I hate you but I love you

XXV

- Mesdames, messieurs, citoyens venus de tout Fiore, laissez-moi vous souhaiter la bienvenue en cette dernière journée du grand tournoi de la magie!

Les gradins de l'arène se mirent à trembler au-dessus de nos têtes tandis que les spectateurs laissaient éclater leur joie quand les speakers firent leur entrée dans la tribune qui leur était réservée. Je jetai un regard à la ronde, à mon équipe réunie dans les sous-sols du Domus Flau, et je me laissai assaillir par leurs auras respectives. Alors que mon cœur s'était emballé quand le gong avait raisonné, annonçant neuf heure trente pétante, à savoir le début de cette journée, mes compagnons étaient restés maîtres d'eux mêmes. Contrairement au premier jour de compétition, quand nous nous trouvions dans ce même endroit, personne ne montrait le moindre signe d'inquiétude ou d'impatience. Mirajane, Gajil, Grey et Luxus étaient tous alignés à mes côtés sur le banc de bois le moins confortable de l'histoire, les yeux vagabondants sur les murs nus, un léger sourire aux lèvres. Ils étaient sûrs d'eux. J'adorais ça.

- Aujourd'hui, en cette journée si spéciale, l'invité d'honneur n'est autre que Toma E. Fiore!

À la mention du nom de notre Roi, des hurlements bien plus déchirants se firent entendre. Après tout, il était rare qu'il se présente en personne devant la population, préférant se déguiser pour ne pas être reconnu. Alors, j'entendis le bois grincer et je visualisai très clairement l'image des fondations anciennes nous tomber sur la tête. Je rêvais de sortir de ce foutu sous-sol.

- Bonjour à tous! S'exclama le Roi. Merci d'être venus si nombreux assister à ces jeux qui me tiennent tant à cœur! Et, en cette dernière journée, j'ai l'honneur et le plaisir d'annoncer les équipes. Ainsi, sous un tonnerre d'applaudissement, veuillez accueillir la huitième équipe, Mermaid Heel!

Les spectateurs ne se firent pas prier, et ils réservèrent un accueil triomphant à la guilde uniquement composée de femmes. Elles n'étaient pas appréciée que par les hommes, mais également par la gente féminine qui respectait leur courage, leur beauté et leur volonté. Bref, au fil du temps, elles s'étaient trouvé un public, un vrai public fidèle.
Je lançai un regard à mes compagnons. L'impatience se faisait enfin sentir.

- En septième position, Twilight Ogre!

Je ne bougeai pas le petit doigt pour applaudir, mais dû me résoudre à reconnaître qu'ils avaient tout de même quelques fans dans le public. Alors que j'aurais aimé que personne n'applaudisse ces ogres, des centaines de personnes se mirent à crier les noms respectifs des membres de la guilde.
Je fis la moue.

- On va leur faire mordre la poussière, ricana Mirajane.
- Je prends Ginger, annonçais-je.
- Akira est pour moi, enchaîna l'autre fille du groupe.
- Quoi? Il faut n'en choisir qu'un? Ça ne me suffira pas! Grogna Gajil.

Avec un sourire, j'attendis la suite des annonces.

- À la sixième place, les messieurs de Quattro Cerberos!

Tout comme mes petits camarades, j'applaudis en même temps que le reste du public qui fit de nouveau vibrer les fondations de cette foutue arène. J'avais hâte que les lourdes portes de bois s'ouvrent pour qu'on puisse entrer au cœur même de l'arène, sous le feu des projecteurs. Et, par-dessus tout, j'avais envie de lire la fierté dans les yeux du maître, quand il nous verrait entrer les derniers. Aussi, afin d'évacuer un peu de mon impatience, je me levai de mon siège aussi confortable qu'un oursin et je m'appliquai à lisser nerveusement ma courte jupe. En cette dernière journée de compétition, nous avions choisi de porter nos propres vêtements, sans tenir compte de la tenue des autres, mais nous nous étions accordés sur un point : nous avions tous le magnifique emblème de la guilde cousu dans le dos de notre haut. Le mien était doré, et je savais qu'il scintillerait sous les rayons du soleil qui brilleraient pendant cette dernière épreuve.

- Impatiente? S'enquit Grey en étendant les jambes devant lui.
- Ça commence.

Il m'adressa un léger sourire, et le roi reprit :

- En cinquième position, Blue Pegasus! 

 Des cris suraigus me firent frissonner malgré la chaleur. 

- On dirait qu'on égorge un cochon, grogna Luxus.
- Une famille de cochons, rectifia Gajil.

Je ricanai avant de me laisser à nouveau surprendre par des hurlements inhumains. Les femmes de ce pays avaient un sacré faible pour les garçons de Blue Pegasus, un faible que je ne pouvais pas comprendre. Ils étaient mes amis, de sacrés bons amis, depuis bien longtemps, mais ils n'en étaient pas moins des dragueurs invétérés, des playboys. Et puis..., ils n'étaient même pas les specimens masculins les plus beaux qu'il m'ait été donné de voir. Sans vouloir jouer les filles énamourées, Sting était cent fois plus attirant que ces crétins prétentieux.
Il fallut plusieurs interminables minutes au public pour se calmer et, lorsque le silence envahit de nouveau l'arène, le roi récupéra son micro :

- Au pied du podium, Fairy Tail A!

Un sourire se dessina sur mon visage et j'applaudis. Si Natsu me demandait un jour si je l'avais acclamé, lui et son équipe, je nierai en bloc mais là, sur le moment, loin de lui, loin de ses regards et de ses oreilles, j'applaudis. J'applaudis sincèrement. Et le reste de mon équipe en fit de même.

- Ils méritent mieux qu'une quatrième place, commenta Mirajane.
- Ils méritent une deuxième place, sourit Grey.

L'éclat de rire de Luxus ne me surprit même pas. Deux semaines auparavant, si quelqu'un m'avait dit que le mage de foudre était capable de faire preuve d'humour, je lui aurais ris au nez. Pourtant, aujourd'hui, alors que nous étions à l'aube d'un combat aussi épique qu'exaltant, plus aucune des réactions que pouvaient avoir le blond ne m'étonnaient. Énormément de choses avaient changées en l'espace de seulement quelques jours. Dans le bon sens.
La clameur de la foule sembla sans fin et, alors, un sourire nouveau s'empara de mes lèvres, le sourire que devait porter chaque membre de la guilde à l'heure actuelle. Ces gens dehors n'acclamaient pas seulement des champions, ils acclamaient tout un groupe, toute une famille, ma famille. Un sentiment nouveau me traversa tandis que des frissons me secouaient.

- Allons, allons, temporisa le Roi. Maintenant, commençons les choses sérieuses et accueillons les troisième de cette compétition, les tigres de Sabertooth!

Comme l'adolescente énamourée que j'étais, j'imaginai Sting pénétrer dans l'arène, les bras levés, un large sourire aux lèvres levé vers son public l'acclamant plus que les autres. Car Sting avait une popularité impressionnante. Il n'était pas simplement un mage surpuissant, il avait aussi un courage fou et il était doté d'une grande beauté. Le combo de ces trois éléments faisait de lui un mage ayant le vent en poupe. D'après ce que j'avais compris, certain commanditaires le demandaient tout particulièrement pour certaines missions, histoire d'avoir le privilège de le rencontrer. C'était fou.

- J'espère que tu penseras pas trop à ton chéri pendant l'épreuve, confia Gajil.
- Bien sûr que non, fis-je en secouant la tête. On a établi qu'on serait ennemis dans l'arène.
- Donc tu ne vois aucun inconvénient à ce que je lui refasse le portrait? Sourit Luxus.
- Si tu pouvais éviter de toucher à son beau visage...

Des sourires me répondirent. De toute façon, je savais que Luxus n'avait aucunement l'intention de se frotter à Sting. On savait tous qui en sortirait vainqueur, mais ça n'aurait aucun sens qu'il s'épuise inutilement. On avait choisi de laisser Natsu se charger de Sting. Peu importe qui sortait vainqueur du duel, on prendrait le gagnant.
Lorsque les spectateurs eurent arrêté de taper violemment des pieds au-dessus de nos têtes, le Roi reprit son micro pour annoncer l'équipe suivante :

- En deuxième position, s'accrochant inlassablement au désir de victoire tant mérité, les mages de Lamia Scale!

Je me levai du banc, car je savais que nous serions les prochains et, alors que mon cœur s'emballait dans ma poitrine en m'imaginant pénétrer dans l'arène, j'entendis la foule scander les noms de leurs champions. Mais ce ne fut pas le nom de Jura qui fut hurlé à tout va, mais plutôt ceux de Léon et Cherrya, les chouchous du public. Car ils avaient été divins pendant ces jeux. Mis à part une dernière journée quelque peu catastrophique, ils avaient remporté tout ce qu'ils avaient entrepris. Ils étaient des adversaires en or. Ils étaient ceux à abattre.
Je me plaçai face à l'immense porte de bois et, un bref instant plus tard, mes amis se postèrent à mes côtés, ils m'entourèrent. Gênée, je voulu changer de place avec Luxus, parce qu'il méritait la place du milieu, la place de chef, celle qui lui revenait de droit, mais il posa une main on ne peut plus ferme sur mon épaule. Je me figeai.

- Bouge pas la sauterelle.
- Mais..., protestais-je.
- J'ai dis : bouge pas.

Je jetai un coup d'œil à ma gauche, à Mira et Grey, qui me sourirent. Chaleureusement. Pas comme de simples amis le feraient, mais comme une famille le ferait. Et, penché vers moi, de l'autre côté de l'immense mage de foudre se tenant à ma droite, Gajil m'adressait un regard d'une tendresse étonnante. Je me figeai doublement.

- Euh, Gajil, pitié, ne me sort pas un truc dégoulinant de sentiments...
- Nah, pas mon truc, grogna-t-il en se redressant. Mais reste où tu es, idiote.
- Pardon?
- Fais pas semblant de pas comprendre. C'est grâce à toi qu'on en est là.

L'air resta momentanément bloqué dans mes poumons. Grâce à moi? Je me sentis alors plus grande, presque à la hauteur des quatre monstres qui se tenaient près de moi. Ils étaient plus puissants, beaucoup plus puissants, plus courageux, plus déterminés, et pourtant..., ils me considéraient comme leur égale, comme celle grâce à qui en était arrivé là où on en était. C'était incroyable et, tandis que cette information se frayait un chemin en moi, mon cœur gonflait.

- Prends pas la grosse tête, ajouta-t-il.

Un rire bref m'échappa.

- Si vous n'aviez pas été là, je...
- Bon sang! S'exclama Luxus. Ça suffit avec toutes ces conneries. On s'aime, c'est super, on vit dans un monde de paillettes et de chansons pour gosses, c'est bon, on a saisi.

C'est au moment où on éclata tous d'un rire aussi sincère que bruyant que les portes s'ouvrirent, sans qu'on ait entendu le Roi annoncer notre entrée auparavant. Mais je fus incapable de distinguer quoi que se soit dans la lumière qui nous baigna alors et derrière le flot de mes larmes semblant intarissables ces derniers jours. Je n'avais jamais autant pleuré que depuis le début de ces jeux stupides. Sting m'avait donné envie de pleurer, bien sûr, et plus d'une fois, mais mon équipe avait été celle qui m'avait le plus émue. Au cours de cette incroyable aventure, j'avais découvert des personnalités qui m'étaient chères. J'avais cru connaître mes quatre camarades, mais je m'étais fourvoyée. Ces quelques jours en leur compagnie m'avaient confortée dans l'idée qu'ils étaient tout pour moi, que je donnerai tout pour eux. Ils étaient ma famille.
D'une main dans le dos, Luxus me donna une légère impulsion pour m'inciter à avancer et, un large sourire aux lèvres, je menai mon équipe au cœur de l'arène.
Lorsque mes yeux s'habituèrent à la luminosité et que mes larmes eurent cessé de couler à flot, je découvris un public exalté, brandissant des drapeaux à l'effigie de notre guilde, scandant nos noms à tout va. Et, dans un coin de l'immense arène, je découvris le maître dressé sur son siège. Je sentais son regard perçant sur moi, et je savais que je ne rêvais pas. Je lui avais pour ainsi dire ordonné de me regarder, parce que j'allais remporter ces jeux, et je n'avais jamais été aussi proche de le faire. Il le savait. Il le voyait. Il y croyait.

- Papy te regarde, murmura Luxus par-dessus la cohue.

J'ouvris la bouche mais, d'une main sur mon épaule, il m'arrêta :

- Tu lui a prouvé qu'il avait fait le bon choix en te nommant dans cette équipe.

On s'arrêta au centre de l'arène, aux côtés des autres équipes qui s'étaient placées en cercle, se jaugeant avec férocité avant cette ultime épreuve. Face à nous, Fairy Tail A nous fixait avec intérêt, chacun semblant avoir choisi une cible de prédilection : Fried se chargerait visiblement de Luxus, Juvia avait une dent contre Grey, Elfman voulait la peau de Mirajane, Erza ferait sa fête à Gajil, et Natsu me regardait si méchamment que j'en tremblait presque.

- Tu nous l'a prouvé à tous, ajouta Luxus avant de me lâcher.

Je pris une profonde inspiration pour ne pas pleurer comme une madeleine et je portai mon regard sur Natsu, qui semblait incapable de détacher ses yeux de moi. Il fit craquer ses phalanges avec un sourire dévoilant ses canines anormalement pointues. Une semaine auparavant, j'aurais pleuré et je me serai terrée dans un trou, bien loin de ce monstre. Aujourd'hui? Un sourire étira mes lèvres et je croisai les bras sous ma poitrine, soulevant les sourcils, arrogante.

- Bienvenue à tous les participants! S'écria le Roi.

La clameur des spectateurs se tut peu à peu et, debout sur sa chaise, le Roi écarta les bras pour tous nous englober :

- Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir participé à ces jeux. Les mages sont des êtres mystérieux, souvent crains, alors je suis heureux que vous ayez tous décidé de prouver au pays que vous étiez capables de plus, que vous étiez capables de ravir toute une contrée!

De nouvelles acclamations s'élevèrent un peu partout dans l'arène. Quant à moi, je me contentai d'applaudissements mesurés, de plus en plus anxieuse. Nous avions une certaine avance sur les deuxième du classement, onze points, pour être exacte, mais à la moindre erreur, nous pourrions perdre cet avantage et perdre les jeux. Et aujourd'hui, toutes les autres équipes étaient prêtes à nous détrôner. Nous étions les ennemis à abattre. Pourtant, une semaine auparavant, j'aurais tremblé comme une feuille. Aujourd'hui, je souriais.

- Et j'espère que vous saurez finir ces jeux en beauté, que vous prendrez du plaisir, mais que vous en donnerez également au public. Je veux que vous vous amusiez, que vous nous montriez que les mages sont des êtres exceptionnels, qui méritent d'être ici, dans cette arène, et qui méritent de remporter ces jeux!

Ça ne m'étonna guère, mais la guilde de Fairy Tail fut bien plus bruyante que toute l'arène réunie au grand complet. Oui, j'étais membre d'une famille de sacrés sauvages, des brutes épaisses incapables de la mettre en sourdine plus de trois minutes.

- Mais trêve de politesses, nous sommes venus aujourd'hui pour voir des combats! Alors, sans plus attendre, nous allons lancer l'ultime épreuve de ces jeux : la bataille royale. Vous connaissez les règles, si vous vainquez un adversaire, vous remporter un point; si vous battez le leader d'une équipe, vous gagner cinq points. Alors, mesdemoiselles, messieurs mages, tenez vous prêts... c'est parti!