Heureuses Circonstances

CHAPITRE 32

CONRAD

Mes doigts tapotent en rythme sur le comptoir alors que mon regard passe sur la foule. J'ai envie de danser, de m'amuser et d'enfin avancer. Cette nuit, un nouveau Conrad verra le jour. Je l'ai choisis, il ne peut y avoir qu'un dénouement positif à ce voyage. Je l'ai décidé, je ne m'effondrerai plus. Mes yeux croisent ceux noisettes d'un homme blond et un sourire éclaire son visage. Son corps se tourne vers le mien et en quelques pas, il est à mes côtés.

- Tu ne devrais pas rester assis ici. Avec un visage pareil, tu devrais être debout pour danser avec moi.

- C'est une proposition ?

- C'est l'idée.

Il affiche un sourire en coin à ses paroles et s'approche un peu plus, pénétrant mon espace personnel.

- Je m'appelle Julian.

- Conrad.

- Enchanté...

Son souffle se répercute sur mon visage alors que ses hanches se glissent entre mes jambes. Il me surplombe légèrement et ma langue passe sur mes lèvres. Il sera parfait pour cette nuit, pour conjurer les éléments de mon passé qu'il reste. Ce lieu n'est pas particulièrement un lieu gay-friendly, ce n'est pas annoncé sur la porte. N'importe qui peu nous voir et pourtant, je m'en fiche éperdument.

Je n'ai plus rien à voir avec l'homme battu que j'ai été cette nuit-là. À chaque seconde, j'évolue vers une autre version de moi-même. Et je veux être cet homme qui entraîne Julian sur la piste pour danser contre moi. Ma main se pose aux creux de ses reins et la sienne rejoint ma nuque, caressant distraitement la naissance de mes cheveux.

- New-yorkais ?

- De naissance. Je vis en France depuis bien longtemps.

- Ce qui explique que je ne t'ai jamais vu ici. Mais, c'est fascinant. Fais-tu l'amour comme un français ?

Un léger rire m'échappe alors que ses doigts délaissent mon cou pour venir glisser sur ma joue, à portée de mes lèvres.

- Parce que la façon de faire est différente suivant le pays ?

- J'en suis convaincu. Et je suis prêt à tester pour te le confirmer.

Son ton est devenu lascif sur ses derniers mots et je sais que nous sommes sur la même longueur d'ondes. Demain matin, je serai un peu plus léger encore.

- Tu auras tout le loisir de me le signaler plus tard. Pour le moment, je veux que tu me montres comment bouge un américain.

- Avec plaisir.

D'un geste vif, il attrape ma chemise pour venir plaquer ses lèvres sur les miennes. Sa langue se fraye un chemin jusqu'à la mienne et mes mains se referment possessivement sur ses hanches. Cet homme n'a pas peur, il est exactement ce qu'il me fallait. Je n'ai pas peur. Bien au contraire, je sens une énergie nouvelle courir dans mes veines. Je ne me cacherai plus.

Sa bouche relâche la mienne avant qu'il ne m'entraîne sur la piste pour partager un nouveau moment. Son corps bouge contre le mien, ses doigts me taquinent et son regard m'attire. Sur cette piste de danse d'un bar quelconque de Manhattan, j'oublie tout de ma vie en France. Je ne suis plus ce gars au coeur brisé. Je ne suis qu'un homme qui a envie d'assouvir ses envies dans les bras d'un autre.

Je ne sais pas ce que fait Julian dans la vie, ce n'est pas ce qui nous intéresse l'un l'autre, mais je suis prêt à parier que c'est un danseur. Il bouge chacun de ses membres avec une aisance qui lui est propre, dégage une prestance renversante et m'attire contre lui avec la force de l'habitude. Je n'ai pas envie que cette nuit ce termine.