Chapitre XXX ~ Loan

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Je suis docilement Lilith à travers les couloirs du manoir pour rejoindre sa chambre. J'ai beaucoup de mal à marcher, mon corps n'est plus que douleur et souffrance à l'état pur mais je m'exécute quand même. Son regard était vide, et avide de nourriture. Je me doute bien qu'elle fait des efforts surhumains pour ne pas me sauter dessus à l'heure qu'il est mais même si elle le fait, je ne lui en voudrais pas. Ça aura au moins le mérite d'abréger mes souffrances.

Je suis simplement très déçu d'avoir laissé Mathéïs dans cet état. C'était probablement la dernière fois que j'allais le voir et voilà dans quel état je suis. Mon sang s'écoule encore abondamment de mes plaies et on peut me suivre à la trace dans les couloirs.

De toute façon, c'est nous qui faisons le ménage. Enfin, en l'occurrence, c'est Mathéïs qui va devoir nettoyer ça.

J'halète derrière la démone qui marche d'un pas rapide. J'ai beaucoup de mal à la suivre et cela ne semble pas l'alerter plus que ça. On parvient enfin à sa chambre, elle m'ouvre la porte et m'ordonne d'entrer du regard. J'obtempère.

Je n'ai pas le force de protester.

Je pénètre dans le chambre froide et obscur avec un léger frisson. Cette pièce me rappelle de mauvais souvenirs. De plus, ce simple frisson m'arrache une grimace et un grognement que je tente de camoufler.

- Déshabille-toi, m'ordonne sèchement Lilith.

La peur vient s'ajouter à ma douleur intenable et j'écarquille les yeux. Elle me fixe avec les siens et j'obéis. Je déchire les lambeaux de mon t-shirt en grimaçant à chaque mouvement, je retire mon pantalon dans un effort titanesque, toujours en étouffant ma douleur. Je fini en caleçon face à la jeune femme et attend la suite.

Elle me détaille de la tête aux pieds en jugeant mes blessures. Blessures qu'elle m'a infligée personnellement.

Mon torse est labouré de plaies profondes, mes bras ensanglantés dégoulinent sur le parquet ciré et mes jambes tremblent aussi fort que la terre lors d'un séisme puissance 10. Je ne vais pas tenir longtemps comme ça, mes forces m'abandonnent bien trop rapidement. Je respire de plus en plus difficilement et ma vue commence à se brouiller.

Si tu veux faire quelque chose, c'est maintenant ou jamais.

- Déshabille-toi, complétement, précise Lilith d'un ton grave.
- Mais-
- Ne discute pas !

Son ton me fait sursauter - m'arrachant grimace et cri -, je ne veux pas me mettre à poil devant elle, ça me rappelle trop de mauvais souvenirs, trop de traumatisme de mon enfance.

Je t'en supplie, Lilith.... Ne me force pas-

Je suppose qu'elle se fout complétement de craintes, ses mains s'agitent le long de son corps et mon caleçon disparait tout seul. Je suis donc nu comme un ver devant un prédateur affamé.

Ses yeux rouges luisants me reluquent dangereusement et je me mets à trembler incontrôlablement.

- Qu'est-ce que-
- Allonge-toi sur le lit.
- Hein ?
- Dépêche-toi, tu es blessé.

C'est une évidence. Je suis gravement blessé, par sa faute. Je ne comprends pas pourquoi elle veut que je m'allonge sur son lit, qu'est-ce qu'elle va faire de moi ?

Je reste figé sur place, incapable de bouger ou même de parler. La peur m'envahi doucement et menace de me faire tomber. En plus de mes blessures préoccupantes, ce n'est qu'une question de temps avant que je ne m'effondre.

Il suffisait de le dire pour que ça arrive.

Mes jambes flageolent et lâchent. J'entame une chute douloureuse vers le sol. C'est à ce moment-là que je sens deux bras puissants me rattraper. Trop faible pour me débattre ou même regarde qui me supporte, je laisse ma tête rencontrer mon torse.

- Je t'avais dit de te dépêcher, me sermonne la voix douce de Lilith.

C'est donc elle qui est venu me rattraper. En même temps, ça ne peut être qu'elle, puisque nous sommes que tous les deux dans la pièce. Avec précaution, elle m'installe sur son lit.

Pourquoi tant d'attention maintenant ?

Je suis très mal à l'aise ainsi allongé sur le lit de ma maitresse, plus vulnérable que jamais. J'ai envie de pleurer, pour beaucoup de raisons différentes. D'abord, parce que je suis en train de mourir, ensuite parce que je suis complétement nu face à un prédateur, puis parce que Mathéïs est seul avec Blanche, croyant sûrement que Lilith est en train de m'achever et pour finir, parce que je n'ai pas pu lui dire ce que je ressentais pour lui.

Mes larmes s'échappent d'elles-mêmes. Elles dévalent mes joues de leur propre volonté.

- Détends-toi, gamin. Je ne vais pas te faire de mal, je vais te soigner, déclare la voix toujours aussi douce de Lilith.

Depuis quand a-t-elle cette voix apaisante ?

- H-hein ?
- Je n'aurais pas dû t'attaquer comme je l'ai fait. Tu ne mérites pas de souffrir autant, me dit-elle en s'approchant de moi.

Pas réflexe, je me roule en boule mais c'est sans compter mon état actuel. Ce simple mouvement m'arrache un cri guttural témoignant de ma souffrance.

J'ai rêvé, ou elle vient de s'excuser ?

....

Non, j'ai sûrement rêvé.

- Calme-toi, d'accord ? Tu vas juste réussir à te faire encore plus mal.

Mon corps tremble incontrôlablement, j'ai toujours peur quand je suis à poil face à quelqu'un. Lilith semble le comprendre, elle soupire et claque des doigts. Un caleçon propre vient m'habiller et je me détends d'un seul coup.

J'arrive enfin à réfléchir à peu près comme il fait et réalise ce qu'lle vient de me dire. Elle n'est pas là pour m'achever mais pour me soigner.

- P-pourquoi... tu fais ça... p-pour moi ? Je ne peux m'empêcher de lui demander.

Ma question la surprend puis un sourire triste étire ses lèvres. Elle s'assoit sur le bord du lit et me regarde tendrement. Cette lueur bienveillante dans ses yeux d'ordinaire si hostile m'étonne au plus haut point.

- C'est une longue histoire et je te la raconterais peut-être un jour mais d'abord laisse-moi te soigner comme il faut.

Ses mains s'avancent au-dessus de moi et je prends peur encore une fois. Elle arrête immédiatement son geste en comprenant que je ne suis toujours pas complétement rassuré. Lilith garde sa patience et son sourire bienveillant.

Elle est sincère.

- Tu m'as demandé pourquoi je ne t'ai pas tué l'autre jour. Je t'ai dit que tu me faisais penser à moi avant que je ne devienne ce monstre, me raconte-t-elle. Il y a une autre raison à cela. Je ne t'ai pas tué parce que je ne souhaite pas que tu vives le même enfer que moi et Blanche.

J'écarquille les yeux. Elles nous ont sauvé pour éviter qu'on se transforme en démon, comme elles il y a 200 ans. Quand Mathéïs est arrivé devant leur porte, moi mourant dans ses bras, Blanche et Lilith ont vu l'histoire se répéter.

Je soupire de soulagement, totalement rassuré à présent. Ce sont peut-être des démones sans foi ni loi mais elles ont encore un coeur et je ne les remercierais jamais assez pour ce geste plein de compassion.

- M-merci..., je balbutie.
- Economise tes forces, gamin.

Je ferme les yeux, ayant maintenant une confiance aveugle en Lilith. Elle appose ses mains sur mon torse, me faisant sursauter à son contact. La douleur ne s'est pas atténuée et je sens l'inconscience me rattraper.

- Reste avec moi, Loan, m'encourage la voix douce de Lilith.

J'ouvre les yeux et réalise que c'est la première fois qu'elle m'appelle par mon prénom et non par ce surnom ridicule. Je lui un offre un sourire reconnaissant et la laisse faire.

Une douce chaleur envahi mon torse tout entier et la douleur reflue. Je soupire de bien-être et entend Lilith ricaner à ma réaction.

- Le processus est long et éprouvant, il va me falloir plusieurs jours pour te remettre sur pied. Un peu de repos te fera du bien, m'explique-t-elle délicatement.

J'hoche la tête en profitant du réconfort de son pouvoir et ferme les pour sombrer dans un sommeil sans rêve et apaisant.

Pacte avec le Diable [TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant