Sauvages

By MeiPlnk

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Ils étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. I... More

Prologue
Duquesa
La Descente
Obscurité Cauchemardesque
Face aux flammes
Da-jee-ha
Pieds Nus
Retour parmi les vivants
Maternelle et mort
Ah'na-kolchee
Expédition funéraire
Jesus est dans ton coeur
Mauvaise Fierté
Odyssée sauvage
La Faille
Premiers amours
Gélule surprise
Fuite Révélatrice
Foyer
Manifestation
Grand départ
Nokomis
Retour aux sources
Le bien, le mal, et le reste
Maudite
Lemp'herta
Cha'na e pa'hri
Colocation sous haute tension
Disparue
Invité mystérieux
Ab'hel-kee
Un mariage heureux
Sustentation
Un invité pour manger
Le Réseau
Saveriu Santoni
Rude Massage
Footing Nocturne
Confrontation
Piste du passé
Soirée à proximité
La vérité finit toujours par refaire surface
Moh'Lag, Colère d'Ukko
Espoir Obscur
L'œil d'un million d'yeux
Epopée hivernale
Enquête dans le blizzard
Rancune familiale
Au cœur de la haine
Descente à la cave
Le coût de la vie
Tension
Fête au village
Baleine
Humaine uniquement d'apparence
Retour à l'appartement
Neurotoxine volante
Appel Inattendu
Hypothèse douteuse
Taa'kangow'a
Pour un plus beau moment
Il pleuvait, ce jour là
Libérez Hen'Ruay
La chasse aux démons
Point de rupture
Valses sentimentales
Premier Tour
Deuxième tour
Sueur nocturne
Emilie
Marc Lange
Echange Nocturne
Sous le soleil du midi
Expiation
Epilogue
Mot de l'Auteure
Lexique Suomen

Le Voile

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By MeiPlnk

J'avais la sensation de flotter dans une étrange matière qui ne semblait ni totalement liquide ni totalement solide. Sa douce chaleur caressait chaque parcelle de ma peau nue, et pourtant, je me sentais glacée. J'étais seule, et pourtant j'avais l'impression de ressentir une présence dans mon dos, comme une main sur mon épaule, aussi rassurante que glaciale, chuchotant à mon oreille des mots incompréhensibles qui n'étaient peut être que les murmures d'un vent inexistant. Mes yeux ouverts ne voyaient rien d'autre que mes propres membres, flottant dans un océan dont la couleur semblait ne pouvoir être décrite par des mots humains. L'étrange matière qui le composait semblait m'entraîner inexorablement vers le bas, ou peut être était-ce le haut, car rien ne semblait avoir de sens, et je crains de m'y noyer. Il semblait que je n'avais pourtant pas besoin de respirer. 

Puis, je touchais terre. Mes pieds atterrirent en douceur sur une surface rugueuse, semblable à de la roche nue, tandis qu'aux alentour, toute couleur s'estompait, comme gommée par un artiste invisible. J'étais debout, immobile, sur cette roche brute perdue au milieu d'une immensité grisâtre et informe. Face à moi, une étrange arcade de la taille d'une porte, sur laquelle ondulait avec douceur un voile dont la finesse du tissu évoquait l'eau claire d'un ruisseau. Des vaguelettes ne cessaient de se répandre à sa surface bien que pas un brin de vent ne vienne déranger le silence de cette immobilité éternelle. Le voile était silencieux. Mais il semblait émettre un lumière, comme un long tunnel à peine caché par la finesse du tissu en cachant l'entrée. Il m'attirait, me demandait de m'y avancer, de traverser le voile, de marcher vers la lumière au bout du tunnel. Je ne fis qu'y réagir. Je n'avais pas de volonté, celle-ci semblait avoir été dissoute. Je me laissai alors lentement porter par les ondes impalpables. Le voile était si proche. Il suffisait de le toucher. De le traverser. D'étreindre les ténèbres du néant lumineux.

Soudain, un éclair du lumière vint déchirer la grisaille morne de l'îlot solitaire. Une violente douleur me plia en deux, comme si mon corps décidait de se rappeler au souvenir de mon esprit qui, lui, avait déjà tombé les voiles. La lumière devint plus forte encore, elle déchira de toute part la monotonie, aveuglante et douloureuse, envahissant tout mon chant de vision, réduisant en miettes l'arche, déchirant le voile fragile, noyant la lumière au bout du tunnel dans sa clarté éblouissante. Je ne vis bientôt plus rien. 

Lorsque je rouvris les yeux, l'expérience de mon corps me sembla bien plus familière. Le plafond qui surplombait mon visage laissait apparaître des nuances de couleur reconnaissables, j'étais capable de distinguer le froid du chaud, puisque je me gelais malgré les draps tiédis par le contact de ma peau, et, enfin, je sentais le poids de mes propres membres. Le silence assourdissant avait disparu pour laisser place à un calme perturbé par un bruit de fond si minime qu'il était difficile de le capter, mais bien présent. Bruit de vent dans les branches nues, de pas dans les flaques, de roues foulant le bitume humide, de voix étouffées par les cloisons, de cris d'enfants et de soupirs de vieillards. Et un ronflement.

Avec difficulté, je me levais sur mes coudes pour m'adosser aux oreillers peu épais qui avaient servi de support à mon visage douloureux. Immédiatement, une immense douleur me transperça la poitrine et je poussait un grognement qui ne correspondait pas vraiment à l'ampleur de la souffrance. Je me laissai retomber, et repris mon souffle à grande bouffées alors que la sensation s'estompait lentement, sans se presser, comme pour me faire gentiment comprendre de me tenir bien sagement immobile. J'avais cependant bien compris où je me trouvais: une chambre d'hôpital. J'avais donc bel et bien survécu, mais j'étais toujours sous le choc de l'étrange vision que j'avais eu alors que j'étais inconsciente. Son souvenir s'embrouilla cependant rapidement dans mon esprit assailli de sensations. Plusieurs électrodes étaient attachées à ma poitrine, une étrange pince écrasait l'extrémité de mon index, et une perfusion transperçait la veine de mon poignait, retenue par un sparadrap aux dimensions surprenantes, et reliée à une machine dont les écrans et les voyants décrivaient quantité d'informations indisponibles à ma compréhension. A côté de l'appareil, dont les bips répétés et quelques peu étouffés avaient un effet étrangement calmant, ronflait bruyamment Santoni, avachi sur une chaise adossée au mur immaculé. Sa présence m'étonnait grandement, car, l'ayant payé pour son enquête et, accessoirement, pour m'avoir sauvé la vie, il était retourné à sa vie et à ses affaires, comme convenu, et je n'avais pas attendu grand chose de lui, excepté sa promesse de me tenir au courant s'il dégottait une quelconque nouvelle piste concernant le Réseau, ce qui semblait peu probable au vu du temps qu'il nous avait fallu pour seulement retrouver la moindre trace de leurs activités. Se pouvait-il qu'il ait déjà mis la main sur quelque chose? Si rapidement? Et combien de temps avais-je passé évanouie, au juste? 

-Hey, Santoni! L'interpellai-je d'une voix rauque, qui me laissait penser que, quelle qu'ait été la durée de ma perte de conscience, elle avait probablement durée plus de quelques jours. Réveille toi.

Aucune réponse autre que les graves vocalises de sa gorge. Je soupirai, avant de réessayer. 

-Santoni! Si tu veux piquer un somme, fais le ailleurs! Hey! HEY! 

Face au manque de réaction, je saisis mon oreiller avec grande difficulté et lui lançai à la figure - probablement pas la meilleure manière de réveiller quelqu'un, mais je n'avais rien d'autre à portée de main et n'avais pas réellement envie de retenter le diable en tentant de me déplacer. Mon action eut cependant le bon goût de porter ses fruits, puisque le corse ouvrit des yeux bouffis de fatigue, avant de s'étirer avec un bâillement à s'en décrocher la mâchoire. 

-Salut, Rosonn. Marmonna-t-il. Encore en vie? Tu as la peau plus dure que ce que j'imaginais. 

-Et tu as encore moins de manières que je l'avais supposé. Grognai-je en réponse. Dormir dans la chambre d'hôpital d'une femme seule et blessée? 

-Je suis parti du principe que tu préférerai sans doute être sous la surveillance de quelqu'un ne risquant pas sortir un flingue pour te tirer dessus à bout portant. Rétorqua-t-il.

Je ne pus répondre grand chose à cela. Mon corps était encore endolori, et mon esprit embrumé. J'avais la sensation de réfléchir au ralenti. 

-... Il a été arrêté? 

-Bien sûr, tu pensais quoi? Mais ta survie était moins évidente. 

-Tout ça tombe vraiment au pire moment. Grognai-je. Je dois aller assister à l'audience de Nokomis. 

Santoni se gratta l'arrière de la tête avec une expression un peu embarrassée, et mon sang ne fit qu'un tour. 

-Non... je n'ai pas été évanouie si longtemps tout de même?

-Deux bonnes semaines. Mais l'audience a été avancée, et comme ils ont été pris sur le fait... enfin, autant dire qu'il était peu probable que le procès s'éternise. Et vu l'impact qu'a eu ton petit discours au sein de la classe politique et du publique, j'imagine qu'ils ont voulu expédier le processus pour éviter trop d'attention de la part des médias. Le procès de tes agresseurs et du flics qui t'a tirée dessus ont bien plus attiré les caméras que celui de quelques suomen tentant de déterrer un cadavre. 

Je restai silencieuse. Je n'avais pas espéré pouvoir faire quoi que ce soit à l'audience de Nokomis. Après tout, je n'étais pas témoin, je n'avais pas le moindre poids dans l'exécution du processus judiciaire. Mais... j'aurai voulu y être. Ne serait-ce que pour la voir. Je m'étais renseignée, durant les quelques jours qui avaient séparé son arrestation de mon passage à la télévision, et il était souvent très difficile d'obtenir des visites avec les suomen condamnés de lemp'herta. Encore une trace de la profonde division et du genre de traitement que le gouvernement et la loi avaient de cette minorité. Ils espéraient sans doute qu'en séparant les coupables de déterrement du reste de leur communauté, ce genre de pratiques finirait par se résorber. Ma gorge était serrée. Mon discours avait eut un impact important, avait dit Santoni. C'était mon but depuis le départ. Mon objectif. J'avais accompli le but que je m'étais fixé, réalisé ma part de la promesse faite à Da-jee-ha, dans l'objectif d'obtenir le déterrage officiel du corps d'Hen'Ruay. Malgré les obstacles, malgré les personnes qui avaient tenté de nous arrêter, malgré mon reportage jeté à l'eau, malgré la disparition de Thomas, notre objectif avait été atteint. 

Alors, pourquoi me sentais-je aussi... vide? Pourquoi ne ressentais-je pas l'euphorie de la victoire, la joie de la réussite? Pourquoi seulement ce rien glacial qui m'emplissait, souligné par l'amertume du prix à payer pour cette victoire? Hen'Ruay n'était plus là pour la voir, et son corps était toujours profondément enterré. Nokomis avait été arrachée à sa liberté en tentant de l'en sauver, et ne pouvait fêter cette réussite avec moi, quand bien même elle aurait sans doute prétendu que j'avais eu beaucoup de chance. Et Thomas, celui qui avait travaillé le plus alors qu'il avait le moins de raisons de le faire, en avait été la victime collatérale. Où était-il? Était-il seulement encore en vie? Je l'espérai, je priai de tout mon cœur pour que ce soit le cas. Mais où qu'il soit, il n'était pas libre. 

Alors, cette victoire en était-elle vraiment une? Pour le peuple suomen, probablement. Peut être même que cette victoire ne pouvait être obtenue sans sacrifice. Le public n'est-il pas friand de tragédies? N'est-il pas mille fois plus sensibles aux souffrances d'un être nommé auquel il peut s'identifier, plutôt qu'à celle de la masse informe d'un peuple dont il ne sait rien? Peut être était-ce la tragédie ayant déchiré ce combat qui l'avait fait toucher le cœur des français. Cela me remettait un peu de baume au cœur, mais c'était loin d'être suffisant à combler les crevasses qui parcouraient sa surface. 

-La première audience concernant Tor'neh est dans des mois. Dis-je alors. La moyenne d'emprisonnement pour les lemp'herta est de trois ans. Et maintenant, il semble que je soi la cible des personnes qui ont tenté de me faire taire. Que dois-je faire, maintenant?

-Commencer par te reposer et te remettre de tes blessures. Grogna Santoni. C'est pas tous les jours qu'une balle te perce un poumon, et encore moins qu'on y survit. Elle est passée à quelques centimètres du cœur, t'en as conscience? 

-Mais elle n'y est pas allée, c'est tout ce qui compte. Et toi, tu comptes rester là indéfiniment? Je doute que tu accepte d'être engagé en tant que garde du corps? 

-Oh, non, je ne compte pas devenir ta nourrice, en effet. Ricana-t-il. Disons simplement qu'il faut que je... m'éloigne quelques temps de la capitale et des quartiers dans lesquels j'officie en général. Le fait que je replonge mon nez dans les affaires du Réseau ne leur a visiblement pas plu... Bref, je suis simplement venu ici pour le temps de transition. Ta famille se charge du reste, et ils vont t'éloigner de Paris, donc...

Je me relevai soudain, tel un ressort bandé soudain libéré, et la violente douleur qui me transperça le côté me fit pousser un cri de douleur et me recroqueviller.

-Hey, Rosonn! Qu'est ce qui te prend? Bouge pas comme ça, tu vas arracher les éléctrodes! Ah, merde, j'aurai dû appeler le médecin au lieu de te taper la causette.

-Non! Le retins-je d'une voix sèche et claquante. Tu as dit que je vais être laissée à la charge de ma famille?

Ma voix devait receler l'épouvante que cela m'inspirait, car Santoni s'arrêta net dans son mouvement pour se lever, tandis que je tentais de récupérer de la violente douleur qui me faisait trembler de souffrance. 

-Oui, c'est un truc de légalité dans le cas d'une personne dans le coma. Je connais pas les détails, mais ils sont venus, et comme ils proposent de t'éloigner de Paris...

-NON! Je refuse. 

-Quoi? De partir avec eux?

-De simplement les voir! Grognai-je. Je préfère encore mourir sous les balles du Réseau que de laisser ma mère choisir comment je vais passer le restant de ma vie. 

-Tu exagères un peu, Rosonn. Ricana Santoni. Aucune mère ne-

-Tu ne connais pas ma mère, Santoni. Le coupai-je avec froideur. Fais savoir au médecin qu'il est hors de question que cette femme entre seulement en contact avec moi. 

-Mais tu ne peux pas rester sur Paris, Rosonn. Fit-il remarquer. Enfin, tu fais comme tu veux, c'est ta peau, mais si ils ont réussi à avoir un flic, ils peuvent avoir un médecin, crois moi. 

-Tu crois que l'Espagne sera plus sûre? Ricanai-je. Nous savons tous les deux que le Réseau étendait ses tentacules bien au dela de l'Europe, à l'époque, et, s'il a retrouvé du poil de la bête, il n'y a pas de raison que cela ait changé. Tant qu'à être en danger chaque jour de ma vie à venir, je préfère encore garder mon indépendance et ma possibilité de faire moi même les choix qui importent dans ma vie. 

Santoni ne sembla pas vraiment convaincu.

-La famille, c'est sacré. Déclara-t-il. Tu ne devrai pas présupposer leur volonté et leurs actions.

-Santoni... soupirai-je. Je les connais, j'ai grandi sous leur houlette, et ils n'ont cessé de me reprocher mon départ depuis que j'ai réussi à m'en extraire. Je sais ce que je fais. C'est pourquoi j'ai même une proposition à te faire.

Son regard était équivoque. 

-Tu pourras même peut être payé, oui. Ajoutai-je. Dans la mesure où je te sauverai peut être la mise si tu es toi même à ce point en danger. 

Il sembla soudain mal à l'aise, bien que le camouflant bien sous une épaisse dose d'arrogance.

-Merci de ta proposition, Rosonn, mais je connais mon milieu, et je sais les lieux où je serai en sécurité mieux que tu ne le pourras jamais.

-Oh, vraiment? Plus en sécurité que dans un village perdu au fin fond des Alpes, absent des cartes, sans le moindre passage, et dont le contact avec le reste du monde se réduit à une simple ligne de téléphone fixe?

Santoni ouvrit la bouche, sembla hésiter, puis sembla entrer en profonde réflexion. 

-Quelle est ton autre solution? Demandai-je. 

-Retourner en Corse. Admit-il. Mais... si j'y retourne, je ne sais pas si je pourrai en repartir. 

-Qui t'en empêcherai? 

-Moi même. Rétorqua-t-il, la mine sombre. C'est probablement pour cela que je devrai éviter d'y retourner tant que je n'ai pas fini ce pour quoi j'ai quitté ma terre. Tu désires quelqu'un pour te conduire dans ton trou perdu, je me trompe?

-Tu ne te trompes pas. 

-Tu vas commencer par discuter avec le docteur. Je n'ai pas envie de me retrouver poursuivi pour non assistance à personne en danger parce que je t'ai tirée d'un hôpital avant que tu ne soi guérie.

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