Détour

011 | Ivresse

La soirée s'estompait progressivement, laissant derrière elle une Charlie toujours aussi dépassée par les événements.

Une sensation de légèreté flottait dans son esprit. L'alcool, cette boisson qui feignait d'être le remède à tous les maux, glissait dans ses veines avec allégresse. Un bonheur dangereux et éphémère qui calmait l'agitation de son âme fracturée. Un sentiment qui menaçait de lui devenir addictif, voire vital.

Cette insouciance n'était pas seulement l'oeuvre de l'alcool. Bien que le groupe de hockey lui avait offert quelques shots et que Félix l'avait utilisé comme cobaye pour tester des recettes de boissons inusitées, les plus douteuses les unes que les autres, quelque chose d'autre apaisait son être.

La jeune femme n'avait pas remarqué à quel point le poids de la culpabilité pesait sur ses ses épaules, jusqu'à ce qu'on lui la retire. William et elle avaient échangé que peu de mots durant la soirée, mais la simple présence du garçon semblait avoir reconstruit un pont entre eux. La manière dont il la regardait faisait vibrer son être. Sa voix la faisait frémir. Son sourire l'enflammait.

Charlie n'avait pas été la seule à être influencé par les joueurs de hockey. Leur personnalité forte s'était fait remarquer durant la soirée d'ouverture du resto-bar. Leurs rires avaient pris d'assaut l'endroit et leur sociabilité avait envahi les discussions.

L'ivresse les avait également emportés, particulièrement Oliver et Louis qui avaient décidé de fêter. Ce dernier, incapable de marcher sans perdre l'équilibre, avait du s'accoter sur William et Mathieu lorsque fut venu le temps pour eux de quitter le bar.

Avant de partir, William avait jeté un dernier regard transperçant à Charlie. La jeune femme, incapable d'en faire abstraction, en fut paralysée. Dans les iris du capitaine se retrouvait une lumière d'une brillance presque céleste.

Une chaleur intense s'était créée dans le bas-ventre de Charlie. Une fièvre qui s'était ensuite construit un chemin jusqu'à son cœur. Un sentiment étrange et nouveau, dont elle en aurait demandé plus. Un paradoxe avec sa peur de l'inconnue qui prouvait simplement qu'elle perdait doucement ses esprits.

—Bonne fin de soirée ma belle, souffla doucement Jenna à Charlie. Fais attention à toi en rentrant.

La brune lui sourit en guise de réponse, à la fois heureuse et nostalgique que la soirée soit terminée. Les bras croisés sous sa poitrine, elle regarda Jenna par la baie vitrée entrer à l'arrière d'un taxi.

Charlie réalisa seulement à cet instant qu'elle n'était pas non plus en état de conduire sa voiture.

—Je te reconduis chez toi? lui proposa Félix en sortant les clés de sa poche de pantalon.

La nuit maintenant tombée depuis longtemps, le garçon pointa du menton son auto grise qui brillait sous le reflet des lampadaires.

En dépit de l'heure tardive, l'avenue Mont-Royal restait plutôt animée. Quelques passants, toujours en état de festivité, riaient, discutaient et même chantaient. Le contraste entre les lumières de la ville et le ciel sombre rendait l'atmosphère féérique. Il y avait un dynamisme dans le calme.

La métropole semblait vivante.

—Non, c'est gentil. Je vais marcher un peu, ça me fera du bien. Merci, répondit-elle avant de saluer une dernière fois son ami. Bonne fin de soirée.

Enveloppée par cette bulle de quiétude, Charlie quitta le restaurant presque planante. La brise nocturne glissait sur la base de sa nuque et ses jambes nues.