La Légende d'Aédé

26. Jinah

— "Le Tricheur trichera, et la Voleuse volera".

    Jinah garda les yeux baissés sur la pierre verte au creux de sa main. Depuis tout ce temps... Si elle l'avait su, jamais Tan et elle auraient été contraints de traverser toutes ces épreuves, le marécage, la vallée... Ils auraient pu aller directement à Mélène après avoir trouvé Dilia. Pourquoi sa mère ne lui avait-elle pas dit en la lui donnant ? 

    — Ta mère cache beaucoup de choses, murmura la Grande Prêtresse comme si elle lisait dans ses pensées. Moi-même, à l'époque je n'ai su comment elle avait pu réussir l'exploit de ne pas attirer l'attention de Mélène. Ni même comment expliquer cette aura qui émanait d'elle.

    — Aura ? répéta Jinah.

    — Chaque individu est entouré d'une sorte de voile qui révèle son état d'esprit, sa personnalité, parfois même ses pensées pour les sorcières les plus douées. Ta mère était comme entourée de chance à l'état pur. Si elle avait choisi la voie de la magie vékine, elle serait devenue une magicienne de brio. Peut-être même la plus puissante de tous les temps, après Véky et Zahy bien entendu. 

    — Vous avez dit à l'époque, se souvint Jinah. Est-ce que ça veut dire que vous le savez maintenant ? Pourquoi ma mère était... comme ça ?

    La Grande Prêtresse lui sourit. Sans lui répondre, elle se leva et contourna le bureau pour se diriger vers une armoire. Jinah l'observa prendre un livre et revenir vers elle, le sourire toujours aux lèvres. Au lieu de se rasseoir, la femme se posta à côté de Jinah et commença à tourner les pages. Jinah ne comprenait pas un seul mot. Il devait sûrement s'agir d'un livre en vékin.  

    La femme continua de tourner les pages jusqu'à tomber sur une double page vide au milieu de laquelle se trouvait un parchemin plié. La Grande Prêtresse le prit et le déplia en l'étalant sur toute la surface du bureau. Jinah l'observa faire, perdue et émerveillée. Elle reconnut immédiatement qu'il s'agissait d'un arbre généalogique immense. Les branches se coupaient, se croisaient, parfois même se mélangeaient, d'autres s'arrêtaient subitement comme si on les avait coupées à coups de hache. Alors que Jinah essayait de comprendre où menait chaque branche, un détail attira son attention. Au bout de l'une d'elle, une fleur venait de s'ouvrir, révélant un nom : Yago. Jinah observa la petite fleur alors que celle-ci continuait de s'ouvrir, révélant des pétales violets brillants. Perdue dans sa contemplation, Jinah aperçut néanmoins du coin de l'œil, une autre fleur, avec en son centre le nom Hanaé, se faner, avant de tomber au pied de l'arbre, ne laissant à sa place qu'un cercle noir avec le nom. Et tout ça sur un simple parchemin.

    — C'est... époustouflant, souffla-t-elle d'une voix à peine perceptible. 

    — L'Arbre Zahien montre absolument toute la descendance de la Grande Prêtresse Antique. 

    — Zahien comme Zahy ? Vous voulez dire que c'est toute sa famille ? 

    Pour toute réponse, la femme lui montra une fleur dorée tout en haut de l'Arbre de l'autre côté du bureau. Jinah se pencha et lut le nom de Zahy. Jinah devina immédiatement que quelque chose n'allait pas.

    — Pourquoi sa fleur n'a-t-elle jamais fané ? Vous m'avez pourtant assuré qu'elle était morte. 

    — J'aimerais connaître la réponse à cette question, répondit la Prêtresse en inclinant la tête. Beaucoup de suppositions sont valables, mais je pense personnellement qu'il s'agit simplement d'un rappel que tant que la magie vékine existera, Zahy en fera pleinement partie. 

    Jinah hocha la tête en parcourant l'immense parchemin des yeux en partant de Zahy. Comme l'avait dit la Grande Prêtresse, Zahy avait eu une fille, Erin qui elle-même avait eu deux enfants et ainsi de suite... la plupart des noms du haut étaient entourés de noirs même si Jinah repéra deux ou trois fleurs encore parfaitement ouvertes. Elle ignorait comment cela était possible et se demanda si comme pour Zahy, la femme avait une explication. Mais avant même qu'elle ait eu le temps de partager ses observations, un nom attira son regard.