Sauvages

By MeiPlnk

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Ils étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. I... More

Prologue
Duquesa
La Descente
Obscurité Cauchemardesque
Face aux flammes
Da-jee-ha
Pieds Nus
Retour parmi les vivants
Maternelle et mort
Ah'na-kolchee
Expédition funéraire
Jesus est dans ton coeur
Mauvaise Fierté
Odyssée sauvage
La Faille
Premiers amours
Gélule surprise
Fuite Révélatrice
Foyer
Manifestation
Grand départ
Nokomis
Retour aux sources
Le bien, le mal, et le reste
Maudite
Lemp'herta
Cha'na e pa'hri
Colocation sous haute tension
Disparue
Invité mystérieux
Ab'hel-kee
Un mariage heureux
Sustentation
Un invité pour manger
Le Réseau
Saveriu Santoni
Rude Massage
Footing Nocturne
Confrontation
Piste du passé
Soirée à proximité
La vérité finit toujours par refaire surface
Moh'Lag, Colère d'Ukko
Espoir Obscur
L'œil d'un million d'yeux
Le Voile
Epopée hivernale
Rancune familiale
Au cœur de la haine
Descente à la cave
Le coût de la vie
Tension
Fête au village
Baleine
Humaine uniquement d'apparence
Retour à l'appartement
Neurotoxine volante
Appel Inattendu
Hypothèse douteuse
Taa'kangow'a
Pour un plus beau moment
Il pleuvait, ce jour là
Libérez Hen'Ruay
La chasse aux démons
Point de rupture
Valses sentimentales
Premier Tour
Deuxième tour
Sueur nocturne
Emilie
Marc Lange
Echange Nocturne
Sous le soleil du midi
Expiation
Epilogue
Mot de l'Auteure
Lexique Suomen

Enquête dans le blizzard

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By MeiPlnk

Je passais une tête discrète par l'embrasure de la porte, dans le froid glacial de l'hiver Alpin, mais me retrouve surprise à y trouver une certaine forme de chaleur sous le soleil de midi. Bien loin d'être immobilisé par l'importante chappe de neige qui s'est abattue sur le village, Ar'henno semble tout aussi vivant et vibrant d'activité qu'il ne l'était lors de mon dernier séjour, en fin d'été. Les villageois se relaient pour s'occuper des bêtes, réunies au rez de chaussée de certaines des maisons, où, en plus de pouvoir rester en vue de leur maîtres, elles participent au chauffage. D'autres déneigent, partent à la chasse ou en reviennent, tandis que les enfants emplissent l'air de leurs cris alors qu'ils jouent dans la montagne toute proche, invisible aux yeux. 

Da-jee-ha, assise sur le perron de sa demeure, une flasque à la main, remarque ma présence et fronce les sourcils.

-Toi reposer, Kinn'rehi. Toi blessée. 

-Je me sens bien, ne t'inquiète pas. La rassurai-je, mais je savais que c'était loin d'être suffisant. 

Les habitants s'étaient montrés particulièrement attentifs à ma blessure depuis mon arrivée, deux jours plus tôt, et j'avais rapidement compris qu'une des raisons était le nombre d'entre eux qui avait déjà souffert d'une telle blessure par balle, ou perdu des proches à cause de l'une d'entre elles. Le soin qu'ils m'apportaient était loin d'être au niveau de celui que l'on pouvait attendre d'un médecin, mais la chamane était parvenue à tempérer mes douleurs, et à me tenir au lit pendant presque vingt-quatre heures, ce qui avait été plus que suffisant pour que je m'ennuie à mourir. Durant ce laps de temps, j'avais pu profiter des très épaisses couvertures suomen. Je m'étais demandée, en été, comment la température pouvait être maintenue en hiver, à cause des grandes ouvertures pratiquées dans certaines maisons; j'avais ma réponse, puisque celles-ci avaient été refermées pour l'hiver par de grands draps isolants, qui diminuaient cependant très largement la luminosité - raison pour laquelle, durant la journée, une grande partie des habitants quittaient l'obscurité de leur demeure. 

Ce temps passé au repos forcé ne m'avais cependant pas permis de parler autant que je le désirai avec Da-jee-ha. Si elle était déjà au courant de la majorité des évènements, j'avais envie de les lui révéler de vive voix. 

-Votre comité d'accueil était... un peu effrayant. Fis-je remarquer. 

-Prudence est mère de sureté. Répondit simplement Da-jee-ha. Hiver nous couper reste du monde. Si quelque chose grave arriver, nous seul. Alors nous prudents. 

-Oui, j'imagine... mais ça fait tout de même beaucoup d'armes.

-Oui. Murmura Da-jee-ha. Quoi toi faire, maintenant? 

Le changement de sujet était brusque, et je me retrouvai quelque peu déstabilisée. J'ouvrais les pans de mon large manteau afin de tenter de rafraichir quelque peu mon corps en surchauffe, malgré la saison. La réflexion de la lumière du soleil à son zénith sur la neige était loin de participer au rafraichissement de l'air, bien au contraire. 

-Je ne sais pas trop. Avouai-je. J'ai accompli quelque chose, oui. Mais quelles en sont les conséquences factuelles? Je ne sais pas trop. Des débats politiques, certes. Mais Hen'Ruay est toujours enterrée, et Nokomis derrière les barreaux. Pire, les traditionalistes ont frappé fort avec leur stratégie de la peur en révélant jusqu'où ils pouvaient aller pour faire taire des gens, et la tentative d'assassinat n'a rien arrangé. Vraiment, je... ne sais pas trop quoi faire maintenant. Je me sens... fatiguée de tout ça. 

Da-jee-ha me détailla longuement, avant de dire.

-Toi sembler plus que... fatiguée. Toi sembler désespérée. 

Elle n'avait pas tort. Imaginer Nokomis de retour en prison, ainsi que Thomas aux mains des traditionalistes, était loin de m'aider. Je me sentais... perdue. Déchirée. Impuissante. J'avais la sensation immonde d'avoir du sang sur les mains que je n'arrivais plus à effacer, et mon coeur était lourd, toujours si lourd. 

-Toi avoir vraiment aidé, Kinn'rehi. Finit par dire Da-jee-ha. Après mort Hen'Ruay... opinion publique de nous pas très bonne. Ca pas bon pour nous. Quand ça arriver, vendeurs de terres plus insistants. Plusieurs combats. Des morts. 

-V-vraiment? Les informations n'en ont pas parlé.

-Elles jamais en parler. Grogna Da-jee-ha. Pas journaliste dans montagnes. 

-C'est pour ça que vous avez plus d'armes? Demandai-je.

-Oui. Moh'lag déclaré que nous devoir défendre nos terre par armes. Toi pas réaliser, peut être, mais... mort Hen'Ruay beaucoup aidé cause Moh'lag. 

-Les traditionalistes ont gagné du terrain... dis-je dans un souffle. 

-Oui, car dialogue sembler... impossible. Si même Hen'Ruay pas offert vraie funérailles, alors... inutile. Mais toi redonner beaucoup espoir.

-Vraiment? Je n'en ai pas tant eu l'impression...

-Toi pas voir, car ici très loin au cœur montagne. Nous coupés monde. Mais autres tribus pas autant coupées. Et toi beaucoup aidé elles.

Un demi sourire éclaira mon visage.

-Peut être que mes actions auront au moins permis à ces armes de ne pas êtres utilisées. Dis-je.

Da-jee-ha ne répondit pas. Elle leva les yeux vers le ciel d'un bleu azur, que les hautes cimes semblaient chercher à toucher du bout de leurs pointes rocheuses et enneigées. Je ne pus m'empêcher d'ajouter, cependant:

-J'espère que Thomas et Nokomis vont bien. 

Le regard de la chef de clan se posa sur moi avec une certaine tendresse, et elle m'attira contre elle, sur le banc posé devant sa demeure et faisant face au centre du petit village, la place qui lui était réservée personnellement. Pendant un long moment, nous observâmes en silence le ballet bruyant de l'activité des habitants, jusqu'à ce que le soleil soit tombé trop bas pour que je ne puisse rester ainsi immobile sans grelotter si fort que la neige tombait du rebord de la fenêtre derrière moi.

***

-Rosonn! Eh, Rosonn! 

La voix de Santoni se voulait discrète, mais, dans le silence nocturne, c'était loin d'être le cas. Je me levais difficilement de mon matelas, grimaçant légèrement de douleur, et faisant face à sa tête dépassant de la mezzanine. Il était monté à l'échelle qui menait à la petite plateforme sur laquelle je dormais, visiblement.

-On ne t'as jamais appris à ne pas pénétrer dans la chambre d'une femme sans y être invité, Santoni?

-J'aurai bien toqué à la porte, mais je n'en ai pas trouvé. Plaisanta-t-il.

-Que me veux-tu? Je ne t'ai pas vu depuis que nous sommes arrivés, j'ai presque cru que tu étais reparti. 

-J'ai fait mieux que ça. Déclara-t-il en se hissant sur les planches. J'ai enquêté. 

Le regard que je lui lançai était éloquent. A moins que le corse ait un talent caché pour parler le suomen, je doutais qu'il ai pu converser avec plus de quatre des habitants d'Ar'henno, Da-jee-ha comprise. Néanmoins, il semblait essoufflé, et son visage visiblement rouge malgré l'obscurité de la grande pièce laissait bien voir qu'il venait probablement de revenir d'une bonne promenade en extérieur. 

-Où es tu allé te fourrer, encore? Lui dis-je à voix basse, de peur d'être entendue par les autres locataires de la grande maison de Da-jee-ha. Tu n'as pas intérêt à faire de connerie, Santoni! Nous sommes leurs invités.

-Tu te satisfait peut être d'être logée, nourrie et blanchie, mais moi, je compte mettre mon séjour ici à profit. Et particulièrement vis à vis de ces armes. Tu as dit que tu ne les avais jamais vues?

-Je n'ai pas dit que je n'avais jamais vu de suomen armé, j'ai simplement dit qu'Ar'henno étais plutôt calme lors de mon précédent passage. Mais des choses ont bougé, et-

-Mais à ton avis, comment ont-ils pu mettre la main sur de telles cargaisons? Les fusils d'assaut ne courent pas vraiment les rues en France, tu l'admettras.

-Je ne sais pas, Santoni. Soupirai-je. Ils les ont peut être gardés après leur passage à l'armée, ou bien ils proviennent de la mafia suomen, pour ce que j'en sais.

-C'est ce que j'ai pensé aussi, au départ. La Chu'nu ehn fait dans le trafic d'arme, après tout. 

-Voilà, alors si tu pouvais-

-Sauf que je connais ces armes, Rosonn. C'est un modèle chinois, pas cher, pas toujours très fiable. 

-D'accord. Et? Qu'est ce que ça peut me faire, que leurs armes soient des fusils d'assaut chinois, russes ou ouzbeks? 

-Précisément parce que ce sont des armes très peu courantes dans les réseaux de trafic d'arme classiques. Les modèles préférés sont justement les russes, car simples d'utilisation, rustiques, facilement réparables. L'AK-47, tu connais au moins de nom. 

-Tu sembles terriblement bien renseigné sur le trafic d'arme, Santoni.

-Merci, c'est mon métier.

Il semblait réellement tirer une fierté de son court exposé, qui pourtant ne semblait mener nulle part.

-Ce que je veux dire, c'est que ces armes sont très récentes. C'est un modèle qui sort quasiment de l'usine. Ce ne peut donc pas être des restes de l'armée, et la probabilité qu'elle provienne de la Chu'nu ehn est assez faible. 

-Mais pas nulle.

-Certes. Mais on a déjà vu que les traditionalistes et le Réseau semblaient avoir quelques collusion, et le Réseau s'est principalement reconstruit, si j'en crois les quelques infos que j'ai pu tirer, depuis son pôle asiatique, et grâce au trafic d'arme. 

-Ok, c'est super, Santoni. Lui dis-je, avec sarcasme. Sauf que, une nouvelle fois, ça ne fait aucun sens pour les traditionalistes d'accepter de l'aide extérieure, et aucun sens pour le Réseau de fournir des armes aux suomen. Ils ne génèrent pas de revenu particulièrement élevé, ils vivent de ce qu'ils produisent. 

-Et c'est bien tout le cœur de ma question, Rosonn. Sourit alors le détective. Il y a deux possibilité pour la source de ces armes: ou bien elles ont été fournies par la mafia suomen, la Chu'nu ehn, car ils auraient des sympathies pour les leurs, ou bien c'est un autre organisme souterrain qui en est à l'origine. Je ne sais pas si tu connais la Chu'nu ehn, Rosonn, bien que ton amie qui a finit en prison en ait fait partie, mais c'est une organisation qui vit des mêmes... sources de profits que toute autre mafia.

-Extorsion, racket, chantage, trafic. Résumai-je. Que des joyeusetés.

-En effet. Mais tu crois qu'ils rackettent des gens où? Dans des villages perdus en plein cœur des Alpes qui semblent ne même pas avoir conscience du principe d'argent, ou alors dans de grands centres de population urbains?

Je commençais à voir où il voulait en venir.

-Tu essaies de me faire dire que la Chu'nu ehn n'aurait aucun avantage à favoriser une insurrection suomen?

-C'est une question de bon sens. Acquiesça le corse. Attirer l'attention est mauvais pour les affaires. Et, surtout, la Chu'nu ehn est, par nature, composée de membres qui sont plus où moins intégrés à un mode de vie urbain. Je n'y connais pas grand chose aux questions politiques qui secouent les suomen, mais ils me semblent que le point de vue traditionaliste n'est pas très fan de ces suomen qui "pactisent avec l'ennemi".

-Oui, c'est... le moins que l'on puisse dire. Mais cela n'expliquerait pas pourquoi quelqu'un d'autre leur fournirait des armes, et encore moins le Réseau!

-Rien n'est moins sûr, mais, avec eux... il faut être prêt à tout. Imagine, supposons... que le Réseau ait trouvé en ce peuple un intermédiaire de choix pour faire passer ses bien trafiqués à travers l'Europe? Et, en paiement, ils leur fourniraient des armes de dernier cri.

-Je te dirai que c'est exactement le genre de proposition qui hérisserait les cheveux sur la tête des traditionalistes.

-Pourquoi? Après tout, c'est une organisation non gouvernementale, qui ne menace pas d'exproprier mais de considérer les suomen comme une plateforme indépendante, presque comme un... partenaire commercial, par exemple. C'est une forme de reconnaissance de l'existence de leur peuple et de leur droit à l'auto-determination, tu ne crois pas? Je pense qu'au contraire, les traditionalistes en seraient ravis. Tu vois peut être un peu trop ce conflit comme une guerre de race, Rosonn, et c'est peut être le cas de beaucoup de personnes extérieures. Mais ce que veulent ces gens, c'est leur pays à eux, où ils sont les seuls à décider quelles sont les lois, avec qui ils commercent, et ce qu'ils acceptent, sans devoir se soumettre aux lois d'un pays qu'ils ne reconnaissent pas. 

Je réfléchis un moment au cheminement de la réflexion de Santoni. Ce n'est pas parfait, mais ça tient tout de même plus ou moins la route, à l'exception, peut être d'un point particulier.

-Je t'accorde que ça peut faire sens, Santoni. Mais dans ce cas, peu importe l'organisation criminelle qui propose ce deal. Pourquoi restes-tu si persuadé qu'il s'agit du Réseau? Cela pourrait être, je ne sais pas, la mafia calabraise, pour ce que j'en sais.

-Oh, disons que je connais plus ou moins les méthodes du Réseau. Murmura-t-il. 

Son regard était soudain si sombre que j'eu l'impression d'avoir une toute autre personne face à moi, qui disparut tout aussi vite qu'elle était apparue. 

-C'est pour ça que je me suis permis de fouiller un peu. Déclara-t-il. Ce qui est peu pratique, dans les montagnes, c'est que facile de cacher des choses. Se déplacer est une vraie purge. Mais l'autre côté du tranchant, c'est qu'il est plus simple de prendre de la hauteur... dans une vallée à côté, j'ai trouvé une zone qui semblait avoir eu beaucoup d'activité, récemment. Il y avait des traces de chenille dans la neige. Et qu'est ce que j'y ai trouvé... une vieille mine abandonnée, remplie de caisses entières dont le contenu ne pourrait être moins légal.

Le choc fut rude. Il n'y avait pas une centaine de mines dans les environs. Mais surtout, il n'y avait pas grand chose qui puisse s'y passer sans que Da-jee-ha, la maîtresse des lieux, soit au courant. Une discussion allait devoir avoir lieu.


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