Sauvages

By MeiPlnk

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Ils étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. I... More

Prologue
Duquesa
La Descente
Obscurité Cauchemardesque
Face aux flammes
Da-jee-ha
Pieds Nus
Retour parmi les vivants
Maternelle et mort
Ah'na-kolchee
Expédition funéraire
Jesus est dans ton coeur
Mauvaise Fierté
Odyssée sauvage
La Faille
Premiers amours
Gélule surprise
Fuite Révélatrice
Foyer
Manifestation
Grand départ
Nokomis
Retour aux sources
Le bien, le mal, et le reste
Maudite
Lemp'herta
Cha'na e pa'hri
Colocation sous haute tension
Disparue
Invité mystérieux
Ab'hel-kee
Un mariage heureux
Sustentation
Un invité pour manger
Le Réseau
Saveriu Santoni
Rude Massage
Footing Nocturne
Confrontation
Piste du passé
Soirée à proximité
La vérité finit toujours par refaire surface
Moh'Lag, Colère d'Ukko
Espoir Obscur
L'œil d'un million d'yeux
Le Voile
Epopée hivernale
Enquête dans le blizzard
Rancune familiale
Au cœur de la haine
Descente à la cave
Le coût de la vie
Tension
Fête au village
Baleine
Retour à l'appartement
Neurotoxine volante
Appel Inattendu
Hypothèse douteuse
Taa'kangow'a
Pour un plus beau moment
Il pleuvait, ce jour là
Libérez Hen'Ruay
La chasse aux démons
Point de rupture
Valses sentimentales
Premier Tour
Deuxième tour
Sueur nocturne
Emilie
Marc Lange
Echange Nocturne
Sous le soleil du midi
Expiation
Epilogue
Mot de l'Auteure
Lexique Suomen

Humaine uniquement d'apparence

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By MeiPlnk

La vie chez Ab'hel-kee était bien loin de la frénésie qui régnait à Ar'henno, et la différence n'en était que plus flagrante que la transition entre les deux univers avait été brutale. En moins de dix heures, nous étions passés de la folie joyeuse d'une fête de village enfiévrée au milieu de la forêt enneigée au silence pesant d'une maison en majeure partie vide, sans grande autre occupation que celles sur lesquelles nous parvenions à mettre la main, conscient que mettre le nez dehors était un risque qu'il n'était pas bon de prendre. D'autant que nous logions chez quelqu'un qui pouvait être une cible de pression facile. En tant que suomen refoulé et frère d'Hen'Ruay, les traditionalistes devaient le connaître et ne pas le porter dans leur cœur. Quant au Réseau, il n'aurait probablement aucune scrupule à s'en prendre à sa famille si le besoin se faisait sentir, mais ils n'auraient sans doute même pas besoin d'en arriver là s'ils savaient où je me trouvais et décidaient de m'éliminer, comme ils l'avaient déjà tenté. Peut être avaient-ils abandonné l'idée? Après tout, même si j'étais venue à disparaître à ce moment là, cela n'aurait rien changé; mes actions avaient déjà un effet si immense que je n'avais plus le moindre contrôle dessus. Et restait cette question si insoluble: avions nous raison sur les causes de la collusion entre ces deux ombres que tout semblait opposer?

Bien évidemment, aucune réponse ne me vint pendant que Santoni et moi baillions aux corneilles dans une des chambres à l'étage de la demeure du vieil Ab, tuant l'ennui du mieux possible, attendant que quelque chose se passe et que le mois de janvier se terminait, laissant la voie ouverte à février. Le vieil Ab avait appelé sa connaissance de Lyon, supposée pouvoir être nos yeux et notre voix hors de la demeure, voire, potentiellement, nous permettre de la quitter afin de ne plus mettre le vieux frère d'Hen'Ruay en danger. De plus, ce dernier avait fait passer le message à Ad'ehko, le révérend suomen que j'avais rencontré à une époque qui me semblait désormais si lointaine, lorsque les seuls soucis dont j'avais à m'inquiéter étaient la finalisation de mon reportage et le fait de retrouver Nokomis. A l'époque, j'ignorai où elle était. Était-ce mieux que de la savoir derrière les barreaux? Je n'arrivais pas à le savoir. La simple mention de son nom, le simple souvenir de la douceur de ses lèvres sur les miennes, faisait naître en moi un torrent d'émotions, dominée par l'une d'entre elles, amère.

Un terrible manque. 

Le même qui me poussait encore à tenter de sauver la seule de mes proches perdus que je croyais encore accessible. Hen'Ruay n'était plus depuis presque six mois, déjà, et Thomas... je n'avais pas la moindre idée ni du lieux où il était retenu, ni de l'état dans lequel il était. A vrai dire, j'ignorai seulement s'il était encore en vie. Je priais chaque jour que les manigances de Moh'lag la pousse à trouver une raison convoluée de le garder en vie, peut être pour faire pression sur moi, mais je craignais de me faire des illusions sans pouvoir autant me résoudre à l'accepter. Moh'lag était une guerrière impitoyable. Elle haïssait tout autant les non-suomens que ceux des siens qui pactisaient avec l'ennemi. Elle considérait une collaboration pacifique avec le gouvernement comme une trahison impardonnable, comme une preuve de faiblesse, et une partie de moi pouvait comprendre ce ressentit. Mais cela signifiait également qu'elle préférait probablement tuer Thomas pour me faire mal, comme pure vengeance, que de faire pression sur moi. Que pouvait-elle me pousser à faire pour endiguer un mouvement qui était déjà à ce point lancé, après tout? Mais cela n'avait rien de rassurant, et les images d'un Thomas projeté dans le bûcher après avoir été criblé de flèches hantait mes nuits. 

Ad'ehko était, comme toujours, un homme occupé, mais il trouva cependant assez rapidement une occasion de nous répondre, pour nous expliquer que les tensions au sein de la communauté urbaine suomen étaient immense, et que sa propre position d'avocat de l'apaisement et de la discussion en faisait une cible récurrente des plus fervents traditionalistes. En conséquence, il considérait comme dangereux le fait de venir nous rencontrer chez Ab'hel-kee, conscient, tout comme je l'étais, du danger que cela pouvait représenter pour le vieil homme et sa famille. Nous nous mîmes alors d'accord pour repousser notre rencontre, et tenter au moins d'organiser les choses à distance pour commencer. Il était au courant de la manifestation à venir, et était déjà entré en contact avec les organisateurs. L'idée que j'y participe le ravissait autant que l'effrayait, car ma sortie en public signifiait un besoin de sécurité supplémentaire - mais j'étais déterminée. Il fallait juste que je reste à l'abri de mon anonymat le plus longtemps possible, et organiser les troupes pour cette sortie en puissance, que les médias annonçaient déjà comme un ras de marée. 

Tout ce qu'il manquait à cette équation, c'était donc une sécurité en laquelle j'ai confiance, et c'était là que le bas blessait. Car après les diverses péripéties que j'avais pu rencontrer, dire que je n'osais plus croire en grand monde était un euphémisme - c'était une policier chargé de ma sécurité qui avait tenté de m'abattre, après tout. Ab'hel-kee ne cessait de vanter les qualités de son amie lyonnaise, mais je n'étais pas aussi enthousiasmée que lui, surtout après qu'Ad'ehko m'ait dit à son sujet qu'elle "n'avait d'humain que l'apparence", ce qui était sans doute une énième de ses phrases au sens cryptique d'homme pieux, mais qui ne m'aidait pas vraiment à décider de faire confiance à cette inconnue qui devrait être chargée avec Santoni de ma sécurité, et en laquelle je devrais faire confiance pour toute mission risquant de me mettre en danger - pour faire cours, tout ce qui nécessitait de mettre le nez dehors selon le Corse, et je tendais à approuver sa prudence, bien que je la trouve parfois légèrement paranoïaque. Il connaissait cependant le Réseau bien mieux que moi, l'ayant combattu toute sa vie, et, en conséquence, je décidais que je pouvais bien accepter un peu de paranoïa en échange d'un peu plus de chance de réchapper de tout cela avec ma peau dépourvue du moindre trou. 

Après presque une semaine d'attente, de négociations, et d'un ennui profond, quelqu'un toqua à la porte de la demeure du vieil Ab, sorti pour aller effectuer quelques courses, pour lesquelles il dépensait sa maigre retraite, refusant mes généreuses avances pour son accueil - peut être preuve de son sens de l'hospitalité suomen, pour ce que j'en savais. Je me levais donc du canapé dans lequel je comatais depuis bien trop longtemps, pour remettre un peu d'ordre dans mon apparence et m'avancer dans le couloir étroit vers la porte d'entrée. Si je m'étais, après tout, quelque peu relâchée durant mon séjour à Ar'henno, mon sens de la mode n'en avait pas trop souffert et j'avais un certain nombre de mes tenues favorites dans ma valise, bien qu'un grand nombre se trouve encore dans l'appartement que j'avais loué avec Nokomis, voir dans la demeure que j'avais occupée avec Julian pendant tant d'années. Mon tailleur chic couleur café, accompagné de son pantalon tailleur de la même teinte, jurait durement avec l'aspect vieillot et dépareillé de la demeure, et la femme à qui j'ouvris la porte sembla le relever d'un seul coup d'œil, au vu du rictus narquois qui marqua son visage. 

-Yo, Ester. Lança-t-elle en s'invitant avant même que je ne le fasse, et en refermant la porte à ma place une fois rentrée.

-Eh bien, vous êtes bien sans gêne. Lançais-je d'un regard glacial.

-Et toi bien désagréable. Rétorqua-t-elle simplement sans même me regarder, pénétrant dans la cuisine. Plus d'alcool, ici, j'imagine...

Je la détaillai depuis la porte de la pièce, adossée au chambranle, me remettant à peine du choc que sa vue avait déclenché chez moi, me faisant presque oublier pendant un court instant ma décision de rester le plus prudente avec cette inconnue dont la confiance était loin de m'être acquise. Elle était grande, plus que moi, qui n'était pourtant pas parmi les plus petites femmes que la terre aie porté. Ses traits étaient fins, un menton pointu, des pommettes peu marquées, un nez long et effilé, des sourcils arqués en virgule, et une touffe impressionnante de cheveux bruns en bataille, réunis en une unique couette passant par le trou arrière d'une casquette aux couleurs criardes. Elle ressemblait à une de ces street-artistes au style si unique et particulier, si loin des canons classiques de la mode, et le fait qu'elle soit une connaissance d'un vieil homme comme Ab m'étonnait. Mais, surtout, ce qui m'avait le plus marquée dès son apparition sur le perron, ce n'était pas son assurance, ni sa taille, si son apparence intimidante et ses manières peu distinguées. Non. C'était ses yeux. Grands, malicieux, ils étaient d'une couleur sur laquelle j'avais du mal à mettre un mot. Mais surtout, ils semblaient briller d'une étrange lueur qui m'avait hypnotisée dès qu'elle avait croisé mon regard. Un étrange sentiment de bien être et de peur s'était emparé de moi un très court instant avant que mon esprit ne reprenne le dessus, me laissant fort désarçonnée. Je ne pouvais que croire avoir rêvé, en la voyant ainsi farfouiller les placards à la recherche de bouteilles d'alcool qui, très évidemment, ne s'y trouvaient pas. Pourtant... je crus comprendre les mots d'Ad'ehko à son sujet. Et il semblait clair, au vu de la musculature apparente de ses bras, qu'elle savait se battre.

-Ab'hel-kee ne boit pas. Lançai-je à son attention. Il n'y a pas une goutte d'alcool dans cette maison, et quand bien même il y en aurait, mon colocataire l'aurait déjà bue. 

-Quelle tristesse, une vie sans alcool...

-Si j'ai bien compris au résumé de la sienne, il en a probablement assez vu pour plusieurs vies. Raillai-je. 

-Ce n'est pas une simple question de quantité, c'est une question de manière de consommer. Répondit-elle, sans cesser de fouiller. Lorsqu'on devient dépendant à sa saveur, alors l'alcool peut détruire des vies tout comme il a pu aider à en construire à doses plus faibles. C'est une épée qui peut tuer autant que sauver. 

Elle ferma le dernier placard, avec un grognement dépité, pour me refaire face, et, de nouvelle fois, la lueur brillant dans son regard me désarçonna un court instant. 

-Bon, on va préparer ton déménagement ainsi que celui de ton ami. Vous avez assez trainé ici et profité de la gentillesse du vieux. 

-J'en suis tout à fait consciente. Rétorquai-je. Peut être si vous étiez arrivée plus tôt, notre temps sous son toit aurait été plus court. 

Un rictus amusé déforma son visage. 

-Je t'aime bien, toi. T'as du répondant.

-Tant mieux pour vous, car ce n'est pas réciproque. Tranchai-je. Et je ne suis pas certaine d'avoir envie de prendre le risque de mettre le nez dehors avec une personne que je viens de rencontrer et dont je ne sais rien. Pour tout ce que je sais, vous pourriez me trouer la peau dès le coin de la rue tourné.

Elle s'approcha de moi en deux longues enjambées pour se placer juste face à moi, son coude adossée à chambranle juste au dessus de ma tête. 

-Si je voulais trouer ta jolie peau, j'aurai pas besoin d'attendre de changer de rue, crois moi. Susurra-t-elle. Et de toute manière, j'compte pas vous laisser le choix, à tous les deux. Je permettrai pas que votre présence ici mette le vieux en danger plus longtemps. Si j'ai bien capté, tu as un appart dans le centre, c'est ça? On y bouge dès ce soir, que ça te fasses plaisir où non.

-J'imagine que si je n'accepte pas, je m'expose à certains châtiments? Ironisai-je en croisant les bras sur ma poitrine et en fixant mes yeux dans les siens.

Son sourire carnassier reparut. 

-Disons que je sais me montrer aussi persuasive que tu sais te montrer têtue, Ester. D'ailleurs, moi, c'est Sang. 

Je fronçais les sourcils.

-Ce n'est pas un nom. 

-Pourtant c'est le mien, et tu devras t'y faire. Maintenant, tu ne peux plus dire que tu ne me connais pas. Prépares tes affaires, on décolle dès que le soleil se couche. 

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