Plus fort que ça, tome 2

Per eliodestrez

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« Cinq choses que tu peux voir. Le sol qui se dérobe sous mes pieds, les bavures d'encre causées par mes larm... Més

❝ ❞
𝑚𝑜𝑡 𝑑𝑒 𝑙'𝑎𝑢𝑡𝑒𝑢𝑟
Chapitre 1 › Le bruit de ma peine
Chapitre 2 › Motus et bouche cousue
Chapitre 3 › Un si beau déguisement
Chapitre 4 › Échec et Match
Chapitre 5 › Taste a new smile
Chapitre 6 › L'apprentissage de l'amitié
Chapitre 8 › La pluie fait naître l'arc-en-ciel
Chapitre 9 › Le coût du bonheur
Chapitre 10 › Cliché Wattpad
Chapitre 11 › Quand je suis avec toi
Chapitre 12 › Les fantômes que tu m'as laissés
Chapitre 13 › Putain d'karma
Chapitre 14 › Les dernières saveurs
Chapitre 15 › Un dernier au revoir
Chapitre 16 › Va droit au but !
Chapitre 17 › Pluie du cœur
Chapitre 18 › Cœur balançoire
Chapitre 19 › Ce que tu ne me feras jamais

Chapitre 7 › Les sonneries du passé

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Per eliodestrez

Minuit est passé depuis un petit moment lorsque je rejoins la chambre de Gabriel après avoir pris une douche. Ne plus sentir l'odeur et la texture collante de la vodka est libérateur.

À l'aide d'une serviette de bain autour de la nuque, j'essore mes cheveux qui ne cessent de goutter. Le sportif est en train d'installer le matelas gonflable à côté de son lit. Il ajoute une grande couverture chaude sur le drap orange et place un gros oreiller moelleux et divers petits coussins, car il sait que j'adore me blottir contre eux. Cette attention me touche à chaque fois et m'arrache un sourire attendri.

C'est devenu une sorte de rituel. Je n'ai jamais voulu dormir avec lui, pas même avec une de mes amies. Avant, ça ne me dérangeait pas de partager un matelas ; c'était plus simple. Mais, depuis, j'ai peur de me réveiller aux côtés de quelqu'un et de ne pas découvrir le visage endormi et apaisé de Vincent. Cette image de lui le matin m'a marqué et je ne suis pas encore prêt à ce qu'un autre lui cède la place. Tout comme personne – à l'exception de ma famille – n'a mis les pieds dans ma chambre depuis qu'il y est venu.

— Merci pour le lit.
— J'espère qu'il est assez gonflé. Test et tu me dis.

Gabriel rapproche le matelas jusqu'au pied de son lit, juste à côté de sa table de nuit où traîne un réveil, une lampe et une bande dessinée. Sans attendre, je m'installe sur le matelas, qui rebondit légèrement sous mon poids, et m'étale en faisant l'étoile.

Je relâche un soupir de soulagement et constate :
— Il est parfait. Comme toujours.
— J'suis trop fort, amplifie-t-il, me faisant un clin d'œil.
— Et merci pour les vêtements et la douche.

Il fait un mouvement de main qui m'indique que ce n'est pas grand-chose. J'ai troqué mon pantalon cargo par un short de sport en nylon et ma chemise a été remplacée par un tee-shirt en coton. Ces deux matières différentes contre ma peau me font un effet étrange, je suis comme une sorte de mini Gabriel.

Avec beaucoup moins de muscles. La version brindille.

Je me faufile sous la couette et pose mon téléphone sur la table de nuit. L'arrière de ma tête s'enfonce dans l'oreiller et je crois frôler le paradis. La calme de la maison m'apaise et mes paupières se ferment en douceur. Je me sens accablé par la fatigue.

J'entends Gabriel retirer son tee-shirt, appuyer sur l'interrupteur de la lumière afin de l'éteindre – laissant seulement la lampe tamisée sur la table de chevet – et s'installer sous ses draps.

Je suis presque emporté par Morphée lorsque j'ouvre subitement les yeux à la sensation de quelque chose qui joue avec mes cheveux. Mon regard se redresse et découvre le visage du sportif, son index dans mes boucles. Un rire m'échappe en me rendant compte que j'étais déjà presque endormi.

— J'suis content de t'entendre rire, dit-il doucement.
Je remonte la couverture jusqu'à mon torse, posant mes mains à plat sur la bordure.
— Mmh. Ça va beaucoup mieux, maintenant. Je crois que je vais abandonner les soirées étudiantes.
— Les prochaines soirées vont être nulles, alors.
— Peut-être que ça t'obligera à moins boire et à étudier davantage.

Il me charrie en répétant ma phrase d'une manière embêtée et je lève une main pour le pousser légèrement, riant à ses bêtises.

Le silence se répand dans la pièce et je retourne peu à peu dans le sommeil quand la voix de Gabriel retentit à nouveau :

— C'est Camille qui t'a jeté son verre à la figure ?

J'avale difficilement ma salive. La question se plante dans ma poitrine comme un couteau bien aiguisé. La scène se redessine dans mon esprit, jusqu'à ce que le gobelet soit projeté à mes pieds.

— Oui.
— Raconte-moi c'qu'il t'a dit.
— Je suis fatigué, soupiré-je.
— Désolé. Il faut qu'je sache pour qu'on passe à autre chose demain.

Je réfléchis un instant. L'idée que toute cette histoire ne soit qu'un mauvais souvenir au levé du jour m'attraye. Je suis comme ça ; j'aime que les problèmes soient vite réglés, parce qu'ils m'angoissent. Du coup, j'inspire longuement et entame, étape par étape, les faits qui se sont déroulés dans mon conflit avec Camille, jusqu'à ma rencontre avec Logan. Je ne dissimule rien, aucun mot ni même aucun geste, aussi bruts et douloureux qu'ils aient pu être.

Je marque parfois un temps de pause entre mes phrases. Mais ça, c'est juste parce que le bout de mon nez se réchauffe en sentant venir les émotions fortes. Gabriel reste impassible, silencieux comme une pierre. À la fin, il s'excuse encore une fois de m'avoir en quelque sorte obligé de revivre ce traumatisme en le lui racontant. Puis, comme il le fait toujours, il éteint la lumière et me souhaite de bien dormir.

Tout semblait être comme d'habitude. À l'exception de ses doigts qui, cette nuit-là, sont restés dans mes boucles et m'ont bercé jusqu'à ce que je m'endorme.

*

Je suis rentré assez tôt pour ne pas abuser de l'hospitalité de la famille Thorel, et ça, même s'ils ont l'habitude de me voir, comme ils le disent. Devant moi, le père de Gabriel est un homme plutôt sympathique, toujours habillé d'un costume et d'une cravate, à l'instar du mien. Sa mère est d'une douceur sans nom, mais elle est clairement soumise à son mari. Je ne l'ai jamais entendu prendre une décision d'elle-même, ni même exprimer une opinion.

Ce que je sais, c'est qu'elle achète toujours les aliments que j'adore manger et que son fils unique déteste. Par exemple, de la truite fumée. Un soir, on avait un petit creux avec le sportif et, en fouillant dans le frigo, nous en avions trouvé. Contrairement à moi, lui a grimacé. Pendant que mon ami se faisait des œufs brouillés, moi, je mangeais des petites tartines de pain beurré recouvertes de truite tranchée en petits bouts. Depuis, il y a toujours un paquet disponible pour moi lorsque je suis chez eux. Ce souvenir apporte de la joie dans mon corps, c'est un de mes meilleurs souvenirs.

Je suis passé chercher mon sac chez Roxanne avant de regagner la maison. Elle dormait encore, pas étonnant vu l'heure à laquelle elle m'a envoyé un message pour me dire qu'elles étaient bien rentrées. Nonna, quant à elle, était déjà levée et installée devant la télévision à regarder son téléfilm du dimanche, une tasse de thé à la main. Elle a rapidement compris que j'étais fatigué et m'a laissé aller me recoucher au moins une heure.

Depuis, je n'ai pas quitté ma chambre. Installé à mon bureau, je griffonne des croquis en avance pour les cours. Mon carnet est rempli de divers portraits, paysages et objets qui ont attisé ma curiosité. Il est composé de choses lambdas, comme les fameuses coupes de fruits, à l'église non loin de chez-moi, jusqu'aux traits d'Adeline quand elle s'endort dans son fauteuil après le dîner.

Mais ce que je dessine aujourd'hui n'est autre que mon reflet que j'ai trouvé dans le miroir de la salle de bains de Gabriel en rentrant de la fête. J'appuie sur mon crayon à papier pour tracer de grands traits noirs et épais sur mes yeux, afin de représenter ma vue floue. Ou peut-être parce que j'ai détesté ce que j'ai vu, au point où mon cerveau s'abandonne tout bonnement au déni.

Ma tête est soutenue dans ma paume, mes écouteurs dans mes oreilles passent ma playlist au niveau sonore le plus fort.

« I'm crying in my car
For the fourth time today
Told my friends things were better
But that was yesterday »*

L'une de mes jambes s'agite en continu depuis que je suis assis. La mine de mon crayon laisse des résidus sur celui-ci tant j'y mets de la force à repasser sans cesse sur le trait noir vertical de ma caricature.

« And why my laugh doesn't sound the same
Oh, will I always feel this way ?»**

Le bout de mon nez bouge comme celui d'un lapereau, un toc dont je ne me suis toujours pas débarrassé lors de mes moments de concentration. Je dirige mon crayon au niveau de la bouche et lui dessine un sourire, puis je l'accentue avec une grimace, le tout faisant penser au célèbre masque de théâtre, tragédie et comédie.

Mes doigts blanchissent par la force que j'y implante. Le papier finit par se déchirer sous la mine de mon crayon qui se brise. Je suis subitement habité par une agressivité incontrôlable. J'attrape mon cahier et le balance de toutes mes forces à travers la chambre. Il percute ma commode et les feuilles détachées volent dans la pièce avant de retomber sur le sol. J'ai renversé mon pot à stylos par la même occasion et ma tasse de tisane dans laquelle il ne restait qu'un fond, qui goutte à présent sur le parquet.

Mes mains tremblantes recouvrent mon visage. Je tente d'apaiser cette nouvelle émotion que je n'ai ressentie qu'une fois, lorsque Vincent s'est enfui. Adeline me dit souvent que c'est une phase de deuil, comme s'il était mort et que je ne le reverrai plus jamais.

Mais non, Vincent est bel et bien vivant, là, quelque part dans ce monde. J'en viens à envier les personnes qu'ils croisent, le sol que ses semelles frôlent, le lit dans lequel il se couche, l'oxygène qu'il respire. Le simple fait qu'il existe ne me suffit pas, les livres m'ont menti. Je veux qu'il revienne, qu'on puisse au moins s'expliquer sur ce qu'il s'est passé.

Je tire sur le câble de mes écouteurs afin de les retirer et les balance sur mon ordinateur. Mon dos tombe dans le fond de la chaise en même temps que je soupire, les yeux clos.

Et maintenant, qu'est-ce que je suis censé faire ?

Je témoigne d'une main sur mon cœur, tapotant contre celui-ci sur son tempo en attendant qu'il se calme. Mes exercices de respirations sont de mise. Doucement, j'inspire par le nez et expire par la bouche, jusqu'à ce que tout rentre dans l'ordre.

Une fois cela à peu près stable, j'observe l'étendue des dégâts, redressant ma tasse en premier lieu. Quant au reste, je rassemblerai mes esquisses plus tard et nettoierai le liquide une fois que je trouverai la force de me lever. À la place, je saisis mon téléphone, vide de notifications, à l'exception de quelques réseaux sociaux qui m'incitent à suivre des comptes populaires ou à aller regarder les story de mes amis.

Je déverrouille l'écran et me rend dans ma galerie, faisant défiler les photos prises avec Vincent. Elles me renvoient dans une mélancolie à laquelle je n'échappe jamais. Mes doigts zoom sur son sourire, ses épaules, mais aussi nos lèvres qui s'embrassent. Mon ventre se tord, non pas d'angoisse, mais d'une multitude de papillons que je ressens à chaque fois que je nous vois échanger un baiser.

Je t'aime toujours, tu sais.

J'ai simplement arrêté d'espérer te voir toquer à ma porte. Aujourd'hui, ton absence me fait moins mal. Elle demeure insupportable, mais j'ai cessé de guetter les passants à travers mon velux, de camper à l'arrière de l'église au cas où tu y viendrais, de demander à ta mère si elle a eu des nouvelles de toi. Quand tu es parti, j'étais dans une folie dépendante. Mon esprit était effrayé à l'idée de vivre sans tes mots, ta voix et ton rire. Mon corps, lui, avait perdu son mode d'emploi sans tes mains, tes baisers et ta tendresse. Toute la mécanique de mon être s'est mise à défaillir, comme le jouet préféré d'un enfant qui grandit. Je me suis retrouvé dans une décharge sans possibilité de recyclage.

J'ai arraché les pansements et décousu les fils avec lesquels tu m'avais rafistolé. Après ça, il ne restait plus que moi et cette question qui me hante : et maintenant, qui suis-je ?

Désormais, je ne sais pas si tu me manques ou si c'est l'absence de celui que j'étais avec toi qui me manque.

Je quitte l'application et me rends dans mes messages, afin de retrouver ma conversation avec Vincent. Le dernier message date du jour du Nouvel An. Je lui ai souhaité la bonne année, un peu froidement.

« Bonne année, Vincent. »

Avec le point à la fin dans le but de faire comme si j'étais détaché, alors que ce n'est aucunement le cas. De toute façon, mon message ne s'est jamais distribué, il a dû me bloquer ou résilier sa ligne téléphonique. Très souvent, je lui ai envoyé des messages, tous revenus à moi en m'indiquant qu'ils ne seraient pas communiqués au destinataire. Dans le même genre de détresse, je l'ai appelé un nombre incalculable de fois. J'ai toujours eu droit à deux sonneries avant qu'un son de bip répétitif m'informe du refus de l'appel avant de raccrocher.

Il m'est arrivé de persister. Une fois, je l'ai appelé vingt-sept fois en l'espace de huit minutes. C'était d'ailleurs la dernière fois que je l'ai fait, j'ai eu tellement honte de moi.

Mon pouce balaye la page et se rend à présent dans mon historique d'appels. J'ai toujours Vincent dans mes favoris. Mon doigt plane au-dessus de son nom, mes lèvres se font mordre par mes canines avant qu'une moue hésitante s'installe.

Je pourrais le refaire. Rien qu'une fois.

Avant que je ne réfléchisse trop, je retourne dans mes travers et tape sur son nom. J'amène à mon oreille le téléphone qui lance l'appel. Mon cœur bat la chamade, même si je sais très bien que cet objectif est vain.

Une sonnerie. Deux sonneries. Le bip.

Comme prévu, l'opération n'aboutit pas. Je repose mon portable et secoue mon visage, essayant de me ressaisir. Je me sens stupide, murmurant à moi-même :

— Qu'est-ce qui me prend ? Il faut que j'arrête.

Un coude s'appuie contre l'un des accoudoirs de ma chaise, mes doigts caressent mon menton alors que je fixe l'écran toujours ouvert sur mon répertoire. Je pourrais réessayer, plutôt deux fois qu'une, comme on dit.

Heureusement que la honte, ça n'a jamais tué personne.

Je récupère maladroitement mon smartphone et réitère l'opération. Le même schéma se répète et, cette fois-ci, je pivote sur ma chaise afin de me tourner vers mon lit, qui réceptionne mon téléphone que je jette sur les draps.

— Non. Il faut que j'arrête.

Mon index est amené à ma bouche, mes dents arrachent la peau tout autour de mon ongle tandis que mon regard fixe à nouveau mon mobile. Je me mets à songer au fait que je devrais plutôt ranger ma chambre et essuyer les gouttes de tisane sur le sol, mais je n'ai qu'une obsession : celle de retenter ma chance. Dès que je commence à me frotter à ce genre de comportement, c'est comme s'il devenait un toc, ou bien une addiction.

Vincent est devenu mon casino et j'ai du mal à m'arrêter tant que je n'aurais pas remporté le gros lot. Ma dentition s'attaque maintenant à mon pouce, l'appareil toujours dans mon viseur. Après tout, jamais deux sans trois.

— OK. Après ça, j'arrête.

J'essaie de me convaincre malgré la petite voix à l'intérieur de moi qui me trouve des excuses pour recommencer à sombrer dans mes délires.

J'éteindrai mon téléphone.

Aussitôt la décision prise, je me penche afin de récupérer mon portable et me lance une nouvelle fois dans l'optique de contacter Vincent.

Une sonnerie. Deux sonneries. Le bip.

Une voix.

— Allô ?

Mon corps bondit de surprise. Pris au dépourvu, mon premier réflexe est de crier par peur et de projeter mon smartphone à travers la pièce, le plus loin possible de moi.

Recroquevillé sur ma chaise, le cœur prêt à s'expulser de ma poitrine, je m'étonne d'une voix affolée :

— Mortacci tua*** !

*« Je pleure dans ma voiture. Pour la quatrième fois aujourd'hui. J'ai dit à mes amis que les choses allaient mieux. Mais c'était hier. »
**« Et pourquoi mon rire n'a pas le même son. Oh, est-ce que je me sentirai toujours comme ça ? »
***Expression grossière utilisée dans un langage familier. Signifie littéralement : « votre mort ». En France, c'est l'équivalent de « Putain », qui peut être utilisé pour insulter ou dans une condition de surprise. Le mot est donc bon ou mauvais selon la situation et à qui il est adressé.

Continua llegint

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