Marguerite.

D'un bond, Angélique s'élança vers l'entrée. Il fallait à tout prix qu'elle partageât son bonheur, beaucoup trop grand pour être contenu dans un seul être. Emportée dans un tourbillon de ravissement, elle se précipita à l'extérieur de son appartement pour aller tambouriner contre la porte voisine. Le bâtonnet toujours serré contre son cœur, elle ne tenait plus en place, piétinant nerveusement sur le palier dans l'attente que le battant s'ouvre. Il fallait que Marguerite sache, avant tout le monde.

La porte se déverrouilla et commença à s'entrebâiller. Angélique ne tenait plus. Sa voisine allait être tellement surprise ! Elle voulait la voir se réjouir face à ce bonheur incommensurable qui allait changer leur vie à tous. Elle voulait la voir sauter de joie avec elle à l'annonce de cette grande nouvelle. Elle voulait...

— Bonsoir, Mademoiselle. Vous cherchez quelque chose ?

Angélique se figea net, la bouche entrouverte de stupeur. Devant elle se tenait non pas Marguerite, mais un officier de la police de New York, le visage grave et les yeux tristes. L'aura glaciale qui émanait de cet homme en uniforme se heurta violemment à l'ardeur brûlante du bonheur de la jeune fille, si bien qu'il lui fallut quelques instants pour se remettre de cette apparition inopinée.

— Je... euh. Bonsoir. Je venais voir ma voisine, j'habite à côté.

— Je me doute.

Angélique acquiesça d'un signe de tête, légèrement perplexe. Elle pensa alors que Marguerite devait faire face à quelques litiges liés à sa profession. Mais connaissant sa voisine, elle ne s'inquiéta pas plus que de raison. Elle opina du chef et demanda :

— Je peux voir Marguerite ?

Le policier poussa un léger soupir de désolation qui passa inaperçu aux yeux de la jeune fille, puis se décala sur le côté. Elle fit alors un pas timide à l'intérieur et son regard trouva Marguerite, assise à l'unique table disposée au centre de la pièce, face à un autre officier. Le premier referma la porte derrière Angélique, qui inévitablement, fut submergée par l'atmosphère pesante qui régnait dans le studio. Elle s'avança un peu plus, le même sourire aux lèvres, quand son regard se posa sur le visage de son amie.

Marguerite était pâle et ses joues, creusées par les larmes, avaient perdu toute leur couleur. Un vieux foulard, aussi rouge que ses yeux humides, maintenait en arrière ses cheveux crépus. Ses deux mains étaient plaquées sur le plateau, l'une tremblant à tout rompre, l'autre, nerveusement agrippée à un mouchoir en papier. Angélique sentit alors les lames de la tristesse et du désespoir qui entouraient son amie étendre leurs bras, pour combattre avec véhémence le bouclier de sa propre euphorie. Sans trop chercher plus d'explications, elle s'approcha un peu plus de la table et lança, sur un ton plus que jovial :

— Marguerite, j'ai une bonne nouvelle à t'annoncer !

À ces mots, la réaction de sa voisine fut loin de celle escomptée. La belle-de-nuit leva la tête vers elle, avant de fondre en larmes.

— Angie...

La jeune fille resta perplexe face à l'attitude de Marguerite et jeta un rapide coup d'œil aux deux policiers. Ces derniers, tête basse, ne semblaient pas décidés à prendre part à la discussion. Cependant, leurs visages douloureux trahissaient sans peine le spectre de ce qui rongeait Marguerite. Aveuglée par son bonheur, Angélique s'avança vaillamment vers elle. Quoi qu'il ait pu arriver, ce soir, aucune ombre n'était en mesure de venir noircir son tableau.

— Qu'est-ce que tu as ? Tu as appris une mauvaise nouvelle ? Ne t'en fais pas. J'en ai une tellement merveilleuse qu'elle va vite te remonter le moral !

Gueule d'ange [PREQUEL DVOS] (TERMINÉ)Where stories live. Discover now