Plus fort que ça, tome 2

By eliodestrez

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« Cinq choses que tu peux voir. Le sol qui se dérobe sous mes pieds, les bavures d'encre causées par mes larm... More

❝ ❞
𝑚𝑜𝑡 𝑑𝑒 𝑙'𝑎𝑢𝑡𝑒𝑢𝑟
Chapitre 2 › Motus et bouche cousue
Chapitre 3 › Un si beau déguisement
Chapitre 4 › Échec et Match
Chapitre 5 › Taste a new smile
Chapitre 6 › L'apprentissage de l'amitié
Chapitre 7 › Les sonneries du passé
Chapitre 8 › La pluie fait naître l'arc-en-ciel
Chapitre 9 › Le coût du bonheur
Chapitre 10 › Cliché Wattpad
Chapitre 11 › Quand je suis avec toi
Chapitre 12 › Les fantômes que tu m'as laissés
Chapitre 13 › Putain d'karma
Chapitre 14 › Les dernières saveurs
Chapitre 15 › Un dernier au revoir
Chapitre 16 › Va droit au but !
Chapitre 17 › Pluie du cœur
Chapitre 18 › Cœur balançoire
Chapitre 19 › Ce que tu ne me feras jamais

Chapitre 1 › Le bruit de ma peine

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By eliodestrez

    — Allan !

    À l'entente de mon nom crié du bas des escaliers par ma mère, mes yeux se relèvent de mon écran sur lequel je scrolle la page d'accueil d'un réseau social. Bien que je n'aimais déjà pas cette habitude auparavant, celle-ci m'est devenue insupportable ; me ramenant sans cesse au début de cet été qui a changé ma vie.

    Je suppose que, pour elle, cela raisonne comme une époque où elle pensait que son fils n'avait aucun problème. Pourtant, aujourd'hui, cet appel annonce l'arrivée de l'homme qui concrétise le fait que moi, son fils, n'est pas le petit garçon pur et délicat qu'elle croyait que j'étais.

    Lasse, je délaisse mon téléphone entre les draps de mon lit défait après une énième insomnie. Je me traîne jusque dans les escaliers, me tenant à la rambarde en bois. Là, j'inspire un grand coup avant de descendre jusqu'au rez-de-chaussée.
    Comme par timidité, je scrute la cuisine ouverte et y avise Adeline, son Ricoré devant elle et le journal du jour. Un rictus incontrôlé se dessine sur ma bouche.

    — Ciao, Nonna, come stai ?
    Elle redresse la tête dans ma direction et me sourit de tout son dentier.
    — Tesoro ! Sto bene.

    Je la rejoins et scrute un court instant les mots croisés qu'elle a entamés, tout en passant mon bras autour de ses épaules afin de l'étreindre. Mon crâne se blottit sur le dessus du sien tandis que sa tempe repose sur ma clavicule. À son tour, elle enlace mes hanches. Nous restons un instant ainsi, silencieux. Je m'autorise à fermer les yeux, bercé par l'amour de ma grand-mère. Puis, son accent roulant les r et déformant les u en « ou » brise la sérénité dans laquelle je m'étais enveloppé :
    — Tu te sens prêt ?
    Sa main caresse le bas de mon dos, mais n'empêche pas la boule d'angoisse de se former au creux de mon ventre.
    — Pas encore, mais je vais essayer.
    — Prends ton temps, tesoro, me rassure-t-elle.

    Nous allons repartir dans une étreinte quand la sonnette de la porte d'entrée retentit dans la maison et me provoque une crampe à l'estomac. Mon cœur se met à battre plus fort dans ma poitrine et, avant même que l'homme ne soit entré, ma gorge se noue, me confirmant qu'elle n'est pas prête à parler.

    Les talons de ma mère se précipitent jusqu'à la cuisine, on croirait presque qu'elle est pressée de me mettre au pied du mur.
    — Ah, tu es là, s'étonne-t-elle, comme si elle n'avait pas l'habitude de me voir en dehors de ma chambre.
    — Mmh, marmonné-je sans grand intérêt.

    Je reste auprès d'Adeline lorsque la porte s'ouvre sur l'homme charismatique qu'est Arthur, mon magnétiseur. Il échange une poignée de main et de banales formules de politesse avec ma génitrice. Quant à moi, je recule d'un pas, l'observant. Ce n'est pas la première fois que je le vois. Tous les mois, nous avons rendez-vous pour faire un bilan. Cependant, à chacune de ses visites, j'ai l'impression qu'il est plus grand que la dernière fois. C'est un homme intimidant, brun aux cheveux courts, avec une barbe de deux jours et un large sourire qu'il ne se prive pas d'afficher. Il tient dans sa main un sac en forme de vieux cartable. En dehors de ses Runes, qu'il utilise parfois lorsque nous discutons, je n'ai aucune idée de ce qu'il y cache. Je me suis souvent demandé ce qu'il pouvait bien contenir.

    — Bonjour, Allan, comment vas-tu ? amorce-t-il à mon intention, me sortant de mes songes.
    J'avale difficilement ma salive et me force à esquisser un léger sourire avant de hausser les épaules.
    — Bonjour. Ça va.
    Menteur.

    Ma mère fait le tour de l'îlot central tout en invitant Arthur à s'asseoir, mais celui-ci refuse, comme il rejette la proposition d'une tasse de café – ou autre. Pourtant, ma mère s'obstine à lui proposer une à chaque visite.

    — On ne va pas perdre de temps et y aller, annonce-t-il.
    Il se tourne vers moi et m'interpelle :
    — Qu'en dis-tu, Allan ?
    — Finissons-en, psalmodié-je.

    Ma mère s'empresse d'excuser mon attitude auprès d'Arthur, tout en glissant une main dans mes boucles qu'elle ébouriffe. Pourquoi ressent-elle le besoin d'excuser mes émotions ? Pire, d'excuser qui je suis. Le magnétiseur, lui, garde un rictus scotché à sa bouche après ma réponse. Ça a le don de m'énerver et me donne la sensation qu'il avait deviné ce que j'allais dire.

    — Très bien, allons-y, conclut-il.

    Je connais le rituel. Pendant qu'il retourne à sa voiture pour aller chercher une grande table noire pliante qui ressemble à celle des masseuses, je me rends dans le salon où Adeline et ma mère ne pourront pas nous déranger ni nous entendre. Contrairement à Nonna, Maman n'est pas au courant concernant ma relation avec Vincent, encore moins du jour où il m'a lâchement abandonné fin août, il y a un peu plus de cinq mois.

    Tout ce qu'elle sait, c'est que j'ai des difficultés sociales et du mal à gérer mes émotions. Je n'ai pas voulu entrer dans les détails. Sa première option a été de me proposer de consulter un psychologue ; ce que j'ai accepté. Je n'ai pas aimé cette approche, je me sentais malade et ce sentiment m'enfonçait plus qu'autre chose. J'étais sous médicament soi-disant apaisant, déstressant. En bref, la médecine m'a zombifié. J'avais du mal à suivre mes cours à la fac, ma créativité s'était envolée, je ne parvenais plus à m'endormir sans tranquillisant.

    Il faut dire que je n'arrivais pas à m'ouvrir à ce professionnel, sans que cela soit sa faute. J'étais bloqué, il était impossible pour mon psychologue de m'aider dans mon malheur et il a sûrement voulu m'apaiser à coup de cachets.

    Que pouvait-il bien faire d'autre, après tout ? Lui et moi aurions été décédés bien avant que je ne parle de mes problèmes.

    C'est comme ça, certains thérapeutes ne peuvent rien pour nous, car ils ne sont pas ceux pour lesquels nous ressentons l'envie de nous ouvrir. Peut-être aussi ne voulais-je pas guérir, mais simplement continuer à faire vivre Vincent auprès de moi à travers ma douleur.

    J'ai donc continué à faire des crises d'angoisses très régulières, toutes plus fortes les unes que les autres. Cela se passait partout, à n'importe quel moment, ça venait comme une envie de pisser, sans prévenir : à la fac, durant mes insomnies, pendant mes lectures, avec mes amis, en dîner de famille, en me réveillant, en me douchant...

    Puis, un jour, cette pensée que je redoutais tant m'a traversé l'esprit : si c'est pour vivre ainsi, dois-je mettre fin à mes jours ?

    Ça m'a terrorisé.
    Ce jour-là, j'ai eu peur de moi.

    J'ai immédiatement été réveiller Adeline pour lui demander d'appeler son magicien de l'énergie auquel je ne comprenais rien, mais dont elle m'avait parlé. De la médecine douce pour un jeune homme émotionnellement violent. Au point où j'en étais, c'était à essayer, je n'avais plus rien à perdre.

    — Bien, qu'as-tu fait depuis la dernière fois que l'on s'est vu ? m'interroge Arthur, après s'être assis face à moi autour de la grande table du salon.
    — Je ne sais pas.
    — C'est-à-dire ?

    Il sort de son sac une bourse qu'il dépose sur la table et pioche dedans pour en sortir une Rune. À mon tour, je la scrute, sans savoir ce qu'elle informe à mon sujet.

    — Je vais à la fac, je vois toujours les mêmes amis, je traîne dans ma chambre.
    — Et ton sommeil ?
    Il tire une nouvelle Rune.
    — J'ai réussi à dormir quelques heures les trois premiers jours après notre dernière séance.
    — Et depuis ?
    Je marque un silence, puis redresse mon regard en direction du sien.
    — J'ai terminé de lire ma pile à lire qui traîne dans ma bibliothèque depuis deux ans, asséné-je.

    Arthur sourit, l'air amusé. Mon cœur s'emballe, je sais que nous arrivons au moment où il va détourner la conversation vers Vincent, dont il ne connaît pas encore l'existence :
    — Je ne vais pas passer par quatre chemins, Allan, commence-t-il en se redressant sur sa chaise, joignant ses mains entre elles sur la table.
    Mon cœur s'accélère en le voyant chercher ses mots, m'indiquant qu'ils pourraient être délicats à prononcer. De but en blanc, le regard ancré dans le mien, il m'interroge :
    — Quelle est ton orientation sexuelle ?
    Mes doigts sous la table se resserrent fortement contre mes cuisses, une bouffée de chaleur me traverse, si forte que ma respiration se bloque.

    J'entrouvre les lèvres, mais aucun son ne sort. Les moments que j'ai pu passer en compagnie de Clémence et Vincent défilent dans ma tête à grande vitesse : les baisers, les mots, les tendresses que j'ai pu échanger avec chacun d'eux me percutent de plein fouet.

    Les muscles de mon corps se contractent, les fourmillements montent progressivement dans mes jambes. Mon anxiété tente de me dévorer une nouvelle fois, une colère brûle dans mon cœur. Elle me fait me relever subitement. Je plaque mes mains à plat contre la table et, les sourcils froncés, je vocifère contre Arthur :
    — Je ne suis pas gay, si c'est ce que vous sous-entendez !
    Vincent, je t'aime.

    Arthur me scrute un instant, puis tire une Rune. Il cale son dos dans le fond de la chaise, observe sa petite pierre et ajoute :
    — D'accord. As-tu envie de rajouter quelque chose avant que l'on ne passe sur la table ?
    Je me rassieds gentiment, tête baissée, honteux d'avoir réagi de la sorte.
    — Oui. Je suis désolé de m'être énervé contre vous.
    Arthur range ses Runes, un rictus figé sur sa bouche.
    — Allez, viens.

    Je me lève sans lui faire perdre plus de temps et allonge mon dos sur la table noire, qui me paraît froide au premier contact. Je connais le principe à présent : mes bras sont placés le long de mon corps et Arthur me demande de fermer les yeux et de me vider l'esprit. Parfois, je tente d'ouvrir discrètement un œil, curieux de voir ce qu'il fabrique, mais, à chaque fois, ce que je perçois me rend d'autant plus ignorant de sa pratique.

    Je le sens faire le tour de la table tandis que je me centre sur le bruit de tic tac que fait la vieille horloge de ma grand-mère installée dans le salon. Le magnétiseur ne me touche pas durant son trajet, jusqu'à ce qu'il se place derrière moi et qu'il prenne ma tête entre ses mains.

    Là, le silence.

    Je sens ses paumes se réchauffer contre mon crâne, une chaleur qui me donne la sensation qu'il est prêt à prendre feu, que mon cerveau va exploser d'un moment à un autre. Je tente de chasser les pensées qui me traversent comme il me l'a souvent conseillé, mais je ne vois que le sourire de Vincent, sa peau teintée par le soleil, son épaule rougie avec ses trois grains de beauté...

    Les larmes ne tardent pas à monter. Je m'efforce de les retenir en mordant mes lèvres, seulement, mon torse qui se bombe par ma respiration erratique et qui s'accélère me trahit.

    — Ne te retiens pas, murmure Arthur. Il faut que ça sorte.

    Le premier souvenir humide s'écoule le long de ma joue, je l'entends même éclater en une infime claque contre la table en cuir.

    C'est donc cela, le bruit de ma peine.

    Les doigts d'Arthur se positionnent sur mon front. Je ne saurais distinguer ce qu'il y fait, trop préoccupé à écouter ma souffrance atteindre le cuir. Rapidement, mon visage me semble comme noyé. Je suis pris de légers spasmes par les sanglots que j'étouffe, reprenant parfois mon souffle en une grande inspiration.

    J'ai un couteau enfoncé dans la gorge, le hurlement que j'ai lâché le soir où j'ai appris qu'il m'avait quitté me hante.

    Arthur ouvre l'une de mes mains et y dessine quelque chose du bout de ses doigts. Je l'entends de temps en temps murmurer sans réussir à discerner ce qu'il dit par son ton trop bas.

    « Je reviendrai, je te le promets. »
    Les derniers mots écrits par Vincent me rongent. Ils sont des parasites qui ne cessent de me grignoter un peu plus au fil des jours. Cinq mois et vingt jours, quatre mille quatre cent dix-huit heures.
    Tu n'es toujours pas là.

    Je prends de grandes inspirations afin de diminuer mes sanglots, qui me donnent la sensation de m'étouffer, Arthur étant à l'autre bout de la table, mes pieds dans ses mains ; ce qui indique que la séance s'apprête à s'achever.

    Arthur relâche sa faible emprise sur mes talons et fait un dernier tour de table. Je reprends peu à peu mes esprits. Pleurer m'a, en un sens, soulagé. J'ai beaucoup de difficultés à évacuer ce que je ressens, je dois sans cesse attendre que mes émotions débordent sur une crise d'angoisse.

    — Quand tu es prêt, tu peux te rasseoir.

    Mes mains se dissimulent dans mes manches que je ramène à mon visage, écartant de mes paupières et mes joues les larmes qui les ont souillées. Progressivement, je redresse mon buste jusqu'à m'asseoir au bord de la table, les jambes dans le vide et les épaules voûtées.

    — Comment tu te sens ? demande le magnétiseur.
    — Vide. Mais dans mon cas, ce vide-là fait du bien.
    Ma voix est chevrotante, étranglée par ma gorge.
    — Je sais qu'elle est toujours là, ma souffrance, continué-je, mais j'ai l'impression que le bordel qu'elle a foutu a été rangé.
    Arthur pouffe, les mains sur les hanches.
    — Je t'ai apaisé pour les prochains jours, tu devrais mieux dormir.
    — Merci.
    — Cependant, reprend-il, tu vas devoir travailler sur toi. Tu sais comment ça marche : si tu ne fais pas d'efforts, je ne peux rien pour toi. Il faut un échange.
    Je fixe le sol, les mains appuyées contre la table et le dos courbé.
    — Je sais, mais je ne sais pas comment faire, et vous ne voulez pas me le dire, reproché-je gentiment.
    Arthur semble amusé par mes propos.
    — Si je te donne toutes les solutions, tu ne seras jamais capable de t'occuper de toi-même. Mon but est de ne plus te revoir, pas de te fixer un rendez-vous tous les mois.
    Il m'arrache un rictus.
    — Jolie façon de dire que vous voulez vous débarrasser de moi.
    Arthur laisse échapper un rire tout en levant les yeux au ciel à l'entente de mon ironie.

    Je descends doucement de la table et me mets à faire quelques pas en cercle dans le salon pendant qu'il range son matériel et griffonne sur un papier. J'adore la sensation qu'il y a dans mon corps après un soin, j'ai l'impression d'être léger comme une plume. L'ordonnance que me donne Arthur ne m'est pas adressée. Il demande à ma mère de ne pas me brusquer dans mes émotions, qu'il me faut du temps. Et ça, c'est tout ce que je n'ai jamais réussi à lui dire.

    J'appelle ça des journées doudou ; une journée où je peux rester dans ma chambre, manger ou non, sortir avec mes amis ou les inviter. Et tout ça, sans que ma mère émette un quelconque refus qui me froisserait.
    Elle attend toujours de moi que je sois quelqu'un que je ne suis pas. J'aurais beau être brillant, élégant, poli, avoir toutes les qualités du monde, elle me donne la sensation que ce n'est jamais assez à ses yeux. Ça me fout la pression.

    Je me tourne vers Arthur, qui est sur le départ. Avant qu'il ne remette sa veste, j'engage un aveu :
    — J'ai aimé un garçon.
    Arthur pose un silence sans pour autant m'ignorer. Il me regarde, comme dans l'attente.
    — J'aime un garçon, rectifié-je.

    Ma lèvre inférieure se met à trembler, il y a comme un vide à combler dans mes mots. Un espace que le magnétiseur ne compte pas remplir.

    — Je ne connais pas mon orientation sexuelle, avoué-je à demi-mot. Je sais juste qu'un jour, j'ai aimé une fille. Et plus tard, j'ai aimé un garçon.
    Mes mains tremblent, c'est la première fois que je dis cela aussi franchement.

    Arthur enfile sa veste, attrape son sac cartable et place la bandoulière sur l'une de ses épaules afin de pouvoir porter la table d'une main libre. Son silence m'inquiète, j'ai la sensation d'avoir dit une bêtise, d'avoir loupé une occasion de me taire.

    — Merci pour ta franchise, Allan.
    Le magnétiseur revient à ma hauteur, je me sens si petit à côté de lui.
    A-t-il grandi depuis qu'il est arrivé ?
    — Tu as le droit d'aimer qui tu veux, le reste n'a pas d'importance.
    — Alors pourquoi est-ce que ça importe tellement pour moi ? osé-je demander dans un murmure étranglé par les larmes qui reviennent.
    — Tu ne m'as pas appelé parce que tu n'acceptes pas l'idée d'aimer un genre qui te ressemble, mais parce que tu ne sais pas te donner l'amour que tu offres aux autres. Tu ne comprends pas comment tu peux encore te détester après avoir apprécié ce que tu n'aurais jamais envisagé. Il y a de quoi angoisser.

    Je demeure bouche bée, l'âme renversée par le point lumineux qu'il vient de poser sur mon problème. Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle, ni même réalisé que je puisse être mon propre ennemi, trop occupé à me protéger des autres.

    Je reste un instant dans le salon à méditer sur notre séance, juste le temps que ma mère et le magnétiseur échangent des banalités dans la cuisine. Dès que la porte d'entrée claque, je m'empresse de rejoindre Adeline qui n'a pas bougé. Ses lunettes sur le nez, elle porte son attention sur moi.

    — Tu as aimé ta séance ? demande-t-elle, soucieuse.
    Je hausse les épaules.
    — J'ai pleuré.
    — Il te faut du temps, tresoro.
    Ma grand-mère me tend ses bras dans lesquels je n'hésite pas à me réfugier.
    — Allan, tu te rends bien compte qu'il va falloir t'endurcir à un moment donné ? commente ma mère, qui se sert son troisième café de la matinée.
    Et toi, tu te rends bien compte qu'il va falloir que tu arrêtes de me forcer à être qui tu veux que je sois ?
    — Je sais, réponds-je sèchement.

    Adeline dévisage ma mère, l'air de dire qu'elles auront une petite discussion plus tard. Mais Valentina l'ignore, s'empressant de retourner à ses occupations après avoir une nouvelle fois ébouriffé ma chevelure brune.

    Je récupère mon téléphone, que j'avais délaissé dans un coin de la cuisine, et scrute mes messages. L'un d'eux vient de Roxanne qui me propose de la rejoindre avec Solène pour manger un morceau en ville.

    — Vuoi che ti cucini qualcosa ? demande Adeline. | (Veux-tu que je cuisine quelque chose ?)
    Je range mon portable dans la poche de mon jean et saisis ma veste suspendue sur le porte-manteau.
    — Grazie, Nonna. Ne t'embête pas, je vais manger avec Roxanne, ça me fera du bien de prendre l'air.

    Je me précipite hors de la maison après avoir embrassé son front. C'est une matinée ensoleillée qui reste fraîche, mes expirations s'évaporent en une brume blanche dans le ciel et emportent le poids des mots que je ne dis pas.

    Tout en marchant, je reprends mon cellulaire et avise le fond d'écran que je n'ai pas changé depuis que Vincent et moi avions pris des photos au chalet.
    Un selfie qui se retrouve caché par l'arrivée d'un nouveau message :

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