007 | Enracinement

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━━━━━━━━ Septembre

Installée sur une chaise inconfortable, Charlie sortit minutieusement ses effets scolaires sur son bureau. Elle dut plisser ses yeux lorsqu'un rayon lumineux parcourut la pièce. Le soleil en début septembre était ardent et fourbe. Rempli de promesse, il narguait les élèves maintenant enfermés en classe, de retour sur les bancs d'école.

L'été se préparait tranquillement à faire place à l'automne, non sans laisser des traces de son passage. Les mèches de cheveux de Charlie avaient pali, donnant une teinte miel et d'or à sa chevelure. Sa peau habituellement pâle et laiteuse était maintenant tachée par le soleil. De légères taches de rousseur à peine apparentes ornaient le bout de son nez et ses joues.

La fin d'été allait bien à Charlie. La façade était presque parfaite. Seule une certaine fragilité dans ses yeux pouvait peut-être la trahir, mais un éclat serein suffisait à tromper. Une boule se dissimulait pourtant dans le bas de son ventre.

L'anxiété ayant dominé la fatigue, la jeune femme avait eu un sommeil agité. Son cerveau n'avait cessé de fonctionner. Lorsque son alarme avait sonné, le corps et l'esprit de Charlie étaient toujours aussi effervescents.

Comme à son habitude, elle était arrivée en avance en classe afin d'éviter toute situation anxiogène. Installée tout au fond de la pièce, Charlie ressentait une certaine fébrilité. Elle avait attendu le retour en classe avec impatience ces derniers jours. Elle voulait officiellement s'enraciner dans sa nouvelle routine. C'était toujours les mêmes besoins: savoir où elle était et savoir où elle allait.

D'un regard furtif, ses iris se levèrent vers la femme d'une trentaine d'années qui faisait son entrée dans la pièce. Ses pas résonnèrent sur le sol comme un décompte annonçant la fin des vacances.

La professeure déposa un gros sac à main noir sur la table à l'avant. Ses mouvements saccadés dégageaient une énergie très rigide. Sans adresser un regard sur la classe, elle leva son bras droit pour y lire l'heure sur une montre en cuir.

Une présence à côté de Charlie la sortit de ses réflexions. Félix, un éternel retardataire, traînait des pieds jusqu'au bureau voisin. En glissant ses doigts dans sa chevelure noire ébouriffée, il adressa un sourire lumineux à la jeune brune.

Toujours aussi dernière minute à ce que je vois, se moqua-t-elle en roulant une de ses mèches de cheveux entre ses doigts.

Félix était un étudiant en gestion et intervention en loisir. Il avait parfois des cours en commun avec le programme d'éducation à l'enfance dans lequel se retrouvait Charlie.

C'était un garçon irresponsable et non-organisé. Il était du genre à arriver en classe à la dernière minute tout en oubliant son cahier de notes. Le parfait cliché de l'étudiant qui ne faisait pas d'effort en classe, mais réussissait tout de même dans tous ses cours.

Il était le complet opposé de Charlie. Elle se voulait discrète au fond de la classe, alors que lui était le perturbateur.

La jeune femme n'avait, encore à ce jour, jamais réellement compris ce qui avait poussé le garçon à venir lui parler la première fois. C'était il y a plus d'un an, dans un cours de français où Charlie n'y comprenait rien. Félix lui avait adressé la parole pour rire de la chemise mal boutonnée du professeur.

De fil en aiguille, il était devenu son tuteur en français, son collègue puis son ami. Bien que les motivations qui avaient poussé Félix à venir vers elle étaient encore un mystère, Charlie était aujourd'hui très contente qu'il l'ait fait. Il apportait une nouvelle énergie, bien que celle-ci se confrontait parfois à la sienne.

DétourWhere stories live. Discover now