— Ça fait partie du bonheur de travailler à Wall Street.

— Si je travaillais vraiment là-bas et pas au Starbucks d'à côté, je ne serais pas venue en métro, mais en taxi ou en voiture avec chauffeur... Enfin en n'importe quoi qui a une clim !

La jeune mère étouffa un petit rire jovial tout en se levant pour étreindre la nouvelle venue.

— Ça va aller, Loïs. Tu es à l'air libre, maintenant. Assieds-toi et profite.

La dénommée Loïs s'exécuta. Elle prit place sur le banc et retira les lunettes qui masquaient ses iris noisette. Angélique plongea alors les mains dans son sac et en extirpa une des petites briques de jus d'orange, initialement destinées à son fils.

— Tiens, bois ça. À ce train-là, tu vas finir aussi sèche qu'un vieux pruneau.

Au bord de l'insolation, elle remercia la jeune mère d'un signe de la tête, puis balaya des yeux les berges du Réservoir devant elle. Lorsque son regard se posa sur Shane — toujours occupé à courir après les papillons avec sa nouvelle amie — Loïs se redressa et demanda, en le désignant d'un signe de tête :

— Comment il va ?

— Bien. Il grandit. Il grandit si vite... Il m'étonne un peu plus chaque jour. C'est un petit garçon très malin, tu sais. Un vrai fripon parfois, mais tellement adorable.

— C'est drôle, vu comme ça, il me rappelle quelqu'un.

Angie demeura un instant muette, les yeux rivés sur son fils et le cœur lourd.

— Oui. Moi aussi.

De sa paille, Loïs perça l'opercule de la brique de jus d'orange et engloutis une bonne partie de son contenu en quelques secondes à peine. Le clapotis de l'eau et les cris des enfants vinrent combler le silence qui s'était installé entre les deux amies. Et après quelques minutes de quiétude, la dernière d'entre elles s'enquit :

— Et toi, comment tu vas ? Tu travailles toujours à la librairie de ce salaud de Cody Mitchell ?

Angélique poussa un profond soupir avant de protester :

— Loïs, je t'en prie. S'il n'était pas là, je n'aurais pas de revenus, pas de logement ni de quoi nourrir mon fils. Je vais bien, ne t'en fais pas pour moi. Et puis de toute façon, je n'ai pas d'autre solution pour le moment, alors...

Bien entendu, la voix fébrile d'Angie eut beaucoup de mal à convaincre son amie, qui déposa alors la brique de jus d'orange sur le sol tout en se tournant vers elle pour lui faire face.

— Qu'est-ce qu'il t'a encore fait ?

À ces mots, les joues de la mère se teintèrent d'un rouge vif. Loïs jeta un bref coup d'œil à Shane, afin de s'assurer que ce dernier ne viendrait pas interrompre la discussion, puis se rapprocha d'elle avec inquiétude.

— Angie, est-ce qu'il t'a encore fait des avances ?

— Oui, mais je...

Cet aveu réveilla en Loïs une amertume qu'elle avait ravalée depuis longtemps. Elle pinça les lèvres pour rester calme et reprit :

— C'est pas croyable ! Il changera vraiment jamais, cette espèce d'ordure.

— C'était pas méchant, il voulait simplement parler.

— Parler. Parler avec une main sur ta taille ? Ça fait des années qu'il fait ça à toutes les filles qu'il croise ! Déjà quand il travaillait à la bibliothèque, il draguait les étudiantes. Ce mec a la pire réputation de tout New York, Angie. Tu le sais, en plus !

Gueule d'ange [PREQUEL DVOS] (TERMINÉ)Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang