Chapitre XV - Change-forme

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*PDV Externe*

La créature se glissa hors des égouts en grognant. La plaque grillagée en fonte crissa sur le goudron, encore humide de la dernière averse. Elle hissa, non sans mal, ses jambes par dessus le rebord, s'appuyant sur ses bras rachitiques ridiculement longs. Elle était parfaitement consciente du risque qu'elle prenait en se montrant ainsi, sous sa forme originale, en pleine rue, mais elle était bien trop fatiguée pour se transformer. Heureusement, il était tard et les gens étaient rentrés chez eux.

Malgré toutes les chasses qu'elle avait lancé, elle était affamé. Et pour cause : la nourriture n'était pas pour elle. D'habitude, elle se contentait de traquer un ivrogne à la sortie d'un bar ou un vieil homme dont personne ne remarquerait la disparition. Le petit gros de la semaine passée était simplement un cas de première nécessité. Quant à l'adolescent de la veille, c'était un avertissement. Ces imbéciles de policiers mettaient un peu trop leur nez dans cette affaire de cadavre. Certes, c'était leur travail, mais ils n'en restaient pas moins gênants. S'ils parvenaient à remonter la piste jusqu'à elle, ce dont la bête doutait franchement, elle n'aurait pas d'autre choix que de les tuer un par un. Cependant, les agents n'étaient pas la seule menace qui l'empêchait de développer complètement sa force. Ils semblaient s'être alliés avec une meute, ou plutôt un ramassis de créatures surnaturelles qui jouaient les justiciers en ville. Ils connaissaient du monde. C'étaient eux qui inquiétaient le plus la monstruosité qui se déplaçait en rampant sur la chaussée.

Si elle arrivait à les transformer à leur tour, sa victoire serait assurée. Malheureusement, sa première tentative avait misérablement échoué. L'adjoint était à deux doigts de prendre sa place dans la meute. Évidemment, il avait fallu que cette idiote de chasseuse se pointe avec son collier à la con et le soigne. Elle avait perdu la mémoire, ce qui signifiait donc qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait. Mais si par hasard, elle venait à se souvenir de ses activités avant l'accident, voire pire : de lui, alors il perdrait tout et serait condamné à se terrer dans les bois pour lui échapper. Il fallait frapper vite et fort, avant qu'il ne soit trop tard.

Mais pour ce faire, il avait besoin d'agrandir sa meute. Hors, si elle avait compris comment en soigner un, elle arriverait à soigner les autres. A ce moment-là, il ne pourrait plus créer de nouveaux membres... A partir de maintenant, il allait devoir cacher les humains en transition. Le monstre jura et un sifflement s'échappa de ses lèvres filiformes. Un chat détala et se réfugia dans un garage ouvert. Bien que la nuit soit déjà bien entamée, une fenêtre à l'étage était allumée. La faim de la créature doubla à la perspective d'un bon repas.

Ces temps-ci, il prenait beaucoup de risques pour nourrir sa meute fraîchement transformée. Ils ne se contrôlaient pas, il devait donc se charger de les cacher dans les égouts tandis qu'il allait chercher à manger. S'ils continuaient comme ça, ils finiraient par se faire choper. Plus d'une fois, il avait pensé à s'en débarrasser, mais l'idée ne tenait pas la route : comment pourrait-il lever une armée sans soldats ? Même si ces soldats se comportaient comme des enfants capricieux, il avait besoin d'eux. Ils le rendaient un peu plus puissant au fur et à mesure que de nouveaux membres rejoignaient la meute. Cela devenait de plus en plus difficile chaque jour. Les humains avaient bien compris que quelque chose se tramait et ne sortaient à présent qu'en groupe et jamais après le coucher du soleil...

La bête regarda encore la fenêtre lumineuse d'un air gourmand, pesant le pour et le contre. La faim finit par l'emporter sur la raison et elle s'accrocha à la gouttière. Elle dû faire un effort surhumain pour grimper le long du tuyau en zinc. Arrivée à mi-hauteur, elle souffla bruyamment, au bord de l'asphyxie. Une ombre s'envola. Surpris, le monstre se couvrit le visage pour se protéger des serres de l'oiseau, manquant de basculer dans le vide. Agacé par le bruit des ailes qui battaient dans ses oreilles, il attrapa violemment l'animal et lui tordit le cou. Un craquement lugubre retentit et le pigeon retomba sur le trottoir avec un bruit mou. Splouic !

Amnésie (Teen Wolf)Where stories live. Discover now