— Jaloux, comprend-elle à contrecoeur.

— Nous nous sommes un peu éloignés au début, chacun s'occupait dans la mesure du possible pour échapper... au reste. Puis... c'était rendu que je le voyais à peine à l'appartement. J'avais à peine le temps de l'embrasser le matin avant qu'il ne disparaisse toute la journée. Nous n'avons pas couché ensemble depuis janvier.

Et nous sommes en avril.

Quatre mois où il a eu le temps de se trouver quelqu'un d'autre sans pour autant avoir le courage de me dire qu'il voulait me quitter.

J'essuie ma joue et prends une grande inspiration pour maîtriser le tremblement de ma voix.

— C'est là où c'est parti en couilles.

Je pose ma main sur celle de Naomi qui me serre plus fort.

— Ça fait tellement mal, putain.

— Putain, je n'imagine même pas. Je me serais pendue si Lauren m'avait trompée.

Je pose mes yeux embués sur sa silhouette que je distingue à peine dans le noir, bien qu'elle soit tout près de moi.

— Mais Lauren t'adore.

— Alexander t'adorait.

Nous nous en tenons à ça. Il n'y a rien d'autre à ajouter.

Alex et moi, c'est fini. La plus longue relation amoureuse de ma vie est terminée, facilement inclue dans celles qui m'ont fait le plus souffrir dans toute ma vie.

Même Donovan ne m'a pas fait aussi mal, et ça me peine de l'admettre.

— Les gonz'.

Nous tournons la tête vers Lauren qui a fait coulisser la porte du balcon pour nous apporter... des pizza en pochettes.

— Vous aviez l'air dépressives, alors je vous apporte des mini-pizzas parce que c'est la solution à tout.

— Merci, rétorqué-je sur un ton ironique.

— C'est pour ça que je te tolère dans ma vie, Lauren.

Naomi lui prend l'assiette des mains et se met aussitôt à déchirer une des pizzas en deux pour regarder le fromage dégouliner avec fascination.

— Surtout parce que je suis la meilleure bite de ta vie, Naomi.

— Faux.

— Très vrai.

Il lui plaque un baiser sur le dessus de la tête pendant qu'elle grogne de désapprobation en le repoussant. Je force moi-même un sourire en combattant intérieurement la mélancolie qui me submerge. Et en essayant de me sortir de la tristesse infinie dans laquelle je suis immergée jusqu'au cou, je mange de la pizza, au conseil du meilleur ami de mon frère.

Sans jamais raconter un mot à propos de ce qui s'est produit avec Donovan ce matin.

***

— Donovan reste ici pendant combien de temps ?

— Une semaine.

Noah me donne la poudre pour bébé à tenir pendant qu'il change la couche d'Eden avec une adresse dont je me serais moquée si je ne savais pas qu'il avait déjà eu un autre enfant avec le nouveau petit poussin de la famille.

— Il repart pour L.A. ensuite. D'ailleurs, on sort ce soir.

Il me jette un regard en coin de ses yeux vairons intimidants. La texture du bois du meuble à langer devient soudain cent fois plus intéressante.

— Tu veux venir avec nous ?

J'écarquille les yeux et me raidis un peu.

— Non...

Si. Mais non. Mais oui. Mais pas vraiment.

— Alors reste ici et garde Sara et les filles. Ça cassera moins la tête à maman.

Sara. Encore.

Autant qu'elle est mignonne, autant que je me sens inconfortable en sa présence. Parce que, putain, c'est la fille de mon ex.

Je garde le silence et il prend ça pour une approbation de son petit plan. Ça m'arrange.

Donovan appelle Noah après une heure pour lui dire qu'il arrivera un peu en retard et qu'ils pouvaient aller réserver une table au restaurant sans lui en l'attendant. Alors Margaux et lui me laissent avec le démon Olivia qui ne se tait jamais et le petit ange Eden qui dort 75% du temps. Je décide de déplacer son berceau près de moi dans le salon pour ne pas avoir de mauvaise surprise.

Et pour faire en sorte qu'Olive joue à voix basse, je joue avec elle au roi du silence.

Celui qui parle fort, perd.

L'avantage, c'est que ce petit bout de fille est aussi très compétitive. Ça s'avère utile après tout.

Vers 19h, on sonne à la porte.

En m'assurant qu'Olivia ne dérange pas sa soeur qui dort, je vais ouvrir la porte en sachant pertinemment qui se tient derrière. C'est peut-être pourquoi je détache mes cheveux. Que j'observe nerveusement mon apparence dans le miroir du vestibule. Que je pince mes lèvres l'une contre l'autre pour leur donner de la couleur. Que je m'assure que ma tenue est appropriée.

— Salut.

Sa voix.

— Salut !

Et celle, aiguë, de sa fille qu'il tient par la main.

Je prends une grande inspiration et souffle, d'une voix plus ferme que ce que je ressens vraiment :

— Salut.

Il retient son souffle de la même manière.

Nous nous regardons directement dans les yeux pendant longtemps. Jusqu'à ce que Sara chuchote « câlin » et vient se coller à mes jambes en lâchant la main de son père. Ses iris suivent ma main qui se pose délicatement sur sa petite tête et caresse ses cheveux. Ils remontent sur mon visage, avec une impassibilité qui me rappelle quelque chose qu'il m'avait apprise depuis longtemps.

Quand quelqu'un veut cacher quelque chose, il est sans émotion. Il est impassible.
Il est silencieux.

— Tu vas être capable toute seule ? murmure-t-il finalement.

Sa voix est éraillée. Comme s'il venait d'avaler du verre. Comme s'il venait de voir sa fille dans les bras de son ex.

— Oui. Tu sais que je suis forte.

Je ne sais pas pourquoi ça m'échappe comme ça.

Mais l'atmosphère entre nous est tellement lourde que j'ai du mal à respirer.

— Tu es la femme la plus forte que j'aie jamais rencontrée.

Quelque chose dans ma poitrine se brise.
Puis alors que je digère à peine ce qu'il vient de dire, il se penche pour embrasser sa fille sur le front.

— À tantôt, mon ange.

Et il part.

👼🏼

Arrest Me - T2Where stories live. Discover now