Sauvages

By MeiPlnk

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Ils étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. I... More

Prologue
Duquesa
La Descente
Obscurité Cauchemardesque
Face aux flammes
Da-jee-ha
Pieds Nus
Retour parmi les vivants
Maternelle et mort
Ah'na-kolchee
Expédition funéraire
Jesus est dans ton coeur
Mauvaise Fierté
Odyssée sauvage
La Faille
Premiers amours
Gélule surprise
Fuite Révélatrice
Foyer
Manifestation
Grand départ
Nokomis
Retour aux sources
Le bien, le mal, et le reste
Maudite
Lemp'herta
Cha'na e pa'hri
Colocation sous haute tension
Disparue
Invité mystérieux
Ab'hel-kee
Un mariage heureux
Sustentation
Un invité pour manger
Le Réseau
Saveriu Santoni
Rude Massage
Footing Nocturne
Confrontation
Piste du passé
Soirée à proximité
La vérité finit toujours par refaire surface
Moh'Lag, Colère d'Ukko
Espoir Obscur
L'œil d'un million d'yeux
Le Voile
Epopée hivernale
Enquête dans le blizzard
Rancune familiale
Au cœur de la haine
Descente à la cave
Le coût de la vie
Tension
Fête au village
Baleine
Humaine uniquement d'apparence
Retour à l'appartement
Neurotoxine volante
Appel Inattendu
Hypothèse douteuse
Pour un plus beau moment
Il pleuvait, ce jour là
Libérez Hen'Ruay
La chasse aux démons
Point de rupture
Valses sentimentales
Premier Tour
Deuxième tour
Sueur nocturne
Emilie
Marc Lange
Echange Nocturne
Sous le soleil du midi
Expiation
Epilogue
Mot de l'Auteure
Lexique Suomen

Taa'kangow'a

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By MeiPlnk

Le froid glacial mordit ma peau dès que la porte du van s'entrouvrit, laissant l'air nocturne remplacé celui vicié des respirations de la troupe de suomen qui y était entassée. En l'espace de quelques instants, je me sentis frigorifiée, comme si une chappe de neige s'était effondrée sur moi. La simple chemise que je portais, ainsi que mon pantalon en tissu fin, n'étaient décidément pas suffisants à me protéger du froid qui régnait encore en soirée, en ce début de février. Les deux guerrières les plus proches de la porte sortirent et se placèrent de part et d'autre du véhicule pour faire le guet. Un autre sortit à leur suite et alla frapper à une porte, toute proche de l'endroit où le van s'était garé en double file. La petite rue de la banlieue parisienne, proche de la voie de chemin de fer, était silencieuse comme une tombe, et les guerriers qui m'entouraient l'étaient tout autant. Je pouvais ressentir la tension en chacun d'entre eux, dans leur mouvement compulsifs, dans leurs regards fixes, et dans les courtes phrases qu'ils se lançaient de temps à autre. 

Je frissonnai, et, tout en tentant de trouver une position plus confortable, poussais une légère exclamation de douleur.

-Moins de bruit, Kinn'rehi-meh'na. M'intima Da-jee-ha, à voix basse, toute proche de moi.

-Je t'y verrais bien, avec des liens aussi serrés. Râlais-je en remuant mes épaules, tentant de desserrer quelque peu la corde qui liait mes bras le long de mon buste - sans succès. 

-Ca devoir être réaliste. Répondit-elle, le regard fixe et empli de détermination. Toi avoir vécu pire.

-Mais moi pas avoir apprecié plus que ça d'être dans de pires situations. Ironisai-je. Si tu m'avais expliqué ton plan avant qu'on parte, j'aurai refusé immédiatement.

Da-jee-ha me répondit par un sourire énigmatique.

-Ca être raison pourquoi moi avoir révélé plan après départ. 

Cette explication, loin de me rassurer, me plongea dans une fébrilité plus forte encore. La sensation de cette corde autour de mes bras et liant mes poignets dans mon dos me rappelait bien trop de mauvais souvenirs. Je savais que Da-jee-ha n'avait pas pensé à cela en construisant son plan. Après tout, si j'avais un défaut à attribuer à tous les suomen, c'était leur problème avec les traumas. Que ce soit Da-jee-ha, Nokomis, ou même Hen'Ruay avant elle, toutes avaient tenté de tenir cacher leurs blessures le plus longtemps possible, comme si révéler leur faiblesse devait être vu comme une honte - et dans une société prônant autant la force, c'était probablement la raison. 

-Et si Moh'lag décide de me tuer sur place, hein? Que vas-tu faire? Repris-je. 

-Elle pas faire ça. Elle vouloir se servir toi pour attirer Nokomis. 

-Ca tu n'en sais rien du tout. C'est juste parce que je te l'ai dit, mais elle pourrait avoir changé de...

-Je savoir car elle l'avoir dit à moi, Kinn'rehi-meh'na. Toi te rappeler que moi avoir prétendu vouloir te capturer pour approcher Moh'lag. 

-Elle n'a pas dû hésiter longtemps à te croire, vu que tu lui avais déjà commandité ma mort. Grognai-je avant de réaliser ce que je venais de dire, et de relever des yeux coupables vers Da-jee-ha.

-Pardon...

-Ca pas être grave, Kinn'rehi-meh'na. Moi avoir fait erreurs dans passé. Mais moi heureuse que elles servir maintenant pour réparer le mal que moi avoir causé. Moh'lag veut toi vivante. Moh'lag pas savoir que toi avoir été à Ar'henno pendant longtemps. Moh'lag donc croire que moi veux toujours toi morte. 

-Et ce n'est pas le cas, hein? Rassure moi. Plaisantai-je à moitié. 

Ce n'était pas que je ne faisais pas confiance à Da-jee-ha. J'avais juste une certaine appréhension à l'idée d'être attachée au milieu d'une troupe de suomen, tout en m'apprêtant à être emmenée au milieu d'une troupe encore plus importante de suomen en tant que trophée, mais surtout d'appât. Avant de parvenir à retrouver Ad'ehko, Da-jee-ha et les siens avaient contacté la seule personne qu'ils connaissaient à Paris -Moh'lag. Mon amie avait fait croire qu'elle était également à ma poursuite. Qu'elle venait me livrer ce soir. Un plan pour pouvoir s'infiltrer avec ses guerriers au cœur du QG des traditionalistes à Paris, et capturer leur cheffe. Je savais que cela ne se passerait pas sans combat. Et je savais surtout que, pour que le piège se referme, j'allais devoir être menée, saucissonnée ainsi, jusqu'à la maîtresse des Suomen, recherchée par la police depuis des mois pour mon enlèvement, mais qui était parvenue à se terrer en sécurité jusqu'ici. 

J'avais imaginé qu'elle avait fui pour trouver la sécurité des terres ancestrales suomen, là où la justice française n'aurait jamais pu l'atteindre. J'admets que j'avais sous estimé son courage. Le combat devait être mené à Paris, et c'était là qu'elle devait rester, quelle que soient les risques encourus. Si elle ne voulait pas à ce point me tuer, peut être l'aurai-je admirée pour ça. 

Peut-être, seulement. 

Quelques éclats de voix résonnèrent dans la rue, puis retentit le grincement caractéristique de l'ouverture d'une porte de garage. Les trois guerriers d'Ar'henno déjà sortis dehors suivirent le van alors qu'il redémarrait et pénétrait dans la cours du bâtiment devant lequel il était auparavant garé. Derrière nous, la large porte basculante se referma et le choc du métal contre le sol résonna longuement d'une note sinistre. Je déglutis, et fus prise d'un violent accès de panique. Mais il était trop tard pour faire demi tour désormais, car nous étions dans l'antre de la bête. Les guerriers en étaient conscients. Da-jee-ha également. Elle tendit la main vers le baillon, jusque là simplement pendant mollement autour de mon cou, pour le glisser dans ma bouche.

-Pardon, Kinn'rehi-meh'na. Dit-elle alors.

S'excusait-elle pour la façon dont elle devait me traiter pour la réussite de la mission? Ou bien y avait-il une autre raison à cela? La peur s'insinua dans mes veine, infusant chaque goutte de mon sang qui se glaça alors que deux des guerriers d'Ar'henno me saisirent sans ménagement par les épaules et me poussèrent en avant pour me faire sortir du van, où je trébuchais pour m'affaisser sur la terre battue de la petite cours. Et je les vis pour la première fois. Tout autour de nous, aux fenêtres, portes, adossés aux murs. Tous Suomen, leur visages couverts de tatouages, leurs muscles saillants visible sous leurs tenues de combat, leurs armes à portée de main, et leur regard empli d'anticipation tandis qu'une main me saisissait par l'épaule pour me forcer à me relever. 

Les Taa'kangow'a. Les traditionalistes. Et, en leur centre, leur cheffe Moh'lag, dont l'expression était autant un mélange de surprise que de jouissance, rendue d'autant plus sinistre par l'imposante balafre qui parcourait son visage de son arcade gauche à sa lèvre. La terreur se saisit de nouveau de moi. Peu importait le plan. Je n'aurai pas dû venir. Je n'aurai pas dû accepter de me jeter, ainsi ligotée, dans la gueule du loup. Elle allait me tuer. Elle n'allait pas attendre que Nokomis le fasse pour elle, elle n'allait pas se satisfaire d'attendre aussi longtemps après que je lui ait encore échappé. Elle allait me tuer, là, maintenant, devant tous ses disciples, j'en eu la certitude profonde en croisant son regard froid comme l'acier dont il avait la couleur. 

La voix de Da-jee-ha résonna toute proche, et je réalisai seulement à cet instant qu'elle était celle qui me poussait vers la cheffe des Taa'kangow'a. Cela ne parvint pas à me rassurer. Je me mis à trembler comme une feuille, alors qu'elle me laissa m'effondrer à seulement deux mètres de Moh'lag, tout en discutant avec elle en suomen. La voix suave et chaude de son interlocutrice lui répondit, et elle s'approcha alors de moi pour me fixer, une expression de victoire sur le visage. C'était le moment d'agir. Les guerriers d'Ar'henno n'avaient qu'à se saisir d'elle et neutraliser ses guerriers tant qu'ils étaient encore pris par surprise. Sa main s'approcha de mon visage. Qu'attendaient-ils? Que se passait-il? Pourquoi n'agissaient-ils pas? Pourquoi... 

Moh'lag saisit mon menton entre ses doigts calleux, et le leva pour que son regard soit fixé dans le mien. 

-Il semble qu'Ukko veuille que tu finisse toujours par recroiser mon chemin, Ester... Susurra-t-elle. 

Mes yeux cherchèrent Da-jee-ha avec désespoir, mais la cheffe d'Ar'henno se contentait d'observer d'un air distant. 

-Comme tu trembles... continua Moh'lag. Tu sembles bien moins insolente que lors de notre dernière discussion. Peut être as-tu enfin compris que tu avais été trompée... et que tu n'avais plus la moindre issue. 

Je voulus lui répondre l'une de mes fameuses remarque cinglante, mais ma voix refusa de fonctionner, et ma mâchoire se contenta de trembler avec plus d'intensité encore.

-J'ai bien fait de patienter, Ester. Repris Moh'lag. Je savais que tu finirai par retomber dans mes filets. Tu nous a causé bien des difficultés, tu sais? A cause de toi, notre cause semble de plus en plus compromise. Tu as donné des ailes aux lâches qui plient le genou devant les opresseurs de notre peuple, tu les a nourri d'un espoir factice, tu leur a fait croire qu'ils pourraient être acceptés sans même avoir à prendre les armes. Quelle fourbe es-tu, Ester... Quelle immonde petite fouineuse, qui ne comprend pas la moindre des choses et pourtant est si prompte à croire tout savoir de tout... 

Les yeux de la cheffe semblaient jeter des éclairs, et sa voix monter en puissance comme si sa colère et sa haine prenaient forme. Ses doigts serraient mon menton au point de m'en faire mal, mais la terreur qui me dévorait les entrailles était bien plus douloureuse. Da-jee-ha... ne faisait rien. Ni elle. Ni les autres habitants d'Ar'henno. Aucun n'agissait. Aucun... 

J'avais été trahie. Quelle imbécile j'étais. Ils n'avaient jamais eu l'intention de m'aider. Ils avaient simplement tenté d'acquérir ma confiance, le tout pour mieux me mener là où ils le désiraient, directement aux pieds de leur cheffe, où ma vie ne tiendrait alors plus qu'à un fil. Les larmes me montèrent aux yeux. Le choc était tel que j'en avais du mal à respirer. Qui viendrait me sauver, cette fois? 

Personne. J'étais seule. Abandonnée. Condamnée. Et j'étais celle qui m'étais ainsi jetée dans la gueule du loup qui, tapi dans l'ombre, n'avait attendu que ça pendant si longtemps. 

-Ne pleure donc pas, Ester. Railla Moh'lag. Tu t'es bien battue pour une kowo. Avec les armes à ta disposition, bien sûr, et sans le moindre honneur, comme tous ceux de ton espèce, mais tout de même. Une adversaire digne, qui m'aura donné du fil à retordre. Tu sais, ma fille aurait eu à peu près ton âge si elle était encore en vie. Par Ukko, j'ose même dire que tu lui ressemble bien trop pour ton propre bien. Mais à cause des tiens, elle est morte à Ten'mak-ol, comme tant d'autres. Et maintenant te voilà, une petite aristocrate venue de loin pour tenter de faire croire que tu peux comprendre mieux que nous nos propres combats. Il n'y aura jamais de paix entre les enfants d'Ukko et les kowos. Il n'y aura jamais de fin à cette lutte à mort, et tout ton travail acharné n'y changera rien. Tu t'es bien battue, comme je l'ai dit. Mais, finalement... tout ça aura été inutile. Alors sèche donc ces larmes, Ester. Soi digne face à la défaite. Soi digne face à la mort. Ukko accueille toutes les âmes sans discrimination. 

Da-jee-ha prit la parole pour la première fois, tandis que je tentais de retenir mes larmes, mais mon corps était parcouru de spasmes pathétiques, et je ne pouvais retenir les hoquètements pathétiques qui sortaient de ma bouche et faisaient ricaner les traditionalistes. 

-Toi avoir dit vouloir utiliser elle pour Nokomis.

-Ca n'est plus utile, Da-jee-ha-meh'na. Tu as longtemps hésité à choisir ton camp, je le sais, et les paroles empoisonnées d'Hen'Ruay ont longtemps obscurci ton esprit. Mais aujourd'hui, tu as fait tes preuves. Nokomis viendra à toi, car tu es la seule personne qui lui reste. Et, en venant à toi, elle viendra à nous. Elle rejoindra les vrais enfants d'Ukko. Et, alors, notre victoire sur les lâches fidèles d'Hen'Ruay sera absolue. 

Moh'lag se saisit de la lame qui pendait à sa ceinture et s'approcha de moi. Je n'avais plus la force de faire quoi que ce soit d'autre que d'observer la mort approcher, le regard vide. Elle baissa mon bâillon avant de placer le tranchant de sa lame contre ma gorge. La morsure glacée du métal me fit frissonner, et j'eus si froid que j'eu l'impression d'être déjà morte. 

-Je crois que les kowos aiment bien avoir une dernière parole avant de partir. Lâcha Moh'lag. Parles, mais ne sois pas trop long.

Mon esprit déjà embrumé chercha quoi que ce soit à dire, une idée, une remarque cinglante, peut être juste un moyen de partir sur une dernière pique face à l'inéluctable. Mais rien ne vint. Rien d'autre que le souvenir d'une odeur sauvage, d'une crinière couleur feu, de la douceur des lèvres et de la douleur de la séparation. Le visage de Nokomis, sa voix, la forme de son corps, de son visage, la silhouette de ses tatouages, de ses seins, de ses hanches, ses muscles saillants, ses remarques assassines, ses moments de vulnérabilité, les longs footing dans le froid de l'automne et les douces soirées au chaud de notre petit appartement. Il n'y avait qu'une chose que j'avais besoin de dire.

-Da-jee-ha... prends soin de Nokomis. 

Le masque d'impassibilité de la cheffe d'Ar'henno laissa apparaître une craquelure, mais reprit rapidement contenance. 

-Nokomis te haïra comme tous les Suomen le devraient. Déclara Moh'lag. Mais elle sera choyée comme ses frères et soeurs, et se battra avec nous jusqu'à la victoire ou la mort. Car telle est la voix qu'Ukko a tracée pour son peuple. Et tu vas maintenant aller le rejoindre. 

Moh'lag leva sa lame. 

Son regard aussi froid que le métal de son arme me fixa avec une intensité telle que j'aurai pu prendre feu.

Je fermai les yeux. 

Le tranchant siffla dans l'air. 

Une main me poussa en arrière et je perdis l'équilibre, m'écrasant sur le sol de la petite cours. Une rumeur enfla immédiatement et, ne comprenant pas comment j'étais encore en vie, j'ouvris les yeux pour voir que Da-jee-ha m'avait poussée hors de la trajectoire de la lame de Moh'lag. Cette dernière la fixait avec un regard plus noir que le ciel nocturne qui s'étendait au dessus d'elle. 

-A quoi joues-tu, Da-jee-ha-meh'na?

-Moi pas être ta meh'na, Ukkan'ro Moh'lag. Mais Kinn'rehi-meh'na, elle l'être. Toi avoir tenté de tuer membre de ma famille. En vertu loi suomen, moi te défier en combat singulier. 

Les yeux de Moh'lag roulèrent de rage dans leur orbite, et elle se tourna immédiatement vers moi.

-C'est encore une de tes manigances, Ester? Clama-t-elle. Que lui as-tu promis en échange de cette folie? Tu...

Son regard s'attarda longuement sur mon oreille. Ma chute avait rejeté sur mon visage la mèche de cheveux qui avait auparavant caché la boucle l'ornant désormais, preuve de mon appartenance au clan d'Ar'henno. Preuve que j'étais membre de sa famille. 

Un rugissement parcourut les rangs des Taa'kangow'a, tandis que Moh'lag les haranguait dans leur langue en montrant du doigt mon oreille, tandis que les guerriers d'Ar'henno, eux, se resserraient autour de moi et de Da-jee-ha qui, stoïque, faisait face à la fureur de Moh'lag avec un calme Olympien. Elle finit par l'interrompre, et clama d'une voix haute une série de phrases sur un ton de défi. Je parvins à comprendre que le duel qu'elle avait exigé en français venait simplement d'être officialisé par ces quelques mots quand, toujours emplie de fureur, Moh'lag cessa s'haranguer les siens et se redressa. 

Tandis que tous les suomen présents dégageaient la petite place pour laisser un espace circulaire dans lequel les deux cheffes se firent face, Neh'mu, le berger d'Ar'henno s'approcha et de moi dans mon dos et vint trancher mes liens tout en m'aidant à me relever. Mes jambes étaient encore tremblante, et je dû donc m'appuyer sur son épaule pour me tenir debout. Cependant, je n'en oubliais pas la situation dans laquelle nous nous trouvions. Da-jee-ha avait-elle prévu tout cela depuis le départ? Ou bien l'avait-elle décidé lorsque je lui avais demandé de veiller sur Nokomis? Mais que se passerait-il si elle perdait face à Moh'lag? Et si elle se faisait tuer? Et même si elle tuait Moh'lag, que nous arriverait-il, seules au milieu de ses disciples, clairement en infériorité numérique. 

-Da-jee-ha! L'interpellai-je. 

Elle tourna son visage vers moi, et me fit un petit sourire, avant de se placer face à Moh'lag. Toutes deux sortir leurs lames, sortes d'imposantes machettes que les suomen semblaient particulièrement apprécier. Puis, un silence mortel s'abattit sur l'assemblée, alors que les deux cheffes commencèrent à tourner en rond, l'une face à l'autre, au milieu du large cercle formé par les guerriers suomen. Je déglutis, me tenant à bonne distance de la foule, consciente qu'il valait mieux ne pas trop s'approcher d'aucun des traditionalistes. Mon regard fixait avec appréhension les deux cheffes. Da-jee-ha était bien plus jeune que Moh'lag, qui devait être déjà dans sa cinquantaine. Cependant, cette dernière semblait particulièrement expérimentée et effrayante. La terrifiante cicatrice qui lui balafrait le visage ne lui avait certainement pas été faite par un loup, et les rides ornant son visage contrastaient avec la largeur des muscles qu'elle faisait apparaître, autant sur ses jambes que sur ses bras. Je n'avais jamais vraiment vu Da-jee-ha se battre. Elle donnait l'impression d'être confiance, mais qu'en était-il vraiment? Peut être avait-elle joué sur l'âge de son adversaire? Ou bien avait-elle agi sur le moment sans réfléchir aux conséquences, ne voyant pas d'autre solution pour m'empêcher de mourir? 

Malgré le silence mortel qui régnait dans la petite cours, ma voix sembla décider de pouvoir fonctionner de nouveau.

-Vas-y, Da-jee-ha-meh'na! Criais-je, m'attirant une foule de regards haineux et choqués. 

Ce fut le moment que choisit Moh'lag pour attaquer. Elle fondit tel un oiseau de proie sur Da-jee-ha, et abattit sa machette, ne laissant qu'un court instant à son adversaire pour esquiver, avant de se reprendre et de réitérer son attaque avant que la cheffe d'Ar'henno ait finit de se relever. Cette dernière para, et tenta de balayer Moh'lag d'un coup de pied, mais cette dernière résista et écrasa la jambe de Da-jee-ha sous son pied. Elle parvint à s'en échapper, ma la machette de Moh'lag trouva un chemin dans la peau de l'épaule gauche de la cheffe d'Ar'henno. Pantelante, cette dernière se releva, sembla constater rapidement l'importance de la blessure, avant de se replacer.

Désormais, le silence qui avait régné avant le début du combat s'était définitivement évanouie. Tous les guerriers criaient, hurlaient, scandaient des mots incompréhensibles et des invectives dans toutes les directions. Cependant, aucun ne semblait en venir aux mains avec les autres, comme si seul comptait le résultat du combat à mort que se livraient leurs deux cheffes. 

Ce fut une nouvelle fois Moh'lag qui engagea les hostilités, avec la même rapidité, mais fondant cette fois ci directement sur le flanc blessé de son adversaire. Da-jee-ha s'y attendait, et son genou vola directement en direction du visage de la cheffe des Taa'kangow'a qui esquiva, mais se trouva trop proche pour porter une attaque avec sa machette. Da-jee-ha réitéra sa tentative de balayage qui, cette fois-ci, porta ses fruits, et sa lame alla mordre la chair du ventre de Moh'lag alors que cette dernière, tombée au sol, roulait sur elle même pour s'éloigner de son adversaire. Profitant de cette situation, Da-jee-ha passa à l'offensive alors que Moh'lag se relevait, et cette dernière parvint à attraper le poignet tenant la machette de son adversaire et le tordit avec force pour la forcer à la lacher, tout en tentant d'abattre sa propre arme. La cheffe d'Ar'henno parvint alors également à l'attraper au poignet, mais, dans un grognement de douleur étouffé par les clameurs alentour, dût lacher sa propre machette. Elle envoya alors un violent coup de pied dans le ventre de Moh'lag, là d'où le sang commençait déjà à couler. Elle grogna et encaissa, mais Da-jee-ha ne lui laissa pas le temps de se reprendre plus, assénant un violent coup de tête sur son front. Les deux combattantes, sonnées, s'éloignèrent l'une de l'autre et titubèrent. Mais Moh'lag, apparemment plus résistante, fut la première à se reprendre, et alla ramasser la machette de la cheffe d'Ar'henno pendant que cette dernière reprenait son équilibre. Désormais désarmée, elle recula, tentant d'échapper à l'avancée implacable de la guide des Taa'kangow'a, qui avait un sourire carnassier sur le visage. Elle finit par attaquer, mais Da-jee-ha parvint à échapper au tranchant d'une des deux lames, la deuxième venant entailler sa tunique de cuire au niveau de l'épaule. Elle encaissa et se saisit de Moh'lag à bras le corps avant de, emportée par son élan, aller s'écraser sur elle quelques mètres plus loin. Profitant de son avantage, elle cloua les bras de son adversaire au sol et tenta du lui faire lâcher ses armes, mais cette dernière se débattit de toute ses forces pour tenter de retourner, essayant même de rendre la pareille en envoyant un coup de tête qui ne toucha cependant rien. Finalement, elle parvint à glisser un de ses pieds entre elle et Da-jee-ha et poussa, enfonçant sa botte dans le ventre de la jeune cheffe et lui coupant la respiration, assez longtemps pour parvenir à échapper à son emprise, non sans avoir fait tomber une des deux machettes que son adversaire ramassa. 

Il était cependant clair, même pour moi, que Moh'lag était bien plus essoufflée que Da-jee-ha, pourtant plus blessée qu'elle. Et la jeune cheffe sembla en être tout aussi consciente que moi. Elle ne laissa pas l'occasion à son adversaire, plus forte et expérimentée, de récupérer son énergie que l'âge lui avait tout de même peu à peu ôtée. Sa machette visa directement le poignet de la vieille cheffe, qui, dans un cri et une giclée de sang, lâcha son arme, tandis que Da-jee-ha, passant derrière elle, passa un bras sous sa gorge et commença serrer. Moh'lag se débattit avec force, essayant de se saisir de la machette de Da-jee-ha, tentant de lui donner des coups de pieds, ce que cette dernière empêcha en forçant sa captive à s'agenouiller, et en resserrant son emprise. 

Pendant plusieurs minutes, cette position s'éternisa, sous les huées et encouragement des guerriers, les coups de Moh'lag se faisant de moins en moins puissant et précis, jusqu'à ce que, privée d'air et de sang, la cheffe Taa'kangow'a perde connaissance. 

Une clameur s'éleva donc, puissante, parmi les guerriers d'Ar'henno, tandis que les Taa'kangow'a les regardaient d'un oeil mauvais, mais sans pour autant montrer le moindre signe d'agressivité. C'est alors que l'un d'entre eux accouru en criant quelque chose depuis la porte coulissante fermée, qui jeta tous les guerriers dans une panique soudaine. 

-Que se passe-t-il? M'exclamai-je, tout en traversant la petite foule à contre courant pour aller soutenir Da-jee-ha. 

-Police! Grogna-t-elle. Trop bruit. 

Elle cria quelques instructions à ses guerriers, et ces derniers s'emparèrent du corps inconscient de Moh'lag. En voyant cela, les Traditionalistes répliquèrent. Les armes furent sorties, et en un instant, l'anarchie s'empara de la petite cours. Plusieurs rafales d'arme à feu retentirent, des cris, des hurlement, des chocs, tandis que je conduisais Da-jee-ha à l'intérieur du van où les guerriers d'Ar'henno tentaient de se retrancher, l'un d'entre eux le faisant reculer sous l'alcove de l'entrée, protégeant ainsi ses passager des balles de Taa'kangow'a.

-La porte est fermée! M'exclamai-je. On ne peut pas sortir comme ça! 

Ce ne fut pas l'avis des guerriers qui, sans attendre, refermèrent les portières du van sur nous tandis que le pilote, après avoir pris un peu d'élan, fit reculer le véhicule, passant à travers l'imposante porte coulissante de la part de laquelle je m'attendais à plus de résistance. A l'extérieur, médusés, deux policiers ayant sorti leur arme, leur voiture garée en travers de la route, et ayant très probablement déjà appelé des renforts. 

Il n'était pas venu le temps d'hésiter, et notre conducteur plaqua son pied au plancher, et notre van s'éloigna à vitesse grand V du QG des Taa'kangow'a. Notre signalement avait sûrement été donné, la tension était donc loin d'être nulle. De plus, deux des guerriers avaient été touchés par des balles, et une guerrière y était restée, son corps gisant à l'arrière du van au côté de celui, toujours inconscient, de Moh'lag. Je réalisai alors qu'il s'agissait de l'une des deux guerrières que j'avais vu, la veille, rire aux éclats en zappant les chaînes de la télévision. Ma gorge se serra. J'avais survécu, une fois de plus, et nous avions capturé Moh'lag. Mais, jusqu'au bout, ni Da-jee-ha ni les siens ne m'avaient dit quel était leur vrai plan, et je ne pouvais que ressentir un profond malaise à l'idée du prix que devait encore coûter aux suomen cette lutte.

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