Chapitre 21

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Deux des trois braqueurs nous surveillaient, j'ignorais où était passé le troisième. Il devait être en train de vider les coffres et remplir des sacs de billets de banque comme dans les films. Pourquoi je me retrouvais toujours dans ce genre de situation ?

- Léona, murmura Benjamin.

Il avait la tête baissée, le nez plaqué contre le sol mais ses lèvres bougeaient imperceptiblement.

- Le chauve... Regarde ses yeux !

Je levai lentement la tête au moment où il passait devant moi.

Des yeux gris-verts. Évidemment.

- Je me demande quel est son pouvoir..., chuchotai-je, les yeux fixés sur le sol.

- Je ne sais pas mais nous avons l'avantage. Il n'a pas remarqué que nous étions des No. On pourrait...

- Une seconde, Benjamin. On m'a volé mon pouvoir, je ne peux rien faire...

- Tant pis, dans ce cas, j'agirai seul.

- N'y compte même pas, je te l'interdis !

L'adolescent serra alors les poings et se détourna de moi.

Dehors, les voitures de police commençaient à s'amasser devant la banque et des policiers faisaient barrage aux journalistes qui tentaient d'approcher.

Mon portable émit deux petites vibrations dans la poche de ma veste. Alex devait être mort d'inquiétude et Will plus encore s'il était avec lui. Même en étant une Traqueuse, je n'étais toujours qu'une pauvre victime !

- J'ai le blé les mecs, on peut se tirer !

Le troisième braqueur, rayonnant de joie, souleva bien haut deux sacs en toile gonflés de billets. Il en avait deux autres à ses pieds.

Le braqueur à la barbe hirsute le rejoignit.

- Bien joué, Sam.

Le No acquiesça d'un hochement de tête mais il ne paraissait pas décidé à partir. Il repassa près de Benjamin et moi une énième fois et l'idée m'effleura de lui faire un croc-en-jambe. Je n'eus pas la folie de passer à l'acte cependant.

Je ne comprenais pas. Les braqueurs avaient pris ce qu'ils voulaient alors qu'attendaient-ils pour s'enfuir ? Ils avaient assez d'argent pour prendre leur retraite dans les Caraïbes ! Quel était le vrai but de cette prise d'otages ?

- Bryan ? On bouge ? demanda Sam.

Le No secoua la tête et lorsqu'il regarda par la vitre un sourire satisfait étira ses lèvres.

- Ils sont là, répondit-il à ses deux acolytes.

Bien qu'ayant deviné de qui il parlait, je me dévissai le cou pour voir de qui il s'agissait et en avoir la confirmation.

Des Traqueurs. Pas n'importe lesquels.

Brandon et Barbara.

Je poussai un soupir, agacée. Mon frère ignorait sans doute que je faisais partie des otages car il n'aurait pas levé le petit doigt pour moi mais plutôt ri aux éclats. J'étais sans pouvoir, sans arme et je savais à peine me défendre. Une situation terriblement humiliante.

- Eh, toi !

Je fermai les yeux en espérant très fort qu'un miracle se produise.

Espoir vain. Le No, Bryan, m'attrapa par l'épaule et me força à me mettre sur mes jambes. Benjamin était sur le point de se lever mais je lui adressai un regard appuyé et il n'en fit rien.

Bryan prit mon menton entre son pouce et son index pour me forcer à le regarder. Il sourit en constatant que nos yeux étaient identiques.

- Tu veux connaître mon pouvoir, ma jolie ? Je peux lire dans les pensées..., murmura-t-il à mon oreille.

Là, les ennuis commençaient vraiment.

- Sam, Chel, libérez les otages, nous n'avons plus besoin d'eux. Cette femme est la sœur de Brandon. Je crois bien que c'est mon jour de chance !

Tout le monde se précipita vers la sortie... sauf Benjamin. Si j'avais pu, je l'aurais jeté dehors à coups de pied. Il prenait bien trop de risques en restant avec moi.

- Benjamin, va-t'en tout de suite !

- Elle a raison, gamin, va-t'en d'ici. Tu n'as pas besoin de voir ce qui va suivre, ajouta Bryan en dégainant une arme pour la mettre sur ma tempe. Nous sommes bien d'accord, ma jolie, je n'ai rien contre toi mais ton frère doit payer pour avoir ruiné ma vie.

- Brandon se fiche éperdument que je vive ou que je meure. Il est même le premier à avoir essayé de me tuer.

Le No haussa les épaules, totalement indifférent.

- Dans ce cas, tu ne me sers à rien. Adieu, mademoiselle.

Il enfonça son index sur la gâchette.

- Non !

Benjamin se jeta sur moi et la seconde suivante j'étais happée par l'obscurité.

Jamais je n'aurais pensé que se téléporter était aussi enivrant. J'avais imaginé que ce serait comme prendre l'ascenseur, avec cette sensation de laisser son estomac sur place tandis que le reste du corps s'élevait vers le ciel.

Pas du tout.

La téléportation, c'était Space Mountain puissance dix. Après l'obscurité, mon cœur s'était mis à battre si fort qu'il cognait contre ma cage thoracique. Je m'envolai vers les étoiles l'espace d'une nanoseconde et me sentis plus vivante que jamais.

Puis, je suis retombée.

Brutalement.

L'adrénaline qui inondait mes veines s'est dissipée et l'angoisse a pris le dessus.

J'étais dans une ruelle, Benjamin accroché à mon bras. L'aurore colorait le ciel de couleurs pastels.

- Léona, ça va ?

- Hormis un léger vertige, oui, je vais bien. Où sommes-nous ?

- Quand, tu veux dire. Nous allons vite le savoir.

Benjamin s'accroupit pour ramasser la page d'un journal qui trempait dans une flaque d'eau. Je fis les yeux ronds en voyant la date.

31 mars 2030

Sous le choc, ma bouche forma un grand O. Benjamin me donna un petit coup de coude.

- N'oublie pas de respirer !

- Mon fils, Will...

- Oui ?

- Il va avoir seize ans ! m'émerveillai-je, les yeux brillants.

Benjamin se claqua la main sur le front, l'air dépité.

Tout excitée, je n'y fis pas attention.

- Benjamin, tu crois que je pourrais voir mon fils ?

Il haussa les épaules.

- J'imagine, oui. Nous n'avons pas d'autre choix de toute façon.

Une lueur d'inquiétude assombrit son regard ce qui m'interpella.

- Tu as l'air soucieux. Est-ce qu'il y a quelque chose que je dois savoir ? Où est-ce que je vis ? Tout le monde va bien ?

- Ta présence ici... tu n'aurais jamais dû être là. Ce qui signifie que l'avenir a changé. Je ne pensais pas devoir revivre cette journée une seconde fois...

L'instinct maternel me poussa à le prendre dans mes bras. Il se laissa faire à mon grand étonnement.

- Ne t'en fais pas, Benjamin. Ce sera différent cette fois.

- Espérons-le. Il faut aussi que tu saches... non, tu le découvriras par toi-même. Suis-moi.

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