17/ Pendentif

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     Ashitaka ressortit de la tante de la vieille Hii-Sama. Il descendit gravement l'échelle, suivit de Kaya. Il prit une grande inspiration, une fois les deux pieds bien encrés sur le sol, et tenta de chasser la colère qui l'assaillait. Pourquoi ne pouvaient-ils jamais vivre en paix ? La chamane lui avait conseillé d'arrêter de ressentir de la haine, alors il devait l'écouter. Tout le monde se fiait et obéissait tout le temps à Hii-Sama. Pourtant, c'était plus fort que lui. Il serra la mâchoire en pensant aux Samouraïs et aux troupes de l'Empereur. Que des misérables, assoiffés de pouvoir et de sang. Il pensa à ces mystérieuses forges tant recherchées par les deux intrus. Elles ne feraient sûrement pas long feu.

     Une image apparu soudain dans l'esprit du jeune homme. Il vit une ombre furtive passer devant ses yeux. Trois éclairs rouges, une fourrure blanche, puis sa vision redevint normale et son village refit irruption devant lui.

     L'image se troubla et il vacilla, voyant soudainement les habitations tourner sur elle-même.

     - Ashitaka ! s'écria Kaya en accourant derrière lui. Tout va bien ?

     Il s'appuya sur l'épaule de la jeune fille pour éviter de tomber et se maintint le crâne avec son autre main.

     - J'ai vu quelque chose de bizarre...

     - Où cela ? demanda Kaya, aux aguets.

     Ashitaka se trouva soudainement stupide. Il ne pouvait pas dire à sa meilleure amie qu'il avait eu une sorte de vision. Ce serait perdre une grande partie de sa crédibilité.

     - Non, j'ai dû rêver, acheva-t-il.

     - Allons mon garçon, il ne faut pas se mettre dans de tels états, ces Samouraïs sont déjà bien loin de notre village.

     Le père du jeune guerrier venait de faire irruption à côté d'eux et saisit l'épaule de son fils pour le maintenir droit. Celui-ci hocha fébrilement la tête, sans oser faire part de sa soudaine vision à son père. Kaya se tut elle aussi et finit par leur souhaiter bonne nuit en courant vers sa maison.

     Les deux hommes marchaient silencieusement dans la nuit. Ashitaka était complètement perdu. Il ne savait pas s'il devait plutôt se soucier de la prochaine guerre qui approchait à grands pas, ou alors de cette apparition des plus étranges.

      - Tu as peur Ashitaka ? demanda alors l'homme en rompant le silence.

     Il était inutile de mentir, Ashitaka savait très bien qu'il était terrifié à l'idée d'avoir à participer à un si grand conflit qui durait depuis des siècles. Il hocha la tête et son père lui pressa l'épaule en signe de réconfort.

     - Tu te débrouilleras très bien Ashitaka, tu es un très grand guerrier, il est normal d'être angoissé.

     - Je n'ai pas peur pour moi, trancha le jeune homme, j'ai peur qu'il arrive quelque chose aux autres. A maman, ou Kaya, ou même toi...

     Le chef de la tribu sourit dans la pénombre devant la témérité et la sagesse de son jeune fils.

     - Il n'arrivera rien à personne, nous serons là pour les protéger. L'Empereur n'est qu'un idiot, il a beau être intimidant, ses troupes ne font pas le poids contre nous.

     Ashitaka hocha docilement la tête, même si la terreur ne s'était pas dissipée pour autant.

     Dans leur maison, un doux calme régnait. Les deux hommes furent soulager de ne pas avoir à entendre les représailles de la femme du foyer, qui dormait profondément enroulée dans une couverture. Ils firent de même et Ashitaka souffla sur la bougie qui s'éteint, plongeant la pièce dans le noir complet.

     Il ne dormit pas de la nuit. Dès qu'il fermait les yeux, c'était pour entrevoir des visions d'horreur, avec des batailles, du sang, de la violence, et de la haine. Et à chaque fois qu'il songeait à ce mot, les éclairs rouges et la fourrure blanche s'immisçaient à nouveau dans son esprit. Il n'arrivait pas à y voir plus clair. Ce pelage couleur neige appartenait à un gros animal, mais lequel ? Et c'est trois traits de lumière rouge, d'où venaient-ils ?

     L'aube pointa sans qu'il n'ait vu le temps passer. Il sortit en baillant en attendant que le reste du village s'éveille, et fut surpris de voir Kaya qui l'attendait déjà sur le seuil de sa maison.

     - Bonjour Kaya, articula-t-il.

     - Tu vas mieux ? s'inquiéta-t-elle. Qu'est ce donc que tu as vu et qui t'a tant surpris hier ? Tu peux me le dire tu sais !

     Ashitaka sourit et tapota amicalement la tête de son amie, plus petite que lui. Il se demanda s'il devait vraiment lui en parler et si elle l'aiderait.

     - Si tu me le dis, je te montre le présent de ma mère, tu ne seras pas déçu. Sinon, tu ne le verras pas !

     Ashitaka céda, sentant qu'elle avait très envie de lui montrer le cadeau que lui avait fait sa mère. Et puis, après une nuit entière à se torturer l'esprit, il se dit qu'il avait un grand besoin de se confier à quelqu'un qui le comprendrait.

     

     - Une fourrure blanche et trois éclairs de lumière rouge ? demanda de nouveau Kaya en fronçant les sourcils.

     Ashitaka hocha encore la tête. Ils étaient assis seuls, au milieu de la forêt, écoutant le bruit des insectes, des oiseaux et des écureuils qui reprenaient soudainement vie après ces longs mois hivernaux.

     - C'était une longue fourrure couleur neige, qui appartenait à un très gros animal, pas une fouine ou une souris, mais plutôt un gros chien blanc. Et les éclairs formaient un triangle au dessus du pelage. Cela s'est passé très vite, je n'ai pas eu le temps d'en voir plus.

     Kaya était plongée dans ses réflexions. Elle posa encore quelques questions auxquelles le jeune homme ne su pas répondre, puis elle lui conseilla vivement d'en parler à la chamane.

     - Je ne sais pas si...

     - Elle t'aidera c'est certain ! l'incita Kaya.

     Ashitaka ne voulait pas que tout le village sache que leur futur chef avait des visions de médium. Il fit promettre à sa jeune amie de ne rien dire avant qu'il ne prenne une décision, puis s'exclama :

     - Et toi alors ? Qu'est ce que tu caches derrière ton dos ?

     Kaya rit, puis le fixa avec un regard mystérieux, avant de brandir devant elle un objet magnifique. C'était un morceau de cristal pointu, et taillé pour en faire une sorte de pendentif, accroché avec une ficelle rouge. Ashitaka prit la dague de cristal dans ses mains et observa avec attention les éclats bleutés qu'elle produisait sous les rayons du soleil :

     - C'est vraiment magnifique, souffla-t-il.

     - Peux-tu me l'attacher autour du cou ?

     Kaya se retourna et laissa le brun lui passer le bijou autour du cou et faire un nœud derrière sa nuque. Elle sentit ses doigts effleurer sa peau et ne pu s'empêcher de frissonner. Elle aurait aimé que cet instant dure toujours. Elle était heureuse en sa présence, elle était heureuse qu'il lui ait fait confiance, elle était heureuse de savoir qu'ils devenaient de plus en plus proches chaque jour, qu'il veuille la protéger, qu'il touche sa peau avec ses mains. Elle serra le pendentif dans sa main en se promettant de le donner à sa propre fille plus tard, en espérant qu'Ashitaka soit auprès d'elle pour lui remettre. 

Origines (Princesse Mononoké)Where stories live. Discover now