42/ Crime

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L'aube pointa et les rayons du soleil s'infiltrèrent au travers des carreaux de la cabine. La jeune femme était allongée sur le côté. Jamais elle n'avait changé de position durant la nuit. Elle sentit que le capitaine près d'elle s'éveillait lentement. Les yeux grands ouverts, elle ne broncha pas lorsqu'il demanda :

— Qu'aimerais-tu faire aujourd'hui ?

Son unique réponse fut de s'enrouler dans les couvertures et ne faire dépasser qu'une mèche de cheveu noire.

— Je comprends, tu préfères te reposer après la longue journée d'hier.

Soulagée, elle l'entendit quitter la cabine à pas de loup après quelques minutes. Elle se redressa alors lentement et enfila ses nouveaux habits qu'elle avait essayés la veille. Elle s'observa à nouveau dans la vitre. Il lui manquait quelque chose. Une chose qui la rendrait encore plus intimidante. Une cape peut-être.

Elle se permit alors de fouiller à nouveau dans l'armoire de son maitre. Elle ne vit aucune cape, mais un long manteau bleu attira son attention. Elle le positionna sur ses épaule, n'enfila pas les larges manches et tourna sur elle-même. Bien que ce nouvel accessoire assorti à son pantalon ne fût pas une cape, il lui allait à ravir, alors elle s'en contenta.

S'assurant que personne ne trainait dans les environs, elle mit le nez dehors et longea les murs en prenant garde de ne pas se faire voir par le capitaine qui surplombait tout le pont, lorsqu'il était à la barre. Elle arriva enfin devant la porte des cuisines et y pénétra furtivement. Un matelot était en train de préparer le petit déjeuner des pirates qui l'attendait tous avec impatience. Leur repas pour tenir jusqu'au midi se résumait à quelques biscuits et un gros pichet de vin.

Le marin aux cheveux gris passa à côté d'elle en tenant un plateau et lui lança un regard soupçonneux de son unique œil. Il n'osait pas tenter quoique ce soit contre elle. La jeune femme se sentait désormais invincible, intouchable. Il referma la porte derrière lui et elle se retrouva seule dans une semi-obscurité. A tâtons, elle se rapprocha de la table au centre de la petite pièce. Autour d'elle étaient rangés des sacs remplis de pommes de terre ou de pain, et au dessus de sa tête pendaient quelques poissons les yeux écarquillés et la bouche ouverte. Une mauvaise odeur de chair en putréfaction se dégageait de ses animaux loin d'être frais, et elle s'écarta des endroits où volaient les mouches et où se nourrissaient des rats sales et porteurs de maladies.

Une petite fenêtre en hauteur projetait un unique rayon de lumière sur le centre de la table rectangulaire. Au milieu de se trait de lumière qui s'élargissait, se trouvait un énorme couteau de cuisine. La jeune femme referma ses doigts autour du manche et le glissa dans sa poche.

Elle ressortit ensuite discrètement des cuisines et marcha d'un pas tremblant jusqu'à la cabine. Elle fit en sorte que le couteau ne tombe pas de sa poche en prenant une marche figée et saccadée. De retour dans les appartements du capitaine, elle se permit de pousser un long soupir de soulagement.

Elle ne revit son maitre que pour le diner. Il avait déjeuné sans elle dans la journée car il avait eu des indications à donner à ses matelots et des esclaves à aller fouetter pour qu'ils rament plus vite. Alors que le jour déclinait, il pénétra dans la cabine et s'étira avec paresse. Elle l'attendait sagement, debout devant sa chaise, prête à s'asseoir au moment où il lui en donnerait la permission.

A sa plus grande surprise, elle le vit s'approcher et déposer un bref baiser sur ses lèvres. Prise de court, elle fut paralysée pendant quelques secondes avant qu'il ne s'exclame en s'asseyant lourdement sur son fauteuil :

— Ce manteau te va vraiment très bien, je vois que tu commences à prendre tes aises, s'esclaffa-t-il, visiblement de bonne humeur. Assieds-toi.

Le repas fut servi quelques secondes plus tard, et ils mangèrent silencieusement. Parfois le capitaine lançait de petits commentaires ou plaisanteries. Il racontait ses exploits du jour, la manière dont-il avait rappelé à l'ordre un rameur et combien d'esclaves il avait jeté par-dessus bord. Le résultat du jour paraissait optimiste comparé aux nombreuses fois où le capitaine avait été de mauvaise humeur. Elle aurait presque pu se sentir attristée d'avoir cette arme à portée de main, prête à s'en servir. Son opinion changea au moment même ou l'humeur de son maitre devenait plus orageuse.

Ses changements brusques d'états n'avaient malheureusement pas cessés. Il lui attrapa soudainement violemment le menton et elle fut contrainte de le regarder dans son unique œil, l'autre étant masqués par un bandeau noir. Elle tremblait de la tête au pied, mais essaya de ne pas flancher devant lui, en conservant une attitude neutre.

— Je sais que tu n'as toujours été qu'une esclave, mais j'aimerais que tu montres un peu plus de respect envers moi. Je t'ai tout donné, je t'ai sorti de la misère, je t'ai protégé, tu me dois bien cela non ?

Elle ne comprenait pas où il voulait en venir, mais il fulminait. Elle ne détourna pas son regard sombre de celui de son maitre qui poursuivit en serrant les dents :

— Réponds-moi lorsque je te parle !

Leurs visages étaient très proches. La jeune femme déglutit. Il ne relâchait pas la pression qu'il exerçait sur son menton et finirait bientôt par lui briser la mâchoire. Sa respiration s'accéléra. Il attendait une réponse, mais elle s'était juré qu'au grand jamais elle ne lui ferait ce plaisir. Elle ne dit rien, et il commença à perdre patience :

— Espèce de sale petite insolente...

Il fut coupé dans sa phrase et dans son geste. Elle venait de lui trancher les cordes vocales et le sang abondant qui s'écoulait de sa gorge l'importait plus que la correction qu'il aurait voulu donner à sa femme. Elle réalisa son geste, la respiration saccadée et fit tomber l'arme qui rebondit sur le sol avec un tintement sinistre. Le capitaine du navire s'écroula à son tour, baignant dans son propre sang, inconscient, et dans quelques secondes, mort.

La jeune femme appuya son dos contre le mur de la cabine, les sens en alerte. Elle n'avait pas réfléchi, et se sentant en danger, elle en avait profité pour frapper. Sa main saisit la poignée et elle ouvrit la porte à la volée, espérant s'enfuir de cet endroit. Elle laissa le cadavre de son maitre qui l'avait tant fait souffrir derrière elle, et inspira une grande bouffée d'air frais.

Elle n'avait pas fait un pas à l'extérieur qu'elle tombait déjà sur un marin. Elle serra la mâchoire, et dans un élan de panique, tenta de s'enfuir. Le matelot remarqua bien assez tôt le corps de son capitaine et bloqua le passage à la jeune femme dont les cheveux de jais se confondaient dans l'obscurité du crépuscule.

— Je savais que tu finirais par nous faire un coup pareil !

Elle n'eut pas le temps de réagir qu'il la plaquait contre un mur en l'attrapant à la gorge. Les battements de son cœur doublèrent d'intensité. Elle savait qu'elle s'y était mal prise, à présent elle était démasquée et leur plan risquait d'être compromit. 

Origines (Princesse Mononoké)Where stories live. Discover now