Chapitre 26

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La salle d'entraînement en question était une petite pièce sans fenêtre aménagée derrière le garage. Les murs et le sol avaient été recouverts de molleton blanc ce qui me fit m'inquiéter de la dangerosité des entraînements de Léo. Will s'était-il déjà entraîné dans cette pièce ? S'était-il déjà blessé ?

Léo et Ben se mirent bien au centre de la salle et je me fis toute petite dans un coin pour les observer.

- Bien, commença Léo sans préambule. Première séance : Le déplacement instantané dans l'espace. Ferme les yeux Benjamin et concentre-toi. Écoute-moi.

L'adolescent s'exécuta.

Je ne pus m'empêcher d'admirer son courage. Posséder un don aussi incroyable demandait beaucoup de responsabilités. Il maîtrisait l'espace et le temps. Deux facettes pour un même pouvoir. Il était sans aucun doute le plus puissant d'entre nous puisqu'il pouvait modifier le passé et le futur rien qu'en changeant un détail de nos vies.

- Visualise un endroit dans ta tête, continua Léo. N'importe lequel. Dans les moindres détails. Imprègne-toi de cet endroit. Son odeur, sa décoration. Ta réalité n'est plus dans cette pièce avec moi. Tu es happé par ce que tu voies. Tu...

Au même moment, la silhouette de Benjamin se mit à vaciller, à se brouiller pour disparaître une nanoseconde et... se rematérialiser cinq centimètres à droite de là où il se trouvait.

Il poussa un juron mais referma les yeux, déterminé. Une fine pellicule de sueur perlait déjà sur son front.

- Reprenons, l'encouragea Léo.

Ils répétèrent maintes fois l'exercice, toujours sur le même processus mais sans réel résultat. En fin de matinée, Benjamin avait les jambes qui tremblaient tant il était épuisé et je sentais la patience de Léo s'effriter de minute en minute.

- On recommence, exigea-t-il une énième fois, dents serrées.

Cette fois-ci, je bondis entre eux pour m'interposer.

- Non. Ça suffit. Vous avez tous les deux besoin de repos. Vous avez bien travaillé. C'est un entraînement pas une séance de torture. Vous reprendrez demain, c'est plus raisonnable.

Léo ouvrit la bouche, sur le point de protester, mais mon regard noir suffit à le faire taire.

- Je vais préparer à manger.

- Merci, Léo.

J'attendis qu'il sorte avant de me tourner vers Benjamin. Une larme de sang coulait de son nez, qu'il essuya avec son pouce.

- Tu fais peur à voir, Ben.

- Je dois dépasser mes limites si je veux réparer mes erreurs.

- Je ne veux pas que tu mettes ta santé en danger pour moi. J'attendrai le temps qu'il faudra. Fais comme tu peux et à ton rythme.

Je lui tapotai gentiment l'épaule pour appuyer mes propos mais il se dégagea sèchement.

- Tu crois que je ne vois pas ce qui est en train de se produire ? Tu dévores Léo des yeux, tu dégoulines d'amour pour tes enfants, tu es émerveillée par la vie que tu as réussi à construire... Tu as envie de rester, je le sais. Inutile de me contredire. Ne fais pas l'erreur de croire que cette époque est mieux que celle d'où tu viens. Tu risquerais d'être cruellement déçue.

Il s'éloigna en direction de la sortie et s'arrêta sur le seuil de la porte. Je n'avais rien trouvé d'intelligent à répliquer dans l'intervalle.

- La séparation n'en sera que plus douloureuse, Léo. J'espère que tu t'en rends compte.

Il referma la porte derrière lui sans attendre ma réponse.

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