Chapitre 15

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La nuit fut courte mais réparatrice. Après avoir pris un copieux petit déjeuné, Eida et Jenna se mirent à arpenter tous les stands d'objets de valeurs, de pièces d'antiquités et d'armes. Ils étaient arrivé les premiers sur la grande place, mais la population ne traîna pas à se déverser dans les rues. Le marché fut rapidement bondés et leurs recherches devinrent de plus en plus difficile.

Alors que Jenna essayait tant bien que mal de questionner les marchands au sujet de sa canne, Eida, elle, observait les passants. Elle espérait, comme une enfant, reconnaître son père à travers ce flot de visages inconnus.

À chaque fois qu'un homme d'à peu près son âge passait devant eux, elle croyait le voir. Qu'ils soient grands, qu'ils soient opulent, chauves ou moustachus, la jeune fille avait la fausse impression qu'ils se ressemblaient tous, ou du moins, qu'ils ressemblaient tous à son père. Elle voyait son sourire paternel ancré sur les lèvres, son front dégagé et son menton levé greffé sur toutes les têtes. Elle n'arrivait pas à se défaire de l'étrange sensation qui la hantait.

Ils passèrent ainsi la journée, bousculés, ballottés dans tous les sens, entraînés par la foule contre laquelle ils tentaient de lutter. Le soir, ils trouvèrent une chambre, à lits séparés cette fois, dans une nouvelle auberge.

La semaine fila avec vitesse et chaque jour ressemblait au suivant. Leurs recherches restaient vaines, malgré tous leurs efforts. Aucun marchand n'avait en sa possession cette mystérieuse canne. Beaucoup ne l'avaient jamais vus. Il tombèrent sur un vendeur qui l'avait vu sur l'établis de son voisin, mais lorsque Jenna et Eida retrouvèrent celui-ci, il avait déjà vendu l'objet.

Quant au capitaine Kandelas, les réponses étaient toutes différentes : on le connaissait, on l'avait vu en ville ou à Teich, on l'avait vu partir en mer, on ne savait même pas qu'il était revenu...

Perdus au milieu de toutes ces vies, Jenna et Eida désespéraient. Lui, il commençait à être agacé par cette quête insensée tandis qu'elle, elle craignait de ne jamais revoir son père. L'un des marchands qu'ils interrogèrent leur répondit que l'homme était mort en mer, son équipage et son bateau restant toujours introuvables.

Bien sûr, Jenna lui avait assuré que le vieillard ne savait plus ce qu'il racontait, qu'il devait confondre avec un autre capitaine. Mais s'il disait vrai ? Si Meycen Kandelas n'était jamais rentré au port ?

Eida n'arrivait pas à chasser cette idée de son esprit. Jusque-là, l'espoir de le retrouver l'avait tenue en vie, mais si son père était réellement mort en mer, que lui restait-il ?

Les recherches étaient peu fructueuse et Jenna semblait de plus en plus inquiet. Petit à petit, il changeait ; Eida en était consciente. Il dormait peu et avait du mal à lui sourire. Sans doute avait-il peur de ne pas retrouver son bâton... Mais il y avait autre chose, comme si le temps pressait, jouait contre lui.

Après plus de trois semaines à fouiller la ville de fond en comble, ils décidèrent de s'en aller. La fête touchait à sa fin et l'automne aussi. Jenna avait prévu d'atteindre Teich avant les premières neiges.

– Nous partirons demain matin, avait-il annoncé. Nous n'avons plus rien à faire dans cette ville.

– Très bien.

Eida ne parvenait pas à dissimuler sa déception. Elle aurait juré que son père était à Appolia, pourtant ils ne l'avaient vu nul part. L'idée qu'ils puissent l'avoir manqué lui nouait la gorge. Alors qu'elle tentait d'endiguer l'angoisse lui l'étouffait, Jenna posa une main sur son épaule, la faisant sursauter.

– Ne t'inquiète pas ! dit-il avec un sourire. On retrouvera ton père. Il est marin ? Il est sûrement au port de Teich. Et puis, si on ne le trouve pas, on aura peut-être la chance de tomber sur les membres de son équipage.

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