– Tout va bien, Jenna ? demanda-t-elle soudain.

Il releva brusquement les yeux, surpris.

– Oui. Oui, c'est juste que... je dois rentrer. Au plus vite.

Eida l'observa un moment, interdite. Pour une fois, il ne lui mentait pas. Elle pouvait voir dans son regard une angoisse pressante. Pourtant, la jeune fille était certaine que personne ne l'attendait. Alors, écoutant ses doutes, se rappelant des paroles du vieux fou, elle osa lui poser la question qui la tracassait depuis ce matin.

– Jenna ?

– Oui.

– Où se trouve Amode ?

Il blêmit. Sans doute pensait-il qu'elle ne s'intéresserait pas à son village. Cependant, bon menteur, il se reprit rapidement et répondit la première chose qui lui vint à l'esprit.

– À l'ouest du pays.

– Pourtant là-bas, il n'y a que des forêts mortes.

Jenna perdit toute son assurance. Il avait joué avec le hasard et il avait perdu. Comment aurait-il put savoir que l'ouest était désert ? Eida garda pour elle un ricanement de fierté, elle l'avait coincé. Assis face à face, ils se défièrent du regard. La jeune fille reposa la même question que ce matin, lors de leur première discussion :

– Jenna, d'où viens-tu ?

– Je viens d'une région assez lointaine. Amode.

La même réponse. Eida sourit. Lui, pâlissait lentement. C'était un duel. L'air se chargea d'une lourde tension. Il s'agissait de tenir tête à l'autre sans se compromettre.

– Pourquoi étais-tu dans un tel état, si loin de ton village ? dit-elle, presque amusée.

Jenna se crispa. Encore une fois, il était piégé. Eida était plus futée qu'elle n'en avait l'air. Elle lut dans son regard qu'il commençait à perdre patience.

– J'avais quelques soucis avec mon entourage, répondit-il sans broncher. On va dire que je ne suis pas vraiment le bienvenu là-bas... Un groupe d'homme m'ont traîné jusqu'ici pour me battre.

La même scène rejouée deux fois. C'était une situation assez cocasse, mais aucun des deux ne voulaient lâcher prise.

– A oui ? C'est terrible ! s'exclama-t-elle avec innocence. Mais qu'est-ce que tu as fait pour être traité de la sorte ?

– Juste une histoire de...

Malgré tous ses efforts, Jenna n'arrivait pas à rester calme. Qu'avait-il de si précieux à cacher ? Mesquine, Eida se promit secrètement de tout faire pour lui tirer les vers du nez. Elle l'avait sauvé, elle avait le droit de savoir qui il était vraiment.

– Jenna, tu n'es pas honnête avec moi.

– Tu insinues que je mens ?

– Oui.

– Prouve-le.

Eida sourit. Elle savait des choses qu'il ne savait pas, ou du moins, qu'il avait oublié de prendre en compte.

– Lorsque je t'ai retrouvé, tu étais mal en point, mais tu n'avais pas n'importe quelles blessures : coupures, hématomes et brûlures. Si des hommes t'avaient vraiment battu, ils auraient eu besoin d'utiliser du feu pour t'infliger ces dernières. Or, sous l'effet des flammes, la chair fond. Tes balafres auraient été bien plus graves et je n'aurais pas réussi à te soigner. Je répète donc ma question : pourquoi étais-tu dans un tel état ?

Le Monde Flottant [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant