A quoi tient la survie?

Bien traiter ses prisonniers.

Nous restons méfiantes envers les cinq inconnus. Après tout, on est deux filles au milieu de dix garçons. Pour l'instant, ils sont enfermés cependant bientôt si tout va bien, ils seront libres. Ils n'ont pas vu de filles depuis un an minimum. Ils ont l'air de mecs bien. Je reste sur mes gardes et ne lâche jamais mon arme. Killer suit Mélia à la trace. Nous continuerons même après les quinze jours de quarantaine. Nos amis nous ont promis de veiller sur nous.

Maltez a prévenu chacun des gars. Mélia et moi sommes sous sa protection, celle de Blaise, d'Alex, du professeur et de Thibaut. On est leurs petites sœurs. Le premier qui dérape, il l'explose. Je souris à son coté protecteur. C'est moi qui ai les armes pourtant, il continue de me protéger. Ce n'est pas qu'il nous prend pour de faibles filles. C'est sa façon de montrer qu'il tient à nous. Alors, je ne dis rien.

Maltez a vraiment une âme de leader. Le groupe le respecte et le suit malgré son jeune âge. Le professeur et nos trois autres amis sont aussi très appréciés. Le groupe est plutôt solidaire. Il est composé de potes, d'étudiants et de quelques hommes qui se sont retrouvés dans la même galère de survie, se serrant les coudes. Aucun ne me parait dangereux. Toutefois, la protection de Maltez est un atout sécurité non-négligeable.

Un quotidien se met en place doucement. Nous apprenons à nous connaître. Les aptitudes de chacun sont exploitées. En évoquant leurs futures fonctions, je sens une vague d'espoir gagner chaque membre du groupe. Le lieu est sûr. Il y a de la nourriture, des vêtements, de l'eau potable, des médicaments. Ils peuvent souffler, reprendre des forces. Le lieu permet de se poser durablement. Ils ne semblent pas se formaliser de notre légère folie. La tenue Kawai de Mélia les fait plutôt sourire avec bienveillance. Mes remarques loufoques ou totalement flippantes aussi. Je crois qu'ils ont compris que notre bizarrerie nous a permis de tenir aussi longtemps seules.

Au bout de quatre/cinq jours, Mélia fait une remarque blagueuse sur leurs looks de barbu. Ils n'ont pas vu de rasoir depuis un bail. Lorsque je propose de raser certains d'entre eux, c'est Blaise qui ouvre le bal. C'est le seul qui n'a pas peur de me voir approcher un couteau aiguisé de sa gorge. Je m'occupe de la barbe. Mélia s'attelle à la coupe de cheveux.

Mélia coupe avec un ciseau le plus gros des cheveux et de la barbe. Puis, avec la tondeuse des chevaux, elle lui raccourcit les cheveux très proprement. Assis sur une chaise penchée en arrière, moi assise sur la table derrière, sa tête sur mes cuisses, je débarrasse Blaise de sa broussaille. Il est rasé de très près, sans une seule coupure. Mélia et moi, nous nous extasions sur la beauté de Blaise, surtout pour faire râler Damien. Tous nous demandent un rafraîchissement de look. Nos prisonniers reprennent des couleurs et un visage civilisé.

Je ne peux m'empêcher de chercher des poux à Maltez gentiment. Je ne lui rase qu'une moitié de visage. Je lui donne du gel douche et du shampoing à l'odeur de fleur ou de bonbons. Je le bouscule pour qu'il tombe dans la fosse à purin. Je glorifie les autres garçons, surtout Blaise, devant lui. Je le force à écouter des musiques qu'il déteste. Quand il remet en doute ma santé mentale, j'écarquille les yeux et ouvre la bouche, prenant un air de dérangée du cerveau.

- Six mois que j'écoute en boucle la musique Kawai. Je t'assure, aucune séquelle au cerveau. Et puis... C'est moi qui ai le fusil donc tu peux rien faire grand chef.

Je m'éloigne en gesticulant n'importe comment. Tous ceux à proximité pleurent de rire. Damien se mord les lèvres. Il retrouve ma douce folie d'avant. Même si je viens de me moquer de lui, il m'attrape et me serre dans ses bras en embrassant mes cheveux. Il semble apprécier que quelqu'un remette en cause sa position de leader. On se chamaille. On ne se dispute pas, ce qui fait mourir de rire les autres. Nos gamineries allègent l'ambiance et nous font oublier un peu les soucis.