CHAPITRE 11

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SEAN

L'inauguration a eu lieu la semaine dernière et, j'ai beau avoir pris le chemin de la librairie plusieurs fois, je me suis toujours dégonflé avant l'arrivée. La dernière fois que j'ai vu Conrad, je suis parti comme un lâche pour ne pas avoir à l'affronter. Comment j'ai pu penser que payer quelques livres étaient un affrontement ? Je me sens coupable et j'éprouve le besoin de m'excuser. Pourquoi ? Il a peut-être pris ma fugue d'une tout autre façon et ce serait me ridiculiser que de lui présenter des excuses.

Aujourd'hui, Arthur est parvenu à me convaincre qu'il fallait vraiment que je le fasse. Je me retrouve donc à quelques rues de l'endroit où je dois me rendre, hésitant. Dois-je faire demi-tour et prétendre que c'est fait ? Je présume qu'il ne va pas me croire. Depuis quelques jours, il échange de nombreux messages avec quelqu'un mais il n'a jamais accepté de me dire qui c'était. Mon intuition m'affirme pourtant que ça me concerne. Et ça doit concerner Conrad, également.

Avant que mon maigre courage ne s'évapore, je parcours les quelques mètres qui me séparent de la librairie et passe la porte. S'il vous plait, si quelqu'un m'entend, que ce soit son jour de repos ! Le tintement de la clochette au-dessus de moi se tait et j'avance de quelques pas. Il n'y a personne derrière la caisse. Quitte à être ici, autant en profiter. Je m'approche donc d'un rayon quand une voix étouffée me fait sursauter.

- Je suis dans la réserve, j'arrive dans cinq minutes si vous avez besoin de moi.

Mon cœur se serre et l'envie de prendre mes jambes à mon cou me traverse. C'était lui, j'en suis certain. C'était sa voix. Je secoue ma tête, reprend contenance et, d'une voix forte, j'affirme qu'il n'y a pas de soucis. Après une seconde à ne pas bouger, je retrouve l'usage de mes jambes et me dirige vers un rayon pour acheter de nouveaux livres. C'est un fait, je ne m'en lasserai jamais.

Je suis occupé à lire le résumé d'une nouveauté quand il surgit à mes côtés, un sourire commercial sur les lèvres et une pile de livres dans les bras.

- Bonjour, je peux vous... Oh.

Son sourire se fane et les mots se bloquent dans ma gorge. Venir ici n'était peut-être pas une bonne idée. Son visage se ferme et je sais que j'en suis le responsable. Ses yeux ne brillent plus. Pire, ils sont froids.

- Tu devrais revenir demain. Mon patron sera là pour t'encaisser pendant que j'aurais le dos tourné.

- Conrad, je...

- Laisses tomber. Je te laisse faire tes recherches. Appelles-moi si tu as besoin de quelque chose.

Il fait volte-face, s'éloigne d'un pas mais je le rattrape par le poignet pour le ramener vers moi. Les livres dans ses bras s'éparpillent au sol et il me fusille du regard alors que je le relâche, bredouillant une excuse. Il s'agenouille pour commencer à les regrouper avec délicatesse et je l'imite rapidement. Je lui dois bien ça.

- Écoutes-moi...

Il relève son visage pour poser son regard vide sur moi et cette vue me trouble.

- Il n'y a rien à dire, Sean.

- Mais tu vas m'écouter, merde ! Je suis venu m'excuser pour m'être barré comme un voleur la dernière fois.

- Qu'est-ce que ça change ?

Il m'arrache les livres des mains avant de s'éloigner, probablement pour aller les ranger. J'abandonne ma sélection dans le rayon pour le suivre. Maintenant que je suis là, il va m'écouter.

- Je ne sais pas ce qui m'a pris.

- Je m'en fiche.

- Je ne voulais simplement pas me retrouver face à toi à nouveau.

Heureuses CirconstancesWhere stories live. Discover now