Sauvages

By MeiPlnk

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Ils étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. I... More

Prologue
Duquesa
La Descente
Obscurité Cauchemardesque
Face aux flammes
Da-jee-ha
Pieds Nus
Retour parmi les vivants
Maternelle et mort
Ah'na-kolchee
Expédition funéraire
Jesus est dans ton coeur
Mauvaise Fierté
Odyssée sauvage
La Faille
Premiers amours
Gélule surprise
Fuite Révélatrice
Foyer
Manifestation
Grand départ
Nokomis
Retour aux sources
Le bien, le mal, et le reste
Maudite
Lemp'herta
Cha'na e pa'hri
Colocation sous haute tension
Disparue
Invité mystérieux
Ab'hel-kee
Un mariage heureux
Sustentation
Un invité pour manger
Le Réseau
Saveriu Santoni
Rude Massage
Footing Nocturne
Confrontation
Piste du passé
Soirée à proximité
La vérité finit toujours par refaire surface
Moh'Lag, Colère d'Ukko
Espoir Obscur
L'œil d'un million d'yeux
Le Voile
Epopée hivernale
Enquête dans le blizzard
Rancune familiale
Au cœur de la haine
Descente à la cave
Le coût de la vie
Tension
Fête au village
Baleine
Humaine uniquement d'apparence
Neurotoxine volante
Appel Inattendu
Hypothèse douteuse
Taa'kangow'a
Pour un plus beau moment
Il pleuvait, ce jour là
Libérez Hen'Ruay
La chasse aux démons
Point de rupture
Valses sentimentales
Premier Tour
Deuxième tour
Sueur nocturne
Emilie
Marc Lange
Echange Nocturne
Sous le soleil du midi
Expiation
Epilogue
Mot de l'Auteure
Lexique Suomen

Retour à l'appartement

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By MeiPlnk

-Ton âge?

-Non.

-Ta date de naissance?

-Non plus.

-Per dios, ta couleur préférée au moins?

-Rose.

-Ah!

-C'était un mensonge.

Je jetais un regard assassin à la grande lyonnaise qu'elle ne saisit pas, assise sur le siège conducteur, tandis que j'étais cachée à l'arrière, un masque sur le visage et une gavroche bien enfoncée sur la tête. Nous conduisions au milieu du dense trafic nocturne du centre parisien, en direction de mon appartement. Les virements pour sa location n'avaient pas stoppé, et il n'y avait donc aucune raison pour que je ne puisse y retourner - sinon le fait que le monde entier connaissait désormais sa position, autant les traditionalistes qui avaient pu s'y infiltrer pour m'enlever que le Réseau, le policier m'ayant tiré dessus y ayant résidé pour veiller à ma sécurité quelques jours - bien qu'ils devaient déjà être au courant depuis longtemps, s'ils me tenaient à l'œil. Le départ de chez Ab'hel-kee s'était fait sans difficulté malgré les protestations du vieil homme, Sang étant définitivement aussi incisive et assurée qu'elle en donnait l'impression. Mais l'idée de partir avec cette femme dont je ne savais rien me mettait sur les charbons ardents, raison pour laquelle je l'assassinais de questions à son sujet.

-Pourquoi tu tiens à ce point à savoir des choses sur elle si elle ne tient pas à en révéler? Demanda Santoni dans un soupire. 

-Parce que je ne tiens pas vraiment à laisser ma vie entre les mains d'une parfaite inconnue? Rétorquai-je, comme si c'était la chose la plus évidente du monde. Qu'elle me dise quelque chose de secret à son sujet comme preuve de bonne foi me semble être un minimum.

-Tu n'as jamais eu de telles scrupules lorsque tu travaillais avec moi. Fit remarquer le Corse. 

-Parce que tu étais payé, et que tu ne travaillais pas à ma sécurité personnelle. Grognai-je. Sans levier, c'est une relation à sens unique, et je n'ai pas la moindre idée de ce qui motive notre ange gardienne mystère. 

-Jte l'ai déjà dit, répondit la concernée, mais si j'avais voulu vous faire quoi que ce soit, je l'aurai déjà fait il y a longtemps. Quant à mes motivations, je les garde pour moi, comme vous gardez les votre, et tout le monde est content. Capishe? 

-Il y a pas à dire, tu sais vraiment mettre les gens en confiance. Raillai-je avant de me reculer dans mon siège, tendue comme un arc prêt à décocher sa flèche.

Mon regard se perdait par la fenêtre sur les lumières nocturnes de la ville, qui, sans que je veuille l'avouer, m'avaient manquées pendant ce séjour à montagnard. Mais elles étaient aussi autant de phares risquant de permettre à un inconnu de reconnaître mon visage au travers de la vitre. La peur me tordait le ventre, l'anxiété me tenait à la gorge. La sécurité d'Ar'Henno devait me manquer au moins autant que le confort de mon appartement, me poussant dans une situation étrange et contradictoire où j'avais tout aussi que hâte que j'étais terrifiée à l'idée d'atteindre notre destination. Je me contentai donc de me recroqueviller plus profondément dans mon siège, mes bras serrés, mes pensées cherchant un réconfort éphémère dans le souvenir de Nokomis.

Le retour dans cette rue de laquelle j'étais partie au travail tant de fois me fit un drôle d'effet. Le grand immeuble haussmannien n'avait en rien changé, bien sûr, comme un monolithe de pierre insensible aux changements du temps et des êtres l'habitant. Sang et Santoni sortirent en premier de la voiture pour observer le périmètre et contrôler l'absence de potentiels risques, sous les regards indifférents des passants parisiens. Cela fait, je sortis de l'habitacle et m'avançais non sans appréhension vers la porte du bâtiment, que j'ouvris. 

-J'aurai dû appeler pour faire changer la clef... dis-je dans un souffle en pénétrant dans le hall. 

-C'est un peu tard, mais ça pourra encore se faire. Fit remarquer Santoni, tandis que nous appelâmes le minuscule ascenseur.

Mon cœur se serra au point de me faire mal lorsque j'arrivais devant l'imposante porte de chêne marquant l'entrée de l'appartement. Notre appartement, vide et gelé depuis le départ de ses deux habitantes. Je poussai une profonde inspiration et m'avançai, lorsque Sang me saisit par le bras.

-Qu'y a-t-il? Fis-je, quelque peu agacée.

-Une intuition. Répondit la mystérieuse femme en tendant une main vers moi. Clef.

-Je peux encore ouvrir une porte moi même. 

Le regard qu'elle me lança me gela une nouvelle fois sur place, et elle saisit le petit embout métallique de ma main pour s'avancer vers la porte. 

-Ca ne semble pas avoir été forcé. Fit remarquer Santoni qui s'était engagé à sa suite. C'est plutôt bon signe.

-Jserai pas si optimiste. Rétorqua Sang en entrant la clef dans la serrure, avant de pousser la porte. 

Il régnait dans le séjour une obscurité toute relative, les volets étant ouvert et laissant filtrer le peu de lumière provenant des lampadaires en contrebas. Tout semblait être dans l'état où je l'avais laissé, en ordre, une assiette solitaire trainant sur la table comme si je n'avais quitté le lieu que quelques heures au lieu de plusieurs mois. Personne ne semblait être passé depuis. 

-Il semble que mes craintes n'étaient pas fondées, finalement. Dis-je en appuyant sur l'interrupteur. 

-A première vue, en tout cas. Commenta Sang. 

Une lumière douce et diffuse se répandit alors dans la pièce, et un étrange sentiment de nostalgie s'empara de mon être. Je crus presque apercevoir Nokomis aux fourneaux en me tournant vers la cuisine, séparée du séjour par le bar auquel nous avions passé de longues heures à boire tout en discutant. Passant une main sur le bois de celui-ci, je pénétrai dans l'antre de ma cuisinière attitrée et y ouvris le frigo, dans lequel les quelques plats qui étaient restés avaient quelque peu mal vécu ma longue absence. Une bouteille de crémant trônait fièrement dans la porte comme une invitation à se laisser aller. J'en oubliais presque l'inconnue qui venait de pénétrer sous mon toit.

-Un petit verre pour fêter le retour à la maison? 

-Parles pour toi. Grogna Santoni, mais je me doutais bien qu'il ne serait pas celui qui refuserait de boire après sa longue période de sobriété forcée. 

-Que proposes-tu? Demanda Sang en s'approchant, l'air soudain intéressé. 

Je lui montrais la bouteille, qu'elle saisit sans même attendre que je le lui permette. Elle lu rapidement l'étiquette, puis se baissa pour observer le reste du contenu du réfrigérateur. 

-Il n'y a rien d'autre si cette bouteille ne te conviens pas. Grognai-je. 

-Tant mieux, car elle me convient parfaitement. Je cherche simplement de quoi la sublimer. 

Elle se saisit de quelques bouteilles de sirop et flacons d'aromate, puis ouvrit la bouteille en deux temps trois mouvements avant d'en verser le contenu dans trois coupes avec les gestes précis et gracieux de quelqu'un ayant l'habitude de servir ainsi. Puis, sans que je puisse voir précisément ce qu'elle faisait, elle assaisonna et mélangea quelques gouttes d'autres liquides à la mixture, avant de se retourner pour nous tendre les verres contenant son cocktail fait maison.

-Fait avec les moyens du bord, mais plutôt correct. Se vanta-t-elle. 

Je regardai la coupe qu'elle venait de me tendre avec prudence. Qu'avait-elle mis la dedans au juste? Si c'était une tentative d'empoisonnement, c'était le crime presque parfait. Il n'y avait pour témoin que le vieil Ab, et personne ne semblait être passé par l'appartement depuis mon départ, ce qui signifiait probablement que personne d'autre n'y passerait une fois que les corps froids de Santoni et moi y girions. Je relevais mon regard vers celui de la grande femme qui, en le remarquant, soupira avant de me prendre ma coupe des mains et d'y boire une longue lampée. 

-C'est pas empoisonnée, ma belle. 

-Je ne suis pas ta belle. Grognai-je. Et j'ai passé bien trop de temps avec des personnes capables de boire du poison à la bouteille sans broncher pour être convaincue. 

-Ne me dis pas que tu me prends pour une suomen. Ricana Sang. J'ai simplement longtemps travaillé en tant que bartender, j'ai une bonne encyclopédie de cocktails là dedans.

Je la fixai un long moment, cherchant à déterminer si elle mentait ou non, tandis qu'elle me rendait mon verre. Il semblait clair qu'elle n'était pas suomen en effet, n'ayant ni leur blondeur platine, ni la couleurs gris acier de leurs yeux, sans même parler des tatouages tribaux ou des innombrables boucles d'oreille. Mais était-ce suffisant? N'étais-je pas complètement paranoïaque? Mais comment ne pas l'être, après avoir été quasiment tuée par ceux-là même qui devaient me protéger? 

Santoni décida que je l'étais, et descendit son verre d'une seule traite après avoir haussé les épaules. 

-Délicieux! S'exclama-t-il avec enthousiasme. 

-Pas vrai? Rétorqua Sang avec un sourire entendu. Dommage qu'Ester rate ça. 

-Vale vale, j'ai compris. Soupirai-je en trempant mes lèvres dans le liquide qui n'avait plus guère la couleur dorée du crémant. 

C'était étonnamment bon. L'amertume de l'alcool était adoucie par une pointe de sucre qui ne recouvrait pas tous les aromes, et un léger goût épicé venait titiller la langue et réveiller les sens. Sans réinventer la mixologie, c'était un cocktail apaisant à boire sans y penser, au risque, peut être, d'en avoir un peu trop. 

-Elle n'ose pas le demander, mais elle aimerait bien connaître la recette. Plaisanta Santoni en me glissant un coup de coude, le genre de comportement que je ne l'aurais jamais imaginé avoir avec un client, encore moins moi, il y a de cela bien peu de temps. 

-Stupido. Arrête de dire des bêtises.

-Je révèle mes secrets de fabrication qu'aux initiés, de toute façon. Clotura Sang en vidant elle même son propre verre. 

La soirée continua, verre après verre, la bouteille étant cependant bien trop peu remplie pour supporter le rythme de boisson infernal du corse, tandis que Sang semblait plus proche de mon propre type de consommation, à savoir un descente lente par courtes petites gorgées pour profiter au maximum des aromes. Vint cependant un moment où il fallut se résoudre à cesser, à savoir celui où la dernière goutte d'alcool tomba dans le verre de Santoni. 

-Eh bien, cette bouteille a pas fait long feu. Sourit Sang. 

-Je commence à fatiguer un peu, de toute manière. Répondit le Corse. Eh, Rosonn, on se répartit les chambres comment? 

-Tu peux utiliser mon bureau, il y a un lit dont je ne me suis jamais servie. Quant à Sang... 

-J'ai vu une chambre au rez de chaussée, en faisant un tour rapide tout à l'heure. Ca me permettra d'être en première ligne si jamais il y a un... problème.

-Non.

Mes lèvres bougèrent avant que mon esprit ne les en empêche, mais c'était plus fort que moi. La chambre du rez de chaussée, c'était celle de Nokomis. Celle qu'elle avait quitté, certes, mais aussi celle où elle allait revenir, un jour, je le savais, et je refusais de voir quelqu'un d'autre qu'elle y dormir. Sur le moment, il ne me vint même pas à l'esprit que, quand elle serait de nouveau là, Nokomis partagerait probablement ma couche. La simple idée de voir Sang s'endormir à la place de ma belle rousse me donnait l'impression de trahir cette dernière.

Ni Sang, ni Santoni n'étaient déjà venus à l'appartement, et donc aucun des deux n'avait la moindre idée de ce refus catégorique. Je n'avais cependant pas d'autre chambre à proposer à la bartender, et étais consciente que ma justification était plus que bancale. 

-Ne me dis pas que tu préfère qu'elle dorme avec toi, Rosonn. Railla Santoni, que je fis taire d'un regard assassin.

-Aucun problème, je dormirai sur le canapé. Déclara la concernée, à ma grande surprise. 

-T-tu es sûre que ça ne te pose pas de problème? Demandai-je.

-Bien sûr que si, mais jsais que tu as probablement tes propres raisons et, comme jtai dit plus tôt, pas de question posée, ça vaut pour moi comme pour toi. Ce canapé a l'air super confortable, de toute façon. 

-I-Il l'est. Dis-je après une courte hésitation. J'ai eu l'occasion de le tester plusieurs fois. 

Ma main toucha malgré moi une des deux pierres noires que Nokomis m'avait offertes sur ce même canapé, attachée à mon oreille. Sang bailla ostensiblement.

-Bon, il serait temps de monter votre barda, là. J'ai voyagé toute la journée, je suis pas contre pioncer là. 

-Pas de problème. Je te monte ta valise, Rosonn. Lança Santoni, conscient des douleurs encore provoquées par ma blessure lorsque je portais des choses lourdes. 

Je restai donc seule face à Sang, assise au bar, contemplant le fond de ma coupe vide d'un air absent.

-T'es plus accessible que je l'aurai cru. Me lança la grande femme. Vis à vis de la télé, et tout.

-Je me demande bien d'où tu peux tirer ça. Rétorquai-je sans détourner mon regard. Je n'ai pas été des plus faciles avec toi.

-Et ça vaut aussi pour moi. J'ai juste quelques griefs envers les gens de la haute, mais ne le prends pas personnellement. 

-Oh, tu n'es pas la seule, ne t'en fais pas. Ricanai-je. Y avoir grandi ne rend pas les choses plus agréables.

-Je connais quelqu'un qui serait on ne peut plus d'accord avec ça. Répondit-elle, avec un rire sauvage. Les parents riches, hein...

-A qui le dis tu... Enfin, je suis indépendante et je n'ai plus guère de contact avec ma famille, mais j'imagine que, du point de vue extérieur, je reste une femme "de la haute". 

-C'est à dire que cette loc en plein Paris ne doit pas être à la portée de toutes les bourses, encore plus de nos jours qu'à l'époque.

-J'en déduis que tu as vécu à Paris.

-Peut être.

-C'était une affirmation. Dis-je en reposant mon verre. 

Un sourire que je ne pourrai qualifier que de carnassier apparut sur le visage de la femme.

-Tu sais remettre ton masque de condescendance aussi vite qu'il ne glisse, pas vrai...

-Toute une vie d'entrainement. Rétorquai-je.

Nous nous fixâmes quelques instants, comme se jaugeant réellement pour la première fois. 

-Dis moi, Ester, commença-t-elle, cette-

Elle fut interrompue par la voix puissante de Santoni qui résonna depuis l'étage.

-Oh, Rosonn, viens voir quelque chose un instant.

-Que pasa, la valise est trop lourde pour toi?

-Tu portes souvent tes chaussures à l'étage?

J'échangeai un regard intrigué avec Sang, puis montais à l'escalier aux marches transparentes, la bartender sur mes talons, pour trouver le Corse agenouillé dans le couloir, en train d'observer le sol près du mur. En me penchant au dessus de lui, je n'apercevais rien qui de particulier sur le parquet qui vaille la peine de s'y attarder. Jusqu'à ce qu'il pointe du doigt une trace très légère, le long de la plinthe, quasiment invisible à l'œil nu.

-C'est quoi ça? Dis-je d'une voix incertaine. 

-Une trace de pas. De la terre, plus précisément.

-Je me déchausse toujours en entrant. Rétorquai-je. 

Un silence s'abattit sur notre trio.

-C-Ca date peut être de mon enlèvement. Fis-je remarquer. Les traditionalistes ont probablement fouillé mon appartement, et je n'ai jamais vraiment fait le ménage depuis.

-Alors comment se fait-il qu'il ne reste que cette trace là? Insista Santoni. Si tes ravisseurs sont ceux qui ont laissé cette terre, alors c'est étrange que je n'en ai trouvé nulle part ailleurs. Au contraire, j'ai plutôt l'impression que le ménage a été fait, vu la propreté quasiment immaculée du couloir... seul cette terre y a échapper à cause des planches inégales du parquet, et presque tout le monde serait passé à côté.

-Tu penses donc que des gens sont passés pendant mon absence. Dis-je en tentant le mieux possible de garder mon calme, tout en sachant pertinemment que je m'y étais tout de même attendue. 

-J'en suis à vrai dire quasi-persuadé. Répondit Santoni. Pas la police, la porte aurait été enfoncée. Mais traditionalistes ou agents du Réseau, ça, je ne pourrai pas dire. 

-Mais dans ce cas... qu'est-ce qu'ils y ont fait, si ils ne sont pas en train de nous attendre en joue dans une des chambres? Posé une bombe? 

Sang se releva d'un mouvement, et s'avança dans le couloir de l'étage d'un pas décidé.

-J'ai déjà posé les deux valises. Fit remarquer Santoni. Il n'y a personne d'autre que nous.

-Je sais bien que nous sommes seuls. Grogna Sang. Mais je sens qu'il y a un truc pas net depuis qu'on a passé la porte.

-Tu... sens. Nous voilà bien avancés. Raillai-je. 

Sans me répondre, elle passa une tête à gauche, dans la petite salle de bain, puis au fond dans mon bureau. Enfin, elle poussa la porte de ma propre chambre, et je l'y suivais lorsqu'elle y entra. Tout semblait en ordre. Mes placards parfaitement rangés comme je les aimais, ma table de nuit en ordre, le lit fait... 

-Je mets toujours mes oreillers au dessus des couvertures quand je fais mon lit. Dis-je en montrant du doigt les draps relevés bien au dessus des deux taies. Mais... pourquoi s'amuser à défaire mon lit, au juste?

Sang ne me laissa guère le temps de conclure qu'elle se saisit d'un des coins du drap et le tira d'un coup sec. Il ne semblait rien y avoir de spécial caché. Je me baissai pour voir si aucun engin démoniaque n'était caché en dessous mais rien ne s'y trouvait. Peut être à l'intérieur du matelas? Mais Sang, elle, continuait de fixer les draps qu'elle avait entre les doigts, et qu'elle faisait glisser comme de l'eau. Puis, elle releva sa main pour nous la montrer.

Une tâche rouge y était apparue et, bien qu'elle semble se résorber à vue d'œil, il suffit à la bartender de frotter sa paume sur un autre section du drap pour la faire reparaître. Je fus comme gelée sur place.

-Lâche ces draps. Dis-je d'un ton impérieux. Ils ont imbibé clairement été imbibés de poison. 

-Ne t'en fais pas pour moi. Commenta Sang en continuant de tâter différents endroits du lit désormais entièrement défait, avant de constater la couleur de sa paume. Le liquide a séché depuis longtemps, mais le principe actif est resté, et il aime particulièrement la peau... les oreillers ont été mis sous les draps probablement pour que le moins possible ne s'évapore dans l'air. 

-Arrête de toucher, te dis-je! Insistai-je en saisissant Sang par l'épaule pour l'empêcher de continuer son analyse. Si c'était à ma destination, alors c'était probablement mortel! 

-Je crois qu'on a une réponse à la fois sur l'identité des visiteurs et sur la raison de leur venue. Commenta Santoni.

-Tu penses aux traditionnalistes... dis-je. 

-C'est tout signé eux. Tu as dit qu'ils ont la clef, les suomen sont connus pour leur usage de poisons, et ils ont plus d'une raison de t'en vouloir après que tu leur ai échappé. Deux fois.

-Mais la deuxième fois, Moh'lag voulait me garder en vie. Fis-je remarquer, encore sous le choc de la découverte de Sang, mais tentant du mieux possible de garder l'expression la plus impassible. Elle aurait changé d'avis?

-La situation n'est plus exactement la même depuis ton passage télévisé. Répondit-il très justement.

-Rha, maudite soit-elle. Mettons ces draps à laver, j'appelle le serrurier dès demain. La police n'a toujours pas réussi à mettre la main sur elle malgré ma plainte, mais je pense de plus en plus qu'ils n'ont même pas cherché à faire quoi que ce soit si elle a eu les mains assez libres pour venir faire ça chez moi.

-Le serrurier est une bonne idée, mais je garde ces draps. Lança Sang.

-Pardon?

-Il y a du poison là dedans, et tout poison peut être analysé et permettre de peut être remonter à une piste.

-Peu m'importe de trouver une piste, la coupable est connue!

-Peu t'importe peut être, mais pas à moi. Ni à toi, j'imagine.

Elle s'était adressée à Santoni.

-En effet, je pense qu'analyser le composé peut être utile... A vrai dire, on a pas la moindre autre piste, alors autant espérer que cela mène à quelque chose. Je n'ai pas le matériel ni les compétences pour ce genre d'analyse, cependant.

Je jetai un œil à l'un puis à l'autre, puis, comprenant qu'ils ne comptaient pas revenir sur cette idée, poussais un soupir de résignation.

-S'il n'y a que ça à faire, alors je connais un spécialiste de la culture suomen. S'il est aussi pointu qu'il le prétend, il doit bien avoir quelques bases vis à vis de celle de leur poisons. J'avais prévu de le contacter de toute manière. Pour l'instant, laissons les choses telles qu'elles sont. Je vais dormir dans la chambre de Nokomis. 

Le regard de Sang se rétrécit, mais elle ne dit rien. Je descendis donc et refermais la porte derrière moi, avant de commencer à hyperventiler. Une nouvelle fois, j'étais passée à seulement quelques doigts du toucher glacé de la mort, et, sans l'intervention de Santoni et Sang, j'y serai passée. L'absence de Nokomis dans la chambre qui devait être la sienne ne m'aida pas à me calmer, et je pris une très longue douche, espérant peut être débarrasser ma peau de toute trace de poison mortel qui aurait pu s'y poser sans que je le sache. Et, quand il fut l'heure de dormir, je ne pus me résoudre à me glisser entre les draps, et alla donc m'asseoir sur le fauteuil du séjour, à proximité de Sang déjà assoupie sur le canapé, où je m'endormis finalement, non sans avoir passé un long moment à me débattre avec mon esprit en ébullition, dans lequel mes peurs refaisaient, une fois de plus, surface.



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