Chapitre 7

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Refus monumental et unanime de la part de toute la famille. Ils ne prirent même pas le temps pour écouter mes arguments. Le Patron voulait que je sois en sécurité et bien protéger, point final. Personne n'osait défier le Patron et Brandon allait passer un sale quart d'heure pour m'avoir tiré dessus. Qui qu'il soit cet homme devait vraiment être très effrayant... et prétentieux pour se faire appeler ainsi.

Les premières lueurs de l'aube chassèrent la nuit. Je n'avais pas fermé un seul œil. J'attendis deux claquements de porte avant de me lever. C'était généralement le signe que mes parents et Brandon avaient quitté la maison.

Dans un état second, j'écumai chaque pièce pour rassembler un maximum d'objets coupants. Ciseaux, couteaux, cutter, lames de rasoir.

Chaque blessure que je m'infligeai avec chaque instrument cicatrisa presque aussitôt. Il n'y avait que la douleur que j'éprouvais pour me rappeler que j'étais humaine.

Après cette épreuve, je réduisis mon carnet de santé en confettis dans un accès de fureur. Il était quasiment vierge. En dix-neuf ans, je n'avais eu droit qu'à deux visites médicales de routine. Pas un seul petit rhume. Pas un seul petit bobo depuis ma naissance.

Je possédais le système immunitaire d'un tardigrade.

Je décidai, pour la première fois depuis le début de mon activité de serveuse, de passer la journée dans mon lit à broyer du noir et à pousser des soupirs à fendre l'âme.

MJ laissa des messages sur mon répondeur auxquels je ne répondis pas, très égoïstement. Je n'attendais qu'une chose : pouvoir rejoindre Léo le soir même.

Si mes souvenirs ne me trompaient pas, l'immeuble Berlioz se trouvait dans la résidence privée, deux rues derrière ma maison.

Évaluant la hauteur de la grille d'un coup d'œil rapide, je pris de l'élan pour sauter par-dessus. J'atterris dans l'enceinte sans un bruit avec une agilité surprenante. Je piquai un sprint jusqu'à l'immeuble de mon rendez-vous, en croisant les doigts pour ne pas me faire prendre.

- Léo, tu as intérêt à avoir une bonne raison de me faire commettre une telle effraction ! murmurai-je pour moi-même.

Sur la porte blindée du bâtiment, il y avait un cadran avec un clavier numérique. Une ampoule s'alluma au-dessus de ma tête.

0905.

Un déclic m'indiqua que je pouvais pousser la lourde porte. Anxieuse, je pénétrai dans le hall d'entrée. Mon visage se décomposa littéralement en découvrant la pancarte « En panne » au-dessus de l'ascenseur. Tournant la tête vers les escaliers en pierre, je fis la moue.

- Bon, puisqu'il le faut...

Quelques minutes plus tard, essoufflée et en nage, je me retrouvai sur le toit. De l'air, enfin !

La lune, pleine et étincelante, nimbait la petite terrasse d'une couleur argentée. Absorbé dans sa contemplation, mon cœur bondit dans ma cage thoracique quand une main aux doigts squelettiques tomba sur mon épaule.

Je fis volte-face.

- Bon sang, Léo ! Tu m'as fait peur ! J'ai failli...

Je me tue brusquement, les joues empourprées. Sous le coup de l'émotion, je venais de passer du « vous » au « tu ».

Le long manteau noir qu'il portait était muni d'une capuche qui cachait son visage. Comme Voldemort.

- Excusez-moi de vous avoir effrayée, Léona.

Je repris avec plus de douceur :

- Que s'est-il passé ? Qu'avez-vous à me dire ?

- Je dois quitter Corm au plus vite.

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