Chapitre 5

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L'odeur des draps chatouillait tendrement son nez. La tête enfoncée dans les couvertures, Eida somnolait, sereine. Quand avait-elle aussi bien dormi pour la dernière fois ? Elle entendait le chant des oiseaux qui s'agitaient derrière les vitres. Le jour devait être levé depuis plusieurs heures déjà.

Ce début d'automne était doux, calme. Pas de pluie, pas de vent, rien que les froids rayons du soleil et la tendre mélodie des prés qui s'éveillaient de plus en plus tard. Eida inspira avec force. Elle était bien, elle se sentait apaisée. La présence inconnue qui flottait dans la maison lui était délicieuse. Se retournant pour regarder son hôte, elle fut prise de sueurs froides.

Il n'était plus là.

D'un geste désespéré, elle jeta ses bras dans le vide, tâtant sa couette comme s'il était devenu invisible ou s'il avait rapetissé en une nuit. Rien. Son cœur s'emballa violemment. Non, il ne pouvait pas partir. Pas comme ça.

Dévorée par l'inquiétude, la jeune fille sauta hors du lit. Ignorant les taches de floues qui passaient devant ses yeux, elle se jeta sur la porte. Fermée, elle était fermée. Eida était sûre de ne pas l'avoir fermée hier.

Serrant les dents, elle l'ouvrit et se précipita dans les escaliers. Ses jambes faibles, encore endormies, soutenaient à peine son corps qui lui hurlait de ralentir. Mais Eida n'écoutait pas. Elle n'entendait rien d'autre que le bruit de son propre cœur qui jouait du tambourin dans sa tête.

Eida dévala les escaliers et arriva dans le salon. Personne. Ses poumons compressés par l'angoisse peinaient à se remplir. Telle une furie, elle s'engouffra dans la cuisine, les larmes gonflant ses yeux.

Il était là. Les coudes posés sur le rebord de la fenêtre, le visage éclairé par la lumière du jour qu'il filtrait à travers la vitre, il regardait dehors. Eida cru que son cœur allait exploser. Paralysée sur le pas de la porte, elle resta immobile, tremblante de soulagement.

Surpris, il se retourna. Leur regard se croisèrent. Eida eut envie de se laisser glisser au sol et de pleurer toutes les larmes de son corps.

Il n'était pas parti. Il était là. Il était encore là.

Elle avait eu tellement peur de se retrouver seule. Pétrifiée à l'entrée de la pièce, elle aurait aimé crier de joie ou de tristesse, chanter, danser, pleurer, se rouler par terre... Mais elle n'en fit rien. Elle resta figée au pas de la porte, incapable de faire un pas, incapable ne serait-ce d'esquisser un sourire.

Lui aussi, il ne bougeait pas. Il semblait attendre qu'elle dise quelque chose, la surprise marquant toujours ses traits. Eida devait avoir lui paraître étrange : encore en chemise de nuit, les cheveux décoiffés, ébouriffé de tous côtés, le visage pâle et le corps tremblant. La prenait-il pour une folle ? Après un long silence, sa voix coupa le vide en une belle fissure, nette et éblouissante.

– Bonjour. Je suis désolé si je vous ai réveillée.

– Vous êtes guéri ?

C'était la seule chose qui lui était passée par la tête. Étrange comme premier contact. Eida n'avait jamais été douée pour ce genre de chose. Elle préférait suivre son instinct plutôt que de se perdre en formalités.

– Euh... Oui, je suppose, répondit l'inconnu en baissant les yeux. Merci de m'avoir soigné.

– J'ai cru que vous étiez parti.

– Vous le souhaitiez ?

Eida ne répondit pas. Elle ne pouvait pas lui dire qu'elle avait besoin qu'il reste. Elle ne pouvait pas le lui demander non plus. Le blessé lui lança un regard méfiant. Il était grand, très grand, trop grand. Même à l'autre bout de la pièce, il était capable de la toiser. Elle qui était si petite... Elle en était presque jalouse.

Le Monde Flottant [EN PAUSE]Where stories live. Discover now