Chapitre 6 ➳ 𝐥𝐨𝐨𝐬𝐢𝐧𝐠 𝐭𝐞𝐦𝐩𝐞𝐫

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      Ces derniers jours ont été longs et difficiles. Les cours ont commencé à être plus intenses maintenant que nous approchons de la période des examens. Je n'ai eu que très peu de temps pour souffler. Lorsque je finissais à avoir un petit moment pour moi, l'anxiété et ma peine prenaient le dessus pour me vider de toute énergie. Les émotions m'ont submergée par centaines, autant physiquement que mentalement, au point où j'ai fini par me sentir entièrement vide. Mon esprit trop éreinté par les derniers événements. J'ai la sensation que mon corps ne m'appartient plus et que je le regarde d'au-dessus sans avoir la possibilité de lutter contre. Je me sens prisonnière de mes propres émotions, dans un état second dont je n'arrive pas à sortir.

      Cet après-midi est la première que j'ai de libre depuis une bonne semaine. Je suis dans mon appartement seule et je laisse mes pensées prendre le dessus encore une fois. Je sais que je ne peux rien faire contre elles et qu'elles sont mon pire ennemi. Je ne peux pas les éviter car elles sont en moi, toujours là. Le dessin est ma seule échappatoire. Cependant je ne trouve pas l'inspiration. Je reste bloquée, allongée sur mon lit à attendre qu'elle arrive mais c'est le néant. Je décide alors de m'offrir un semblant de pause et de quitter mon appartement pour aller me balader à l'extérieur. Je prends mes affaires et en rien de temps je suis dans la rue en direction de la place au centre-ville. Je ne veux pas aller au parc et prendre le risque de croiser l'inconnue. J'ai besoin d'être seule, de m'isoler de toutes les choses qui peuvent me plonger dans le mal.

      Je suis toujours aussi blessée et en colère par rapport aux révélations de ma meilleure amie. Je le prends mal que l'inconnue ait portée plus d'attention à Lucy qu'elle ne connaissait seulement depuis deux minutes plutôt qu'à moi qu'elle voit depuis des semaines. Je sais que si je viens à la croiser, je n'aurai que cette histoire en tête et que la peine ainsi que la rancoeur des derniers jours vont refaire surface. Or je n'ai pas la force de me confronter à elle. Je lui en veux mais je me dis qu'elle ne mérite pas de recevoir mon sale caractère. Elle est libre de faire ses propres choix. Si je me tiens loin d'elle, loin du parc et de l'occasion de la revoir, elle n'aura plus à jouer un personnage. Je me dis que lui donner de l'espace lui permettra de plus avoir à faire semblant de vouloir faire ma connaissance. Elle ne sera plus obligée de répondre à mes questions et de rester en ma compagnie. Au final, je ne sais même plus si je suis en colère, jalouse, rancunière ou juste triste que les choses prennent cette tournure avec elle. Alors je fais ce que je sais faire de mieux quand les choses deviennent trop compliquées, je fuis et aujourd'hui je la fuis elle.

      Pourtant cette semaine je n'ai pas cessée de penser à elle. Je suis passée plusieurs fois devant le café où elle travaille avec l'espoir de la croiser. Mais je ne la voyais pas et je n'osais pas franchir la porte pour voir si elle n'était pas juste cachée par les clients. Qu'importe les sentiments négatifs que j'ai pu ressentir ces derniers jours et que je ressens encore, je veux respecter son choix de garder tout ceci privé. Je ne veux pas entrer et découvrir cet aspect de sa vie dont elle ne m'a pas donné l'accès. Si elle ne m'a rien dit c'est pour une raison. Je me suis donc contentée de rester à l'extérieur, de jeter un rapide coup d'oeil et de filer à mon appartement à chaque fois. Malgré le peu de temps que je restais devant, j'ai pu remarquer que je ne la voyais jamais tôt le matin et en fin de journée. J'en ai déduit par conséquent qu'elle devait travailler entre midi et deux. Cette déduction m'a fait un léger pincement au coeur. La seule chose que je sais sur elle, je l'ai récolté par hasard alors que j'aurai tant aimé l'apprendre de ses lèvres.

      Je chasse toutes ces pensées de ma tête et je réalise que je suis déjà arrivée au banc. Je prends le temps de regarder autour de moi. Je ne vois personne, je ne la vois pas. Je m'assois et je sors mes affaires afin de commencer à dessiner. J'observe les alentours afin de trouver une quelconque inspiration. Mes yeux se posent sur des personnes qui la seconde d'après disparaissent dans leurs voitures ou dans des rues adjacentes. Tout le monde essaye de se réfugier dans un endroit chaud, de vite rentrer dans leur cocon et finir cette journée. Je suis la seule assise à prendre mon temps et à profiter de l'extérieur. Le froid calme mon coeur et ma tête. Le seul problème est que je ne trouve rien à dessiner en particulier à cause de tout ceci. Je ferme les yeux quelques secondes et j'essaye de faire le vide. Le vent frais qui chatouille mes joues et mon cou me ramène à moi. Je décide donc de dessiner la place tout simplement mais en lui donnant un environnement plus sombre. Je veux avoir l'impression de la regarder en pleine nuit. Je souhaite revenir à cette soirée que j'ai partagée avec l'inconnue. J'aimerais ressentir le calme et la liberté qu'elle m'a offerts pendant quelques heures. C'est le seul moment de paix que j'ai eue récemment et je veux le capturer dans mon carnet et garder à jamais toute sa splendeur. Je place toute ma concentration dessus et je suis soulagée de réussir à le faire pleinement. Le monde autour de moi se met à disparaitre petit à petit et je me retrouve dans ma petite bulle . Il n'y a plus de colère, de tristesse ou de pensées parasites. Juste ma passion, le carnet et ma main qui dansent au-dessus de celui-ci. Le bruit du frottement de la mine contre la page me procure une bouffée de sérotonine dont j'avais tellement besoin. Je peux enfin souffler.

Lost Hearts ➳ CamrenWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu