19 - Nancy à la rescousse

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Les gouttes de pluie s'écrasaient contre le pare brise, créant de longs sillons que les essuie glaces ne parvenaient qu'à arrêter pour quelques secondes, avant qu'un nouveau flot d'eau ne vienne à dissoudre la route. Pourtant le pied de Robin ne quittait pas l'accélérateur, défiant les flaques qui s'étendaient entre les nombreux nids de poules sur lesquels la voiture trébuchait à chaque instant.

Assis à la place du mort, Steve tentait regarder plutôt par sa fenêtre, mais les gerbes d'eau sale que les roues projetaient dessus à une vitesse trop élevé à son gout ne lui donnaient pas vraiment plus confiance en ses chances d'arriver vivant chez Nancy. D'ailleurs il ne savait même pas vraiment quoi faire avec le dossier qui, sur ses genoux, lui faisait l'effet d'un monstrueux chat qui risquait de le griffer au moindre mouvement trop brusque. Faire chanter le gouvernement avec, d'accord, c'était un joli plan, mais comment contactait-on le gouvernement ? Et qui au gouvernement ? Et puis, et si il n'y avait tout simplement aucun moyen de sortir Billy du coma ?

Encore une fois, Steve se sentait juste très fatigué : c'était toujours la même chose : un but paraissait être le dernier, le suprême, celui après lequel tout allait être facile, mais une fois qu'on y était arrivé, on se rendait compte que ce n'était rien, qu'il fallait encore continuer, et aller ainsi de difficulté en difficulté, toutes plus dures les unes que les autres. Et ainsi le pessimisme revenait en force au moment même ou il était supposé se réjouir le plus.

Mais Robin fouilla un instant parmi les cassettes qui encombraient la voiture et en sortit "Highway to hell", avant de pousser le volume à fond. Aussitôt il lui sembla qu'avoir encore des milliers d'obstacles devant lui était la plus belle chose qui puisse lui arriver, tant était grand le plaisir de les renverser.

Comme malgré lui, il commença à chanter et bientôt Robin et lui hurlait à pleine voix contre le vent et la pluie, contre les nids de poules et les flaques, contre le gouvernement et le coma de Billy, et chaque mètre parcouru était une nouvelle victoire.


Dans un sublime dérapage et une grande gerbe d'eau, la route des enfer s'arrêta devant chez Nancy, mettant fin et a l'infernal voyage et à l'exaltation qui allait avec.

Robin se dirigeait vers la porte, un peu sonné par les vibrations de la musique, qui dansaient encore dans son esprit, quand Steve l'arrêta :

- Je sais par où passer pour que ses parents ne nous voient pas.

Ses pas se dirigèrent naturellement vers sa fenêtre, par laquelle il était passé tant de soir, quand drager était l'occupation la plus importante de sa vie. Et maintenant il se trouvait sous cette même fenêtre pour sauver un "ami" que le gouvernement voulait tuer ou du moins contrôler. Avec un soupire, il commença à grimper.

Derrière la vitre, il apercevait Nancy, allongée sur son lit, en train de lire un roman. Il toqua à la fenêtre avec l'impression étrange d'être en train de parodier sa propre vie. Sauf que l'étonnement de Nancy, qui habituellement se teintait d'un amusement mal dissimulé et d'une colère mal simulé, était aujourd'hui inquiet.

Mais elle lui ouvrit rapidement et Steve sauta dans la pièce, vite rejoint par Robin.

- Qu'est ce qui se passe ?

- On a volé un document compromettant au gouvernement américain et on a besoin que tu le garde le temps qu'on l'utilise pour négocier la vie de Billy.

Cette fois-ci son étonnement était juste teinté d'encore plus d'étonnement. Elle finit par pousser un lourd soupire et se massa longuement les tempes avant de demander des explications et de finalement décider qu'elle aurait préféré ne pas les avoir.

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