* [partie 2]

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« Un homme peut arriver à haïr celui qui l'a vu dans toute sa faiblesse »
- Stephen King, extrait de La ligne verte

« If you love somebody, that don't love you back, love them anyway »
- Drake, Nothing Was The Same

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Je m'approchai dans le dessein d'éclaircir ma vue flouée, je reconnus cette petite blondinette lunetteuse aux joues rosées frappant nerveusement à la vitre. Blasée, j'ouvris cette dernière presque involontairement. Ça n'étais pas lui, ça ne sera jamais lui, pourquoi espérer ?

Je reculai de quelques mètres de l'ouverture pour lui laisser l'espace qu'il lui fallait pour la franchir. Quelques secondes plus tard, elle faisait les cent pas dans la pièce blablatant infiniment sans même se soucier du brouillamini y régnant. Note à moi-même : obliger Nathalie à changer sa paire de lunettes.

Je ne l'entendais plus, sa voix se mêlait peu à peu à un silence n'existant que dans les abysses de mon esprit. C'est drôle. J'arrivais à me détacher de la réalité mais pas d'une simple personne. C'est drôle.

Et je le haïssais à cette instant, pour ne pas être au près de moi, à mon chevet. Je le haïssais pour être là toujours enfoui dans un coin de ma tête à animer les ébauches de mon être même après m'avoir trahi, pour m'avoir berné, et par dessus tout pour être celui qu'il était.

_ 11 rendez-vous ! Répétait-elle. 11 projets que j'ai dû annuler parce que madame à décider de ne pas ce pointer ! Pourquoi es-tu autant injoignable ? Tu n'es pas la reine Élisabeth à ce que je ne sache...

Elle stoppa net quand elle s'aperçut enfin (Alléluia !) du désordre monstrueux à ses pieds. Elle mima une expression d'incompréhension total et de peur à la fois.
Je me contentai de rabattre mes cheveux en avant afin de camoufler mes blessures. Cool je vais agrandir ma collection de cicatrices ! Rien de mieux pour un mannequin, Youpi !
Notre couple avait une image parfaite, voire fabuleuse auprès de mon entourage et des médias, et vue que celui-ci risquait de perdurer, je me devais de conserver cette image à tout prix.

_ C'est quoi.... Bordel de merde ! jura t-elle.

Je m'assis sur l'une des chaises, enfin je m'y 'écroulai' plutôt, elle me rejoins dans la minute près et s'agenouille comme pour prier, avant de déposer ses paumes froides sur mes genoux et d'afficher un visage compatissant.
Je reste de marbre, je l'ignore, je ne veux pas de sa pitié.

_ Anna, qu'est-ce qui c'est passé ? C'est l'alcool, hein ? Tu t'es remise à boire ? demanda t-elle d'une voix douce.

Comment ça c'est l'alcool ? Me prenaient-ils tous pour une ivrogne ? Tous pareils, tous des vautours jaloux de mon succès. Ils m'envient, ils me jalousent, ça devait l'euphoriser de me voir dans un tel état !

Mais oui, le malheur des uns fait le bonheur des autres.

Au fond elle devait se dire : « Ah là on fait moins la maligne ! »
Or qu'à l'extérieur elle se faisait triste et préoccupée par mon tourment, comme si ça pouvait l'inquiéter. Derrière ses airs de chérubins à la Mère Teresa se cachait Belzébuth en personne, prêt à me conduire vers ma fin.
Mais cette traînée ignorait que j'avais tout capté et qu'elle ne perdait rien pour attendre...

_ Allez dis-moi, je suis ton amie, tu peux me le dire.

_ Enlèves tes mains, tu n'est pas mon amie ! Tu travailles pour moi et je ne me familiarise pas avec le personnel, crachais-je sèchement.

Je la hais elle aussi ! C'est maintenant qu'elle en a quelque chose à foutre de moi ! N'avait-elle jamais vu à quel point je me sentais malheureuse, vide et creuse ?
Une vague de haine et de rancœur me submergeait, je me rendais compte que je n'ai jamais reçu le soutien de mes proches, ils ne me connaissent pas réellement. Je passe mon temps à mentir, à cacher, à jouer la comédie, c'est juste une performance, une performance digne de Broadway.
Ils n'ont pas la moindre idée du calvaire que je vis.

ANNAWhere stories live. Discover now