'habitude. Elle ouvre la porte de ma chambre d'un geste vif. Mécontente du barouf que je fais, elle me réprimande :

    — Je peux savoir ce que tu fabriques, Allan ? On ne s'entend même plus en bas !

    Sitôt ses mots prononcés, je me redresse et me hâte de ramasser les feuilles de mes croquis étendus sur le sol. Je ne veux pas qu'elle puisse voir ce que je dessine.

    — Mon carnet est tombé, m'excusé-je.

    Ses mains se hissent sur ses hanches, ses sourcils se froncent. Elle sait pertinemment que j'ai horreur de ça, mais elle s'autorise tout de même à faire le tour de ma chambre, sans manquer de commenter le moindre détail qui la dérange.

    — Oh ! Mais qu'est-ce que c'est cette tache ? s'étonne-t-elle en voyant la flaque de tisane sur le parquet.
— Ce n'est rien, j'ai renversé ma tasse par inadvertance.
— Et tu ne l'as toujours pas nettoyée ? Tu fais n'importe quoi, Allan. Ça va faire gondoler le parquet !

    Ses remontrances m'assomment. Émotionnellement instable par ce qui vient de se passer, je ne peux m'empêcher de lui répondre sur un ton abrupt.

    — Je vais le faire. Alors c'est bon, arrête et sors de ma chambre.

Elle réplique aussitôt en me pointant du doigt, affligée par mon comportement rebelle.

— Il va falloir qu'on ait une sérieuse discussion, Allan. Je n'en peux plus de ton attitude.
Je pouffe d'ironie.
— De mon attitude ? Tu veux qu'on parle de la tienne, peut-être ?
— Je suis ta mère, c'est mon droit de...
— Ton droit de quoi, hein ? la coupé-je en haussant la voix. D'être constamment sur mon dos en me répétant toute la journée que tu aimerais que je sois différent ?

Sa bouche est grande ouverte, comme choquée par mes propos. Ses traits du visage sont crispés par l'affront que je viens de lui balancer à la figure. Tant qu'elle se rapproche de moi, les yeux plissés et l'index pointé vers mon faciès.

— Je t'interdis de me parler de cette manière, tu m'as bien comprise, Allan ? Tu dépasses les bornes. Tous les jours, je dois supporter tes sautes d'humeur, tes jérémiades et ton anxiété. Tu as tout ce que tu veux dans la vie, alors arrête de t'apitoyer sur des bêtises futiles et bouge-toi, c'est clair ?

Ma mâchoire se contracte au contact de mes dents serrées par l'acrimonie qui remplit la totalité de mon être. Nous nous regardons droit dans les yeux, attendons que l'un de nous deux abdique.

J'ai envie de tout envoyer valser, de quitter cette maison et de ne jamais y revenir. Au mieux, je pourrais aller chez mon père. Lui, au moins, il ne ferait pas attention à moi, trop occupé par ses clients. Il n'y a qu'une seule raison qui me convainc de rester ici et c'est Adeline.

Ma mère se retourne et jette un dernier coup d'œil à l'état de ma chambre. Avant de quitter la pièce, elle lance sèchement un ordre :

— Dépêche-toi de nettoyer ça.

Je m'empresse d'aller fermer la porte dès son départ. Mon dos s'appuie contre celle-ci, je respire profondément pour évacuer la rage qui me submerge. Je n'ai pas envie de pleurer, bien que ses mots m'aient blessé au plus haut point. Dans ma tête, je ne fais que hurler, jusqu'à m'époumoner.

J'ai du mal à comprendre pourquoi elle déteste autant mes émotions. Tout cela ne m'aide pas à prendre confiance en moi et à accepter ce que je qualifie comme des faiblesses. J'ai la sensation d'être né à la mauvaise période, dans la mauvaise génération. Ou pire, sur la mauvaise planète.

Quoi qu'il en soit, je me presse d'aller chercher de quoi éponger la flaque sur le plancher avant que ma génitrice ne revienne à la charge. Une fois cette tâche accomplie, je récupère mon portable resté sur le sol et regarde s'il n'est pas endommagé. Je m'assieds sur le rebord de mon lit en et scrute mes notifications ; aucun appel manqué. Vincent – ou qui sais-je – ne m'a pas recontacté. Je retourne dans mon historique d'appels afin de vérifier si je n'ai pas imaginé cette étrange situation. Mais non, c'est écrit noir sur blanc juste sous mes yeux, nous avons été en conversation durant trois secondes avant que la personne au bout du fil ne raccroche.

Contre toute attente, l'idée que Vincent ait pu décrocher m'effraie.

Mes paupières se ferment afin de solliciter ma mémoire auditive pour me repasser l'intonation et le son de la voix qui a répondu. En vain, la stupéfaction que cela m'a provoquée m'a profondément déstabilisé.

Je décide d'éteindre mon portable. De toute façon, je dois me lever tôt demain matin pour aller en cours. Ce soir, je ne serai pas présent à table et je serai déjà endormi lorsque Adeline me montera une assiette – du moins, j'espère que mes insomnies choisiront de ne pas venir m'importuner cette nuit.

*

— Salut.

Je rejoins la réalité en entendant la voix qui m'interpelle et avise Gabriel qui s'assied à mes côtés. Un sourire se dessine sur mes lèvres alors qu'il déballe son matériel de dessin.

— Salut.
— Insomnie ?
— Ouais. Réveillé à 3 h 45.
— T'as fait quoi tout ce temps ?

Je relâche un soupir et m'affaisse dans ma chaise, jouant avec un stylo que je glisse entre mes doigts.

— Pas grand-chose. J'ai attendu.

Mon ami n'a pas le temps de me répondre, coupé par l'entrée de notre professeur qui impose sa voix dans l'amphithéâtre. Néanmoins, il m'adresse un coup de genou sous la table et je comprends qu'il compatit.

Nous nous redressons de nos dossiers afin de nous tenir droits. Mon visage se tourne un instant pour jeter un coup d'œil par-dessus mon épaule, à la recherche de Logan. Celui-ci se trouve au fond de la salle, un peu plus en hauteur. Son regard capte le mien et il lève une main discrète accompagnée d'un sourire. Je le salue à mon tour de la même façon, ce qui attise la curiosité de mon voisin qui se retourne sans aucune gêne, cherchant ce qui captive mon attention.

Gabriel hausse un sourcil, puis chuchote :
— C'est ton crush ?
Ma langue claque contre mon palet et mes sourcils se froncent.
— N'importe quoi. C'est Logan, je t'en ai parlé.
— Ah ouais ! Celui qui t'a vu vomir.
— Ne parle pas de ça, c'est trop la honte.
Il pouffe et tourne son visage à la mine prétentieuse vers moi :
— T'as eu ton baptême, on passe tous par là. T'es des nôtres, maintenant.
Mes sourcils rebondissent et mes yeux s'écarquillent d'exaspération.
— Parce que tu vomis, toi ? demandé-je.
— Bien sûr que non, j'suis trop cool pour ça.

Nous retenons un éclat de rire que nous ravalons lorsque notre professeur nous fixe. Pour le coup, nous gardons notre calme durant le reste du cours de photographie.

C'est un charabia en continu qui ne m'intéresse pas. Moi, mon truc, ce sont les croquis et la peinture. Quant à Gabriel, il est plus tourné vers l'art digital. Il est plutôt doué, bien qu'il manque cruellement d'expérience avec un pinceau entre les doigts. Sa plus grande qualité reste sa créativité, il est très ingénieux et très sûr de lui quand il est persuadé de ce qu'il souhaite exprimer. Il a intégré l'établissement in extremis ; s'il récolte de bonnes notes, il pourra continuer à étudier ici.

— Tu veux qu'on le fasse ensemble ? m'interroge Gabriel.
— Hein ?
— T'as pas écouté, c'est ça ?
Je pince mes lèvres et secoue la tête de gauche à droite.
— On doit photographier quelque chose sur le thème du « Baiser ».
— Mmh. C'est pour quand ?
— Dans deux semaines.
— On a le temps, soufflé-je.
— C'est pas une raison pour attendre la dernière minute.
Étonné par sa remarque, mon corps pivote vers le sien.
— Depuis quand es-tu aussi studieux ?
— Chut, chuchote-t-il, tout en posant son index sur ma bouche.

Son stylo a noté toutes les informations durant l'heure. Je le voyais bouger du coin de l'œil tandis que je rêvassais en regardant par les fenêtres de la pièce. Les arbres sont entièrement nus, le sol de la cour bétonné et le peu de végétation qui la décore n'ont rien de naturel. Quant au ciel, il est nuageux, tout comme mon esprit qui ne cesse de se tourmenter à propos de la voix d'hier.

Pendant un instant, je prévois de raconter ma mésaventure à Gabriel. Mais quelque chose en moi me fait me raviser. Je préfère penser que j'ai pu entendre une dernière fois la voix de Vincent plutôt que mes amis s'obstinent à élucider l'affaire. Si je venais à découvrir que son numéro a été redistribué ou, pire, que c'est son nouveau compagnon qui a décroché et que je me rende compte qu'il m'a définitivement oublié... Je ne suis pas sûr d'être prêt pour ça.

Si Vincent ne veut plus être avec moi, c'est entièrement légitime. Ce n'est pas tant la rupture qui poignarde le cœur, mais l'absence d'explications qui dérive l'esprit vers la folie.

Le doute, ça vous ravage comme un tsunami. Il passe à travers nous et engloutit nos repères, jusqu'à noyer toutes les connaissances et croyances qu'on avait. Et quand vient le moment de faire l'inventaire des dégâts, il ne reste que des débris d'âme qu'il vous est impossible de reconstituer sans qu'il ne manque une pièce.

Peut-être que je devrais lâcher prise et imaginer qu'il est heureux, aimé et en paix avec lui-même. J'ai besoin de lui plus qu'il n'a besoin de moi. Est-ce vraiment de l'amour ou une dépendance affective ?

Mon puzzle est incomplet. Il faut croire que la mer est déjà passée sur moi.

La sonnerie retentit en un écho insupportable. Les chaises grincent et les étudiants s'activent à ranger leurs affaires. Ils se massent tous vers la sortie afin d'arriver rapidement au réfectoire pour aller déjeuner. Gabriel et moi mangeons toujours ensemble, mais nous ne sommes jamais pressés par le temps. De temps en temps, on va se faire un repas rapide dans un fast-food. Pour aujourd'hui, ce sera à la cantine, au même titre que les autres.

Une lanière de mon sac est glissée sur mon épaule quand Logan descend nous rejoindre. Il semble un peu intimidé par la présence du grand brun.

— Hi, Allan.
— Salut, Logan.

J'observe Gabriel qui demeure silencieux et le pousse discrètement afin qu'il puisse se présenter. Les nouvelles rencontres, ça le met mal à l'aise. Néanmoins, il fait un effort :

— Salut, je m'appelle Gabriel.
— Oh, oui. Je sais qui tu es. Allan m'a parlé de toi.
— Tiens donc, c'est vrai, ça ? commente-t-il en tournant son regard vers moi, sourire amusé sur ses lèvres.

Mes pommettes se réchauffent sans que je ne puisse le contrôler. Je tente de rester impassible en haussant les épaules.

— Des banalités. Rien de plus.

Logan pince ses lèvres, comprenant qu'il y a un quiproquo quant à sa façon de s'exprimer. De ce fait, il change de sujet :

— Tu vas mieux, on dirait.
— Oh, ouais. Merci encore pour ton aide.
— It's OK. C'est normal.

Nous sourions par politesse. La conversation est étrange, un peu gênante. Un silence commence à s'installer quand le sportif conclut l'échange :

— OK, bon. On va bouffer. Tu viens, Allan ?

Je hoche la tête avant de saluer Logan de la main en guise d'au revoir. Gabriel et moi sortons de la salle, toutefois, je me retourne brièvement afin de m'assurer que le Franco-Américain ne soit pas seul durant la pause déjeuner. Je constate avec soulagement que David, son colocataire, l'a attendu.

— Il est bizarre, ton pote.
Je fronce les sourcils.
— Ce n'est pas facile de se faire des amis dans un pays qui n'est pas le nôtre.
— Il est bizarre quand même.
— Peut-être que, pour lui, c'est toi qui es bizarre.

Il lève les yeux au ciel en faisant entendre un clic dental qui traduit son désaccord.

Il ne nous faut que quelques minutes pour nous trouver une place au réfectoire et, comme d'habitude, je n'ai pas d'appétit. Je ne fais que me balancer sur ma chaise, le regard perdu dans le vide en jouant à passer ma cuillère entre mes doigts.

Puis, finalement, je sors mon téléphone de la poche et retourne vérifier l'appel d'hier soir dans mon historique. Je le fixe en essayant de me remémorer le son de la voix qui a décroché.

— Camille et moi, on a rompu.

Je baisse aussitôt mon portable et ma chaise retombe sur ses quatre pattes. Là, les yeux écarquillés, je bégaye en accablant mon ami de questions :

— Par... pardon ? Quand ça ? Pourquoi ?
— Hier.
— Pourquoi vous avez rompu ? C'est à cause de moi, c'est ça ?

Gabriel boit une grande gorgée d'eau, puis croise ses bras contre la table. Son regard s'implante dans le mien.

— Arrête d'être parano. Tu n'sais pas tout sur Camille.

Je baisse les yeux, attristé par la situation. J'ai la sensation que tout ça est entièrement de ma faute. Ça m'en tord le ventre, me rend mal à l'aise. Pourtant, mon ami paraît détaché de ce qui lui arrive, comme insensible. Il ne fait que croquer dans sa pomme, dévorant celle-ci à pleines dents.

— T'as rien mangé, remarque-t-il.
— Je n'ai pas faim.

Il lève les yeux au ciel et balance le trognon de son fruit dans son assiette. Il finit par se redresser, plateau vide dans les mains.

— Allez, viens. J'vais t'expliquer avant que tu t'montes tous les scénarios possibles.
Je m'exécute sans discuter.

À l'extérieur, nous nous installons sur un banc. Gabriel s'allume une cigarette. Il fait toujours ça après avoir mangé. Quant à moi, je garde une mine soucieuse, tant que je ne réussis pas à détendre les plis de mon front.

— On s'est vus hier après-midi, débute-t-il en expirant la fumée de sa clope dans l'air. On s'est disputés à propos de c'qu'il t'a fait.

Je pince mes lèvres de culpabilité. Je n'ose même pas le regarder.
— Bref, après on a dérivé sur notre situation.
— Je suis désolé, Gabriel.
— C'est rien. Camille, c'est pas vraiment un mec réglo, avoue-t-il.
Mon corps se tourne vers le sien, je suis confus par sa dernière remarque.
— Comment ça ?
Il hausse les épaules.
— Ben, il est pas vraiment gay.
— Mais vous étiez ensemble, non ?
— Appelle ça comme tu veux. On couchait ensemble. De temps en temps, il m'embrassait dans les vestiaires, en cachette.

Il tire une nouvelle bouffée sur sa clope, puis poursuit :

— Il refusait que je le qualifie de gay, et ça même avec ma langue dans sa bouche, ricane-t-il. Ou bien avec ma...
Je le coupe aussitôt.
— J'ai compris. Pas la peine d'en rajouter.
— Il était avec moi et à la fois sur des applications de rencontres avec option « femmes uniquement ».

Il expire la fumée par son nez et écrase son mégot dans le cendrier à ses côtés.

— Bref, c'est pas grave. C'est peut-être qu'un hétéro curieux, un gay dans le placard, un bisexuel ou j'sais pas. Je m'en tape.

J'humidifie mes lèvres d'un coup de langue, les traits de mon expression marquent ma compassion.

— Comment tu te sens ?
— Ça va.
Il hausse les épaules, puis me regarde, souriant avant de reprendre.
— Je suis totalement OK avec ça. Il se cherche, ou peut-être qu'il ose pas s'avouer qu'il aime les mecs. J'veux juste plus être l'amant secret.
— C'est complètement légitime.

Pour la première fois, je perçois une lueur qui m'est inconnue dans ses yeux qu'il finit par baisser. Quelque chose a changé en lui et illumine ses zones d'ombres.

— Ouais. En fait, j'crois que j'ai envie d'faire mon coming out.

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