Chapitre 22 2/2 : Carmin

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Ultima ratio regum*

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                                                   Je changeais imperceptiblement d'angle de vue afin de les observer plus subtilement.

La soirée avait débuté depuis plus d'une heure à présent, et je pouvais dire avec certitude que je ne m'ennuyais pas. Cachée derrière une colonne et faisant mine de discuter avec Kiltana, un verre à la main, j'avais les yeux rivés sur l'attraction de ma soirée : mon amie en compagnie d'un homme au masque fait de plumes noires. La surprise et le mystère du moment. Ils discutaient depuis déjà une dizaine de minutes.

Près de nous, des verres tintèrent et des rires s'élevèrent. L'ambiance battait son plein et était étonnement agréable dans cette partie des salons. Nous étions dans la première salle, près des buffets et de quelques fauteuils. Ici, les nobles semblaient se laisser aller au plaisir simple du palet en ingurgitant une quantité considérable de victuailles et de boissons alcoolisées. Cependant, je ne me leurrais pas : une fois leurs réserves de nourritures faites et une dose plus que respectable d'alcool les inhibant, ils allaient retourner vers la « fameuse » porte grise sur ma droite, marquant le début d'une longue enfilade de salons ou une toute autre ambiance régnait. Ce ballet d'allés et venus n'avait cessé depuis que le roi avait terminé son petit discourt sur « l'offrande d'une frénésie aux dieux avant la bataille ». Il avait aussi crié haut et fort la devise du royaume de Tanderrar, suivit immédiatement après par son armée de paons :

An tan a trec'ho

Paroles signifiant littéralement « le feu vaincra » en Ykt.

- Je les trouve mignons. Je paris mon grimoire que la petite rougie sous son masque.

Je devinais son sourire dans ses paroles. Kiltana était comme moi depuis que nous les avions surpris. Étonnée et enjouée mais pourtant attentives et suspicieuses. Nous avions l'impression d'épier une amie pour son premier rendez-vous galant. Je ne pensais pas avoir un jour l'occasion de faire cela ici, lorsque l'on voyait les différents spécimens que comprenait la gente masculine de ce pays. Peut-être y avait-il une exception, ou bien cet homme était comme les autres et maniaient les mots avec subtilité pour avoir ce qu'il voulait d'Ada. Kiltana prétendait ne pas connaitre non plus l'identité de ce personnage mystérieux, et ce n'était pas faute de l'avoir tourné en conjectures plus farfelues les unes que les autres. Allant même jusqu'à se demander s'il ne s'agissait pas d'un domestique déguisé en noble.

Je restais sur mes gardes, je guettais. Ne savait-on jamais. Je n'avais confiance en aucun homme de ce pays, et ceux qui discutaient spontanément avec une femme, encore moins.

Au contraire des femmes, les hommes portaient des pantalons. Les matières constituants leurs tenues étaient assez hétéroclites, formant un continuum de cuirs, de tissus et de fourrures. Je reconnue par exemple sur un homme près du buffet de l'astrakan, de la fourrure d'agneau tué à la naissance ou mort-né. Elle était reconnaissable grâce à son aspect bouclé et la couleur crème dont les teinturiers aimaient l'imprégner. J'aperçue Syr Benram discutant avec un groupe à une quinzaine de mètres de nous. Reconnaissable par sa corpulence moins imposante que les autres hommes et sa manière de se tenir, il portait une collerette orange dentelée autour du cou, si bien que je l'associais directement à un oiseau de la famille des Monarchidés. Le stéréotype de l'homme ayant un sérieux complexe de taille à compenser.

Dour ha TanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant