CHAPITRE 33

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SEAN

Le voir là, face à moi, me donne envie de me jeter dans ses bras. Pourtant, ses bras croisés m'indiquent clairement que c'est une mauvaise idée. Alors, je reste sagement loin de lui, à le détailler en silence. Il m'a tellement manqué. Bien plus que ce que j'aurais pu imaginer.

Il a bronzé, ses cheveux se sont éclaircis et il semble apaisé. Il se tient bien droit, comme si plus rien ne pesait sur ses épaules. A-t-il laissé son passé à New-York ? En fais-je partie ? Est-il déjà trop loin pour que je puisse le rejoindre ? La simple idée me donne envie de pleurer. Mais je ne peux pas, je n'en ai pas le droit. Après tout, c'est de ma faute si l'on se retrouve dans cette situation.

- Sean, tu tiens vraiment à avoir cette conversation ici ?

- Ai-je vraiment le choix si je ne veux pas te vois disparaitre à nouveau ?

Je le vois se tendre, changer son appuie sur son autre pied alors qu'il hausse un sourcil.

- Rassures-moi, tu n'es tout de même pas en train de me reprocher mon départ ?

Je secoue la tête en signe de négation.

- Absolument pas. J'aurais juste voulu te parler plus tôt.

- Tu savais où me trouver.

Est-ce une blague ? Compte-t-il se venger en piétinant mon coeur à son tour ? À mon tour, je croise les bras sur mon torse, en signe de protection. Ça fait mal de voir ce regard noir posé sur moi.

- Si tu savais le nombre de fois où j'ai voulu sauter dans un avion, Conrad... Mais une fois à New-York, qu'aurais-je fait ? La ville est vaste. Ce n'est pas comme si tu m'aurais annoncé où te trouver.

- Peut-être. On ne le saura jamais.

Ses paroles me percutent et je recule d'un pas. A-t-il donc accumulé autant de rancune et de haine envers moi qu'il veut me faire mal ? Est-ce une si bonne idée de tenir à lui parler ? Je sens une boule se former dans ma gorge alors que j'ai envie de partir en courant. Je repense à ma conversation avec Noah, à l'aplomb avec lequel je me suis défendu et je sais que je devrais démontrer autant d'ardeur pour convaincre Conrad. Mais je suis las de me battre. Je connais et reconnais mes torts, je n'ai aucune envie de lutter contre le néant.

S'il ne veut plus de moi, alors je le laisserai comme il me l'a demandé dans sa lettre. Mais je ne peux pas renoncer. Pas maintenant, pas aussi facilement. Je prends une profonde inspiration et me rapproche de lui. Il ne bouge pas et je prends ça comme un signe encourageant.

- Si tu n'as plus rien à me dire, je vais rentrer chez moi.

- Pas encore. S'il te plait, reste. Écoute-moi.

- Tu ne parles pas.

- Juste... Arrête.

Ses orbes me désarçonnent et la colère qui les ravagent me coupent la parole. À plusieurs reprises, j'ouvre et je ferme la bouche sans qu'un seul mot ne parvienne à en sortir. Mon poing se serre alors que je sens le regard de Conrad me jauger.

- La chose la plus apaisante de ce monde, c'est quand quelqu'un embrasse vos blessures en ne les voyant pas comme des catastrophes dans votre âme mais simplement comme des fissures dans lesquelles mettre son amour. J'ai lu ça quelque part et ça a résonner en moi. Parce que c'est exactement ce que tu as fait. Cassure après cassure, tu les as rempli de ta présence et de ton amour pour que je tienne debout à nouveau. Et une fois fait, je t'ai laissé derrière comme si tu ne valais rien.

Le brouhaha autour de nous a beau être bruyant, je sais qu'il est suspendu à mes lèvres. Qu'il écoute patiemment chacun des mots que je parviens enfin à prononcer.

Heureuses CirconstancesWhere stories live. Discover now