Chapitre 36.

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20 avril 1970, Château Malefoy, Yorkshire.


Le temps était parfaitement splendide ce jour-là, pour la célébration de Pâques. Bellatrix était arrivée au château Malefoy, la demeure du frère aîné d'Abraxas, accompagnée de Rodolphus, Rabastan, Mérida et Arsenius. Elle était très heureuse d'être dispensée de la chasse aux œufs cette année : elle était une femme désormais, et non une enfant que l'on fait courir à travers toute la propriété après des chocolats. Alors, pendant que ses sœurs et les autres jeunes étaient en train de courir dans le jardin, Bellatrix sirotait tranquillement son champagne, à l'ombre de l'immense tente blanche dressée pour protéger le buffet du soleil.

Tout le monde s'était habillé de blanc cette année, à la demande d'Aeta Malefoy. Bellatrix avait trouvé cette idée ridicule, mais n'avait pas dérogé à la règle : elle avait revêtu une élégante robe à manches longues en coton, dont le buste était couvert de jolies broderies, avec un long jupon qui tombait en cascade sur ses jambes. Elle avait même pris la peine de porter une capeline et d'attacher ses cheveux en tresse. Ainsi vêtue, elle avait l'air de tout sauf d'une tueuse. Pourtant, pendant qu'Aeta et d'autres femmes discutaient du nouvel article de la Gazette titré « meurtre d'un journaliste : l'assassin encore en liberté », elle ne put s'empêcher de ressentir une immense fierté, et un profond amusement en sachant que la plupart des individus ici présents n'avaient aucune idée que l'assassin n'était autre que la jolie fille aînée de Cygnus Black III. Et son époux, bien sûr, même si, techniquement, c'était Bellatrix qui avait mis fin aux jours d'Edmund Allen.

- J'espère qu'ils ne trouveront jamais l'assassin, fit une sorcière qui portait une affreuse cape au motif fleuri. Ce sang de bourbe n'a eu que ce qu'il méritait. Qualifier nos valeurs d'archaïque, nous appeler « pseudo élite »... je ne veux pas savoir si Vous-Savez-Qui est derrière cette affaire, mais s'il l'est, il a mon entier soutien.
- Ils agissent comme si les disparitions étaient une mauvaise chose... il faut savoir faire le tri parfois ! moi je dis : mieux vaut prévenir que guérir ! Laissez trop de sangs de bourbes infester notre société, et bientôt il n'y aura plus un seul sorcier qui descendra de véritables familles sorcières. Ces sangs de bourbe sont des voleurs de magie, et ce qui leur arrive n'est que justice rendue. S'ils ne se sentent pas en sécurité ici ; qu'ils rentrent chez-eux, personne ne les retient ! s'exclama une autre.
- Si seulement tout le monde pouvait penser comme nous, la vie serait tellement plus simple, renchérit une troisième. Mais voyez le gouvernement qu'on a ! Jenkins qui soutient les Cracmols et autres nuisibles... une honte. J'ai entendu qu'elle souhaite renforcer les pouvoirs des aurors...elle veut absolument mettre fin à la série d'attaque contre les sangs de bourbes. Paraît-il qu'elle songe même à autoriser l'usage des impardonnables par les aurors pour appréhender les éventuels « meurtriers ». Et on parle de justice ! c'est complètement insensé.
- Eugénia, intervint une dernière, tu sais très bien qu'elle ne pourra jamais faire cela. Et puis, ce n'est pas comme si les aurors étaient entraînés à lancer de tels sortilèges. La plupart n'ont aucune connaissance en magie noire, ils n'auront aucune chance s'ils se retrouvent face à l'un des nôtres. Moi j'ai confiance en l'avenir, et je sais que Vous-Savez-Qui, s'il est réellement la cause des événements récents, saura prendre notre pays en mains. Les choses sont bien parties, ne trouvez-vous pas ? Cela fait plus d'un an que ça dure, et personne ne s'est retrouvé à Azkaban. Croyez-moi : les choses vont bientôt changer, et pour le mieux !

Si Bellatrix avait été plus sensible, une larme d'émotion aurait peut-être roulé le long de sa joue. Les mots qu'elle venait d'entendre lui réchauffait le cœur et emplissait son âme d'une fierté sans nom. Elle était si excitée d'assister à une telle conversation qu'elle se trouva dans le besoin d'aller se rafraichir. Le champagne avait beau être soigneusement disposé dans des sceaux remplis de glaces enchantées pour ne pas fondre, c'est d'un bon coup d'eau sur le visage dont elle avait besoin. Aussi, elle s'excusa auprès de Mérida et Arsenius, et s'éclipsa.

À l'intérieur du château, seuls les elfes de maison traversaient les couloirs. Tout le monde était rassemblé dehors. Elle alla donc à la salle de bain du rez-de-chaussée, tourna le robinet (incrusté des armoiries des Malefoy, bien évidemment), et plongea sa figure sous l'eau froide durant de longues secondes. Elle se releva, sécha son visage d'un coup de baguette, puis sortit de la pièce un peu plus fraîche qu'auparavant.

Mais, en passant devant les portes fermées de ce qu'elle devinait être la librairie de la famille, un bruit étrange attira son attention. Ou plutôt, une voix. Une voix familière, trop familière pour que Bellatrix ne la reconnaisse pas immédiatement. Et cette voix venait de crier un nom, un prénom que Bellatrix connaissait également, mais qui n'avait rien à faire sur les lèvres de son auteur.

Aslan.

Le sang de Bellatrix ne fit qu'un tour dans ses veines, et il ne lui fallut d'une seconde d'hésitation avant qu'elle n'ouvre brusquement les portes de la librairie, détruisant le sortilège de protection qui les avaient maintenues verrouillées jusqu'alors.

Et elle dut se retenir de vomir devant la vision d'horreur qui s'offrait à elle. Comment osait-elle leur faire cela ? Comment osait-elle offrir son corps à un autre, elle qui avait toujours éduqué ses filles pour devenir de parfaites épouses ? Comment osait-elle ainsi insulter le père de ses enfants ? Insulter le nom qu'elle portait si fièrement au quotidien ?

Druella eut un hoquet de surprise, et Aslan Malefoy s'éloigna d'un bond de la femme, rajustant maladroitement son pantalon tandis que sa maitresse peinait à descendre du bureau sur lequel il l'avait prise.

Bellatrix tourna la tête, regardant résolument le mur à sa gauche, les muscles de son visage plus tendus que jamais.

- Bellatrix, dit Druella d'une voix légèrement tremblante. Ce n'est pas ce que tu crois...
- Je n'en veux rien savoir, répondit sèchement sa fille, les poings si serrés que ses phalanges en étaient devenues blanches. Tu es une honte pour notre famille.

Elle s'autorisa ensuite à regarder en direction d'Aslan Malefoy, qui était resté étrangement serein tout du long.

- Et vous, monsieur Malefoy, ne croyez pas une seule seconde que vos actions resteront impunies, siffla la brune. Lorsque le Seigneur des Ténèbres apprendra que...
- Je doute que cette affaire me concerne, ma douce, fit une voix froide derrière elle qui fit sursauter Bellatrix.
- Maître, dit-elle en s'inclinant profondément devant le mage noir qui venait de faire irruption dans la pièce.

Druella semblait si mal à l'aise que Bellatrix crut un instant qu'elle allait s'évanouir. Et ce serait bien fait pour elle, pensa-t-elle ensuite.

- Maître, mon père est un de vos fidèles serviteurs, si cette affaire venait à être connue, ce serait à notre désavantage à tous. L'image de notre communauté serait abîmée et...
- De quoi parles-tu, Bella ? dit-il d'un ton neutre, le regard braqué sur Aslan Malefoy.
- M...Maître... monsieur Malefoy et...
- Il ne s'est rien passé, Bella.

Bellatrix resta bouche-bée. Est-ce que son Maître prenait la défense d'Aslan ? Pourquoi ? La brune posa ses yeux sombres et furieux dans les yeux gris et calmes du maître de maison. Elle bouillait de rage. Elle ne supportait pas la vue de ce visage si noble, de ces yeux d'agates, de cette chevelure ridiculement blonde, de ce sourire satisfait. Elle ne supportait pas non plus le fait que ce visage soit pourtant étrangement réconfortant, comme s'il était associé à une chose qui rendait habituellement Bellatrix heureuse.

- Malefoy, Black, il serait avisé que vous rejoigniez les autres avant qu'ils ne remarquent votre absence.

Druella sortit presque en courant, et Aslan prit le temps de s'incliner devant son Maître avant de quitter tranquillement la pièce, passant devant Bellatrix sans lui prêter la moindre attention.

- Ils doivent être punis, mon Seigneur ! s'exclama Bellatrix une fois qu'elle fut seule avec son Maître. En agissant ainsi, ils font déshonneur à toutes nos valeurs, à tout ce que vous prônez ! ils manquent de respect à nos familles autant qu'à vous, Maître !
- Bella... grogna le mage noir.
- Ils sont une honte pour les maisons Malefoy et Black ! L'adultère est prohibé par toutes les règles qui nous sont transmises et par les liens du mariage !
- Bella, cesse donc.
- Et mon père, Maître ! Comment ose-t-elle ! Il est Cygnus...
- III de la noble et ancienne maison Black, oui, tout le monde est courant, coupa Voldemort d'une voix dure. Crois-tu que tu sois la mieux placée pour juger une sorcière volage ? Tu m'ouvres tes cuisses chaque fois que je te l'ordonne, laissant ton époux passer ses nuits seul dès que ton Maître souhaite prendre ton corps...
- Vous n'êtes pas n'importe quel sorcier, cela n'a rien à v...
- L'adultère reste un adultère, hissa Voldemort. Tu n'as pas à juger Druella, ni Aslan, et tu n'as certainement pas à me contredire. Qui penses-tu être pour t'adresser ainsi à ton Maître ?
- Je...
- Tu ne diras rien à personne de ce qui tu as vu, parce que tu n'as aucun intérêt à le faire et parce que je te l'ordonne. Tu es idiote si tu crois que la majorité des couples de sangs purs sont parfaits. Tu n'as pas idée du nombre de bâtards que l'on présente comme des enfants légitimes. Mais est-ce que cela pose un réel problème ? ils ont un sang pur, et leurs parents maintiennent leur mariage en sauvant les apparences. Tu sais pourquoi cela marche ? parce que tout le monde continue de prétendre que tout va mieux dans le meilleur des mondes. Par Merlin, Bellatrix, cesse de réagir comme un enfant.
- Je suis désolée, Maître.

Voldemort soupira.

- Va. Rejoins ton époux. J'arrive dans un instant.


****


- Regarde, Bella, regarde tout ce que j'ai trouvé ! J'ai pris l'œuf de Flora, elle n'avait qu'à le trouver avant moi. Ne lui dis pas, hein.

Bellatrix écouta sa sœur d'un air absent. Narcissa semblait ravie d'avoir dérobé les récompenses de ses amies. Elle sautillait sur place, dans son bonheur, faisant danser le jupon de sa jolie robe blanche. Elle était ravissante -comme d'habitude.
Elle fut rejointe par le jeune Lucius, qui n'arrivait visiblement pas à rester loin d'elle plus de cinq minutes.

- Flora va être furieuse quand elle va apprendre que tu lui as volé son œuf. Elle est déjà en train de se plaindre à sa mère qu'Aeta avait oublié de lui préparer son dû, dit le jeune sorcier.
- Qu'est ce que je m'en fiche, répliqua Narcissa en gloussant. Elle n'est même pas capable de transformer une chaussure en vase, alors ce n'est pas elle qui réussira à m'intimider.

Les deux se mirent à rire. Le regard de Bellatrix se posa successivement sur Narcissa, sur Lucius, puis sur Narcissa encore une fois, et son estomac se retourna dans son ventre. Comment avait-elle pu être aveugle aussi longtemps ? les cheveux blonds, les yeux gris... même leurs lèvres avaient la même forme, pour l'amour de Morgane !

Bellatrix avait envie de pleurer. Comment sa mère avait-elle pu leur mentir à ce point ? Comment avait-elle pu cacher au monde que sa petite dernière, sa précieuse Narcissa n'était autre qu'une bâtarde Malefoy ? Comment se faisait-il que personne ne s'était posé de questions en voyant un beau bébé blond aux yeux clairs sur l'arbre généalogique d'une famille dont absolument tous les membres étaient bruns aux yeux sombres ?

- Bella, ça va ?

Bellatrix déglutit, et peina à soutenir le regard innocent de sa petite sœur.

- J'ai juste besoin d'air, dit-elle en se levant de sa chaise, ne prêtant pas attention à la réponse de sa sœur « mais on est dehors... ».


****


- Tout va bien, Bella ?

Rodolphus était venu la rejoindre, alors qu'elle s'était éloignée du reste du groupe.

- Fatiguée, répondit machinalement la sorcière.

Il resta à ses côtés, sans rien dire -et Bellatrix lui en fut reconnaissante. Elle n'avait pas besoin qu'il dise quoi que ce soit. Ce n'est pas comme si elle pouvait lui expliquer le problème, de toute façon. Elle n'avait personne à qui en parler.

- Lestrange, j'aimerai toucher deux mots à ton épouse, si tu me permets.

Peut-être qu'elle avait quelqu'un, finalement. Du coin de l'œil, elle vit Rodolphus s'éloigner et Voldemort prendre sa place.

- Narcissa sera toujours une Black. Elle ne partage peut-être pas cette partie de vos gènes, mais elle a reçu la même éducation que vous, dit calmement Voldemort. Vous l'avez toujours aimée comme l'une des vôtres, parce que c'est ce qu'elle est. Peu importe qu'elle ait du sang Malefoy. Elle ne fera jamais vraiment partie de leur famille. Enfin, sauf si elle épouse le fils d'Abraxas, ce qui va certainement arriver vu la façon répugnante dont ils se comportent déjà.

Bellatrix ne put s'empêcher de rire à cela, et elle sentit Voldemort prendre son visage dans ses mains pour rencontrer son regard.

- Ne perds pas ton énergie dans la rancœur, Bella, dit-il d'une voix douce. Tu as des choses bien plus importantes à penser. Concentre-toi sur ton devoir, me servir. Pas sur ton idiote de mère, hmm ?

À ce moment précis, Bellatrix eut très envie de servir son Maître. Et il parut sentir cela, car un sourire amusé se dessina sur ses lèvres, et une lueur affamée traversa son regard avant qu'il n'attira Bellatrix contre lui.

- Je crois que nous avons assez profité de cette fête, qu'en dis-tu ? murmura-t-il à son oreille.
- J'en dis que personne ne nous en tiendra rigueur si nous prétextons une urgence, mon Seigneur, roucoula Bellatrix qui avait l'impression de fondre entre les bras de son Maître.

Voldemort émit un léger rire sombre qui provoqua une vague de chaleur entre les cuisses de Bellatrix.

- Je suis le Seigneur des Ténèbres, Bella. Je n'ai pas besoin de prétexter une urgence pour aller profiter de la délicieuse compagnie de ma servante.

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