Chapitre 9

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Dans ma petite maison, je tournai en rond comme un lion en cage. Je n'arrivais pas à me résoudre à parler à Léo, terrifiée à l'idée que notre bonheur vole en éclats. Douze jours s'étaient écoulés depuis que j'avais écrit à MJ. Douze jours d'angoisse, de fatigue, de nausées. Je ne pouvais décemment pas garder le secret plus longtemps, il finirait forcément par s'en rendre compte.

J'attendis donc patiemment que mon amoureux rentre du travail pour lui annoncer la nouvelle.

Allongée sur le dos à même le sol, je laissais mon esprit vagabonder, les yeux rivés sur le magnifique plafond customisé par mon formidable fiancé. Victime du fameux « mal du pays » quelques mois plus tôt, il avait eu l'excellente idée de peindre un ciel bleu et quelques nuages épars, puis, en véritable artiste, de reproduire la Tour Eiffel et le Champ-de-Mars.

Je somnolai à peine quand la porte en bois grinça. Je me relevai difficilement, des fourmis dans les jambes et, comme une enfant, je tendis les bras pour quémander un câlin. Léo me serra dans ses bras avec un sourire de satisfaction. Il sentait la sueur et le sable.

- Enfin en week-end !

- Oui, acquiesçai-je.

- Je vais prendre ma douche et après nous pourrons regarder Le Retour de la Momie sur mon ordinateur portable, si tu veux ?

Je hochai la tête en pinçant les lèvres.

Bon sang, Léo, lance-toi !

Mon fiancé se dirigea vers la cabine de douche encastrée dans le mur du fond, dissimulée par un rideau en tissu bleu.

Bon, laisse-lui le temps de se débarbouiller et après vous parlerez !

Fichue conscience !

Quelques instants plus tard, il ressortit de la cabine, une serviette autour de la taille. Me tournant vers la petite fenêtre donnant sur le Nil, je le laissai mettre des vêtements propres. Notre logis ne comportait qu'une seule pièce de vingt mètres carré mais nous nous en accommodions plutôt bien.

- Tu sais, maintenant que nous sommes fiancés, tu n'es plus obligé de te tourner, Léona.

Je pivotai lentement sur moi-même, les yeux embués de larmes.

- Je... je crois que je suis enceinte.

Les yeux écarquillés, il lâcha son verre d'eau qui se brisa sur le dallage en pierre. Sans s'en soucier outre mesure, il bondit jusqu'à moi. Rayonnant de bonheur, il me serra dans ses bras à me briser les os. J'avais espéré une tout autre réaction. De la colère ou de l'inquiétude, par exemple. Je m'écartai doucement de son étreinte.

- Je ne sais pas si je suis prête à être mère, Léo.

- Pour... pourquoi ? balbutia-t-il en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Était-ce de la déception que je lisais dans son regard ?

Je répondis en baissant la tête :

- En toute honnêteté, je m'en sens incapable. Quand je pense à mes parents, je suis toujours partagée entre colère, pitié et désillusion. Évidemment, j'ai honte d'éprouver ces sentiments mais ils n'ont jamais eu le moindre geste d'affection à mon égard. Pourtant, il m'arrive encore de m'inquiéter pour eux bien qu'ils soient à des millions de kilomètres d'ici. J'aimerais me défaire de ce lien de sang mais c'est impossible. Si un jour notre enfant était malheureux à cause de moi... j'aurais sûrement envie de mourir.

Léo caressa ma joue de l'index et je levai les yeux. Une détermination nouvelle illuminait son regard.

- Tout se passera bien, Léona. Je t'en fais la promesse. Garde toujours à l'esprit ce que tu viens de me confier, ce qui te rend triste, heureuse... Il ne manquera pas d'amour, je peux te le garantir. Je veux avoir cet enfant, Nava.

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